Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/04/2012

KR'TNT ! ¤ 92. TAIL DRAGGER / LAS VARGAS /

 

KR'TNT ! ¤ 92

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

05 / 04 / 2012

 

 

 

TREMBLAY EN FRANCE / 30 / 03 / 2012

 

 

LAS VARGAS / TAIL DRAGGER

 

numérisation0001.jpg

 

 

Tremblez les gonzesses, l'équipe de choc et d'intervention urgente de KR'TNT au grand complet fonce dans sa teuf-teuf mobile vers la salle de concert de l'Odéon sise au 1 Place du Bicentenaire de la Révolution Française. Pour une fois on arrive sans encombre, tout étonnés de nous entendre répondre par un sympathique couple à qui nous demandions si nous étions encore loin de nous garer tout de suite et de poursuivre à pieds. Nous étions juste à côté à une trentaine de mètres. Flair de rocker.

 

 

C'était bien écrit en gros, Odéon, l'intérieur était tout illuminé mais pas un chat, ni dans le hall ni à l'horizon, si ce n'est une accorte demoiselle à l'accueil derrière son bureau. L'on a commencé à barjoter en s'approchant «  Tu vois pas que l'on serait les seuls ! ». Mais nos espoirs ont été vite déçus, nous qui pensions avoir Miss Black Vargas, rien que pour nous deux, l'a fallu déchanter. «  C'est bien ici le concert de Las Vargas ? » nous sommes-nous renseignés sans trop y croire. L'on nous a sur la seconde fourgué nos billets et devant notre mine ahurie, la jolie demoiselle nous a désigné le mur tout blanc sur notre gauche : «  C'est par là, au bout du couloir. »

 

 

Le corridor ne faisait pas dix mètres, l'on a poussé la porte, c'était tout sombre, au bout de la travée, l'on a vu la scène avec la batterie et les guitares. C'est quand on s'est retourné que l'on a eu le choc de notre vie ( j'exagère à peine ) : c'était bourré à mort, une avalanche de gradins comme dans les arènes de Nîmes, en fait une salle de cinéma, les sièges capitonnés tous occupés, sagement rangés les uns à côté des autres. Restaient plus que quelques espaces tout en haut, alors on a escaladé la pente raide, l'on s'est laissé tomber sur nos trônes rembourrés, et l'on a commencé à humer la salle. Flair de rocker bis.

 

 

En fait l'on avait raison. On était les seuls. Tous des vieux. Et pas des rockab boys. Un public de banlieue blues. Des gens très bien, mais qui ne pigeront jamais ce qu'est le blues a déclaré Alain, pour ma part j'y décernais des fragrances de cette gauche bobo-blues, tendance fromage de Hollande – rosâtre à l'extérieur, très blanc au-dedans. Remarquez je dis ça comme cela, moi je ne fais pas de politique, juste la révolution.

 

 

Z'ont commencé à l'heure. Quelques mots pour nous annoncer le programme futur, à savoir une exposition sur les Stones pour fêter leur cinquante ans de carrière, avec la venue de Mustang – le groupe avec le look roockabilly qui prend toujours soin dans leurs interviews de préciser qu'ils ne sont pas un groupe de rockabilly, ce que tout le monde comprend très vite en les entendant sonner comme Jacques Dutronc – et place au spectacle.

 

 

LAS VARGAS

 

vargas rouge.jpg

 

 

Faut pas se faire d'illusion, le public n'était pas venu pour eux. Un rapide sondage à l'entracte nous confirmera que quatre-vingt-dix pour cent de l'assistance ignorait tout de leur existence. Savais que Miss Vargas était douée pour la scène, pourtant j'ai eu peur que ce soir-là elle ne prêche dans le désert, erreur c'était le dans le dessert. L'a pas pédalé dans la choucroute, les a retournés comme une crêpe. Au bout de trois morceaux, elle les avait tous dans sa poche, sont venus lui manger dans la main, à l'entracte elle s'est délestée d'une pile d'un mètre cinquante de CD.

 

 

Furia espagnole, dans sa robe rouge couleur muleta qui lui collait au corps, s'est chargée de la mise à mort. Z'ont tous succombé. Une hécatombe de taureaux ( j'ose pas écrire de boeufs ) blues en quelques minutes. L'énergie rock'n'roll, vous connaissez ? Attendez, je bois une gorgée d'eau fraîche et je vous fais connaître l'amour du speed à haute tension. Pleine d'humour, le temps que Franky Gombo change de guitare, et hop quelques bâtons de Dynamite au travers de la gueule, ça ne peut pas vous faire du mal.

 

vargas disque.jpg

 

 

Des masos. En ont tous redemandé, encore et encore. Et elle intraitable et intenable gambadant sur scène, avez-vous déjà vu Chuck Berry faire sa célèbre duck walk sur des talons aiguilles ? Moi j'ai entendu Forty Days par Miss Vargas, quarante-trois et neuf dixièmes de fièvre. Pouvez pas monter plus haut, sinon c'est les artères qui pètent.

 

ivargas image.jpg

 

 

J'ouvre une parenthèse. L'on l'avait annoncé : Steve Verbeke a emmené une classe de collégiens qui s'adonnent aux joies pédagogiques de l'harmonica. Etaient venus bien sûr pour la deuxième partie du programme, mais après le set, fallait les voir tous, les yeux gyrophares hors de la tête comme le loup de Tex Avery... Pauvres gamins, se sont faits administrer une claque rock'n'roll de première catégorie, sont pas prêts d'oublier leur première maîtresse d'école, Miss Vargas.

 

 

Maintenant faut être juste. N'est pas seule sur scène notre carmensita rockab, l'est terriblement secondée par sa cuadrilla de choc. Dos picadores à cheval sur leurs guitares – de vrais sorciers - L'un à droite : Franky Gombo, l'autre à gauche : Alfonso Gretshes, plus Mambo Kongas qui à la batterie excite la bête à coups de banderillas explosives, et la contrebasse de Manol Freyches qui meugle comme une vache folle, Miss Vargas viendra plusieurs fois lui tapoter le front avec une serviette pour la calmer...

 

vargas bassiste.jpg

 

 

C'est que la folie en action de Miss Vargas est portée par un son à vous couper le souffle. Contrairement à ce que l'on prétend le rock'n'roll ne se limite pas à trois accords répétés à satiété, Franky commence le set par un twang à la Duane Eddy qui pose d'entrée le débat à son plus haut niveau. L'a un peu trafiqué et boosté son ampli Fender, c'est un régal et un délice. Une alchimie sonore qui surprend les néophytes et comble les puristes. A l'entracte Alain devra donné un cours sur les micros danelectro à des amateurs de blues stupéfaits et incrédules qui n'avaient jamais imaginé qu'ils puissent résonner ainsi.

 

 

C'est un des derniers morceaux, Vamos a la plaga. L'on en a tous besoin, chaleur torride, Las Vargas fonce tout droit, soulève l'enthousiasme, et emporte l'adhésion générale. Nous avaient déjà bluffé à Rockxerre Gomina – voir notre chronique 53 du 18 / 05 / 2011, mais là nous mettons chapeau bas, le groupe a démontré que les barrières entre les genres ne sont que des conventions, à voir ce public blues, debout pour le rappel, l'on se dit que le sang du rock'n'roll n'a qu'une couleur, rouge vif.

 

TAIL DRAGGER

 

tail is bald.jpg

 

 

Bonne bière fraîche à trois euros la pinte, ne traînons pas, nous avons suffisamment évoqué l'interlude entre les deux concerts pour ne pas y revenir. Félicitations aux technicos qui ont bossé en un temps record. Profitons-en aussi pour l'anonymous qui juste derrière nous, aux consoles a assuré un son parfait aux deux sets. Pro de chez pro.

 

 

Sont quatre sur scène, avec au milieu une chaise vide devant un micro. Le maître se fait attendre. Pas de panique le Rockin' Johnny Band nous sert de la bonne soupe en attendant. Une espèce de géant à droite de la scène se lance dans le premier morceau à l'harmo et au chant. Quique Gomez – originaire d'Espagne - jeune encore, mais talentueux. L'ensemble possède une indéfinissable touche jazz, ça coule en cadence mais l'harmonica produit un étrange son de trompette, étonnant mais pas désagréable.

 

 

Dans les trois morceaux qui suivent l'on rejoint peu à peu un blues plus authentique. Le temps de remarquer le jeu de Rockin' Johnny, connaît son Epiphone sur le bout des doigts. Beaucoup de subtilité et d'invention mais toujours cette fluidité extraordinaire qui empêche toute ostentation technicienne. Un musicien qui joue pour la musique et non pour se faire valoir. Rockin' Johnny a dépassé le stade puéril des petites vanités d'artiste.

 

rockinjohnny.jpg

 

Tail Dragger arrive. Un gars qui a bossé avec Howlin'Wolf ne peut pas être de la première jeunesse. Mais avec sa barbe blanche, son allure penchée et sa démarche hésitante, paraît carrément vieux. L'on se dit que heureusement l'on est en salle, rien à craindre d'un coup de vent qui nous le mettrait à terre sans le faire exprès.

 

 

C'est qu'il n'est pas de la première jeunesse le grand-père, vogue allègrement sur ses soixante-treize années puisqu'il est né en 1940. Est arrivé à l'heure, preuve qu'avec l'âge l'on s'améliore. Doit son nom à Howlin'Wolf qui en avait mare de le voir se pointer en retard aux concerts. Devait tout de même bien l'aimer le vieux loup puisqu'il lui a consacré une chanson. Allez l'écouter sur le site rockin-records.overblog.fr, vous me ferez plaisir et en plus c'est une mine sur la musique que l'on aime, le rockabilly.

 

taillougge.jpg

 

Wolf pensait que Tail serait son successeur. Comme quoi nul n'est prophète en sa spécialité. L'a beaucoup tourné dans Chicago, le Tail mais les compagnies ne se sont pas précipitées pour l'enregistrer. L'est tombé dans la mauvaise période, dans les années 80, le blues aux States est au plus bas. Trahi par son public. Les jeunes noirs ne veulent plus geindre dans les champs de coton – désormais produit en Asie - ils ont les yeux tournés vers les paillettes de la Tamla Motown. Ironie de l'histoire n'y a pratiquement plus que les revivalistes blancs du rock'n'roll qui s'intéressent à la chose.

 

 

Et puis le Dragger a un peu vécu comme un vrai de vrai, au bon vieux temps du delta, quand tous les coups étaient permis, s'est retrouvé en prison pour avoir buté un confrère qui chapardait dans la caisse, s'en sortira plutôt bien avec dix-sept mois de pénitencier. Question authenticité c'est parfait, maintenant comme un argument de vente, ce n'est pas trop porteur...

 

 

Prend le micro et commence à parler. En américain. Avec cet accent à couper au couteau que vous n'y reconnaissez pas le moindre mot de ce que vous avez appris au collège et au lycée. Pourrait pas parler français comme tout le monde ! Nous montre la chaise vide, nous recommande de ne pas nous inquiéter si de temps en temps il va s'asseoir. Nous le répète plusieurs fois. D'accord pépé, l'on ne phonera pas au samu. Nous assène alors le coup de poignard vicelard. «  D'ailleurs, vous aussi vous êtes assis ».

 

rochinjohnny2.jpg

 

 

L'on voudrait rire mais l'on en a pas le temps. Voilà que la bande à Rockin' Johnny se déchaîne brusquement. Electrique. Très électrique. Mais ce n'est rien par rapport à ce qui suit. N'a pas terminé le premier demi-couplet des lyrics qu'un ouragan s'abat sur nous et nous scotche au mur. Une voix à arrêter les avions en plein vol. Un organe turgescent d'une virilité sans faille. Stentor-ténor-baryton. Non, ce n'est pas la bouillasse encrassée que vous obtenez au bout de deux cent treize mille six cent quarante sept cigarettes et vingt-cinq mille hectolitres de Bourbon aux quatre roses, non ce n'est pas non plus le hurlement déchirant du blues shouter qui s'ouvre le ventre pour poser ses tripes sur la table. Blues opéra, avec le micro en plus. Comment d'un corps si fragile peut-il s'envoler ce tremblement de terre monstrueux ? Totalement timbré.

 

 

L'avait promis d'être sage et de s'asseoir sur sa chaise, le voilà qui monte les escaliers et qu'il s'immisce entre les spectateurs. Quand il redescend, il se frotte si fort contre les baffles que l'on angoisse, va-t-il nous la jouer à la l'Iggy Pop et les escalader ? Voudrais pas donner l'impression d'être un cafard – mais le blues n'est-il pas toujours un peu cafardeux ? - mais il faut accuser Rockin' Johnny de pervertir la vieillesse. S'est barré dans un trip à la Jeff Beck de la grande époque quand l'électricité crépitait de partout, avec Tail Dragger qui s'amuse à mettre les doigts dans la prise, vous ne serez pas étonnés quand je vous aurais dit que la salle exulte.

 

 

Nos amateurs de blues sont aux anges. Le tempo si caractéristiquement chaloupé du blues les réconforte. Avec le blues pas de surprise, le compte est faux mais l'on finit toujours par tomber juste. Ca balance terrible, mais c'est quand même moins fougueux que l'imprévisible palomino du rockabilly. Ce qui ne nous empêche pas d'apprécier le beau travail de Quique Gomez sur son harmonica.

 

quiqueharmo.jpg

 

 

Tail Dragger a dû être un sacré dragueur – avec son chapeau texan et son collier de barbe blanche il porte encore super beau - il a dû enfiler sa queue dans de nombreux arrière-trains de femelles qui ont dû le quitter furieusement jalouses. Un seul thème de prédilection : Baby please don't go, à croire que la moitié de la gent féminine l'a un jour ou l'autre plaqué. L'est vrai qu'il a de l'allure et a dû faire bien des bonheurs dans sa jeunesse. En tout cas maintenant il fait un malheur et casse la baraque. Sera peut-être un peu essoufflé sur le rappel, mais tout le set sera un régal, servi bouillant.

 

tailchapeau.jpg

 

 

Quant à Rockin' Johnny, ne débande pas non plus. Point d'esbrouffe mais un travail d'orfèvre. Connivence parfaite entre l'orchestre et le chanteur. Ne s'attendent pas, ne se regardent même pas, jouent en parallèles mais se rejoignent toujours. Attention, c'est du sans filet, chacun se permet d'intervenir à sa guise et d'apporter sa petite broderie personnelle sur la trame commune, du velouté de soufre au piment rouge.

 

 

FIN DE PARTIE

 

numérisation0002.jpg

 

 

Tail Dragger assure aussi le service après vente. Pose pour les photos, débite ses CD comme des tranches de saucisson, répond aux questions, sourit et serre les poignes. En rejoignant la voiture je regarde ma paluche droite : l'a toqué celle de Tail Trailer qui de Muddy Waters à Howlin' Wolf a connu tout le monde. Je ne peux m'empêcher de penser à Charley Patton l'initiateur du Loup Hurleur : en trois serrements de mains à travers les siècles l'on remonte jusqu'à l'origine, difficile d'aller plus loin que Patton, si ce n'est quelques noms qui surnagent. Ce soir je suis aux sources du rock...

 

 

Le monde est mal fait. Les collégiens de Steve Verbeke qui sont venus prendre en plein dans les oreilles une leçon in vivo d'harmonica blues, quittent l'assistance au deuxième tiers du set de Tail Dragger. Sans doute une histoire de dernier métro à ne pas manquer. Pauvres gamins, seraient bien restés jusqu'au bout. Tant pis car c'est tout de même l'application du précepte fondamental du blues : quoiqu'on fasse la vie est dure. Chers Kr'tntreaders, rangez vos mouchoirs, ils ont quand même vu Las Vargas !

 

 

Ne soyons pas pessimistes, notre studieuse jeunesse aura ainsi eu la preuve que l'existence peut aussi leur sourire.

 

 

Every day I have the blues, but every night I meet the rockabilly girls. Fastueux programme.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

KROCKROKDISK

 

 

TAIL DRAGGER LIVE AT ROOSTER'S LOUNGE.

 

2009. DELMARK RECORDS 803.

 

With JIMMY DAWKINS. ROCKIN'JOHNNY. KEVIN SHANAHAN. MARTIN LANG. ROB LORENZ. TODD FACKLER.

 

LOUISE. BABY PLEASE DON'T GO. SHE'S WORRYIN'ME. STOP LYING. KEEP IT TO YOURSELF. WANDER. BOUGHT ME A NEW HOME.OOH BABY HOLD ME. I'M IN THE MOOD. EVERYTHING GONNA BE ALRIGHT. BLUES WITH A FEELING.

 

 

L'on n'allait pas quitter Tail Dragger comme cela, on en a emporté un petit morceau avec nous. L'on a choisi un peu au feeling parmi cinq ou six autres CD. Y avait en plus les rondelles des autres musicos. Si l'on s'était écouté l'on aurait pris un exemplaire de chaque, je vais pas vous rappeler la crise et les millions de dollars que j'ai perdus au dernier crack boursier, de quoi vous foutre le blues pour toute la semaine.

 

 

Moi ça va, j'ai la pêche, melba. Sacré Tail Dragger, l'est pareil sur disque que sur scène, faut l'entendre aboyer sur She's Worryin'me. Encore que le producteur a baissé l'intensité de la voix, n'a pas tort faut pas non plus se priver du travail des guitares de Jimmy Dawkins et de Rockin'Johnny, Burgin de son nom de famille. Fermez les yeux, les notes sortent de partout, à croire que j'ai douze enceintes sur ma chaîne. Avec en plus le bruit du public si particulier des ( simili )juke joints – moi j'aurais mis moins de sourdine –, les interventions parlées de Tail Dragger prennent en cette ambiance tout leur sel et tout leur relief. Hier soir, la salle française écoutait religieusement, au Rooster's Louge l'on est plus près du commentaire complice.

 

 

Beaucoup de reprises, du Wolf, de Rice Miller et de Little Walter par exemple, mais attention les morceaux signés de James Y Jones sont de la main de Tail Dragger, s'il fallait les qualifier je dirais qu'ils sont d'un tempo plus rapide, plus enlevé avec une voix qui mord davantage en profondeur, un peu plus rythm'n'blues pour me cacher derrière une formule expéditive.

 

 

Dragger pousse le blues, n'élève pas vraiment la voix, n'en a pas besoin, se contente de très courtes interjections qui pulsent l'énergie dégagée par l'orchestre. Cette facilité, cette aisance, nous rappellent que Tail est un grand parmi les grands.

 

 

Damie Chad.

 

 

TWIN TWISTERS

 

TWIN 1.jpg

 

Vous rappelâtes-vous de notre quatre-vingt-huitième livraison du huit mars dernier. Déjà trois semaines. Nous vous avions présenté le concert des Twin Twisters à Ris-Orangis – en première partie de Jim Jones Revue – ainsi que leur premier CD. L'on en avait dit que du bien. Z'auraient pu se reposer sur leurs lauriers en se croisant les bras. Bien non, sont rentrés en studio pour travailler à leur prochain EP, et surprise au courrier z'ont envoyé leur premier titre en avant-première. Leave me now, que ça s'appelle.

 

 

Le problème c'est que lorsque l'on écoute l'on n'a pas du tout envie de les quitter tout de suite. Plutôt un goût prononcé de revenez-y. Quatre minutes et sept secondes de bonheur. Un régal de guitare, un son rond comme un fruit mûr. Brisure de riffs et reprise vocale plus les Hou ! Hou ! Hou ! festifs de Christopher en guise de choeur. Un concentré de rock électrique, un comprimé de speed avec effet prolongé toute la journée.

 

 

Twin Twisters s'amuse, tout ce que vous devez savoir sur le rock en 247 secondes, ironie discrète et parodie des modèles, un parfum d'insouciance inhérent à la genèse adolescente du rock'n'roll. Le mieux serait de l'entendre, cherchez un peu sur le net et exigez de recevoir leur lettre d'information. Vous me remercierez.

 

 

Do you still love me ? qu'ils demandent à la fin du morceau, l'on ne peut que répondre oui !

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

LOOK BOOKS

 

costantini.jpg

 

 

LA NOTE NOIRE. CHRIS COSTANTINI.

 

EDITIONS DU MASQUE. 2011.

 

PRIX DU FESTIVAL DE BEAUNE.

 

 

 

A PAS COMPTES. CHRIS COSTANTINI.

 

MICHEL LAFON. 2011.

 

notenoire.jpg

 

 

Suis arrivé au festival du livre de Provins un peu avant treize heures. Restait plus que des tables et des livres. Tous les auteurs s'étaient barrés au resto ! Situation agréable qui permet de faire le tour des travées sans être alpagués par des impétrants qui vont vous tenir la jambe durant une heure et demie pour vous vanter les mérites de leur dernier ouvrage sur l'acclimatation du poireau auvergnat en Nouvelle-Calédonie. Me suis donc livré à mon inspection tranquille, pépère, à la recherche d'ouvrages flirtant de près ou de loin avec le rock'n'roll.

 

 

Pas vraiment grand-chose. Ou alors vaut mieux que je me taise pour ne pas dire de mal. A part Jude R de Shaké Mouradian - qui elle était restée courageusement à son stand - que je me suis empressé de re-féliciter pour ce beau livre que nous avons déjà chroniqué dans notre soixante-dix huitième livraison du 22 / 12 / 11. Kr'tntreaders, souvenez-vous, et si vous arrivez après la bataille, dépêchez-vous de l'acheter les yeux fermés. Abstenez-vous toutefois si vous ne partagez pas avec nous une certaine idée phantasmée de l'Amérique.

 

 

C'est après que je suis tombé sur la couverture jaune de La note noire. Avec le bandeau rouge «  Prix du premier roman du festival de Beaune ». Un petit parfum de blues assuré. En fait plutôt jazz. Mais entre fauves, on se comprend. J'ai reposé le bouquin me promettant de revenir...

 

 

Me revoici une heure plus tard, l'air de rien. Enfin presque. Je soupçonne Chris Costantini d'avoir du flair - la moindre des choses pour un auteur de roman policier - m'avait pas alpagué depuis trente-huit secondes qu'il a commencé à parler jazz. Faut pas me chercher, j'ai tout de suite abattu ma quinte flush rock, Vincent, Cochran et toute la sainte famille. Non seulement Costantini a une gueule sympa mais m'a relancé l'appât. J'avais affaire à un connaisseur. Saxophoniste de jazz à ses heures perdues. Qui sont les meilleures. Puis a envoyé la mitraille, un second roman, avec en fin de pages la bande musicale du book. Coup d'oeil rapide : un individu qui cite Creedence Clearwater Revival, Sex Pistols et J. J. Cale ne peut pas être tout à fait mauvais. J'ai pas compté, j'ai réglé la note ( noire ) et suis reparti tout heureux.

 

 

LA NOTE NOIRE. Vais pas vous la chanter. Evidemment il y a un crime. Bientôt multiplié par trois. Et un flic. Frappé par le destin. S'appelle Thelonious Avogaddro. Né aux States, l'aurait pu être baptisé Elvis. Mais non dans la famille ils sont irrévocablement jazzy. Pourtant ça balance pas mal chez les Avogaddro, sa soeur qui se fait harponner devant le domicile familial alors qu'il est tout juste ado, et son très jeune fils à lui qui prend la tangente de la vie ( ça s'appelle la mort ) en des circonstances difficiles à étaler sur la place publique. C'est un tic de famille, a du mal à en jacter notre Thelonius, tout comme sa mère qui refuse de parler depuis le meurtre de sa fille.

 

 

Tout ça s'est déroulé avant. Après il y a le crime. Et la suite. Plutôt embrouillée. Surtout que tout le monde s'en mêle. Jusqu'à la CIA. Le plus retors là-dedans c'est Costantini qui vous refile des fausses pistes avec des pancartes aussi grosses qu'une pissotière de Duchamp : «  Ceci est un faux indice ». En fait c'était un vrai, mais il vous envoyait sur une véritable voie. De garage.

 

 

Le Thel il pianote un peu dans la choucroute. Terminera par lancer la flèche en plein dans la pomme. Comme Guillaume, celui qui a un fils qu'il n'a pas laissé sur le carreau. C'est ainsi, plus notre policier colle à son affaire, moins il s'en approche. C'est lorsqu'il navigue au plus près de ses tourments intimes qu'il décrypte les comportements de l'assassin.

 

 

Qu'est-ce qu'un bon roman policier ? Jusqu'à la dernière page vous ne devez pas connaître le meurtrier. Doit pas non plus sortir du chapeau du magicien comme un deus ex machina. Vous mettrez un triple AAA+++ dans chacune des trois cases. Avec en plus ce petit bémol, l'affaire est réglée. Oui félicitons-nous, le méchant est mis hors d'état de nuire. Mais pas de triomphalisme, le mal est plus profond que le remède.

 

apascomptés.jpg

 

 

A PAS COMPTES. La suite. Une autre affaire. Donc la même. Que voulez-vous l'amorale des romans policiers c'est que les assassins courent de partout. Mais qu'ils ne sont que les ombres de nos cauchemars. Sur lesquelles il est difficile de mettre les mains. Thel a tiré les leçons de sa vie ratée. Quitte la police pour monter son cabinet de détective. Ce qui s'appelle passer du public au privé. N'oublions jamais que nous sommes notre propre assassin, nous nous laissons mourir à petit feu. Beaucoup de maladresses de notre part. Mais on parvient tout de même à se supprimer soi-même. Aussi avant d'en venir à cette finale extrémité, Thel décide de prendre davantage soin de lui – promis demain j'arrête de boire – et s'en remet avec sagesse aux douces mains ( plus ou moins appuyées ) de trois jeunes femmes.

 

 

Avec La Note Noire, nous étions dans un roman psychanalytique policier. Le flic sur le divan et l'assassin dans le rôle de Docteur Lacan. Pour le passage aux aveux, ça pose problème ! Ce coup-ci Thel nous la joue moderne. Médecines douces. Le coup de la patate chaude transgérationnelle à la sauce indienne. Le tout mixé par une ancienne punkette. Kamasutra en option. Attention, faut pas prendre le flic sauvage pour un canard boiteux. Suit l'actualité de près. Se penche sur un trafic de GI revenant d'Irak. Que voulez-vous la mondialisation capitaliste ne s'embarrasse pas de sentiment. N'y a pas que l'US Army qui en prend pour son grade. L'intrusion du privé dans le domaine public et régalien de l'Etat est une catastrophe civilisationnelle. C'est pas un simple flic de base qui y changera grand-chose.

 

 

Thel s'accroche. Suit le labyrinthe de la toile d'araignée qui étend ses fils sur toute la planète. L'on s'y attendait. New York, Copenhague, Irak, le monde est grand, mais c'est le coeur de la grosse pomme qui pourrit en premier. La Note Noire était justement une triste histoire de coeur. A Pas Comptés est une sale histoire de cul. Qui pue. Normal. Plus Thel remonte à la source et s'approche de lui-même, plus cela sent mauvais. Va falloir qu'il coupe les branches pour sauver le tronc. Un flic modèle. Sans pitié envers lui-même. Dommages collatéraux pas qu'en Irak.

 

 

L'on attend le troisième tome. Testamentaire, sur son lit de mort la mère de Thel a ouvert la bouche, et une piste. Que les Dieux refilent à Thel une troisième méchante affaire bien corsée à débrouiller au plus tôt ! Nous lui faisons confiance pour la mener au clair. De toutes les manières là n'est pas notre problème. Ce qui nous intéresse c'est celle qu'il a classée avec suite. Une affaire personnelle. Psychothérapie professionnelle.

 

 

A lire. Entre les lignes. Subtilité du phrasé jazz.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

Les commentaires sont fermés.