Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/12/2011

KR'TNT ! ¤ 77. DICK RIVERS.

 

 

 

KR'TNT ! ¤ 77

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

15 / 12 / 2011

 

 

 

DICK'N'ROLL !

 

numérisation0017.jpg

 

C'est le mal aimé du rock'n'roll français. Le Poulidor de la troisième position. Et encore souvent on le place derrière Ronnie Bird. Faut dire que les deux grands frères, Mitchell et Hallyday, depuis le jour qu'il s'est cassé avec la caisse, lors d'un spectacle à trois, font tout pour ne jamais le citer. Tu peux marcher sur mes pompes de daim bleu, mais ne touche pas au fric !

 

 

Et puis Dickie c'est l'empêcheur de rocker en rond. S'est radiné du fond de sa province natale pour jouer les trouble-fêtes dans un mini-périmètre qui englobait le berceau du rock français : au sud pas plus bas que Créteil, au nord pas plus haut que l'Eglise de la Sainte-Trinité, à l'ouest pas plus loin que le Golf-drouot. Y avait tout juste de la place pour deux, alors le troisième larron il était un peu de trop.

 

 

Et teigneux avec ça. Une voix de velours et un sale caractère. Déjà rien que dans son groupe, il griffait un max. S'en est plus vite dégagé qu'Eddy de ses vieilles chaussettes, sans compter que sur scène avec ses Chats Sauvages, il se la pétait grave, capable de faire le répertoire en langue anglaise, comme un grand. Un fils de petit-bourgeois avec de l'instruction diront les mauvaises langues. Plutôt un gamin fou d'Elvis qui faisait tout ce qu'il pouvait pour donner l'illusion d'être comme lui.

 

 

Bon, arrêtons les pleurs. C'est quand même lui qui – dans la série j'aime que l'on me haïsse - vient de déclarer : «  Je ne suis pas riche mais je paye l'impôt sur les grands fortunes ». L'a tout de même tiré son épingle du jeu le grand garçon ! Doit être plus futé qu'il n'y paraît. Je ne suis pas là pour vous parler du dernier Rivers – bonnes critiques un peu partout – ni du premier, genre virée dans la folie des early sixties où tout le monde était beau et gentil. Non je veux simplement revenir sur des années cruciales pour le rock français, celles du tout début des seventies.

 

AVANT 70

 

JESSUIS TRISTE.jpg

 

Commençait à patiner dans la choucroute l'ami Dick, après mai 68. L'avait bu à toutes les sources les années précédentes. Couleurs un peu de folk à la Donovan, Qui se cache, du sitar à la George Harrisson, du proto heavy-rock avec C'est ça la vie emprunté aux Animals, et du pompier pompéïen avec Les Portes de la Nuit, avec attention George Martin le preneur de son des Beatles in person à la console. S'était même très bien tiré de sa session cuivrée au Muscle Schoals Studio que lui avait refilée Mitchell qui revenait d'enregistrer Alice et six autres petits frères qui feront le succès de son 33 De Londres à Memphis.

 

L'avait eu un déclic salvateur en mai 68. L'avait mis en boîte une version de Summertime Blues d'Eddie Cochran, un peu sauvage, un peu déjantée, brouillonne mais qui avait du punch, assez proche dans l'esprit de celle des Blue Cheer. Elle passa de rares fois sur Europe 1, et ne fut disponible l'année suivante que pour les encartés de l'officiel Fan Club Dick Rivers, la fameuse Rivers Connection. Un coup d'épée dans l'eau ?

 

 

C'est qu'à l'époque Rivers cherchait un peu la quadrature du rock, un truc rythmé avec des violons, un accompagnement symphonique avec des cuivres qui rockent. Une espèce de rythm'n'blues qui fasse musique de chambre et opéra wagnérien. Un monstre introuvable, mais l'époque était farcie d'électricité qui pétouillait dans tous les sens. La moindre idée devenait un double-album, tout était permis puisque rien n'était interdit.

 

 

Le pire c'est qu'à force de tourner autour du pot en l'an de grâce 1969, Dick Rivers va accoucher du chef d'oeuvre. L'en a vendu quinze mille exemplaires en quarante ans de L'? ! Ca vous interroge ? Normal, c'est un trente-trois tours intitulé L'Interrogation. La pochette ressemble à une pissenlit mauve que l'on vous suggèrerait d'effeuiller. Un peu, beaucoup, n'allez pas jusqu'au bout, vous n'aimerez pas du tout.

 

 

Un truc innommable. Un concept-album, une comédie musicale, un pot-pourri de rythmes divers, de la samba à Pierre Henry, cent pour cent variétoche, mais boursoufflée à en crever. L'histoire de monsieur tout le monde qui se demande pourquoi il vit puisqu'il finira comme tout le monde par crever. D'ailleurs sans surprise il meurt sur le dernier morceau qui nous refait le Crépuscule des Dieux de Wagner en moins bien, mais avec quatre-vingt musiciens qui déchirent. Entre les morceaux vous entendez la voix funèbre de Gérard Manset qui joue le Monsieur Loyal du Destin.

 

l4INTERROGATION.jpg

 

En son style unique c'est insurpassable. Et je ne crois pas que dans les deux siècles futurs qui se profilent à l'horizon temporel quelqu'un osera se lancer dans la compétition. Les jours où l'envie de vous tirer une balle dans le caisson rôde d'un peu trop près autour de votre cervelle, je vous en conjure ne l'écoutez pas, même si vous pensez qu'après, plus jamais une question angoissante ne viendra vous inquiéter.

 

 

C'est tout ce que vous voulez, mais ce n'est pas du rock. Deux ans après, en mai 71 Dick nous refile, la queue entre les jambes, un lot de consolation. Pas très fameux. Rien que le titre phare Bye by Lili avec son pseudo-arrangement Paris-Accordéon vous colle des boutons en trente-sept secondes. Pauvre Dick, le soldat perdu du rock'n'roll.

 

 

DICK'N'ROLL

 

 

Ce qu'il y a de bien, c'est que le soldat Rivers va se sauver tout seul. Comme un grand. Sans crier gare. Tout seul, pas vraiment. Avec Labyrinthe. Pour le grand public un de ces nouveaux groupes des années 70 qui ont les dents longues et qui font de la pop-music. Par quel miracle vont-ils se retrouver avec Dick Rivers sur le Dick'n'Roll ? C'est que Labyrinthe ne sort pas du néant. A l'origine dans les années 60 nous avons Jean-Pierre et les Rebelles, puis les Rebelles et au gré de multiples ramifications et scissions et ajouts divers nous passons par les Tarés qui accompagnèrent Ronnie Bird, puis les Problèmes qui furent derrière Antoine et qui devinrent les Charlots. Une grande bouffonnade qui aurait pu se terminer tristement si de tout ce magma n'était sorti Labyrinthe.

 

 

Le milieu rock français est minuscule : les mêmes noms se retrouvent partout. L'on se repasse les bons plans et l'on se refile les bonnes adresses. C'est Madame Andrée David-Boyers, la future belle-mère de Dick Rivers qui logera dans sa villa les Rebelles. N'est pas que la belle-maman de Dickie, l'est aussi la principale réalisatrice – plus de cinq cents tournages à son actif – des films Scopitone. C'est chez elle que seront filmées les plus belles images de Vince Taylor. Les Chaussettes noires aussi.

 

 

Dans notre mini-hexagone l'on se soucie peu de nos cousins canadiens. Dick a remporté ses plus beaux succès en ces lointains arpents de neige. Il y emmènera les musiciens de Labyrinthe en tournée. Bernard Photzer à la guitare, Donald Rieubon à la batterie, Raymond Bureau à la basse, Claude Arini aux claviers, Rivers au chant. Le succès est au rendez-vous chaque soir. Revenu en France le même phénomène se reproduit. C'est un véritable groupe soudé qui carbure à fond et qui fait la différence. Une évidence s'impose, pour corriger les errements sirupeux de sa récente discographie, un retour au rock s'impose.

 

 

C'est ici que le génie de Rivers nous surprend. Il aurait pu se lancer dans n'importe quelle aventure. La pop-musique lui tendait les bras. Le public lui aurait tout pardonné. Pourvu que ça pulse et que ça déménage. Les oreilles sont grandes ouvertes et prêtes à recevoir le nouveau rock'n'roll. Mais non, ce sera le retour à la case départ. Quinze vieux rock comme on n'en fait plus. On ressort les partoches de Buddy Holly et de Little Richard. Ce que Mitchell avait réalisé après s'être débarrassé des Chaussettes, Rivers va-t-il nous le refaire dix ans après avoir lâché les Chats ?

 

idick'n'roll.jpg

 

En plus, il prend tous les risques, Eddy in London sonne tout de même mieux que Dick à Toulouse. Car Rivers emmène son monde dans la capitale du cassoulet. L'on sent le roussi, les heures de studio sont moins chères en province, un disque enregistré à la va-vite, à l'économie. Stupeur dans les bacs à galettes. Dès le mois de septembre Dick'n'Roll est disponible chez les disquaires.

 

 

Question pochette, rien à redire. Salement rock'n'roll. Même Mondino qui par la suite habillera souvent les 33 de Rivers ne la surpassera. J'avoue avoir tiqué en étudiant le dos. Un bon point pour la Harley, un peu convenue tout de même, une tracklist cent pour cent rock'n'roll, mais Labyrinthe reste le gros point d'interrogation. Sont bien les mêmes qui ont commis une reprise de Jacques Brel ? Attention danger !

 

 

A première vue tout est correct. La plupart des morceaux ne dépassent pas les deux minutes. L'on pressent le un, deux, trois partez boogie à fond, quatre, c'est terminé. Du vite-fait bien fait. Sans fioritures ni chiures de mouches. Le chanteur devant et le combo qui donne la chasse par derrière. Du classique. Pour un peu on ne l'écouterait pas. On l'a déjà entendu dans la tête, ce n'est pas la peine de perdre du temps. Le rock'n'roll est une musique platonicienne, vous pouvez atteindre à son étincelante beauté rien qu'en imaginant l'épure du morceau avec votre intellect.

 

 

En fait ça, ce sont les théories que je sors pour impressionner ma copine qui prend des cours de piano au conservatoire mais qui n'avait jamais entendu parler de Jerry Lee Lewis. C'est son prof qui a été surpris quand elle le lui a fait écouter : «  C'est un très bon pianiste ! » a-t-il déclaré. Mais on le savait déjà.

 

 

Bref à peine chez moi, me suis précipité sur le pick up pour juger de la bête. Aujourd'hui, l'on comprend mieux. Enfin si vous arrivez à l'écouter in extenso, car ce n'est pas le disque de Rivers le mieux mis en avant sur le Net. C'est surtout un disque que l'on a passé à la trappe de l'Histoire du Rock'n'roll français. Que voulez-vous ce n'est que du rock'n'roll !

 

 

C'est beaucoup plus que cela. Rien de plus que le chaînon manquant entre le rock des pionniers et les Stray Cats. Je n'ai ni nommé les Cramps ni les Flamin'Groovies. Exactement ce que Lennon aura été incapable de faire sur son Rock'n'roll qui n'est qu'une copie conforme sans âme et sans originalité des disques originaux. Malgré l'imagerie du Star-Cluberienne l'ensemble pue la contrefaçon et le faussaire sans génie.

 

 

Tout le contraire du Dick'n'Roll. Tous les morceaux sont revisités et réinterprétés. Les frères Jacques et Pierre Ploquin jouent des cuivres. Pas question d'une section à la Stax, l'on privilégiera les aboiements de meutes et les trompettes de jugement dernier. Pas d'instrumentation, mais un son. Mirifique et pourrave. Vous pouvez ne pas être d'accord. Mais chaque piste est un coup de poing sur la gueule. Une pêche terrible. L'esprit du rock'n'roll est là. Avec en plus le bruit et la fureur. La voix est trafiquée, la réverb est utilisée à contre-emploi, non pour acérer le son et le rendre coupant et rebondissant, ici au contraire elle l'écrase et le fragmente en mille chuintements. Même Led Zeppe sur ses bootlegs n'a su faire preuve d'autant d'imagination lorsqu'ils se lancent dans un meddley de reprises de Cochran ou de Presley.

 

 

Le problème c'est que leDirigeable ne fait que des reprises. Plus tard Rivers nous donnera tout un disque de reprises de Buddy Holly et même qu'il l'adaptera par la suite en langue française. Mais avec Dick'n'Roll, nous sommes hors du champ hommagial. C'est plutôt du dynamitage. Le but n'est pas de reprendre mais de métamorphoser. Jamais le vieux rock n'aura alors sonné comme cela. Même le Summertime blues des Blue Cheer – voyez comme nous retombons sur nos pieds – malgré sa démesure sonique n'est parvenu à un tel point de désintégration phonique.

 

 

THE ROCK MACHINE

 

rock machine.jpg

 

L'année suivante en avril 1972, Rivers nous livre le tome 2. La donne a quelque peu changé. Dick'n'Roll s'est écoulé à plus de soixante dix mille exemplaires. Bashung a rejoint l'équipe. Restera des années avec Rivers à apprendre les finesses du métier. Donnera un superbe morceau de sa propre plume, le titre ronfle comme un tube des années rock, Hold on qui emporte la mise et propulse l'ambiance très haut. Malgré cela ce deuxième volume est légèrement inférieur au Dick'n'Roll. L'album est bâti sur le même principe. Il n'en est que plus étoffé et quelque part plus sage.

 

 

Vous pouvez préférer ce dernier et même vous abandonner aux volutes du Dick Rockin' along... The Rivers, mais Dick a changé le fusil d'épaule. Pente country, de la belle ouvrage, en anglais, Bashung aux manettes, mais je préfère chouchouter les trois quarante-cinq tours suivants aux pochettes superbement dessinées par David Rochline. Trois des plus originales covers de simples français.

 

numérisation0033.jpg

 

 

Du cousu main. Des textes mijotés à la virgule près par Bashung, Koolen et Mya Symille, nostalgie rock et revival à tout berzingue. Avec les deux trente-trois précédents, ils ont dû salement impressionner deux de nos héros qui moulinent depuis quelques temps sur braquet de pédalos asthmatiques. En 1974 Eddy s'envole pour les USA et revient avec son Rocking in Nashville. Comme l'on ne prête qu'aux riches les journalistes s'extasieront sur ce rocker qui le premier de sa génération est retourné au rock. Si j'avais été Dick je l'aurais encore mauvaise. En 1975 c'est autour de Johnny de pousser ses petits couplets sur Rock à Memphis.

 

numérisation0021.jpg

 

Sans compter dès 1972, le dernier retour de Vince Taylor, sur le devant de la scène. Bientôt suivis de Bill Haley, Fats Domino, Little Richard, Chuck Berry et jusqu'à Jerry Lee Lewis, le gentleman sudiste, à la Fête de l'Humanité en septembre 1972.

 

 

En attendant repassez-vous et caressez Marilou et Sherry dans le sens du poil pubien et surtout goûtez la guitare électrique de Jean-Pierre Alarcen sur Rock'n'roll Star. Un de nos rares guitar-héros qui se perdra dans les méandres du prog et du jazz rock. L'emmènera avec lui Rieubon et Arini du Labyrinthe. Mais un inconditionnel à sa manière. Un pur qui préfèrera sa musique à l'argent facile. Et que l'on a fini par oublier alors qu'il est un de nos musicos les plus talentueux.

 

numérisation0030.jpg

 

Vous raconterai une autre fois la suite des aventures de Monsieur Rivers comme s'amusait à l'appeler Gérard Klein un des rares animateurs de France-Inter – viré après 68 - qui ait tenté de le programmer un peu systématiquement. Je vous laisse sur le single Brother Jack + There ain't no blues sky qui accompagnait la sortie de The Rock Machine. Retenez toutefois l'essentiel, le rock français remis sur orbite grâce à l'irremplaçable legs des pionniers. Ce n'est pas un hasard si les Stray Cats ont trouvé la gloire en France. Dick'n'Roll avait préparé les oreilles.

 

 

C'était dans la série : les très riches heures du rock'n'roll français : Dick Rivers !

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

URGENT, CA PRESSE !

 

 

 

JUKEBOX MAGAZINE. H.S. N° 16.

 

Les Années Rock & Twist. 1960 6 1964.numérisation0022.jpg

 

Trimestriel : Volume 1 : de A à F.

 

 

 

S'y entendent chez Jukebox pour vous faire cracher plus d'une fois par mois vos 10 euros ! Le genre de bouquins qui ne fait pas plaisir. D'abord il y a tout ce que vous savez déjà depuis belle lurette et vous vous dites que vous auriez mieux fait de ne pas l'acheter. Et ensuite, c'est le coup de l'iceberg, les quatre-vingt dix pour cent que vous ignorez et votre moral tombe en capilotade. Z'avez envie de tout laisser filer. Bien sûr ce ne sont que des quatrièmes ou des cinquièmes couteaux du rock'n'roll et parfois carrément de la variété française.

 

Il y avait du monde au portillon entre 1960 et 64, car c'est un peu cela le hic pour la plus grande partie des artistes la chronique s'arrête au 31 décembre 64, pour la suite faudra attendre... parfois c'est rageant car beaucoup quitteront la route du succès avant la fin des sixties. L'on aimerait aussi savoir ce qu'ils sont devenus. Dur, dur de reprendre la vie de tous les jours après les feux de la rampe.

 

Chaussettes, Chats Sauvages et Ronnie Bird en couverture. Epatant la manière dont on nous appâte ! L'est vrai qu'aussi on retrouve Richard Anthony, le pantouflard du blues qu'on le surnommait à l'époque. L'a tout de même réussi à faire de la prison aux USA, le gros Richard et à mon avis pas dans l'idée d'avoir droit un jour à un concert gratuit de Johnny Cash.

 

Je vous lance quelques noms pour que vous saliviez un peu : les Aiglons, Ralph Bernet ( super nom de rocker ! ), Jean-Claude Berthon ( question rock patronyme laisse béton ! ), Burt Blanca ( fume, c'est du Belge ), Lucky Blondo ( le sympathique crooner flegmatique ), les Fingers ( mon petit doigt me dit que je les évoquerai très bientôt), je peux arrêter là ? Quoi ? Ah ! vous êtes déjà devant le présentoir à revues. Je vous dérange, vous n'avez plus besoin de moi.

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

 

 

Les commentaires sont fermés.