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29/03/2012

KR'TNT ! ¤ 91. EDDIE COCHRAN / GENE VINCENT /

 

KR'TNT ! ¤ 91

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

29 / 03 / 2012

 

 

 

THINGS DO GO WRONG

 

 

 

EDDIE, Gene And the UK TOUR

 

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SPENCER LEIGH

 

 

 

ILLUSTRATIONS BY JOHN FIRMINGER

 

 

 

( FINBARR INTERNATIONNAL / 140 pp / 2008 )

 

 

 

C'est reparti pour un tour avec Eddie Cochran et Gene Vincent. Evidemment, si vous n'aimez pas c'est râlant, mais je dois trop à ces deux gars pour que KR'TNT ne leur soit pas en quelque sorte dédié. Sont ici, comme chez eux. Simple question de fidélité à soi-même.

 

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Belle plaquette, tous ceux à qui je l'ai montrée – sans l'avoir seulement entrouverte – ont manifesté leur enthousiasme. Sans même être des rockers pur jus. Equilibre de la maquette, netteté de l'impression, tout concourt à lui donner l'apparence d'un parfait bibelot. Je ne vous parle pas quand les illustrations leur ont claqué à la gueule ! Pas à proprement parler des illustrations, uniquement des coupures de journaux, plusieurs pages disséminées dans le récit mais qui en suivent l'ordre chronologique. Articles de fond ou simples entrefilets, je ne sais pas qui a veillé à l'impression et au passage sur les rotatives mais la lecture en est d'une netteté absolue.

 

 

Très belle collection, rassemblée par John Firminger. Encore un qui n'est pas tombé de la dernière pluie puisqu'il officia au début des années 60 dans les Cruisers de Dave Berry. De ce dernier en France, seule son adaptation de Memphis Tennessee du grand Chuck ( quand on s'appelle Berry, c'est la moindre des choses ) fut remarquée, l'on n'a pas oublié non plus, aux manettes, le travail de Mickie Most – une légendaire figure du rock britannique – qui se souviendra de lui... pour remettre en scène le chanteur du groupe Shane Fenton and the Fentones – de la première génération des groupes anglais, celle ménagée par Larry Parnes, sous le non d'Alvin Stardust. Notons que Dave Berry participa occasionnellement à la tournée qui vit mourir Eddie Cochran. Bien plus tard les Sex Pistols se réclameront de Dave Berry, comme quoi leur reprise de Somethin'Else n'est pas due au hasard...

 

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John Firminger est donc un témoin de première main. S'est souvent affilié avec Spencer Leigh qui a consacré une dizaine de livres aux Beatles - surtout à leurs premières années – pillés sans scrupules par les biographes des Scarabées, tellement ils fourmillent de détails rares et inédits.

 

 

MADE IN USA

 

 

Les deux premiers chapitres sont consacrés aux biographies croisées d'Eddie et Gene aux USA. Deux courbes, l'une qui monte, l'autre qui descend, qui se croiseront plusieurs fois, avant de s'entremêler fatidiquement au début de l'année 60. Commençons par Vincent. Un rebelle dans l'âme. A cette précision près que la révolte peut aussi être stérile. Un pauvre gars. Pas très loin du lumpen-prolétariat. Un solitaire. Marqué dans sa chair et sa vie par un stupide accident d'une voiture qui grille un feu rouge et qui lui broie la jambe. Refusera qu'on la lui coupe. C'était à peu près sa seule richesse. Et puis le succès de Be Bop a Lula qui lui tombe dessus, trop tôt, trop jeune.

 

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Vincent fonce droit devant. Crèvera sous lui tous les chevaux. Ne vit que pour la scène. Des concerts extravagants. En quelques mois tous ses musiciens -les fabuleux Blue Caps - retournent au paddock. Craddock continue. Reforme son band. Et bille en tête sur la route. Une course avec le diable. N'écoute rien, ni personne. Dépense sans compter, mais derrière les impresarii se gavent. Jusqu'au bout de la rocky road blues. EN 1959, lorsqu'il se retourne pour voir qui l'aime et qui le suit, doit admettre l'atroce réalité. N'y a plus personne sur la piste.

 

 

Bill Haley trop vieux pour gagner le coeur des jeunes filles, Elvis à l'armée, Berry en prison, Holly au cimetière, Petit Richard à la prêtrise, Bo Diddley trop nègre pour avoir droit à la parole, Vincent sans contrat, ne reste que Cochran pour sauver la mise. Le beau gosse. Qui a tout pour lui. Relativement à l'abri dans son job de musicien de studio. Un million d'exemplaires de Sittin' on the balcony vendus, une insupportable bluette qu'il n'aime pas, qui toutefois vous donne une stature elvisienne.

 

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Mais des ombres au tableau. Malgré trois titres dans le top 40, la carrière ne décolle pas. Succès d'estime pour Somethin' Else et Summertimes blues, mais l'ombre du colonel Parker gâche le plaisir. Ce n'est pas avec du super rock que l'on reste numéro 1, faut plaire à un public plus grand et être officialisé par le média de pointe, qui n'est ni le disque, ni la radio, mais le cinéma. Cochran attend son rôle, mais il ne vient pas. Cochran ne recherche pas le fric, tous ceux qui l'ont connu l'affirment, mais la gloire.

 

 

Alors à défaut, autant profiter des occasions qui se profilent. Le gars est gentil, mais l'aime bien aussi rigoler avec les copains. S'est amusé comme un petit fou en 57 avec Vincent lors de la tournée australienne, aussi quand Gene qui vient de décrocher un contrat pour l'Angleterre lui propose de l'accompagner, il n'hésite pas. Plus profond aussi, il n'en parle pas, mais la mort de Buddy Holly lui reste sur la conscience. Partir avec Vincent, c'est peut-être rattraper la tournée dans laquelle il avait enrôlé Buddy et dont il s'était désisté au dernier moment. Les affres de la culpabilité vous rongent un homme aussi sûrement que de l'acide...

 

 

A plusieurs milliers de kilomètres de l'Amérique, loin d'une carrière qui exigera des révisions déchirantes, Eddie Cochran se ménage un interlude de totale liberté. Se voit comme un chien fou lâché en liberté sur le lawn. Pour Vincent, la donne n'est pas la même. Faute de grives américaines, se contentera des merles de la couronne. L'un est à l'aube d'une carrière prometteuse, l'autre ouvre son ventral en espérant ne pas tomber trop mal. Douleur à la jambe, accoutumance prononcée à l'alcool, dépression chronique, Gene Vincent est un cocktail explosif sur une seule patte. Evitez les chocs trop brutaux.

 

 

VU D'ANGLETERRE

 

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En Angleterre on les attend de pied ferme. L'on a déjà vu Bill Haley et Buddy Holly, mais sont venus trop tôt et trop vite. La référence idéale reste celle d'Elvis Presley. Et les prétendants ne manquent pas. L'on a compris le système, des gars qui rockent plus ou moins bien, et une belle gueule. L'on a déjà Cliff Richard, mais l'on sent que l'on peut faire mieux. Nombreux sont les prétendants et l'on a même tendance à les fabriquer à la chaîne, Billy Fury, Marty Wilde, Vince Eager et même un Johnny Gentle – au cas où l'on ne saurait jamais. Le promoteur Larry Parnes décide d'une grande tournée, pour donner à tout un chacun sa chance. Manque une tête d'affiche originale pour attirer le public. Pourquoi pas un Américain ? Mais oui bon sang, authentifier la copie par la présence de l'original, voilà te god and astucious idea !

 

 

Fera deux coups d'un seul. Gene Vincent, le seul d'envergure internationale sur le marché, façon de dire puisque l'on va pouvoir l'avoir pour pas trop cher car aux USA ce n'est plus l'Eldorado pour lui. A peine est-il arrivé qu'il propose de faire venir son ami Eddie Cochran. Un peu moins cher, tout aussi bon, et une gueule d'amour à mouiller les culottes de toutes les jeunes filles pré et post-pubères du Royaume Uni.

 

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Pour les rockers anglais, c'est le paradis. Suffit de voir nos sauvageons cinq minutes sur scène pour comprendre qu'ils sont à cinq cent miles au-dessus. Sont venus tout seuls, sans leur orchestre. Ce qui arrange bien Vincent qui n'en a plus. Eddie aurait bien emmené ses Kelly Four mais les syndicats et les lois anglaises ne sont guère favorables aux importations. Feront avec les musicos locaux : qui ne sont pas des manches, s'appellent tout de même Big Jim Sullivan ou Joe Brown. Ces derniers vont en profiter. Si Gene se contente de filer quelques ordres, et tous après moi l'on fonce comme à Gettysburg, Cochran se révèlera être un superbe professeur. Il adore partager son savoir-faire, dévoile ses plans, laisse ses accompagnateurs se charger des soli et s'y connaît même à lui tout seul en batterie davantage que l'ensemble des batteurs anglais. Ne vous demandez pas à quoi sera due l'explosion du mersey beat et la qualité des english studios, deux années plus tard !

 

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ROCK'N'ROLL ATTITUDE

 

 

Hors de scène, Eddie et Vincent sont un peu perdus. Si Gene a demandé à Eddie de le rejoindre c'est aussi parce qu'il se sentait en pays étranger. Chaque soir Eddie téléphone deux longues heures à sa maman, et Gene fera même venir Darlene pour lui tenir compagnie. L'on aurait presque envie de les plaindre. Deux pauvres petits garçons, isolés, loin de tous ceux qui les aiment, dans un pays de neige, de glace, de vent et de brouillard.

 

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Mais à ce petit jeu vous risquez de réchauffer un nid de serpents. Lorsque Jack Good, le producteur de télé, est allé les attendre à l'avion. En est resté de cul. Des gars d'une politesse exquise. Toujours les mots « Yes Sir » à la bouche. Des images. L'a tout de suite affublé Vincent d'une tenue de cuir noir pour lui donner une allure plus convenable. Comprenez, davantage rebelle, plus outlaw, rock'n'roll quoi. S'est un peu creusé la tête Jack Good, un homme de haute culture, a déliré un peu sur Shakespeare et son personnage maudit, borderline, d'Hamlet. Pour Vincent, Elseneur ce n'était pas dans son bagage culturel, par contre l'aspect inquiétant et dramatique de l'adolescent cinglé totalement dans ses gènes.

 

 

L'a commencé par renvoyer Darlene à la maison, et a fini par devenir ce qu'il était : the great Gene Vincent. D'une gentillesse extrême, à part qu'il avait caché dans sa prothèse de jambe un pistolet et un couteau. Les douaniers n'y avaient vu que du feu. Faut pas l'énerver Vincent, souvent au fond du bus il s'amuse à faire tourner le barillet de son arme à feu, un peu trop souvent, vous fout aussi la pointe d'Henry – c'est le nom de son poignard préféré – sur la gorge pour s'enquérir de votre éventuel problème... Avec Vincent il n'y a que deux camps : ceux qui pensent qu'il est à moitié fou, et ceux qui optent pour l'autre moitié. Ce qui n'empêche pas que tout le monde l'adore. Enfin presque.

 

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Eddie en premier. N'allez pas croire que tout roule entre eux. En viennent assez souvent aux mains. Cochran montera sur scène avec des lunettes noires pour cacher ses cocards, mais le baston se finit toujours bras dessus, bras dessous. Deux frères qui ne se ratent pas mais que rien ne saurait séparer.

 

 

Partagent souvent la même chambre. Dorment dans des lits jumeaux. Pas toujours seuls. Les nuits sont agitées. Parfois ils disparaissent on ne sait où, réapparaissent au petit matin, fatigués mais en pleine forme. L'on parle d'orgie, de mineures, à voix basses. En fait les Anglais en font autant. Un peu plus discrètement, c'est tout. D'ailleurs ce qui fascinent les rosbeefs ce ne sont pas leurs frasques sexuelles mais leur penchant pour l'alcool. Du jamais vu chez nos buveurs de bière. C'est que nos deux ricains ont des gosiers plus solides. Se boivent chacun un litre de bourbon avant de monter sur scène, les anecdotes sur Vincent tenant debout grâce à son micro ne manquent pas, l'on peut ajouter les mêmes sur Eddie. Ce qui ne les empêche pas d'être la plupart du temps au top. Le cannabis circule. Si les Beatles ont attendu Dylan pour fumer leur premier joint comme le rapporte l'hagiographie officielle c'est qu'ils devaient être un peu plus stupides que la moyenne.

 

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Pour sûr au début ils ont été surpris par la rigueur spartiate des hôtels britanniques, mais les fureurs de Vincent et ses quelques tentatives de suicide y ont mis bon ordre. Plus la tournée se déroule, plus s'installe un véritable pandémonium... C'est dans cette ambiance survoltée que survient Sharon Sheeley. Spencer Leigh n'y va pas avec le dos de la cuillère, la définit comme «  the ultimate groupie girl » rappelle comment elle a simulé un accident de voiture devant la maison de Ricky Nelson pour entrer en contact avec lui, et nous montre Eddie dormant plus souvent dans la chambre de Gene que dans celle de Sharon... Ce qui est sûr, c'est qu'elle reste seule le soir pendant que nos deux amis partent en virée privée. Hal Carter, avec qui Eddie s'est entendu pour qu'il prenne dès son retour aux States la place de Jerry Capehart, est sans ambages : il annonce que Sharon Sheeley et Billy Fury sont sortis ensemble... Le lecteur avide de recoupements significatifs ne manquera pas de relire notre quatre-vingt neuvième édition du 01 / 03 / 12 qui recense le livre de Sharon consacré à ses amours secrètes avec Eddie Cochran...

 

 

THE END

 

 

La tournée est un succès. Plusieurs milliers de personnes chaque soir. A tel point que Larry Parnes rajoute dix semaines de concerts. Mais nos rockers sont fatigués, réclament quinze jours de repos à la maison. Il eût été préférable de prendre le train, mais l'on optera finalement pour un taxi. Lorsqu'il apprendra la fatale nouvelle Parnes ne décolérera pas : leur ferait presque un procès pour rupture abusive de contrat.

 

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Pour Eddie de toutes manières, c'est râpé. Gene reviendra honorer les dates. De toutes les manières, aux States il n'est plus rien. L'a été touché dans l'accident à sa jambe blessée et aussi dans sa tête fêlée de l'intérieur. Tristesse noire et mélancolie saturnienne l'assaillent. Ne se remettra jamais tout à fait de la disparition d'Eddie. Même si peu à peu il parlera de moins en moins de lui. Ce qui ne signifie pas qu'il a fait son deuil.

 

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La mort d'Eddie marque la fin symbolique de la première génération du rock anglais. Dans l'interlude des quelques mois qui séparent le funeste 17 avril 1960 de l'éclosion des Beatles, Vincent n'aura pas la force de changer la donne à lui tout seul. Avec Eddie tout aurait pu être possible. Sans Eddie, Vincent va s'enfoncer dans une lente agonie. Il lui reste encore des périodes fastueuses, la campagne de France et l'enregistrement de Bird Doggin', mais très vite il apparaîtra aux yeux des nouvelles générations venues au rock par la révélation Beatles comme un has been d'une époque révolue.

 

 

Parnes le refilera à Don Arden qui l'exploitera sans vergogne. C'est en le manageant quelque temps que Peter Grant tirera les leçons des dangers de la grande distribution pour les groupes de rock, s'arrangera pour que Led Zeppelin soit maître de ses finances et de ses productions. Règle numéro un : ne discuter qu'en position de force. Règle numéro 2 : ne compter que sur ses propres forces.

 

 

La grandeur de Gene Vincent sera d'avoir lutté jusqu'aux derniers jours qui précédèrent sa mort. Leçon de courage et de dignité. Le Screamin' Kid de Norfolk aura tout perdu. Sauf l'honneur du rock'n'roll.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

REVUE DES REVUES

 

 

VINTAGE GUITARE. N°7.

 

Avril - Juin 2012.

 

 

Je n'avais pas plutôt fini l'article précédent que poussé par un instinct rock'n'roll des plus inconscients je me suis retrouvé devant mon kiosque de journaux préféré, dès fois que le prochain Vintage aurait pointé avec quelques jours d'avance le bout de son nez sur le présentoir. Bingo ! A cinq mètres de distance la photo d'Eddie Cochran en couverture m'a sauté aux yeux !

 

 

 

Plus la guitare orange en gros sur la couverture, ce ne pouvait être que Vintage ! C'était Vintage. Je passerai le reste des articles sous silence, attention il n'y a que du bon, à vous faire des bonds de trois mètres cinquante, et d'autres de commande si vous n'avez pas les numéros précédents. Trouve seulement à redire sur le logo Fender qui vient mordre sur la photo d'Eddie, le roi de la Gretsch, mais là je chinoise.

 

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Pour cette fois je n'évoquerai qu'un seul article, d'Arnaud Legrand. Qui se fait chahuter dans le courrier des lecteurs pour voir égratigné quelque peu Bob Dylan dans le N° 6, ce qui n'est pas un mal, quand on vieillit si mauvaisement il n'est pas étonnant que l'on vienne vous chercher des poils sur les oeufs cassés de votre jeunesse.

 

 

Commencez par râler un peu, va vous falloir attendre trois mois pour avoir la suite des huit pages offertes cette fois-ci. Ca ne correspond pas vraiment au titre de couverture : Les Guitares du Rockabilly, mais ce n'est pas un drame. Article de fond et de réflexion sur l'origine et l'identité du rockabilly. Bien sûr l'on fait la part belle à la Gretsch 6120 d'Eddie et aux Martin's D-18, D-28, mais ce n'est pas le plus important.

 

 

Evidemment le parti pris d'Arnaud Legrand risque de choquer tous ceux pour qui l'essence rockabilly se résume au drapeau sudiste. Plus la panoplie en option : relents racistes, conservatisme politique étroit et américanisme béat. Non Arnaud Legrand plonge loin en avant dans les racines noires de la bête sauvage. Jusqu'au dix-neuvième siècle avec l'apparition des Minstrel Shows qui voient des artistes de music hall blancs du nord se grimer le visage en noir pour singer le comportement des nègres. La parodie n'est-elle pas la première forme de reconnaissance de l'autre ?

 

 

Les noirs du Sud ne s'y trompent pas et reconnaissent dans les outrances des acteurs leurs propres pitreries imitatives des maîtres blancs. Si l'expression melting pot signifie quelque chose c'est bien dans cet échange incessant que vont désormais entretenir culture blanche d'origine européenne et culture noire d'origine africaine.

 

 

Mais quand on quitte l'aspect culturel des choses il ne reste plus qu'à reconnaître que la seule richesse des pauvres petits blancs du Sud n'est autre que la misère des populations noires issues de l'esclavage situées dans l'échelle sociale un cran au-dessous... Pas de quoi vraiment se vanter.

 

 

D'ailleurs musicalement parlant, country blanc et blues noir vont au début du vingtième siècle se mélanger et s'emprunter allègrement tout ce qu'il est possible d'échanger...

 

Les vielles chansons et ballades de cow-boy de l'Old Times – musique populaire importée d'Angleterre et d'autres pays européens - vont se tonifier au contact du jazz. De l'improvisation de ce dernier l'on gardera un farouche esprit de liberté et de sa pulsation rythmique l'on élira le swing comme moteur d'entrain numéro 1. Du western swing l'on passera – avec de nombreux aller-retour – au honky tonk qui fixera l'imagerie du lonesome looser que la vie accable – au country boogie d'un Merle Travis ou d'un Joe Maphis. Ces deux derniers prouvent au combien que cette musique de paysans plus ou moins déracinés possède ses virtuoses.

 

 

Nous sommes après la guerre. Blancs et Noirs vivent encore chacun chez eux, dans leur quartier et font semblant de ne pas se regarder. Mais le cross-over se réalisera. Les petits blancs du Sud n'en peuvent plus : ce n'est pas qu'ils vont s'élever philosophiquement contre la ségrégation raciale. Le modèle va exploser de l'intérieur. Le puritanisme protestant est devenu insupportable : les jeunes gars ont envie de s'amuser – notamment avec les jeunes filles – crier, boire, danser, baiser ( ceci n'est pas un nom mais un verbe ), ce n'est pas encore le jouir sans entraves de la génération hippie mais c'est plus qu'un grand pas opéré en ce sens.

 

 

Cette fièvre, cette urgence, cette révolte ce sera la génération rockabilly qui la portera. L'article s'arrête sur Elvis Presley qui vient de pousser la porte du studio Sun... Entre temps, les noirs ne sont pas restés inactifs, ont mis le turbo sur le vieux blues des grands-pères qui déjà n'étaient pas du tout pépères. Mais il ne faut pas rêver, ce ne sont pas les disques de ces nouveaux chanteurs noirs – les fameux race'series plus tard rebaptisés ryhthm'n'blues – qui allaient porter le coup de grâce aux carcans de la morale étriquée de la majorité blanche du pays...

 

 

La partie ne sera pas gagné d'un seul coup. La génération Presley remportera une victoire mais pas la guerre. Si Cochran et Vincent s'en viennent en Europe, c'est qu'ils furent doucement mais sûrement éjectés par l'institution du showbiz... Mais ceci est une autre histoire. Ce qu'il est important de se rappeler – et Arnaud Legrand s'y emploie magnifiquement – ce sont ces racines noires du rockabilly, que quelquefois l'on surnomme white rock. Parfois avec derrière la tête des idées suprématistes pas très claires.

 

 

Si la rock-music retourne périodiquement se laver les pieds et la face dans le cri primal du rockabilly ce n'est pas un hasard. Le rock'n'roll, s'il ne veut pas vieillir ou s'institutionnaliser a besoin de se retremper aux sources conjointes des révoltes blanches et noires. Car aujourd'hui comme hier, c'est toujours la même oppression capitalistique – il faut désigner l'ennemi par son nom pour ne pas être dupe de ses nombreux avatars - sous des formes différentes, mais sans cesse renaissantes qui essaie de séparer et de prêcher la division et de souligner les différences pour mieux régner. Le rock'n'roll qui oublie cette réalité perd son âme.

 

 

Attention, beaucoup d'autres articles aussi passionnants que celui-ci dans ce dernier numéro de Vintage Guitar.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

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