Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/11/2011

KR'TNT ! ¤ 73. SENDERS. N. Y.DOLLS

 

KR'TNT ! ¤ 73

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

17 / 11 / 2011

 

 

 

RETURN TO THE SENDERS

 

 

 

PHILIPPE MARCADE

 

AU-DELÀ DE L'AVENUE D

 

NEW YORK CITY : 1972 – 1982

 

269 pp. SCALI. 2007

 

 

 

numérisation0010.jpg

 

FOLIE DU LIVRE

 

L'on n'est toujours trahi que par soi-même. Qu'est-ce que ce truc ? Me suis-je demandé en le retirant tout à fait par hasard du rayon de la bibliothèque où il moisissait depuis au moins deux ans. Puis je me suis donné raison : qu'est-ce que ce titre à la mords-moi le noeud ? Au-delà de l'Avenue D ! D comme débile ! C'est juste à ce moment-là que je me suis souvenu qu'aux States c'était ainsi qu'ils dénommaient leur rue. Un rapide coup d'oeil sur le sous-titre confirma mes déductions New York City, puis Scali en bas de page, la bête commençait à m'intéresser.

 

De 2004 à 2008 Scali a publié près de deux cent livres. Beaucoup trop pour un éditeur indépendant qui ne contrôle pas sa diffusion. Est vite devenu prisonnier du jeu d'avances sur retours qui consiste à payer à l'éditeur les livres qui n'ont pas encore été achetés mais qui sont placés en librairies. Jeu de dupe qui ne peut que conforter les grands groupes éditoriaux qui échappent au remboursement des invendus grâce à leur flot continu de nouveautés. Bertil Scali a cru se tirer d'affaires en se lançant dans des coups éditoriaux médiatiques qui n'ont pas marché. Ce n'est pas son lectorat de base peuplé d'amateurs de rock souvent désargentés mais relativement sectaires qui allaient mordre à l'hameçon de volumes rédigés à la hâte sur des sujets d'actualité n'ayant aucun rapport leur domaine de prédilection... Scali est mort de sa belle mort en septembre 2008. L'on ne peut pas dire que l'establishment ait versé des larmes de crocodiles sur son cadavre. Il ne faudrait tout de même pas abuser des joyeusetés de la contreculture américaine : les musiques de sauvage, ce goût immodéré pour les drogues douces et dures, ces ferments d'anarchie à grand-peine contenus, ne sont guère exemplaires quand on y pense. Vous n'avez qu'à vous pencher sur les mémoires de Philippe Marcadé pour vous en convaincre.

 

NEW YORK AVEC TOI

 

Puisque c'est là-bas que ça se passe Philippe Marcadé, dix-sept ans en 1972, décide d'aller voir de ses propres yeux ce qu'il en est. Ne part pas sans biscuit puisqu'il emmène son coach, son meilleur copain, Bruce, rencontré en Hollande – mais pour quelle mystérieuse raison cet adolescent parisien à cheveux longs qui glandait aux Beaux-Arts s'était-il entiché du pays des tulipes ! - américain d'origine qui tient à le présenter à son père qui vit à Boston. C'est du moins l'explication officielle qui sera donnée aux parents...

 

Vont vite se la jouer à la Easy Rider nos deux amis. Faute de motos se contenteront d'une camionnette pourrave, et vogue la galère, cap sur la Californie. Comme ils ne sont pas des hippies ce n'est pas San Francisco qu'ils visent mais Los Angeles. We came donw to Phoenix chante Jim Morrison, eux ils déchantent très bas à Phoenix dans le Pénitencier qui les accueille à bras ouverts et qui compte refermer ses grilles sur eux durant cinq ans... un avocat commis d'office les tirera de ce mauvais pas...

 

Retour à Paris pour Philippe. Escale de plusieurs mois de l'année 73 à Amsterdam auprès d'une jolie nana, visite de Bruce. Re-départ pour Boston. Quelques mois de folie bostonienne. Bref intermède parisien. Retour à Boston, émigration en septembre 74 de toute la bande des copains à New York... Knockin' on the heaven door de la Big Apple. Philippe va s'y sentir si bien que trente ans plus tard il y est encore...

 

EDUCATION MUSICALE

 

Philippe Marcadé a toujours eu du goût. L'envie de partir aux States ne lui est pas encore venue au cerveau qu'il affirme déjà une préférence innée pour des groupes comme les Animals et les Yardbirds. Trois ans plus tard les Emerson Lake et Palmer, les Yes et les Genesis lui cassent les oreilles. C'est qu'entre temps chez un pote de Boston il a pu parfaire ses préférences musicales, toute une collection de singles de la fin des années cinquante et du début des années soixante : Gene Vincent, Link Wray, Johnny Burnette Trio, The Champs, Screamin'Jay Hauwkins, Hank Williams, Tammy Wynette, Gene Chandler, Muddy Waters, les Ronettes ( de Phil Spector pour ceux qui nous lissent assidument depuis au moins la semaine dernière ), Fats Domino, Eddie Cochran... Que du lourd ! Une certaine idée du rock'n'roll !

 

Marcadé et ses amis se roulent des joints aussi épais que des paquebots et essaient produits variés et substances plus ou moins stonifiantes mais n'en sont pas pour autant des babacools avachis. Ne sont pas des hippies, eux-mêmes se définiraient comme des freaks, des monstres pour traduire littéralement. Comprenons des gens qui vivent dans les marges, qui refusent la société de consommation et ses inquiétants corollaires : le travail, la propreté physique et l'ordre moral. Etrange tribu libertaire qui s'étend des paumés aux drogués, des homosexuels aux anarchistes, des petites-frappes aux petits-bourgeois déclassés, a mi-chemin entre la bohème romantique et la cour des miracles. A l'extrême bout de ce continent underground vous trouvez la mouvance arty issue de la beat génération qui sera représentée par Patti Smith et à l'autre extrémité les jeunes lumpens sans présent, ni passé ni futur. Au milieu un fort pourcentage d'amateurs de rock'n'roll qui ont compris d'instinct que cette musique exprimait et contenait les ingrédients indispensables à leur survie. Le rock est en lui-même le vecteur et le message, le trait fédérateur qui relie fun, fureur, révolte, sexe, drogues, jouissance, outrage, gloire et perdition. Le trip total.

 

images.jpg


 

Ils ont les oreilles plus ouvertes que les yeux. Ont déjà flashé sur deux combos prometteurs, Aerosmith et New York Dolls. Plus tard Aerosmith décollera vraiment... Aussi le laisserons-nous s'envoler et frapper à la porte de la renommée... Mais New York Dolls, c'est une autre saga. Ce sont les Stones du pauvre. Ce qui signifie que les Rolling sont les Dolls du riche. Et vu sous cet angle, ça change tout. Les Stones sont le plus grand groupe de rock'n'roll sur la terre, comme se complaisait à le rappeler un pirate fameux, mais les Dolls n'en sont pas pour autant le pire. Ce sont les Pistols qui plus tard s'éclaireront à la lumière noire de ce flambeau éteint. Non les Dolls sont les plus magnifiques. Ils ne jouent pas mieux que la bande à Jagger mais plus fort et plus vite. Les Stones ont pillé les vieux bluesmen pour nous recracher un rhythm'n'blues de derrière les fagots du Klu-Klux-Klan, les Dolls ont inoculé à ce blues'n'rock très vieille Angleterre la rage du rock'n'roll au goût prononcé d'american white trash people. Si les Stones sont issus du ruisseau, les Dolls n'en sont jamais sortis. Saloperie blanche.

 

C'est autour d'un plat de spaghetti que Bruce et Philippe vont sympathiser avec Johnny Thunder. Amitié indéfectible à laquelle seule la disparition de Thunder mettra un point, non pas final mais de suspension car à la façon dont Philippe Marcadé en parle l'on devine que l'on est mort seulement le jour où plus personne ne se souvient de vous.

 

So Alone - Thunders.jpg


 

THE SENDERS

 

L'exemple l'emporte sur la théorie. A admirer les New York Dolls, à avoir eu la chance de découvrir Dr Feelgood, en public et en Europe, Dominique Marcadé prend conscience qu'il est né pour être dans un groupe de rock. En 1977 son groupe, les Senders, donnent leur premier concert.

 

Entretemps il a donc quitté Boston pour New York. Atterrit à l'endroit exact où il faut être. Au Chelsea Hotel. N'est pas le premier à y être passé : William Burroughs, Henry Miller, Tennessee Williams, Janis Joplin, Joni Mitchell, Jimi Hendrix, l'y ont déjà précédé, mais quand on sait combien de temps Patti Smith piaffera devant l'entrée avant d'acquérir une chambre, l'on se dit que notre petit français est tout de même vernis.

 

De même quand il déménagera sa piaule ne sera jamais très loin du CBGB'S et du MAX'S parfois même entre les deux établissements phares du punk new yorkais. Nous avons lâché le gros mot qui fâche. Directement importé d'Angleterre pour baptiser un mouvement qui s'enracine dans l'histoire du rock américain, à tel point que le mot est spécifiquement ricain et désignait : « un petit délinquant qui n'avait pas encore commis de véritable crime... Seulement un petit frimeur minable avec des bras tout maigres et des boutons plein la gueule ». Les punks sont des branleurs et Philippe Marcadé ne leur dore pas la pilule. Des perdants dégueulasses en quelque sorte...

 

Oui mais le milieu est électrisant. Les Senders reçoivent dès 1978 un fabuleux coup de pouce. En 1978 alors que les New York Dolls n'existent plus depuis belle lurette et que les Heartbreakers de Johnny Thunder ont déjà beaucoup de plomb dans l'aile, Jo le Tonnerre s'en vient jouer avec eux pour quelques concerts au MAX's... Si vous n'y étiez pas ne nous donnez pas l'excuse foireuse de n'être pas encore nés à l'époque, d'épiques vidéos sont disponibles sur le Net.

 

Désormais les Senders seront de toutes les fêtes. Le Clash leur offrira même la première partie d'un de leur concert... Seront aussi de toutes les galères. Le groupe ne percera jamais. Enregistreront une poignée de titres qui ne connaîtront pas une diffusion digne de ce nom. C'est que les Senders ne renieront jamais leur mode de vie dope and rock'n'roll, folie et insouciance : pouvoir brancher leurs amplis dans un club cradingue et balancer la sauce à tout berzingue leur suffit. Ne donnent pas dans les fioritures, balancent le blues et roulent le rhythm'n'blues. De la batterie Philippe Marcadé passe très vite au chant. Se sent dans son élément au milieu de la tempête. Plus tard, en l'an 2000, on leur décernera le titre de de meilleur groupe live - autant sous-entendre de seconde zone – de New York...

 

the-senders-outrageous-and-contagious-cd-87-p.jpg


 

C'est vrai qu'ils furent des seconds couteaux. Trop cool, trop imprévisibles pour intéresser une major mais durant dix ans ils côtoyèrent tout ce qui comptait, Blondie, Madonna ( à l'époque totalement inconnue ), Ramones, Sid Vicious et tous les ténors du punk américain comme Richard Hell... mais nous préférons nous arrêter sur Wylli Deville, Robert Gordon, les Cramps et les Stray Cats. Le punk américain fut un fabuleux creuset. Point de sectarisme. Le rockabilly, néo et psycho, trouve naturellement sa place dans ce capharnaüm. Les formes musicales ne sont pas identiques mais l'esprit est le même. Une rage qui déborde. Du garage.

 

Entre 1980 et 1981 les Senders sont au top. Il semblerait que rien ne pourrait arrêter leur marche en avant. Rien, si ce n'est deux redoutables fléaux. L'héroïne et le sida. Les temps changent. Beaucoup tombent au champ d'honneur de l'anonymat. Coupe sombre parmi les musiciens et les fans. La génération punk se fragmente. Plus rien ne sera jamais comme avant. Le repli identitaire commence à faire des ravages. Les communautés s'organisent et revendiquent leur propre musique. Les homosexuels qui avaient trouvé dans le milieu rock un territoire d'acceptation s'en vont créer leur propre royaume, moins de rock davantage de techno... Suivront toutes les modes house, funk, électro... Pas très gai !

 

index.jpg


 

Lorsque Marc Zermati – le grand prêtre de Skydog Records – celui qui a sûrement fait pour Iggy Pop davantage que Bowie – vient les enregistrer, c'est la fin, deux drogués, un sourd et un mort. Reste plus grand-chose. Le résultat ne sera pas mauvais. Plutôt bon, même. Auront même droit à des petits papiers dans Best et Rock'n'Folk.

 

Philippe Mercadé fera partie des Blackbones jusqu'en 1989. Mais en 1992, le groupe reprend vie et continuera jusqu'en 2005 avec notamment l'adjonction d'un ancien musicien de Little Bob Story. En 2007 Philippe Marcadé sort son bouquin. La boucle est bouqulée.

 

AU-DELÀ DE L'AVENUE D

 

Vous l'ai résumé à grands traits. Aucun intérêt. Faut le lire. A, depuis deux ans, été réédité chez Camion Blanc avec en plus un Avant-propos de Debbie Harris. Document indispensable sur un des moments les plus importants de l'histoire du rock américain. D'une qualité d'écriture indéniable. Marcade ne chauffe pas son rock'n'roll au bois de la langue. Direct. Et uppercut en pleine poire. Ne cache rien. Révèle tout. Se relève de tout. Le bonhomme a traversé l'enfer. Plus d'une fois. Le sourire aux lèvres et le rire aux gencives. Car attention il sait mordre aussi.

 

philippe_marcade.jpg


 

Ne pleure pas sur lui. Rigole sur les autres. Quantités d'anecdotes croustillantes – au-dessus et au-dessous du cerveau - à vous mettre là où vous voulez. Tiens celle de ces rockabs anglais qui transitent par la Grosse Pomme, dans le but d'aller chercher à Norfolk un guitariste qui gratterait dans le style de Cliff Gallup... Ben, dans la patrie de Gene Vincent ils n'en ont pas trouvé un seul. Z'ont dû se contenter d'un New Yorkais !

 

New York est à cette époque le centre névralgique du rock'n'roll. Un dernier exemple symbolique : lors de leur dernier show de 1981, les Senders seront accompagnés par Wayne Kramer des MC 5. Si vous dénichez une caution plus rock que celle-là, faites-moi signe.

 

Damie Chad

 

PS 1 : Vous nous ferez le plaisir de ne pas confondre The Senders ( 1962 – 1968 ) du français Dominique Marcadé avec le groupe français Les Senders de Gérard Fournet qui en 1964 enregistra une version de Bee Bop a Lula et en 1966 à notre connaissance un deuxième super 45 tours très inspiré par les Them...

 

PS 2 : Le lecteur désireux de more punkitude se repaîtra de :

 

Glorieuse Patti : livraison 31 du 16 / 12 / 10

 

Punk is not dead : livraison 38 du 04 / 02 / 11

 

Motor Amerika is burning : livraison 39 du 11 / 02 / 11

 

Anarchy in the punk : livraison 54 : 26 / 05 / 11

 

 

 

URGENT, CA PRESSE !

 

 

 

 

 

PLUGGED. N°1.

 

NOVEMBRE-DECEMBRE. 2011.numérisation0023.jpg

 

De grands posters sur tous les kiosques parisiens, sortie prévue pour le 29 octobre. En voyant les affiches je me suis dit que My Rock avait du souci à se faire. Mais maintenant que j'ai l'objet entre les mains je respire. My Rock et Plugged sortent de la même boîte. Buzzer Presse ayant éclaté, l'ancienne centrale pub de Rock Sound et Rock One décédés se retrouve – je suis incapable d'expliquer la chose très clairement, ces mouvements de capitaux se faisant à l'abri des regards indiscrets – dans le groupe Capitale Régie éditrice des magazines Stuff et Vivre à Paris...

 

Se la jouent cool, le premier numéro est décliné sous deux couvertures. Ou Noël Gallagher ou Justice. Autant que lorsque l'on tombe de Charybde en Scylla, il n'y a plus de justice en ce bas monde et que l'on n'est pas encore prêt de fêter Noël dignement en cette fin d'année. Le lecteur curieux se demandera de l'intérêt de posséder deux magazines de rock. Juste une question de créneau. My Rock vise un public plus jeune et plus rock. Plugged vous a un côté jeune adulte branché. N'y a qu'à lire les sous-titres pour comprendre : Rock'n'roll, Pop, Electro, Style, Culture, Tendance.

 

On a vite compris. Lulu Gainsbourg, Red Chili Hot Peper, Kasabian, l'on ne peut pas dire que l'on prend des risques chez Plugged. Beaucoup de photos et peu de textes. Beaucoup plus mode que style ! Avec évidemment Lou Lesage dès la page 14 ! Peut pas se plaindre de sa boîte de com la demoiselle, on la retrouve partout, dans tous ces ersatz de magazines rock qui prolifèrent depuis cet été.

 

La tendance au conformisme glamour devient inquiétante dans la presse rock de notre pays. Mais chez Plugged l'on frôle l'imbécillité. L'on parvient au fond du grotesque à la fin du numéro, les BB Brunes et Daniel Darc habillés par Audrey Jehanno... après les requins de studio voici les mannequins de la vente catalogue. Ce n'est pas encore La Redoute, mais c'est déjà redoutable. Je sais bien qu'il faut vivre avec son temps, mais il est inutile de se prostituer. Nos artistes s'aperçoivent-ils qu'ils vont finir par perdre leur caution rock à ce petit jeu ?

 

Pour certains individus peu reluisants au commande des groupes financiers, le rock n'est plus une musique en mouvement, ils sont en train de le transformer en produit d'appel pour consommation de masse.

 

Un seul conseil : débranchez !

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

 

Les commentaires sont fermés.