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27/04/2012

KR'TNT ! ¤ 95. FRANK SINATRA

 

KR'TNT ! ¤ 95

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

28 / 04 / 2012

 

 

 

SINATRA M'eTAIT CONTE !

 

 

SINATRA

 

 

ANTHONY SUMMERS & ROBBYN SWAN

 

 

Editions Denoël 2006.

 

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Avant Elvis qu'y avait-il ? Ne la ramenez pas avec votre science avec des réponses de chanoines encyclopédistes du genre : Henry Sloan, qui comme tout le monde sait, enseigna la guitare à Charley Patton et dont le père naquit en 1842 en Caroline du Sud ce qui nous rapproche pas mal de l'année zéro du blues. Non, restons entre gens de bonne compagnie et bien élevée, entre petite bourgeoisie blanche et upper couche populaire trop timorées pour écouter de la musique de nègres et trop évoluée pour se contenter du folk des bouseux issu des Appalaches.

 

 

Le nom s'impose de lui-même. A tel point qu'en 1973 Guy Pellaert finissait ses images de Rock Dreams frappées au coin d'un hyper-réalisme onirique et légendifiées par Nick Cohn par un cliché de the Voice gloussant sardoniquement qu'il survivrait à toutes ces idoles de carton-pâte. J'avoue que je ne suis pas un grand fan de Frankie, tout au plus, sais-je l'apprécier lorsque je conduis de nuit et qu'une radio en manque de speaker déverse à la suite toute une face de 33 tours, manière de meubler l'antenne. De la belle ouvrage, du jazz-crooner d'une réelle plasticité, mais bien trop variétoche pour mes grossières esgourdes de rocker. N'en ai pas un seul disque dans ma collection.

 

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Aussi est-ce plus par curiosité que par passion que je me suis surpris à entrouvrir cette bio, sortie en 2005 aux Etats-Unis. Ne l'ai pas regretté, car si Sinatra n'a jamais été un rocker, quelle sacrée vie rock'n'roll, tout de même ! Comparées les frasques d'Elvis à Graceland ressemblent à des galipettes de gamin. Tellement vrai que nos deux auteurs en ont presque oublié que Sinatra était un chanteur. Ils ont même omis de rajouter une discographie du Maestro, en fin de volume. C'est que voyez-vous s'il est difficile de raconter la vie d'Einstein sans blablater à longueur de page sur la théorie de la relativité, l'existence de Sinatra aussi volumineuse qu'un oeuf de dinosaure est assez captivante en elle-même sans que vous ayez besoin de décortiquer note par note le moindre de ses enregistrements. Doivent pas même citer les neuf dixièmes des 900 titres mis en boite par Frankie !

 

LE PETIT GARS DE HOBOKEN

 

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Naît en 1915, à Hoboken petite ville du New Jersey – n'allez pas chercher plus loin pourquoi dans le monde du rock Bruce Springteen a de toujours été le défenseur de Sinatra – donc pas très loin de New York, vous connaissez peut-être puisque Sur les Quais d'Elia Kazan a été tourné dans le port de la cité, au grand dam de Frankie qui aurait bien aimé endosser le rôle qui fut donné à Marlon Brando, mais nous n'en sommes pas encore là.

 

 

Sera le rejeton unique et préféré de Dolly, sa maman. Toute ressemblance du fils chéri couvé par sa mère n'est pas s'en rappeler l'enfance d'Elvis. Mais la ressemblance s'arrête très vite. Les Presley sont de pauvres gens. Les Sinatra aussi, mais qui savent se défendre. D'origine italienne, donc affilié à la mafia. Nous ne donnons pas dans le cliché facile. Tous les italiens ne sont pas des mafiosi, mais les Sinatra proviennent du même village que Lucky Luciano, moins connu qu'Al Capone, mais beaucoup plus important sur le plan organisationnel et international de la célèbre pieuvre. Le père de Frank n'est pas un grand causeur, mais quand on est un homme de main – nous ne disons pas un tueur - de la célèbre entreprise criminelle l'on sait rester discret. A tel point qu'à la maison, et encore plus au dehors, c'est la mère qui porte la culotte.

 

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Dolly fait de la politique, elle est plus qu'une militante de base du Parti Démocratique, n'en soyez pas étonné, à cette époque la mafia est proche des Démocrates, l'on s'échange des services divers... Dolly est aussi une féministe d'avant l'heure, pratique l'avortement sans faire payer ce qui dans ce milieu catholique très réactionnaire laisse à penser.

 

 

Frank grandit dans la rue, il apprend à se battre avec les copains mais Dolly veille, il sera le gamin le mieux sapé du quartier, elle lui offrira une voiture pour ses quinze ans, se dégotera dès quatorze ans une petite amie avec laquelle il finira par se marier bien plus tard. Nancy, qui l'encourage à chanter. Comme notre jeune homme n'a aucune envie de bosser comme un crétin de prolo ou d'être un troisième couteau de l'Orga, il suivra ce judicieux conseil qui correspond à ce pour quoi il était tout de même le mieux fait.

 

 

LA VACHE ENRAGEE

 

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Ce ne sera pas facile. Son père le mettra à la porte de la maison durant une année entière. Il court les salles de bar et les émissions radio, il essaie de percer. Parvient surtout à trouer ses poches. De 1935 à 1939 les efforts ne sont guère concluants. Finit tout de même par se faire embaucher par Henry James. Attention, il n'est pas seul. De loin l'on veille sur lui. L'on insiste pour qu'il soit embauché dans des cabarets de référence dans le milieu du show bizz, il ne brûle pas les étapes mais il gravit les barreaux de l'échelle un par un. Ne croyez pas que la mafia ne recrute que des tueurs à gage. Tout le monde peut servir, selon son utilité...

 

 

C'est en tournée avec l'orchestre d'Henry James qu'il apprend le métier. Le tromboniste chef l'a à la bonne : le gamin n'est pas beau, ses oreilles décollées et ses cheveux pas très abondants ne sont guère sexy, mais il est indéniable qu'il plaît aux filles et qu'il saute tout ce qui se présente. Un chaud lapin jamais fatigué. S'est marié avec Nancy qui ne se doute de rien. En plus il ne chante pas mal du tout. James le laissera partir au bout d'un an, l'avait signé pour deux ans, mais le chef comprend que le gamin n'est pas fait pour les orchestres de deuxième catégorie.

 

 

LE TREMPLIN

 

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Le voici chez Tommy Dorsey. Autrement dit chez ce qu'il a de mieux sur le marché. Le grand orchestre avec un super swing, de super solistes, Glenn Miller par exemple sortira du big band magique. Avec Henry James, Sinatra aura compris le boulot, avec Dorsey il va apprendre à chanter. Il suffit de regarder comment Dorsey dirige son monde, autorité et savoir faire. Avec James il a gravé quelques 78 tours qui ne marcheront pas, avec Dorsey il enregistre des disques qui commencent à se vendre... Salle comble tous les soirs, Sinatra attire les spectateurs comme le miel les abeilles. Les temps sont venus de voler de ses propres ailes.

 

 

Mais Dorsey n'est pas un sentimental. Il entend bien que sa poule aux oeufs d'or honore les deux dernières années de son contrat. Sinatra se retourne vers ses amis de l'ombre. Un certain Willie Moretti s'en vient discuter avec le boss en sortant un revolver de sa poche. Ce ne sont pas des promesses en l'air. Tommy qui n'est pas idiot comprend très vite les allusions mortuaires d'un tel geste. Il s'incline sans tergiverser.

 

 

L'ENVOL

 

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Pas de chance, un conflit dans l'industrie du disque entre les musiciens et les compagnies qui durera presque deux ans l'empêche d'enregistrer. Se retrouve à chanter dans des salles de catégorie B à moitié remplies – pour ne pas dire à moitié vides – avec tout de même un phénomène intéressant, toute une partie du public est constituées de jeunes filles d'une quinzaines d'années enthousiastes. Ce qui décidera Robert Weitman le directeur du Paramount de Broadway à le programmer...

 

 

Ce n'est plus de l'enthousiasme, c'est du délire. Les jeunes filles exultent, elles crient, elles hurlent, elles s'évanouissent, urinent sur les fauteuils et jettent leur culotte sur la scène. Faudra attendre Elvis pour assister à de telles démonstrations mais nous sommes en 1943 et pas en 1956. Les mauvaises langues prétendront qu'on les laisse rentrer gratis, qu'on les chauffe avant le concert, qu'on les pousse à se surpasser et à faire mieux que la dernière fois, qu'on leur distribue de l'argent, peut-être mais les bobbysoxers – celles qui sont prêtes à enlever leurs chaussures pour se mettre à danser, ou plus si l'Idole le désire, dans leur chambre - hystériques lancent la carrière de Sinatra. Une étoile est née.

 

 

RISQUES

 

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Le succès durera jusqu'en 1947. Mais dès les premiers mois Sinatra commettra bien des imprudences. Que l'on ne peut toutes lui reprocher mais qui pèseront lourd dans la balance lorsque les temps seront en train de changer. Mais pas dans le bon sens.

 

 

Fils d'immigrés italiens il se sentira proche des noirs et des juifs. Toute sa vie il luttera pour l'égalité des droits refusant par exemple de loger dans un hôtel si un artiste black qui l'accompagne se voit refouler. N'hésitera pas à faire le coup de poing si nécessaire. S'engagera en faveur de Roosevelt, partant du principe que la pauvreté est une tare qui doit être éradiquée. Ce qui peut apparaître une idée généreuse qui ne mange de pain mais qu'il défendra en affirmant que si ce genre d'assertion était du communisme eh bien il était alors communiste ! Nous ne sommes plus très loin du maccarthysme, et Sinatra sera plusieurs fois convoqué devant des commissions pour s'expliquer. Tout en niant toute appartenance au Parti Communisme il maintiendra ses propos contre la ségrégation et pour l'extinction de la pauvreté.

 

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Se sépare de Nancy, ce qui le mettra en froid avec la mafia qui aime à ce que les traditions familiales soient respectées. Se fera pardonner en devenant porteur de valises. Non pas pour la guerre d'Algérie, mais pour sortir l'argent de l'Organisation des USA en l'emmenant à Cuba et en Italie, s'en faudra de peu qu'il ne termine sa vie en prison quand les douaniers lui demandent d'ouvrir son sac, sera sauvé par la file des passagers derrière lui pressés de sortir qui commencent à rouspéter, Sinatra le chanceux !

 

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Heureux en argent, malheureux en amour ! En 1951, Nancy ayant enfin accepté de divorcer, il se marie avec Eva Gardner, la femme de sa vie. Tous deux s'adorent, mais ils sont incapables de rester deux jours ensemble sans se disputer. Jalousies des deux côtés, se ressemblent sans doute trop pour pouvoir vivre ensemble. La vie de Sinatra ressemble de plus en plus à chansons : amours brisées, amours déçues, amours perdues.

 

 

Le public se détache de lui, va le reconquérir pas à pas.

 

 

FIFTIES / SIXTIES

 

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Des 1953 à 1962 il enregistrera ses meilleurs albums chez Capitol. Pratiquement à la même époque que Gene Vincent. Mais le rock ne l'intéresse point. Il déteste Elvis et tous ses misérables suiveurs. Leur reproche leurs paroles stupides et répétitives et le fait de ne pas savoir chanter. N'est plus à la tête du Billboard, vit sur son public. Les enfants des Bobbysoxcers se détournent de lui. Il n'aimera pas ses derniers succès ni Strangers in the night, ni My Way l'adaptation du Comme d'habitude de Claude François, ces mélodies ne lui permettant pas de déployer toute la tessiture de sa voix. Reconnaîtra tout de même que les royalties générées par ces deux titres ainsi que le Somethin' Stupid avec sa fille Nancy Sinatra ne sont pas à dédaigner...

 

 

Reste fidèle à ses premiers amis. La maffia ayant pris non sans hésitation la décision d'aider à la candidature de John Kenedy, il se donne sans compter. Chante, organise des réunions, reçoit John chez lui, ne ménage ni sa peine ni son argent. Mais les promesses n'engagent que ceux qui y croient. Lorsque Kenedy refuse de l'inviter à plusieurs reprises à des manifestations publiques et privées Frankie grince des dents, il sait bien que ses accointances douteuses avec le crime organisé risquent de faire tâche... Mais le coup fatal sera donné lorsque le Président renvoie à plus tard les lois qu'il devait prendre en faveur des noirs...

 

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Le frère de John rompt les traditions familiales. Alors que son père avait souvent marché main dans la main avec la Mafia, Robert Kenedy devenu ministre de la justice diligente enquête sur enquête très vite suivies d'arrestations dans les milieux criminels. En Novembre 1963 John Kenedy tombe sous les balles de tueurs embusqués... Bob qui s'est lancé dans la campagne présidentielle est tout aussi mystérieusement abattu que son frère en juillet 1968...

 

 

Sinatra sera convoqué plusieurs fois pour répondre de son compagnonnage avec le crime organisé. Restera très évasif, s'en tiendra à des généralités mensongères, mais l'on sent que les juges qui l'interrogent ne poussent pas à fond l'interrogatoire. Il en avait pourtant des choses à raconter qui l'auraient facilement envoyé derrière les portes du pénitencier mais qui surtout auraient pu mouiller d'autres personnes... c'est qu'il en est défilé du monde dans sa maison...

 

 

La mafia change de camp. Echaudé par les Démocrates elle se rapproche des Républicains. Sinatra suit le mouvement, chantera pour Nixon...

 

 

L'INTOUCHABLE

 

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L'homme possède ses bons côtés. Il est généreux, il distribue son argent au moindre coup de coeur à de parfaits inconnus. Mais il exige de ses amis une fidélité sans faille. Tout ou rien. Avec moi ou contre moi. Ne pardonne aucun faux-pas. Ses défauts et ses qualités seront exagérés par l'alcool. Boit facilement une bouteille de Jack Daniel's en une soirée. Il pique des colères mémorables. S'emporte contre tout et tous ceux qui le contrarient. Use souvent de ses poings. Et encore plus souvent de ses hommes de main. Rancunier, tenace et têtu. Se conduit comme n voyou sûr de son impunité. Saccage ses appartements comme le bar dans lequel il se trouve. Se balade avec une arme. Peut se conduire comme un chevalier servant avec une dame ou traiter la femelle la plus proche de lui de noms peu élogieux. Compte sur son charme, peut aussi frapper, profiter de la moindre faiblesse, mais la plupart de ces compagnes libres ou tarifées ne lui en voudront pas...

 

 

Il chantera jusqu'au bout, la voix éraillée, ne se souvenant plus des paroles, ne se rappelant plus ce qu'il est venu faire sur cette scène, pathétique mais le public applaudit toujours.

 

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Une vie de bâton de chaise, menée à cent à l'heure, beaucoup plus en prise avec son environnement politique et sociétal que la génération des pionniers du rock qui suivit. A donné le la à la carrière de Presley qui comme lui participera à de nombreux films qui ne sont pas considérés comme des classiques du cinéma ! A su rester fidèle à lui-même et sa propre trajectoire initiale. A toujours récusé sa culpabilité, n'a jamais affirmé son innocence.

 

 

Un chanteur adulte pour les adultes.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

REVUE DES REVUES

 

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SO JAZZ. N° 24.

 

Avril 2012.

 

 

Un an s'est écoulé depuis notre chronique du N° 13. So Jazz a maigri. Trente-deux pages sur papier peu brillant. Un quart de numéro rassemble des pubs. Ce serait parfait pour un hebdomadaire, mais pour un mensuel c'est un peu court, surtout que les articles ne sont pas très longs. Sur les deux principaux articles Esbjörn Svensson Trio et Mina Agossi l'on cite Jimi Hendrix comme référence à dépasser ou absolue. Etrange tout de même d'être so rock !

 

 

Damie Chad

 

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MOJO. N° 1.

 

Avril 2012.

 

 

Ca bouge sur les présentoirs. Aussi bien en rap qu'en rock. Des titres disparaissent et d'autres relèvent le flambeau. Souvent l'on s'inscrit dans la suite d'un disparu en essayant de proposer un produit identique ou très avoisinant, l'on essaie de récupérer un public orphelin.

 

 

Mais avec Mojo, c'est une autre histoire. D'emblée l'on s'inscrit dans la catégorie des poids lourds. L'on est allé recherché Sacha Reins l'esx-patron de Best, le seul concurrent de Rock'n'Folk qui se battait dans la même catégorie.

 

 

Mais l'on n'arrive pas sur le marché sans biscuits, Mojo est une revue anglaise de rock classic – pas les pionniers mais tout ce qui s'inscrit dans la suite logique des seventies. Voici donc la version française. Ce n'est pas une simple traduction du numéro en cours en grande-Bretagne, non les deux rédactions sont indépendantes mais la maison-mère est prête à refiler de la copie à volonté. D'ailleurs l'article sur Johnny Cash est la quatrième resucée depuis dix ans d'une contribution vieille de dix ans.

 

 

 

L'on reloocke avec un petit côté spécial frenchy : un long article sur Hubert-Félix Thiéfaine qui est au rock français ce que la petite musique de nuit de Mozart est à un opéra de Wagner, puis le sempiternel articulet sur Gainsbourg et ses chanteuses, l'on ne donne pas dans l'originalité...

 

 

Un CD est offert, pas tout à fait un salmigondis de titres réunis de manière aléatoire, dix morceaux tout de même un peu disparates mais tous extraits du catalogue de Third Man Records, le label de Jack White – c'est vrai que ça ressemble un peu à ce qu'il faisait avec White Stripes mais en moins bien – qui étend sa belle gueule paracétamolisée sur la couverture. La aussi Mojo ne prend pas de risque...

 

 

Le problème c'est que la lecture de Mojo évoque un peu trop Rock'n'Folk, avec des chroniques de disques beaucoup plus courtes mais plus mal écrites. L'on attendra le numéro suivant pour vraiment juger, pour le moment on se contentera de cette page sur Jerry Lee Lewis, le genre de médicamentation qui vous file le mojo pour toute la semaine.

 

 

Mon titre préféré sur le CD : Evil de Tom Jones. Comme par hasard une reprise de Howlin'Wolf, que nous évoquions en notre 93 ° livraison du début de ce mois, lors du concert de Tail Dragger ? Le hasard rock existe-til vraiment ?

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

 

 

MIREPOIX

Petit séjour en Ariège, pas très rock'n'roll ce coup-ci, en flânant dans la médiévale cité de Mirepoix j'ai tout de même récupéré deux affiches rock and blues. Toutes neuves, toutes propres, personne n'y avait touché alors que les évènements annoncés étaient déjà passés... Pour l'expo blues, quelques images sur le net, avis aux amateurs de Popa Chubby par exemple, pour Number Nine un groupe de copains qui font des reprises fiftties-eighties, ne les ai jamais entendus mais l'affiche est belle...

 

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16/04/2012

KR'TNT ! ¤ 94. DECELERATION PUNK

 

KR'TNT ! ¤ 94

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

19 / 04 / 2012

 

 

 

Attention !

Cette 94 ° livraison de KR'TNT vous est servie à l'avance, dès ce lundi 16 avril, because nous nous mettons en vacances pour quelques jours... que cela ne vous dispense pas de jeter un oeil sur la livraison 93 consacrée à BO DIDDLEY. Pour la 95° nous risquons d'avoir un jour ou deux de retard, keep rockin' till next time !

 

 

 

 

 

feu orange

 

 

DECELERATION PUNK / JEAN-MARC QUINTANA

 

 

Avignon, 1977 – 1982 :

 

 

quand le rock'n'roll marchait dans la rue...

 

 

Camion Blanc / 316 pp / Février 2012

 

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Retour vers le no future. Le punk fut la dernière grande explosion rock. En France ce fut plus difficile que partout ailleurs. Passons sur Paris, c'est si grand que vous trouvez toujours quelque gus qui vous ressemble. Ou qui fait semblant. Mais en province. Mais en Provence. Mais en Orange, cité antique, et en Avignon, ville papale, faudrait tout de même pas exagérer. Pourtant ils l'ont fait. Et à la bonne époque. En 1977, l'année punk par excellence. Ont tenu bon six ans. Puis ce sont lassés et le combat cessa faute de combattants.

 

 

N'ont été qu'une poignée. Mais l'on s'en fout, rien ne vaut les histoires d'indomptables qui refusent de se rendre, rien n'égale le dernier carré d'Iroquois qui meurt sur la crête. Jean-Marc Quintana n'en faisait pas partie. L'était ce que l'on appellerait un sympathisant en chambre, les a côtoyés au café mais n'a jamais pu se résoudre à franchir le Rubicon qui sépare la théorie de la pratique. L'avait seize ans à l'époque et cinquante et un de nos jours.

 

 

Entre temps il a joué à l'archiviste, a collectionné les disques, les photos, les revues... et puis s'est enfin décidé à retrouver les témoins de la grande époque et à interroger les survivants. Décélération est formé de tous ces témoignages, réunis et présentés dans un ordre à peu près chronologique. Au début l'on a l'impression que ça sort de partout et que l'on n'arrivera jamais à identifier qui parle ou de qui l'on cause. Mais peu à peu les caractères se dessinent et les protagonistes de l'affaire nous deviennent familiers.

 

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A la base c'est la story de deux frères, Didier et Paul Fernandes, par qui tout a commencé...

 

 

DEVENIR PUNK

 

 

En France – mais aux Amériques et en Angleterre aussi – le punk est né sur le terreau du rock'n'roll. Oui mais voilà, la nostalgie n'étant plus ce qu'elle était, une jeunesse soucieuse de vivre et d'y mordre dedans à pleines dents, s'impatiente de ne pas avoir ses propres idoles. Comme le dit Didier, Eddie Cochran et Gene Vincent c'était un peu le service après-vente post-mortem. L'on voulait du sang neuf, chaud et vivant. Fallait pas s'en faire, tout vient à point pour qui ne sait pas attendre.

 

 

Très loin là-bas sur la Tamise, des troublions ont commis un crime de lèse-majesté, z'ont ricané sur l'anniversaire du couronnement de la Reine. Shocking ! Very Shocking ! Du jour au lendemain les pistoleros du sexe deviennent célèbres. Certes on leur crache dessus ( ceci est une métaphore ), on les vilipende, on les ridiculise, mais enfin les images TV pénètrent dans les foyers les plus modestes et les journaux populaires se font une joie de caricaturer ces nouveaux barbares.

 

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De quoi enflammer l'imagination de nos deux frérots. Réunissent toutes les paramètres nécessaires à leur métamorphose : milieu social modeste, famille recomposée, résultats scolaires peu mirobolants, bref un avenir tout tracé de piétaille prolétaire et de chair à patron... Cela ils le ressentent sans pouvoir l'analyser, préfèrent se livrer à la critique radicale de la daube techno que déversent à pleins seaux radios, télés et boîtes de nuit...

 

 

BAGATELLES

 

 

Ce qu'il y a de bien avec le punk c'est que vous n'avez besoin de rien, si ce n'est quelques épingles à nourrices pour faire tenir le tout. Des t-shirts déchirés, les vieilles chemises du grand-père, des pantalons troués, des godasses sales, pas cher et renouvelable à volonté. Dans un deuxième temps l'on empruntera le cuir des cousins rockers et les chaînes si chères à Vince Taylor.

 

 

Les goûts et les couleurs ( notamment celle des cheveux, rouges, verts, décolorés ) ne se discutent pas assure-t-on. Le moins que l'on puisse dire c'est que de tels accoutrements ne firent pas l'unanimité, ni auprès des parents, ni chez l'épicier du coin. Comme disait Johnny ( pas le nôtre national, l'autre celui qui rote en chantant ) tout sert à pourrir et voici nos apprentis punks qui arborent fièrement croix gammées, brassards SS et autres passementeries militaires du Troisième Reich.

 

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Ce n'était pas un choix idéologique. Avaient vu les mêmes sur les photos des punks anglais. Qui eux-mêmes les avaient empruntés par transmission aux premiers bikers américains. C'étaient des prises de guerre, des souvenirs de la vieille Europe et de leur jeunesse combattante que les motards américains exhiberont fièrement sur leurs motos et leurs blousons. Devant la réprobation générale que ne manquaient pas d'attirer ces emblèmes politiquement un peu trop marqués chez nombre de leurs concitoyens, on les portera bientôt par bravade... Souvent on remplacera la svastiska par la croix de Malte moins connotée... Beaucoup de rockers européens qui l'adapteront parleront d'esthétisme pour en justifier l'usage. Le port de la croix gammée deviendra le signe d'une volonté de choquer plus consciente, plus agressive, voire revendicatrice.

 

 

Car si l'habit ne fait pas le moine, le port d'insignes nazis peut contribuer à révéler les tendances fachisantes de certains individus. Les punks français qui arboraient ce genre de décoration ne furent pas très bien compris par le reste de la population. France terre d'occupation n'a pas laissé que de bons souvenirs.

 

 

Z'auront beau se défendre de toute complicité idéologique, arguer qu'ils veulent choquer l'opinion pour qu'elle réfléchisse et prenne conscience du système de merde qui emprisonne la société, ce fut une condamnation sans équivoque et générale. Faut dire que certaines déviances de revendications pro-hitlériennes chez quelques uns apportaient de l'eau au moulin de la vindicte populaire.

 

 

Jean-Marc Quintana se penche longuement sur le phénomène. L'on peut tout expliquer et tout comprendre, sans accepter le moins du monde clarifie-t-il.

 

 

LA BANDE

 

 

Paul et Didier partent de rien pour arriver à pas grand-chose. Ce n'est pas un constat, mais un programme. Ne savent pas trop ce qu'ils veulent mais ont une conscience aiguë de ce qu'ils rejettent : cette société qui ne leur propose rien, si ce n'est des vies de serfs modernes abîmées par le travail et l'asservissement. N'ont pas élaboré des plans sur la comète; n'ont pas d'espoir en des lendemains qui chantent, ne croient en aucune amélioration possible ou probable. Ce sont des nihilistes qui au nom de leur nihilisme ne proposent et ne demandent rien.

 

 

Circulez il n'y a rien à voir, sauf de sordides épouvantails moulés en leur tenue de clochards magnifiques du rock. Sont juste à l'image de votre laideur. Miroir même pas grossissant de votre ruine intérieure. Après les rockers, rebelles sans cause, voici les punks de la cause perdue d'avance, sans rebelles. Car à part pogoter comme des fous lors de rares concerts, et recevoir en pleine gueule son propre crachat que l'on avait lancé à la face du monde, le punk de base est un désoeuvré métaphysique. Le dernier dandy. Qui porte laid.

 

 

Le phénomène de bande consiste avant tout à rester entre soi. Des solitaires se reconnaissent et se rassemblent. La bande des frères Fernandes suivra un parcours classique. D'abord l'on se rencontre et l'on s'encourage, l'on cherche des lieux - cafés, boites – qui vous acceptent, points de chutes et de divertissement.

 

 

Bientôt lassés de la gueule que tirent les parents à la maison, l'on cherche une chambre à soi : un squat, particulièrement sordide. Davantage de garçons que de filles. Les loups sont plus solitaires que les louves. L'on survit comme l'on peut, petits larcins, aides sociales, chômage, quelques petits boulots pas trop prenants.

 

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Dormir à même le plancher sur des bouts de pizzas n'est pas une fin en soi. C'est le temps des grandes illusions et de l'envol. Direction Londres. Déception ! Des punks à tous les coins de rue, downtown vous n'êtes plus qu'un mouton noir dans un immense troupeau de moutons noirs. Avignonnais et orangeais, plus vrais que les vrais punks, se retrouvent en photo de pochette d'un des 33 tours les plus célèbres de toute la discographie punk, le fameux Punk and Disordely, retrouveront mêmes une de leurs photographies mêlée au reportage à Londres que le magazine Elle s'en est venu réaliser outre-Manche sur les punks british...

 

 

Retour au pays natal : après ces premières années glorieuses de vache enragées l'on se rabat sur des solutions éprouvées : constitution d'un club de bikers, l'on est déjà en contradiction avec soi-même. Un pas dans le vieux monde du rock, aussi déglingué que le reste de l'univers...

 

 

Ce n'est plus qu'une bande de copains inséparables, mais l'on a pris des chambres ou des apparts en ville. Paul est resté le chef, ne sont pas plus nombreux que les sept mercenaires, mais personne ne songe à les embaucher. Par contre après cinq ans d'attitude punk ils ont eu le temps de faire des envieux et d'attiser la haine des jaloux. De tous les côtés de la ville l'on vient les chercher, car qui a semé la tempête récolte un jour ou l'autre l'ouragan.

 

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VIOLENCE

 

 

Relatant le siège de Jérusalem par les Légions Romaines, Tacite glisse en passant une phrase qu'il convient de méditer. Aux avant-postes pour réduire la résistance des juifs, Rome a enrôlé des philistins. Non pas parce que ce sont de meilleurs combattants mais parce qu'ils sont le peuple géographiquement le plus proche des assiégés. Et donc ajoute notre historien, ceux qui les détestent les plus. L'on ne hait vraiment que ceux qui nous ressemblent.

 

 

La haine de l'autre n'est très souvent que la mise en pratique de la haine de soi. Punks et rockers vont s'entredéchirer. Chacun a l'impression que l'autre tribu s'en vient brouter sur son pré carré. La guerre des gangs aux Etats-Unis est une guerre de contrôle d'un territoire économique. La vente de la drogue rapporte gros. C'est la CIA et le FBI qui ont introduit les produits dans les quartiers noirs, à une époque où les Black Panthers prônaient des prises de conscience bien plus subtiles que la nécessité d'une seringue d'héroïne ou d'une pincée de cocaïne. Tant que les kids sniffent de la colle ou s'entretuent pour de l'Angel Dust, tout danger de lutte collective est écartée. Diviser pour régner.

 

 

En France, entre 1977 et 1982, l'on n'en est pas encore là. Et pourtant punks et rockers entretiennent une guéguerre stupide. C'est à peu près au même moment que les rockies instituent à Paris et sa banlieue, le jeu de la dépouille. Pendant que vous prenez le perfecto d'un mec qui vous ressemble comme deux gouttes d'eau, la bourgeoisie du seizième arrondissement peut dormir sur ses deux oreilles. Aujourd'hui dans les cités l'on s'amuse à brûler les voitures des voisins pour fêter le passage de la nouvelle année. Tant que les pauvres s'attaquent aux pauvres, souriez il n'y a rien à craindre.

 

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En Angleterre nos provençaux assistent aux prémisses d'un phénomène inquiétant. Le punk est mort, lui succède le mouvement Punk 's not Dead, qui n'est qu'une copie conforme mais sans grâce ni génie. Les groupes essaient de jouer encore plus mal que les défunts Sex Pistols, et ils y arrivent. Ultimes feux d'une génération qui tire ses derniers boulets.

 

 

Le coup du pendule. Après la déchetterie punk, revoici le tour du mouvement Mod qui relève la tête. Sous une autre forme : les Skins. Un look plus propre sur soi – le blouson skin n'est que la résurgence du Collège américain en réaction dans les années cinquante au cuir des rockers - le cheveu coupé ras. Les ferments d'anarchie du nihilisme punk sont remplacés par un ersatz de pensée nationaliste fortement teintée de racisme et de xénophobie. Pour le coup le mouvement rock prend un sacré virage à droite. Si fort qu'en contre-partie se développera le mouvement Rock against Racism et qu'apparaîtra le phénomène compensateur des Redskins.

 

 

Il est effrayant de penser que la rébellion rock s'est au cours de ses soixante années d'existence souvent teintée d'idéologies d'extrême-droite, comme si la jeunesse populaire de l'occident une fois sa révolte revendiquée n'avait rien de plus pressé à faire qu'à se mettre en attente d'un nouveau maître. Comme le chien qui casse sa chaîne puis retourne dans sa niche pour continuer à garder la maison dont on lui interdit l'entrée.

 

 

THE END, BEAUTIFULL FRIEND

 

 

La place de l'Horloge d'Avignon va sonner les derniers coups de minuit. Nos punks pas plus nombreux que les doigts sont attablés à une table de café, lorsqu'ils sont vivement pris à partie par des bandes rivales. Trois rockers et une cinquantaine de fils d'ouvriers immigrés descendus de leurs cités chauffés à blanc par des propos qu'auraient tenus à leur encontre le mini groupuscule punk.

 

 

A un contre dix la bataille est perdue d'avance. L'engagement est violent et sans pitié, Paul et sa troupe parviennent à se tirer tant bien que mal de l' échauffourée. Ne se rendent même pas compte qu'un jeune maghrébin ne s'est pas relevé... quelques heures plus tard la police arrête Paul... La presse locale et bientôt nationale se déchaîne contre les punks coupables d'un meurtre...

 

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Paul est en prison mais tous les témoignages concordent, ceux de ses amis comme ceux des témoins qui ont assisté aux scènes de combat. La justice relâchera Paul au bout de quelques mois et l'acquittera lui reconnaissant son état de légitime-défense...

 

 

Décélération punk. Après la Place de l'Horloge, plus rien ne sera comme avant. Chacun se sent obligé de s'éloigner d'Avignon... Pour Paul c'est l'adieu au rock'n'roll. A sa sortie de prison il rejettera sa panoplie punk... est passé à autre chose... S'éloigne, se fait oublier, prend un bar en gérance, puis un autre. Revient à Avignon tient un café, pas des plus florissants... a-t-il fréquenté le milieu marseillais ? Un soir de 1996, un tueur l'attend chez lui planqué dans l'ombre des escaliers...

 

 

Trois jours plus tard il serait remonté à Paris avec Didier son frère, assister au concert de reformation des Sex Pistols.

 

 

SANS CONCESSION

 

 

Les livres qui traitent du mouvement punk en France sont rares. Jean-Marc Quintana en préparerait un second sur les groupes punks de la région d'Avignon. Nous l'attendons avec impatience. Cette Décélération Punk nous projette au coeur du mouvement punk français, côté fans. Rien à voir avec les témoignages parisiens d'un Yves Adrien par exemple. Ici, c'est à ras du bitume.

 

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Certains le liront comme les errements d'une jeunesse perdue. A part qu'elle possédait tout de même une boussole rock'n'roll pour se diriger et trouver son chemin. L'on nous répondra qu'ils ne sont pas allés bien loin. Mais alors dans ce cas, regardez-vous et regardez le monde dont vous êtes si fiers. Pas joli-joli ! Et vous croyez avoir fait mieux ? Si j'étais vous je me tairais.

 

 

Les punks ont au moins eu le courage de partir en guerre. Sûrement moins confortable que de glisser une enveloppe tous les cinq ans dans l'urne électorale pour élire quelqu'un d'aussi triste et d'aussi bête que vous au service de la finance capitalistique. A chacun sa révolte.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

KROCKROCDISK

 

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COME TO NEX ORLEANS. CHRIS ALMOADA.

 

COME TO NEW ORLEANS. KISS ME BABY. ALL THE TIME. BROKEN HEAT. ROCK AND ROLL FEVER. SALLY ANN. ANOTHER MORNIN'. CRUISIN'. COOL CAT. ROCK CRAZY BABY. GONE REALLY GONE. SHOW ME THE WAY TO GO HOME. WILD WILD WOMAN. CANNONBALL RAG. BROKEN HEART.

 

RYDDEL'S RECORD.

 

Www.myspace.com/rydellsrecords

 

www.myspace.com/chrisalmoada

 

 

L'on vous a déjà causé de Chris Almoada dans notre soixante et unième édition du 14 juillet 2011. Nous avions alors évoqué son fabuleux travail à la guitare dans Eazy Lazy and his Silver Slippers. Nous vous avions promis d'en reparler. Impossible de le revoir sur scène ces derniers mois, ne donne que des concerts en des cantons perdus comme le fin-fond de la Bretagne ou alors ensemence de ses accords magiques le pays de la frite de l'autre côté de la frontière nord. L'on se rabat donc sur son dernier CD enregistré chez Ryddel's records en juillet 2010 et disponible en octobre de la même année. C'était le premier artefact réalisé par les disques Riddel's qui depuis ont aussi produit un disque du groupe anglais The Obscuritones. D'autres productions devraient voir le jour dans les jours qui viennent.

 

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Si j'en juge au nombre de fois où les amis qui passaient à la maison m'ont emprunté le CD, Chris Almoada possède une sérieuse cote d'admiration et de confiance chez les amateurs. Bien méritée d'ailleurs quand on commence à écouter l'opus. Faudra d'abord vous faire une douce violence, difficile de ne pas passer quinze fois de suite l'instrumental d'ouverture : Come to New Orleans. En fait ce n'est pas du tout un instrumental, vous trouverez même les paroles en page trois de la pochette mais le jeu de guitare est si enlevé que vous ne percevez que lui, emporte même sur ses cordes les éclats de trompette qui l'accompagnent.

 

 

Ensuite ce n'est que du régal. Que ce soit une reprise de Sleepy Labeef ou d' Arthur Adams ou des originaux de maître Almoada in person, ce ne sont que sucres d'orge mentholés. Un jeu d'une finesse absolue que s'en vient souligner une voix teintée de nostalgie et de colères rentrées. Très roots, mais pas servile, recrée, refondé, une magistrale leçon de savoir-faire à chaque fois. Des deux côtés de l'Atlantique il n'y en a pas beaucoup qui arrivent à une telle maîtrise d'intention. L'a dû salement écouter Grady Martin, Gallup et Merle Travis dans sa jeunesse.

 

 

Come to New Orleans, beau titre qui affiche la couleur d'une musique festive mais qui pourrait tromper son monde qui croirait à une descente bluesy du Delta. Nous sommes plutôt avec les cow boys qui s'en viennent dépenser leur paye ( maigre ) dans les clandés louisianais. Côté white rock avec une oreille qui traîne du côté du western swing. Une espèce de retour aux sources alors que l'on se dirige vers l'embouchure. La version de Cruisin' est des plus emblématiques, tandis que chez Gene Vincent l'aspect citadin est renforcé par les breaks d'acier de Gallup, Chris Almoada nous le joue à la campagnarde. Une certaine paresse, renforcée par le morceau qui suit Cool Cat, une indolence bien éloignée des menaces grondantes du Cat man du même Gene.

 

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Ce qui n'empêche ni la dextérité ni la rapidité. Chris Almoada, domine son jeu. L'homme est bien trop modeste pour l'avouer mais il a intégré toute l'american guitar et aujourd'hui il nous sert le gumbo à sa manière. Tortue géante et morceaux d'alligators à volonté.

 

 

L'on en reprendrait pas une deuxième assiette. D'ailleurs pour les collectionneurs, il existe aussi une version 25 centimètres. Un must dans ses deux déclinaisons.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

LITO.

 

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MUSTANG. DANS LE RANG. COMBIEN DE TEMPS. PARTIR UN JOUR. RÊVE DE CHANTEUR. LA LULA, MI MAMA. QUE RESTE-IL ?. SANS TOI. EMILIE. ENSEMBLE A DEUX. J'SUIS ROCKER'S. VIVRE SANS REGRETS. SI TOI ET MOI. RITOURNELLE.

 

Auto-production : Mai 2011. lamusicalito@hotmail.fr

 

 

C'est sur le marché de Provins que j'ai entendu. Reluquai l'étalage pour voir si quelques CD rock ne seraient pas à l'arrivage. De temps en temps j'y trouve quelques pépites. Rien ces derniers temps, à part une compile de Mireille Mathieu, que j'ai fait mettre de côté pour vous. Ne me remerciez pas, dans la vie il faut s'entraider.

 

 

Y avait ce disque et sa chanson qui passait. Mustang, une espèce de country-rock à la française, un peu à la Michel Mallory mais ce n'était pas la voix du parolier de Johnny. Me suis enquis de l'identité de cet inconnu : « C'est Lito, un ami de mon frère, c'est un disque en auto-production. » En ai pris un car il faut toujours encourager les jeunes talents.

 

 

Le petit Manuelito n'est plus très jeune. C'est sur la soixantaine qu'il s'est permis de réaliser son rêve de chanteur. L'avait essayé dans in his early times dans de nombreux groupes mais avait depuis raccroché sa guitare. S'y est remis tout seul comme un grand, avec sa femme et une copine dans les choeurs, plus Eddy Moreau au piano de temps en temps. Guitare, paroles et musiques de Lito. Un véritable rêve de gosse mis en chanson : photo de maman Lula ( ça c'est un prénom vraiment be-bop ) en première page de fascicule intérieur. L'on sent le fils d'immigré espagnol qui a trouvé une seconde patrie dans l'éclosion rock français durant la première moitié des années soixante, qui n'a rien renié de ses origines et de ses amours adolescentes...

 

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Ce n'est pas le disque du siècle, la batterie trop en avant, et l'orchestration trop monotone. Des lyrics qui flirtent trop souvent avec la variété même si les paroles d'un morceau comme Dans le rang auraient pu être interprétées en son époque ( 1965 ) par Noël Deschamps. La voix de Lito n'est pas désagréable mais avec un accompagnement aussi réduit par la force des choses elle ne peut donner sa pleine mesure. L'on m'a assuré que Lito se produit dans les cafés de Paris et qu'il s'en tire plutôt bien. Nous voulons bien le croire.

 

 

De toutes les manières un homme qui déclare : J'suis rocker's dans mon âme et dans mon coeur / Je joue de la gratte, comme un fou, avec mon corps / J'ne connais que 3 accords, et je m'en moque / Je fais du rock, oui, c'est ça, mon job / ne peut pas être mauvais. Ces mêmes titres interprétés par Eddy ou Hallyday auraient certainement eu beaucoup plus de gueule, mais tels quels ils n'en sont peut-être que plus touchants et sympathiques. Une espèce de country-blues-yéyé-nostalgique à la française.

 

 

Damie Chad.

 

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12/04/2012

KR'TNT ! ¤ 93. BO DIDDLEY

 

KR'TNT ! ¤ 93

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

12 / 04 / 2012

 

 

 

 

 

STORY OF BO DIDDLEY

 

 

 

BO DIDDLEY / JE SUIS UN HOMME

 

 

 

LAURENT ARSICAUD

 

 

 

CAMION BLANC / MARS 2012

 

 

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Tout arrive à point pour qui sait attendre. A part que Bo Diddley ça fait des années qu'il piétine dans le purgatoire du rock. De tous les grands pionniers il est celui que l'on cite en dernier, quand on le cite. C'est que l'heure de gloire de Bo Diddley est passée. Il fut incontournable dans les années 62 – 64, après son astre a doucement décliné, soleil pâli, puis oublié.

 

 

Il fut l'égal de Little Richard et de Chuck Berry, mais aujourd'hui certains connaissent mieux Screamin Jay Hawkins ou Larry Williams qu' Ellas Mc Daniel. Et pourtant Bo Diddley est au rock'n'roll ce que le feu est à la fournaise. Essentiel. L'est vrai que l'on a un peu laissé de côté les origines noires du rock'n'roll. A Memphis, Sam Philips avait eu l'intuition de la combine : lui qui commença par enregistrer des joueurs de blues noirs, cherchait un blanc qui chanterait comme un noir. L'a fini par dénicher l'oiseau rare, le corbeau blanc susnommé Elvis.

 

 

Oui mais voilà, Bo Diddley c'était un noir qui chantait comme un noir, plus quelques autres cordes à sa guitare, nous y reviendrons. Encore que Bo Diddley ne se voulait pas totalement noir, revendiquait une arrière-grand-mère indienne – faudra un jour que nous reparlons de l'apport des premiers occupants de la terre américaine au blues – et se définissait vu ses origines novélo-orléanaises comme un noir français. Ce qui est très sympathique pour notre égo national, mais un peu mythique. Faut dire qu'abandonné par sa mère de quinze ans le petit Ellas a dû hélas se forger sa petite mythologie personnelle de secours.

 

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L'aura tout de même de la chance dans son malheur sera recueilli par la cousine de sa mère qui s'en ira vivre à Chicago. N'aura pas besoin plus tard de s'extirper du delta pour monter à la ville. Lorsque son beau-père le mettra dehors à quinze ans ( âge familial fatidique ) s'en ira chanter l'urban blues sur les trottoirs de la big city. N'accusez pas le beau-papa, n'était pas méchant, seulement un peu rigide et ultra-croyant. N'a pas apprécié que le gamin ramène à la maison l'instrument du diable – nous appelons cela, beaucoup moins poétiquement une guitare – mais à part l'harmonium, le violon, et le gospel, la musique n'était pas en odeur de sainteté, chez ce pur puritain.

 

 

DANS LA RUE

 

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La vache enragée notre apprenti-bluesman, il va connaître... mais comme il est décidé à prendre le taureau par les cornes il s'en sortira. Puisque personne ne le remarque sur son pavement, il finira par comprendre que pour attirer l'attention du passant il suffit de savoir s'imposer. C'est dans la rue que Bo Diddley mettra au point les prémisses de son jeu de guitare. Il n'en joue pas, il la percute, il cogne et ne se perd pas dans les détails, rythme entêtant répété à l'infini, il ne charme pas le passant, il le poursuit et ne le lâche plus. N'est pas un styliste, mais un rabâcheur, si fort, si longtemps qu'il finit par vous importuner. Ne vous inquiétez pas, vous allez finir par aimer et bientôt vous ne pourrez plus vous en passer. Dès qu'il a un peu d'argent il s'achète un ampli un tant soit peu puissant.

 

 

Demande à son voisin du dessous un certain Jerôme Green de passer le chapeau afin de récolter un maximum de cents. Comme il n'a rien à faire entre deux morceaux, Bo trouvera à l'occuper en lui filant une paire de maracas. L'est pas tombé sur un imbécile, il acquiert la méthode Diddley en quelques semaines. Tout ce qui rentre fait ventre. Un fond de blues, des rythmes latinos, des transes africaines, du calypso antillais, tout ce qui secoue et se peut répéter indéfiniment, est bon à prendre. Ce n'est pas tout à fait le love supreme de Coltrane, plutôt le bordel intégral à Diddley. Jerôme double très vite la mise en s'adjoignant une deuxième paire de maracas.

 

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L'écoute et regarde tout ce qui passe à portée des ses oreilles, Louis Jordan, T-Bone Walker, John Lee Hooker, et le roi de Chicago, l'étalon séminal des écuries Chess, Muddy Waters. N'est pas seul Diddley, assez grande gueule pour en imposer et s'imposer, a son petit groupe, un peu à géométrie variable, et surtout un style de guitare assez inimitable. Ou plus exactement ce que dix ans plus tard les groupes anglais rechercheront comme la pierre angulaire de la Mecque, un son, la sonorité qui n'est qu'à vous, qui vous appartient et qui vous identifie.

 

 

JUNGLE BEAT

 

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The jungle beat. A première écoute une espèce de grondement indistinct, dans lequel on ne reconnaît rien, une clameur musicale, qui survient de l'horizon, et passe en trombe sans s'arrêter. De prime oreille ça ressemble à une horde de sauvages qui jouent du tam-tam en poussant d'abominables hurlements. Plus des ricanements de hyènes satisfaites d'on ne sait trop quoi. De la véritable musique de nègres à donner des cauchemars aux membres du klu klux klan.

 

 

Lorsque en mars 1955 il enregistre ses quatre premiers morceaux, Bo Diddley déclenche l'apocalypse rock. Monte dans les charts rhythm'n'blues comme une flèche. La communauté noire se pâme, reste à opérer la grande transmutation, l'oeuvre aux blancs. Qui vont vite voir rouge. N'y a pas de Colonel Parker derrière Bo pour arrondir les angles et faire tomber la monnaie. En novembre 55, passage à l'Ed Sullivan Show, Ed lui demande d'interpréter « Sixteen Tons » de Tennessee Ernie Ford, en direct Diddley entonne son hymne national à lui « Bo Diddley ».

 

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Du Diddley tout cru. Sûr de lui. Cette indiscipline lui coûtera cher, Ed Sullivan tiendra parole, télés et radio blanches mettront Diddley sur liste noire. Diddley ne fera jamais la grande carrière qui s'ouvrait devant lui. Il ne faudrait tout de même pas que les noirs n'en fassent qu'à leur tête. Fort opportunément Laurent Arsicaud rappelle que l'éviction du disc-jockey Allan Freed – à qui certains imputent à tort l'invention du mot rock'n'roll – était davantage due à son entêtement de mêler dans ses programmes radio artistes noirs et artistes blancs qu'au scandale des pots-de-vin qu'il aurait touchés de la part des maisons de disques désireuses de pousser la carrière de leurs poulains.

 

 

HEY BO DIDDLEY !

 

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Difficile en France de trouver des disques de Bo Diddley dans les années 60. Il y avait bien ce volume des Rois du Rock présentés par Eddy Mitchell, avec sa superbe pochette marron, un peu au-dessus de ma bourse de collégien. L'on se rattrapait comme on pouvait. Quelques passages à la séquence rock du pop-club de José Arthur, mais le son Diddley était tel si particulier, si différent qu'une fois enregistré dans votre cerveau vous le reconnaissiez partout où il était repris. Chez Buddy Holly et son Not Fade Away adapté plus tard par les Stones – voir Jagger aux maracas - et surtout le splendide Hey Bo Diddley des Animals. D'ailleurs en fin de son bouquin Laurent Arsicaud donne les paroles – avec traduction – de ce morceau qui fit connaître à beaucoup Diddley en Europe.

 

 

Quand on y pense Buddy Holly et Bo Diddley sont antinomiques. Holly recherchait une certaine pureté du son alors que Bo encrasse le sien à volonté. Pourtant Holly a eu besoin de reprendre Diddley afin de percer les arcanes d'un certain balancement rythmique, comme s'il cherchait à s'approprier les racines noires de sa propre musique à laquelle il avait accédé par l'autoroute texane.

 

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Un des mérites de Laurent Arsicaud réside en l'exhumation musicale de Lady Bo. Elle fut la première guitariste femme de studio. C'est à dix-sept ans qu'elle rencontre par hasard – à l'Apollo d'Harlem tout de même – Bo Diddley qui se décide à lui apprendre la guitare. Nous sommes loin d'une histoire graveleuse, Peggy Jones deviendra non pas la deuxième guitare de l'orchestre de Bo mais la guitare double de Diddley. Vous n'entendez qu'une seule guitare, mais en fait il y en a deux qui jouent à l'identique. Ce n'est pas du re-recording, car les hommes ou les femmes ne sont pas des machines, tous deux suivent le même jeu mais de fait ils créent une espèce d'amplification du son qui est en même temps une réverbération. Quelquefois le son se condense et parfois il s'échoïfie. La superposition du même ne reproduit pas le même. N'allez pas chercher plus loin le secret du mur du son de Phil Spector ou les préférences de l'enregistrement live par rapport aux montages pro tools...

 

 

De Bo Diddley l'on n'a retenu que la forme de ses guitares, rectangulaires ou recouvertes de fourrure, effet garanti sur les photos, mais il fut surtout un sorcier du bricolage, un essayeur de génie, un bidouilleur de haut-niveau, un précurseur. Une comparaison entre le son de roadrunner de Bo et le Summertimes blues de Cochran est à poursuivre. Les morceaux sont bien différents mais c'est la même attaque de base sur les cordes en début de riff.

 

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Entre nous soit dit je préfère la version des Animals de Roadrunners à celle de Bo. Peut-être parce que c'est celle que j'ai connue en premier, mais je ne pense pas. La voix de Burdon est chargée d'une intensité tragique – nous sommes à une époque où le rock est pour toute une génération une chose de la plus haute importance existentielle - que Bo ne partage pas. Rigole et plaisante, le double-sens des paroles s'y prête à merveille, mais on reconnaît aussi le super-contentement de soi qui forme le socle de l'égo plus qu'affirmé de notre pionnier.

 

 

Il vaudrait mieux que les chiennes de garde du MLF ne tombent jamais sur la traduction des paroles de Bo Diddley. Se verrait interdire d'antenne, vite fait. Déjà qu'il n'y passe plus beaucoup ! Elles sont d'un machisme échevelé, son premier morceau n'est pas pour rien intitulé I'm a man. Revendication de la fierté noire certes, mais aussi affirmation d'une masculinité débordante, pénétrante.

 

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Beaucoup d'humour machiste que Laurent Arsicaud tempère en rappelant toutes ces femmes qui ont gravité autour de Bo sur scène et en studio. Notamment la fameuse Duchesse – pas plus aristocrate que Parker colonel, mais qui fit phantasmer plus d'un rocker en son temps. Je renverrai à un article de Rock & Folk sorti au début des années 80 qui suivait Diddley et son combo en tournée.

 

 

ROCK'N'ROLL

 

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Diddley a sillonné l'Amérique pratiquement jusqu'aux derniers jours. Se plaint de devoir continuer à bosser à plus de soixante-dix piges pour faire bouillir la marmite. Les droits d'auteur sur tous ses premiers morceaux ne sont que très parcimonieusement retombés dans son escarcelle. Chess et tout un tas d'intermédiaires se sont abondamment sucrés. Diddley a vécu en rocker. N'était pas le mieux doué pour lire les contrats et en a contresigné certains en des périodes de disette...

 

 

A dépensé sans compter quand les dollars étaient là, se trouva fort dépourvu quand ils sont partis. Mais le fric ne fut pas le vrai problème de Diddley. De tous les pionniers il fut peut-être celui qui comprit le plus tôt la nouveauté de son apport au genre de musique qui était en train de se créer.

 

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Se vantera d'avoir inventé le rock - dira qu'il a mis du rock dans le rock - ce qui n'est pas faux. Sans être vrai non plus. Mais il est certain que les premiers disques de Bo opèrent une coupure dans la musique noire. L'a ouvert la porte du rock star system, chanteur qui gagne ses galons par ses talents de musicien. Bo ouvre la voie à Hendrix qui aime Cochran et a accompagné Little Richard sur scène. Hendrix qui fut aussi lancé par Chas Chandler le bassiste des Animals alors que l'on retrouvera la guitare de Lady Bo sur le San Francisco Nights d'Eric Burdon. Comme quoi le monde du rock est un vaste continent, bien plus petit qu'on ne l'imagine.

 

 

Après 1975 les disques de Diddley ne sont plus ce qu'ils ont été, court un peu après le funk et ce qui se fait, essaie de se rattraper aux petites branches pour rester dans le coup. Inutile de singer Prince lorsque l'on est Bo Diddley, c'est un peu le côté décourageant de Diddley. Le tigre ne hurle pas aussi fort qu'il rugissait aux temps de ses jeunes colères. Le succès le rend légaliste, contre la drogue, pour le président et la police. L'on reconnaît certaines accointances avec le comportement déviant d'Elvis en ses dernières années. Ces rockers qui se laissent amadouer par le système et qui préfèrent les shérifs aux indiens sont décevants.

 

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Mais le rôle de Bo Diddley est essentiel. Il aura réussi ce que Muddy Waters n'aura peut-être jamais rêvé de faire. Le pont entre la musique noire et non pas la musique blanche – mais le public blanc adolescent. C'est en cela qu'il reste essentiellement un artiste rock'n'roll, un pervertisseur révolutionnaire du système d'écoute. Ce n'est pas un hasard, remarque Laurent Arsicaud qui signe là un bouquin indispensable, si ce sont des musiciens en grande majorité blancs qui ont endossé l'héritage du grand Bo. Refus du repliement identitaire. Bo est sorti du ghetto. Ce n'était pas pour y rentrer de nouveau par la petite porte de derrière, celle de l'anonymat du père fondateur que l'on cache tout à fait au fond du trou !

 

 

Bo Diddley aura été aussi important pour le rock dans les années cinquante que les Doors dans les années soixante. Pour l'Amérique, bien sûr. Le pays qui a inventé rock'n'roll. Mais qui ne l'aime pas du tout.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

LOOK BOOKS

 

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LES PECHES DE NOS PERES. LEWIS SCHINER.

 

Traduction de Fabrice Pointeau.

 

SONATINE. Septembre 2011. 595 pp.

 

 

Inconnu au bataillon, mais comme c'est estampillé Sonatine j'ai pris les yeux fermés. Jamais été déçu par un de leurs bouquins. Certes ils nous refilent beaucoup de trucs qu'ils vont chercher chez les Amerloques, ce qui à notre humble avis ne correspond pas à un véritable travail d'éditeur, mais comme tout ce qui touche de près ou de loin à la culture populaire américaine nous agrée, nous ne nous plaignons pas. Faut aussi avouer que depuis Edgar Poe les ricains ils tâtent un peu en littérature. Presque aussi bons qu'en rock'n'roll.

 

 

Ce qui tombe bien car Les Péchés de nos Pères sont très proches du rock'n'roll. Vous laissez pas embobiner par le titre qui pue le corn belt et le puritanisme. Lewis Shiner qui est quand même le mieux qualifié pour savoir de quoi il parle l'a très sobrement intitulé Black & White. C'est ce que l'on appelle annoncer la couleur. Enfin au pluriel parce qu'il y a les Noirs d'un côté et les Blancs de l'autre.

 

 

Non on ne va pas remonter à la guerre de Sécession. L'action commence en 1962. Ne vous emballez pas, sur la couverture l'on parle de trhiller, mais il s'agit plutôt d'une enquête, genre un homme se penche sur le passé de son père. Robert un brave petit blanc qui vient de se marier avec Ruth et de trouver du boulot comme chef de travaux pour construire des autoroutes en Caroline du Nord. Marche à fond dans la combine, nouvelle frontière, modernisation du pays, plein emploi, great american democracy number one in the world...

 

 

L'a juste un défaut, l'adore écouter, le soir chez lui, après une épuisante journée de boulot, en éclusant une bière, sa collection de disques de jazz. Lorsque son chef apprend cette innocente manie – non, il ne le vire pas – au contraire lui affirme que le jazz en vinyl c'est comme le cassoulet en boîte, faut le consommer in situ. N'ira donc pas à Castelnaudary mais dans le quartier noir de sa ville de Durham.

 

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Se retrouve vite le cul entre quatre chaises, d'abord la highway qu'il est en train de construire va passer sur le quartier noir, ensuite il tombe amoureux de la copine du leader noir qui tente de s'opposer à la complète démolition des maisons de ses condisciples. Voilà c'est juste le début, je vous laisse lire la suite.

 

 

Peux tout de même ajouter que Robert est en train de mourir à l'hôpital dès les toutes premières pages et que le livre raconte l'histoire de son fils Michael, et que nous sommes en 2004.

 

 

Black and White. Lewis Shiner nous conte une Amérique inconnue – inutile de réciter le couplet sur l'esclavage – celle du racisme ordinaire, du quotidien d'une communauté condamnée à subir et à fermer sa gueule. Pas de manichéisme. Ne dit pas qu'il y a des salauds des deux côtés, beaucoup plus subtil que cela Lewis Shiner, plutôt que les méchants sont moins bêtes que les crétins et les laisser-pour-compte peu enclins à se regrouper pour se défendre.

 

 

En plus au-delà du groupe social qui induit une appartenance et un comportement grégaires, il y a toutes les failles de l'individu plus fragile que l'on ne croit. Les supermen sont rares... L'on se contente trop souvent de minimes victoires symboliques qui permettent de se mentir à soi-même. Par contre le broyeur social ne donne pas dans le symbole. Ou tu t'écrases ou l'on t'écrase. C'est le fameux do it yourself, bien compris.

 

 

Les blancs et les noirs. Les riches et les pauvres. L'on ne prend pas tout à fait les mêmes, mais l'on recommence exactement la même chose. Du moment que certains n'y voient que du bleu, ce n'est pas très grave...

 

 

J'ai voulu en savoir plus sur Lewis Shiner, préférez son site personnel, une grosse bio qui le rend sympathique. A fait mille boulots à la London, a même beaucoup écrit sur le rock – je me disais aussi qu'il parlait trop bien du jazz pour ne pas aimer le rock. J'espère vous avoir mis l'eau à la bouche. Me mets en chasse de ses autres bouquins.

 

 

Damie Chad.

 

 

JAYNE MANSFIELD 1967. SIMON LIBERATI.

 

196 pp. Collection : Ceci n'est pas un fait divers. Grasset. Septembre 2011.

 

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L'ai pécho chez mon bouquiniste le même jour que le Shiner. Double pioche. Très content, j'avais entendu l'auteur à la radio parler de son héroïne. Jayne Mansfield n'est pas n'importe qui. Liberati assure qu'elle est la femme qui a été le plus photographiée au monde. Pourquoi pas après tout ! Cet aspect du personnage me laisse totalement froid.

 

 

Comme tout rocker qui se respecte je n'ignore pas queJayne Mansfield est l'actricce qui a tourné La Blonde et Moi avec Gene Vincent et Eddie Cochran. Pour dire toute la vérité ils ne l'ont jamais croisée même le jour où ils sont venus enregistrer leur apparition dans le scénario. Ce n'est pas grave, le film a contribué à lancer le rock'n'roll aux USA. Une grande actrice comme Jayne Mansfield avait autre chose à gratter qu'à rencontrer nos deux hillbillies boys.

 

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En plus le film est sorti en 1956 et le livre se passe en 1967. Triste année pour Jayne, c'est là qu'elle va mourir. Le livre commence ( et se termine ) par la longue description de l'accident qui lui coûta la vie. La Buick Electra 225 bleu métallisé dans laquelle elle avait pris place avec ses trois enfants et ses quatre chiens ( + compagnon + chauffeur ) ira s'écraser sous le train arrière d'un gros american Trucker sur la route de la Nouvelle-Orléans. Sera punie par là où elle aura péché, ne restera rien de son visage qui séduisit foules et nombreux amants si ce n'est une espèce de plaque raplapla toute sanguinolente.

 

 

En 1967 Jayne Mansfield est déjà une has-been. Les blondes hyperoxydée genre Maryline ne sont plus à la mode. Les goûts de l'industrie et du public changent très vite. Mansfield vit sur sa légende, touche le cacheton pour s'exhiber dans les hôtels et chanter pour la clientèle. Pour elle qui a connu le firmament de la gloire, c'est la déchéance. Qu'elle feint de ne pas apercevoir.

 

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Laisse tout de même 345 000 dollars sur son compte bancaire lorsqu'elle disparaît. Pas si malheureuse que cela. Mais mes comptes d'apothicaire ne font pas la joie de mémé Mansfield. A trente quatre ans, elle sait qu'elle entame le déclin de sa beauté. N'a pratiquement joué que les blondes idiotes et les évaporées bien en chair, avec un tel bagage difficile qu'un producteur pense à vous pour des rôles de composition ! Se console comme elle peut, possède une collection de quatre-vingt dix gros classeurs constamment mis à jour dans lesquels elle colle la moindre coupure de presse qui lui soit consacrée. Ne sont pas toutes élogieuses.

 

 

Mais tant que l'on dit du mal de vous, c'est que vous êtes vivante !

 

 

Très court, écrit gros, nous laisse sur notre faim. A obtenu le Prix Femina. M'enlèverez pas de l'idée qu'il y a eu comme du parti-pris dans cette élection.

 

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Damie Chad.