19/12/2011
KR'TNT ! ¤ 78. FRANCK TENOT / SHAKE MOURADIAN.
KR'TNT ! ¤ 78
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
22 / 12 / 2011
Avertissement Juste pour signaler aux esprits distraits, qui oublieraient de parcourir la soixante-dix-septième, que cette soixante dix-huitième livraison de KR'TNT datée du 22 est mise en ligne dès ce lundi 19 décembre ! |
EDITO On vous le dit parce que c'est vous, mais c'est notre dernière séance. De l'année, refermez cette fenêtre, ne vous laissez pas emporter par le désespoir et reprenez courage, vous aurez encore à nous supporter tout le long de l'an 2012. Par contre le 29 décembre, entre deux réveillons, il ne faut pas compter sur nous, nous serons à quatre pattes essayant tant bien que mal de nous souvenir de notre nom. Il y a aussi le fait que l'on a intérêt à se faire oublier de vous pauvres lecteurs, car des coups foireux comme celui qui se profile sous l'édito, il vous en sera difficilement arrivé en votre vie. Le coup du poignard dans le dos, longtemps que nous le méditions, une livraison consacrée au jazz voilà ce que nous avions préparé pour nous faire haïr davantage. Et ne croyez pas que vous allez vous en tirer avec Love Supreme de Coltrane, nous sommes beaucoup plus vicieux ! Après tout le mal que nous en avons dit nous nous penchons avec délectation sur le jazz français. C'est comme le champagne de Californie mais en pire. Faut pas oublier que le premier rock français a piqué dans le milieu french-jazzy les musicos capables de tenir un rythme sans trop de mal. Enfin, on a pensé à notre cadeau de Noël, rien que pour vous, une jolie jeune fille – tout de suite vous nous trouvez plus sympathiques – elle fait de la musique mais cette fois on s'est intéressé à son premier roman – un road-thriller haletant. Elle s'appelle Shaké Mouradian, c'est la petite-fille de Jean Renard qui écrivit entre autres pour Hallyday, Mitchell et Rivers. Ouf ! On retombe sur nos pattes rock ! Damie Chad. |
Celui qui aimait le jazz
frank tenOT
Fondation FRANK TENOT / EDITION DU LAYER.
Nous l'avons trouvé chez notre bouquiniste préféré. Sans le disque. Car à l'origine il était livré avec un CD. Sans surprise : contenait les titres qui servent de titres au chapitre. L'on ne voudrait pas être méchant mais pour un spécialiste du jazz Ténot ne s'est pas foulé : Billie Holiday, Django Reinhart, Glenn Miller, Ella Fitzgerald... j'en passe et je termine sur Louis Armstrong, pas vraiment des inconnus, enfin qu'importe la fiasque pourvu que l'on ait le whisky.
Nous ne sommes pas ce qu'on appelle des dingues de jazz mais il y a de quoi être déçu. Le jazz n'occupe pas plus de trois pour cent des 190 pages du bouquin. Frank Ténot nous raconte sa vie. Depuis tout petit il collectionne les disques de jazz, il ne parle que de jazz avec ses copains, il est inscrit au Hot Club de France de Bordeaux, il assiste à tous les concerts de jazz qu'il peut, il présente des spectacles de jazz, il écrit des articles sur le jazz, il fait des émissions de radio sur le jazz... mais tout ce que vous voudriez savoir sur le jazz jamais il ne vous le dira. Toutes les dix pages il lâche du bout des lèvres un nom de musicien de jazz et c'est tout. Ce qu'est cette musique, et l'effet qu'elle produit sur sa petite personne vous n'en saurez rien.
En fait dans Celui qui aimait le jazz, Monsieur Ténot parle surtout de Celui qui, l'amour du jazz s'en contrefiche plus que s'en contrebasse. Le pire c'est que l'individu n'est pas sympathique. Sort d'un milieu un peu protestant coincé du cul par sa mère, et très gauche molle par son père. N'a pas aimé les Allemands qui envahirent la doulce France après une guerre pas si drôle que ça. Veut bien écouter de Gaulle à la radio, mais n'est pas prêt à sortir les grenades camarade ou la mitraille de sous la paille.
Pourvu qu'il puisse organiser ses petites soirées bordelaises jazz-hot il n'en demande pas plus. Note que les Allemands ne sont pas farouchement contre le swing si on leur cache qu'il a, à l'origine, été enfanté par des négroïdes de race inférieure... ce serait plutôt les partisans de la collaboration pétainiste qui ne supportent pas le modernisme de cette musique. Notre patrie possède une indécrottable musicalité accordéo-franchouillarde qui vient de loin.
Y revient plusieurs fois : n'aime pas les zazous. Trop vulgaires pour lui, s'entêtent à préférer les soli de batterie et les parties chantées. Sont aussi un peu trop remuants, pas très politiquement corrects. Rappelons que pour certains historiens les zazous passent pour les précurseurs des teddies britanniques. Pour ma part je parlerai davantage de rencontres parallèles que de filiation, les teddies provenant de milieux beaucoup plus populaires.
La guerre terminée, Ténot monte à Paris, il y rencontrera deux figures tutélaires : Boris Vian et Daniel Filipacchi. Boris Vian c'est l'esthétique zazou sans le costume, l'intello qui a tout compris et qui ne se prend pas au sérieux. Mais c'est aussi l'imbécile bourré de préjugés esthetico-petits-bourgeois qui a laissé passer le rock'n'roll et l'a rabaissé, avec la complicité de Michel ( qui joue au ) Legrand compositeur moderniste, et Henri Salvador visiblement mal inspiré, au rang d'une farce grossière.
Daniel Filipacchi est d'une autre trempe. Se sont souvent entrevus. Tous deux adorent le jazz. Via Vian, Ténot est branché collège de Pataphysique, Filipacchi beaucoup plus attiré par la poésie surréaliste. Deux univers assez proches qui finiront par se mélanger avec des gens comme Noël Arnaud et Raymond Queneau. Nous sommes ici plus près de la littérature que de la musique. Mais c'est bien le jazz qui va réunir nos deux mercenaires. Filipacchi place des photos à Paris-Match et Ténot écrit des chroniques de disques pour Radio-Cinéma, la première mouture de Télérama...
Pour faire bouillir la marmite Ténot est entré au Commissariat de l'Energie Atomique, se dépêche de se faire élire délégué du personnel à la CFTC. Difficile de trouver un syndicat plus à droite. Cela lui permet de s'absenter à volonté de son travail et n'a pas l'air de lui déplaire politiquement... plus tard il sera encore à la table de négociation, mais de l'autre côté, en tant que patron de presse...
La chance va venir du côté où il l'attend le moins. De la radio, non pas de Radio-Luxembourg ou de Paris-Inter qui lui ont déjà ouvert leurs micros mais d'Europe 1, on lui demande d'animer une émission sur le jazz, six jours par semaine, deux présentateurs en alternance, Ténot et Filipacchi. Tout de suite, ce dernier capte l'entourloupe, pas de gué-guerre entre eux qui finirait immanquablement par le renvoi de celui qui serait jugé le moins apte. Seront tous les deux à l'antenne, en même temps. Pour Ceux Qui Aiment le Jazz deviendra une émission culte... qui serait oubliée depuis longtemps si quatre ans plus tard en 1959 nos deux compères ne réalisaient une OPA sur un petit programme destiné à grandir, Salut Les Copains !
C'est ainsi que le jazz devint le cheval de Troie du rock'n'roll auprès de notre saine jeunesse. Filipacchi qui a su surfer du jazz au rock passera de celui-ci au yé-yé en douceur. Mais le présentateur vedette a compris que l'avenir était aux média de masse. En 1962, débute une autre aventure : le journal Salut Les Copains s'arrache dans les kiosques...
Ténot et Filipacchi laissent l'émission ronronner et s'interrogent sur l'afflux de capitaux qui leur tombent dessus... De la musique qui vous fait remuer le cul ils bifurqueront sans états d'âme vers le cul tout court : ce sera la création de Lui... qui dégagera tant de bénéfices qu'en 1976 Filipacchi est en mesure de racheter Paris-Match... En 1981, avec Lagardère il s'offrira le groupe Hachette...
Remarquons que Filipacchi revient à son milieu d'origine, son père fut le co-créateur de La Bibliothèque de la Pléiade qu'il revendit à Gallimard avant de travailler pour... Hachette. Se fit surtout remarquer au début de l'Occupation pour la liste des 1000 titres de l'édition française en contradiction avec l'idéologie des Occupants... Filipacchi est aussi le filleul d'Hugues Panassié, celui qui fonda en 1932 le Hot Club de France, qui imposa le jazz en France mais qui refusa le modernisme du be-bop, cantonnant la musique noire au hot-jazz que l'on a fini par surnommer New-Orleans...
Daniel Filipacchi n'eut pas les préventions de son parrain... Parti du jazz pur pour en arriver au rendement financier de la culture massifiée, difficile d'être au plus loin de l'esprit des premiers souffleurs de bugles des descendants d'esclaves d'outre-Atlantique... Une leçon à méditer pour tous les fans de base : la musique qui nous libère est aussi celle qui forge nos chaînes. Normal puisque nous l'achetons au lieu de la créer.
Les lecteurs voudront connaître la fin de l'histoire de Frank Ténot, en queue de poisson, il a acheté une belle maison à Marnay pas très loin de Provins et est mort en 2004. Riche et heureux. Avec la grosse tête : dans les trente dernières pages du bouquin il nous raconte ses rêves, vachement passionnants, dans lesquels il rencontre de Gaulle, Kenedy et Mao. Tout le monde s'en fout. Sauf lui. Pour que son nom ne soit pas oublié il a créé La Fondation Franck Ténot qui soutient financièrement le CAMAC, Cente d'Art de Marnay Art Center, dédiée à l'art contemporain. Sous toutes ses formes. Pour l'avoir visité à plusieurs reprises, je dirais que je n'ai pas été souvent convaincu par les expositions présentées... Cela aurait besoin d'un grand coup de balai rock'n'roll. Ou à défaut jazz.
Damie Chad.
LOOK BOOK !
JUDE R. SHAKE MOURADIAN
MY MAJOR COMPANY BOOKS / XO Editions
J'avais envie d'écrire Salement Rock. Mais non, j'ai dû revoir ma copie. Salement Jazz.
C'est vrai que ça déménage sec. Des cadavres comme s'il en pleuvait. Avec un tueur inaltérable. Aux States en plus. On the road. And in the South. Chaleur moite et fillette en froid avec l'existence. Que demander de plus, sinon de s'asseoir sur la banquette arrière usée et satinée de crasse de la Chevrolet pourrave de Jude, de prendre l'R de celui qui comprend tout et d'attendre que le problème se décante avec les miles avalés.
Vais pas vous donner de fausses joies. Au début plus on avance, plus ça devient glauque. Petit à petit le lecteur un peu finaud finit par comprendre. Je suis grand seigneur, vous donne un indice, c'est le même genre de poursuite que celle de Complot à Memphis de Dick Rivers ( chroniqué dans notre livraison N° 29 du 02 / 12 / 10 ). Si vous n'avez pas lu, pas la peine de sortir votre mouchoir. Je vais essayer de vous aider à y plus clair dans les noirs. C'est l'Amérique qui se penche sur son passé. Poisseux, avec du sang sur les mains.
Ce qu'il y a de déroutant dans ce road-movie-book, c'est que l'héroïne – non ce n'est pas un livre sur le trafic de drogue – rêve de rencontrer le jazz. Nous sommes pourtant en 1970, elle pourrait faire un effort et rêver de rock, mais non notre post-pubère ne kiffe que le son de la New-Orleans et les clandés plus louches les uns que les autres. Ambiance torride : la moitié de la ville a décidé de décaniller l'autre. En plus dans l'ombre, en cherchant bien vous ne manquerez pas de renifler la présence de la CIA, avec le cheval de retour du FBI sur la piste, z'avez intérêt à faire gaffe aux tirs instinctifs. Surtout ceux qui sont préparés de longue date.
Apparemment ça swingue beaucoup plus méchant dans l'univers impitoyable de Dallas. Car nos deux tourtereaux s'y dirigent à tombeaux ouverts. Ils ont troqué la Chevrolet contre une Ford Mustang. Blanche, comme le cheval du prince qui à la fin du conte à dormir couché.. mais nous sommes aux USA, et comme dans tout western qui se respecte nous pénétrons dans le saloon pour une sympathique partie de cartes. Un poker d'enfer, plutôt. Mais on s'en fout, on a la quinte flush dans la manche. La petite Lipi qui joue comme une grande.
Un père et passe ! Les jeux sont faits. Attention la fin de l'histoire sort des rails contrôlés de la morale. Ca risque de jazzer dans les milieux du politiquement correct. Shaké Mouradian coupe et mélange les cartes de l'intrigue avec dextérité et les abat en professionnelle. Mais elle ne triche pas. Pas plus de prisonniers que de rédemption. Pour les bons sentiments vous repasserez. Pas de happy end. Pour la simple et bonne raison qu'il n'y a pas de fin. N'y a que la faim du lecteur qui est rassasiée.
America, la dernière frontière du mythe. Beau comme du Steppenwolf. Idéal pour les kr'tntophiles qui dévorent les livres comme l'aiguille parcourt les sillons du disque. Ni rock, ni jazz. Blues. Mais très noir.
Damie Chad.
KRONIKROCK
MA DERNIERE SEANCE / EDDY MITCHELL
C'est pourtant vrai / C'est un rocker / Nashville ou Belleville / Sur la route de Memphis / Il ne rentre pas ce soir / L'esprit grande prairie / Tu parles trop-Daniela-Be bop a Lula / La dernière séance / Avoir 16 ans aujourd'hui / Alice-Je vais craquer bientôt-A crédit et en stéréo / Au bar du Lutetia / Vieille canaille / M'man / Laisse le bon temps rouler / J'ai oublié de l'oublier / Toujours un coin qui me rappelle / Le blues du blanc / J'aime avril à Paris / Rio Grande / 18 ans demain / Le cimetière des éléphants / Lèche-botte-blues / Couleur menthe à l'eau / The last train / Pas de boogie woogie / C'est pourtant vrai / Come back
Cadeau d'une admiratrice, impossible de refuser. Me dévoue toujours pour le plaisir des dames. Pouvait pas mieux tomber après notre livraison 75 dédiée aux premières années du grand Schmall. Double disque enregistré à l'Olympia les 3, 4, 5 septembre 2011. La dernière tournée, celle des grands ducs. Remettra pas le couvert. A raison. Ai entraperçu une petite vidéo sur le net où Mitchell esquisse un pas de deux. N'ai pas pu m'empêcher de penser qu'il avait l'allure d'un vieillard. N'empêche que la voix est sûre et que le père Eddy a mis le paquet.
Un bel emballage. Cartonné, à l'intérieur simili-bande dessinée avec une très belle pose à la Gene Vincent, micro incliné, jambe en avant, genoux à terre... Be Bop A Lula cantonnée au medley Chaussettes Noires, merci pour l'hommage, mais on l'aurait aimé en dernier morceau.
Premier disque, tous les grands succès d'Eddy Mitchell se suivent. Faut contenter le public. Pas de surprise donc. Un résumé de carrière, parcours obligé. Orchestre policé sous la direction de Michel Gaucher, déjà au saxo dans 7 Colts pour Schmall en 1967. De la belle ouvrage mais trop de cuivres pour nous. Trop pale blue eyed soul à notre goût. Plus près des orchestrations de Stevie Wonder que des cataractes de Muscle Schoals. Je crois l'avoir déjà reproché...
Disque 2 : même limonade, l'instrumental The last Train n'apporte rien et les cinq minutes et demie de Pas de Boogie Woogie au clavier écrasé par les trompettes en devient fatiguant. Revient une dernière fois pour nous dire qu'il ne nous fera pas le coup du come back... Honnêteté professionnelle jusqu'au bout des ongles. Cadeau final : six duos de morceaux déjà sur le disque. Préférons nettement les versions en solitaire. Un harmonica d'honneur a Jean-Jacques Milteau qui nous revisite version quasi cajun La route de Memphis, celle du rock'n'roll que Mitchell n'aurait jamais dû abandonner.
Pour nostalgiques qui se sont vus vieillir.
Damie Chad.
21:54 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.