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10/04/2011

KR'TNT ! ¤ 48.

 

KR'TNT ! ¤ 48

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

A ROCK LIT PRODUCTION

15 / 04 / 2010

 

AVIS A LA ROCK'N'ROLL POPULATION

 

Cette 48 ième livraison de KR'TNT arrive un peu en avance, ce dimanche soir 10 avril, car dès lundi matins nous partons vers de nouvelles aventures, on the road... Pour corser la situation, la série 49 risque d'avoir un ou deux jours de retard, mais ensuite nous reprendrons notre rituel rythme hebdomadaire. En attendant nous vous laissons entre de bonnes cordes – non pas pour vous pendre – mais de guitares, avec le Fantôme des Hautes Routes, n'oubliez pas de faire un petit coucou à Ronnie Bird, sur le N° 47 ( Profitez-en pour rajouter un deuxième d à BO DIDDLEY, we are very sorry de cette calamiteuse coquille... )

 

 

GHOST HIGHWAY IN CONCERT !

 

 

BILLY BOB'S / DISNEY VILLAGE

 

8 AVRIL 2011

 

INTRO

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Lorsque l'on a appris que Wayne Hancock annulait son passage au Billy Bob's l'on a un peu fait la gueule, mais lorsque le bruit a couru que c'était Ghost Highway qui avait été contacté pour assurer la relève l'on a relevé l'oreille et l'on s'est dit que l'on ne perdait pas au change. Bref vendredi soir l'on a démarré la teuf-teuf chaparal et foncé comme un seul homme vers Mickey's land à tout berzingue.

 

Malgré un radar qui s'obstina pendant tout le voyage à nous indiquer toutes les fausses directions possibles et inimaginables, le great american artefact ne tarda pas à découper sa silhouette de carton-pâte sur l'ombreux horizon ensoleillé des plaines briardes. Un parking plus tard les pistoleros de la horde sauvage des KR'TNT boys and girls pénétraient enfin dans le fameux saloon du Billy Bob's, un des hauts lieux de la musique country française, comme tout un chacun le sait.

 

Pour ceux qui n'y ont jamais fourré leur guêtres le Billy Bob's présente une curieuse architecture un hybride hasardeux mais savamment calculé qui aurait résulté de l'accouplement improbable d'un saloon typique pour le bas, et de l'opéra européen du dix-neuvième siècle quant aux étages supérieurs. Une espèce d'église en bois ignifugé, une nef plutôt étroite aux plafonds tranchés de poutres si bien taillées qu'elles ressemblent davantage à de grosses planches qu'à des troncs d'arbre mal équarris. La couleur locale en prend un sacré coup mais le savoir faire américain est unanimement reconnu dans le monde entier pour avoir su éliminer les petits détails et offrir en toute occasion une seule réponse duplicatable à l'infini. Le rez-de-chaussée est en partie mangé par l'escalier d'accès à la restauration, les convives ont vue plongeante sur la scène. L'entrée étant gratuite, le bar pratiquant des prix raisonnables, c'est sur les amateurs de chili con carné multi-réchauffé que Disney ramasse la monnaie.

 

Arrêtons nos pessimistes prophéties, nous n'en sommes pas encore-là. Non juste au péage de l'autoroute à très grande vitesse qui y mène tout droit. Bifurquons vers l'ancienne piste maudite, là où l'on raconte que traîne encore le fantôme malheureux d'Hank Williams et l'âme calcinée de l'ancienne colère rouge...

 

 

PART ONE

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Durant nos réflexions l'espace devant la scène s'est peu à peu rempli. Quelques habitués, des fanas de la country dance qui sont pratiquement là tous les soirs pour s'adonner à leur sport favori, mais surtout et avant tout le public de Ghost Highway qui entend soutenir their favorite french band. En moins d'un an Ghost Highway a su fédérer autour de lui un groupe d'inconditionnels prêts à le suivre dans toutes ses étapes vers une plus large reconnaissance sans lesquels un groupe de rock, de n'importe quelle obédience musicale dont il se réclame, ne peut prendre un véritable envol.

 

Pour qui est introduit quelque peu dans le milieu il sera facile de reconnaître les anciens du Golf (-Drouot, une sacrée assurance rock) et de répertorier les différentes tribus de teddies et de bikers qui se côtoient sans problème. Mais le plus important n'est pas là. Le bouche à oreille a aussi drainé de nombreux jeunes qui sont venus, non pas en curieux blasés déjà revenus de tout, mais en quête d'une redéfinition de futur de l'authenticité rock. Mais n'anticipons pas.

 

Les voici sur scène. Deux front men sur le devant, guitare en bandoulière, sèche pour Arno, Mister Jull retranché derrière sa Gretch, Zio et sa contrebasse est en retrait sur la gauche de la scène, Phil est isolé du reste du groupe par un paravent de plexiglas, nous supposons destiné à amortir le son. La route fantôme commence très classiquement par le premier morceau de son premier CD, un vieux classique de Julie Lee enregistré en 1946, le ton du premier set est donné l'on ira traîner les pieds du côté des roots, au sens large du terme puisque dès le second morceau, tout de noir vêtu annonce un titre de Johnny Cash. Le set sera parsemé de titres de Carl Perkins notamment un très beau You can do no wrong, d'Hank Williams mais aussi de Fats Domino, de Ricky Nelson – le fameux Mary Lou si prisé par chez nous durant les first sixties – l'on reconnaîtra au passage l'Hypnotized de Terry Noland avec Buddy Holly qui rôdait dans le studio et Joe Bennet et ses fameux Black Slacks.

 

Pas de surprise, Ghost Highway est dans son aire de jeu, mais à chaque fois une interprétation impeccable. La machine tourne à plein. Jull et Arno alternent au chant. Chacun se tire la part du lion, plus incisive pour Jull, plus ramassée pour Arno. Se dépatouillent très bien avec la langue de Walt Withman, n'essaient à aucun moment de se surcharger les gencives d'un faux accent américain, mais ne sonnent jamais comme des damned froggies qui essaieraient en vain d'y arriver. Ni trop, ni pas assez, le rock est devenu leur idiome naturel.

Il n'y a plus qu'à les regarder et à prendre son plaisir. Aisance et simplicité, au moindre temps mort Jull ponctue d'un riff pur chrome incendiaire, et c'est reparti. Sur ses boots de croco Arno tient la barre et Jull, chemise à rayure noire comme un jeu d'échec et mat s'occupe de la mitraille. Ses interventions électriques font toujours mal, de véritables frappes chirurgicales qui redessinent l'architecture musicale des morceaux. C'est un régal de suivre ses fioritures, il n'accompagne pas le morceau, il le redécoupe, lui octroie un nouveau profil, l'amène là où l'on n'aurait jamais imaginé qu'il pût aller sans être défiguré. Beaucoup de reprises pour Ghost Highway oui, mais chaque morceau est redéfini et réinventé.

 

Zio m'inquiète. Il s'est déjà lancé dans deux ou trois soli à vous faire pousser des cris d'admiration, mais l'on devine que ce soir un feu intérieur l'habite et qu'il va falloir faire attention aux retours de flamme. Pas encore parlé de Phil, d'abord je ne le vois que très peu caché dans l'angle mort d'une baffle plus grosse qu'une armoire. Mais je l'entends et je puis assurer qu'il n'a pas passé son temps à pédaler dans la choucroute. Toujours attentif à ses acolytes et prêt à apporter le beat dont ils ont besoin juste à l'instant où il leur ferait défaut.

 

Et puis, sans prévenir, sur You Can Do No Wrong, Phil explose, le rythme s'emballe et tout le reste de l'orchestre le suit à l'unisson. L'on a changé de dimension, le son s'est durci du full metal Jacket sur un Please Don't Leave Me transcendantal. Fin de la séance, l'on ralentit sur un vieil Arthur Crudup, un certain That's all right Mama, peut-être que ça vous dit quelque chose. L'on range en souplesse la Cadillac sur le bord de la route et les musicos descendent se rafraîchir pour trois quarts d'heure.

 

Je ne vous parle pas de l'ambiance, les derniers morceaux sont repris en choeur par un public survolté.

 

PART TWO

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Les revoici. Arno arbore un chapeau de toile écrue sur la tête. Du genre suivez mon panache blanc et vous ne serez pas déçus. Et il faut l'avouer nous ne fûmes pas déçus. Cherokee Boogie de Johnny Horton pour sonner la charge dès le début et Tennessee rock'n'roll de Bobby Helms pour annoncer la couleur. Le combo a la rage au coeur et un vent de folie s'empare du public qui double les morceaux en bas de la scène.

 

Là-haut c'est le délire. Plus personne ne saurait retenir Zio, ne voila-t-il pas qu'il entreprend une danse du scalp frénétique autour de sa contrebasse. C'est à une véritable relation amour-haine que nos deux inséparables se livrent. Il ne pince pas les cordes, il les arrache, et la mandoline géante se met à swinguer comme aux temps anciens des juke-joints.

 

Phil en profite pour lui jeter vicieusement quelques contretemps entre les paluches dont Zio se tirent comme un chef. C'est lui qui mène la rythmique et sa contrebasse bourdonne comme un essaim de frelons en colère, il dirige la charge droit sur l'ennemi, mais entre ses jambes bobonne a décidé de ne pas se laisser faire. Elle rue comme un bronco et pétarade des quatre fers. Qu'à cela ne tienne, Zio se lance dans un corps à corps démentiel, debout, à genoux, plié en deux ou en trois, il l'enjambe et la serre de toutes ses forces. Il est l'attraction numéro 1, l'on ne voit plus que lui, mais les deux guitaristes le rejoignent dans un galop digne des plus belles chevauchées et le band poursuit sa course échevelée.

 

Je vous dirai pas comment ça se finit, mais à la fin du set l'on a l'impression que Zio est entré dans son instrument. Il ne fait plus qu'un avec la musique. Il plaque les accords autant sur sa contrebasse que sur son propre corps. Clameurs du public qui exulte.

 

Qui a dit que le rock était mort avec Gene Vincent et Vince Taylor ? Certains titres du set sont miraculeux, un Gone, Gone, Gone dévastateur à faire fondre le zinc des comptoirs, un bijou de brisures électriques à faire péter les compteurs, un My Babe qui chavire tout le monde, quant au Country Heroes d'Hank Williams S. avec Arno à l'harmonica qui vous débite la colonne vertébrale en tranches de son miaulement de chat métallique étripé et Phil qui siffle comme trois derniers trains en partance pour Yuma, rien à dire, c'est du grand art.

 

La suite on s'y perd un peu tellement l'excitation est grande. Trois Johnny à la suite, Horton, Cash et Burnette, un trio d'enfer, l'orchestre tourne à fond, Jull donne pleinement l'impression d'être ce qu'il est, un super guitariste, l'un des meilleurs du moment, toutes scènes rock confondues, un gars qui assimilé Cochran et qui sait être lui. Avec en plus une authenticité et une humilité qui font plaisir à voir. Country heroe mais pas rock star.

 

La fin du set tient de la démence. Deux Johnny Burnette, The train kept a rollin' ( à faire pâlir d'envie les Yardbirds ) et Tear it up, entrelardés du Flying Saucer de Billy Rilley. Des pièces de choix. Des morceaux de roi. Pour des rois. Car Ghost Highway domine le sujet. Dans la salle galvanisée c'est l'apothéose, Ghost Higway nos servira en dernier rappel un Going up to the Country à faire frémir. Très belle idée de terminer sur cet hommage à Alan Wilson, l'inspiré guitariste de Canned Heat, une merveilleuse façon de proclamer que le rockabilly possède d'autres portes de sorties que les Cramps et les Stray Cats.

 

PART III

 

C'est fini. Comme un rêve qui s'achève. Retrouvailles avec les copains que l'on n'a pas vus depuis longtemps. Les copines aussi. Des jeunes se pressent autour de Mister Jull, ils veulent savoir, le secret et la recette. Mais l'important est de jouer ce que l'on est. Il n'y a pas de pureté rock, par contre chacun peut apporter sa touche d'authenticité.

 

Ghost Highway est fascinant. Un groupe de rockab qui ne regarde pas derrière. Que de chemin parcouru depuis un an : un vingt-cinq centimètres vinyl en cours de pressage, le premier CD paru à compte d'auteur repris par une compagnie de disques avec pochette redessinée par Alain Chennevière et trois morceaux supplémentaires. De quoi ravir les collectionneurs. Mais surtout des munitions pour aller de l'avant.

 

Certes en notre douce France, la vie d'un groupe de rock – a fortiori de rockabilly – n'est pas des mieux assurées. Mais avec Ghost Highway, nous avons un potentiel remarquable. Des musiciens de qualité, un public fidèle, un répertoire, de la créativité à revendre. Tout cela laisse augurer des lendemains heureux. A suivre. De près.

 

Damie Chad.

 

 

 

LOOK BOOK

 

UN LONG SILENCE. MIKAL GILMORE.

Traduit de l'anglais par FABRICE POINTEAU.

Paru aux usa EN 1994. Traduction française :SONATINE. Septembre 2010.

 

numérisation0023.jpg« Hello, I'm Johnny Cash ! » Je traduis pour ceux qui ne comprennent pas l'anglais : « Allo, je suis Johnny Cash ! ». De toutes les manières, pour vous c'est raté, il y a fort peu de chance pour que Johnny Cash vous appelle au téléphone. D'abord vous ne le méritez pas, ensuite il ne vous reste pas que quelques heures à vivre juste avant d'être fusillé à quinze heures pile.

 

Je vois que l'histoire commence à vous intéresser. Alors garez votre bicyclette, et préparez-vous à lire le livre le plus rock'n'roll de toute votre existence. Mikal Gilmore – surtout ne confondez pas avec David Gilmour du Pink Floyd, car ce n'est pas un ouvrage de la bibliothèque rose, plutôt encore plus noir que the man in black de Johnny Cash !

 

Quand je dis rock'n'roll, je dis bien rock'n'roll et pas un dictionnaire sur les chanteurs de rock. Mikal Gilmore étant à l'époque où il écrivait son bouquin, rédacteur en chef du magazine Rolling Stone, vous pourriez vous fourvoyer sur une mauvaise voie. Sur les 660 pages de ce monstrueux pavé, en raccordant tous les passages qui évoquent la musique rock l'on arriverait à ressortir un dossier de au plus – en exagérant énormément – quinze pages.

 

C'est que dans ce récit Mikal Gilmore n'est que le frère de son frère. Un certain Gary comme il se doit Gilmore dont vous avez toutes les chances de n'avoir jamais entendu parler jusqu'à aujourd'hui. Normal, il est mort en 1977, fusillé dans sa prison – le titre original Shot In The Heart est bien plus poignant - là-bas très loin dans l'Etat de l'Utah. Ne cherchez pas à le plaindre. C'est lui qui l'a voulu. Ce n'est pas ce que vous pensez, je n'insinue pas que sa mort fut une juste rétribution qui lui fut allouée pour avoir abattu froidement, sans aucune raison, deux jeunes garçons d'une vingtaine d'années qui ne le connaissaient même pas et qui ne lui avaient rien fait. Non avec Gary Gilmore nous sommes dans une autre dimension.

 

Gary était d'une d'une autre nature. Il aurait pu se la fermer et se la couler douce jusqu'à la fin de sa perpète, tranquille et pénard, oublié de tous, au fin fond d'un pénitencier américain ( dont les portes s'étaient refermées sur lui et où il finirait sa vie à jamais, reprenez le refrain en choeur, vous connaissez la chanson ). Pas tout à fait un hôtel quatre étoiles, mais en ces temps-là si vous aviez un peu de chance, vous pouviez entendre Johnny Cash en direct, venir chanter at home ( pas très sweet ) pour les prisonniers dont vous étiez un membre agréé.

 

C'est que dans les années 70, l'on avait perdu – en ce grand pays démocratique, ainsi qu'il aime à se présenter, que sont les USA – l'habitude d'exécuter les condamnés à mort. Mais il y avait longtemps que Gary avait mangé son pain dur en prison et il avait l'envie et la rage de mordre non pas l'aumône du pain blanc de la condamnation à vie, mais la main de la justice immanente des hommes qui la lui tendaient.

 

Histoire typiquement américaine qui n'est pas s'en rappeler Moby Dick, la baleine blanche, le mammifère dont l'innocente et candide couleur se révèle être celle du mal absolu. Entre la grâce et la punition, fais comme le Christ demande à ton père la plus grande sévérité. Et ne compte surtout pas être sauvé sous le fallacieux prétexte que tu aurais exigé pour toi la peine la plus lourde.

 

Les Anglais n'ont pas été contents de perdre leur colonie américaine. Mais la liberté qu'ils ont due octroyer au rustique joyau mal dégrossi de leur couronne n'était pas un cadeau. Le ver du puritanisme anglican était dans le fruit depuis les premières heures du Mayflower. Les américains ont beau essayé de faire semblant de n'en plus se souvenir, la bestiole indésirable a pondu une larve qui, depuis les originelles générations, se transmet de cerveau à cerveau. Don du sang, don du sexe et don du sperme, toute chair y concourt. N'allez pas chercher plus loin la cause des outrances du rock'n'roll american dream.

 

Mikal Gilmore est né dix ans trop tard. Il est arrivé après la bataille. Il vivra dans la bonne ville de Portland en territoire affectif protégé. Une belle maison, trois grands frères, un père qui exerce une combine des plus légales pour gagner de l'argent. Une maman qui le protège. Ne partez pas dans un trip nostalgo green green grass of home ou alors c'est du vert caca d'oie d'homme, car c'est ici que débite le hot rod'n'roll !

 

Le père se trimballe de sacrées casseroles, origine douteuse, plusieurs vies derrière lui,numérisation0022.jpg de mystérieux ennemis qui le traquent sans cesse, dont personne jusqu'à aujourd'hui n'est parvenu à percer l'identité. Un gars en fuite, marié plusieurs fois, avec un nombre d'enfants indéterminés, un escroc qui place des publicités pour des revues qui n'existent pas, interdit dans plusieurs états, assez vieux pour être le grand-père du premier garçon que lui donnera la mère de Mikal.

 

Quant à celle-ci, soyez sûrs qu'elle s'est mariée plutôt pour le pire que pour le meilleur. Ne lui cherchez pas d'excuse, en toute connaissance de cause. Elle était en rupture de son milieu familial, c'est qu'être une jeune mormone dans les années d'avant-guerre n'était guère folichon. Complice du père, et dans les premières années ce sont des pérégrinations qui se situent à l'intersection d'un roman de Jules Verne et d'un morceau de Bruce Springteen. L'Amérique profonde, celle des eaux les plus glauques. Voyage au bout de la nuit, du côté des paumés, du côté du lumpen prolétariat, du côté de la marge.

 

Deux autres gosses qui pointent leur nez. La vie devient de plus en plus dure à assumer. Le couple naufrage, il coule mais l'épave continue à flotter. Elle tiendra jusqu'au bout. Envers et contre tous. Bye bye l'amour, bonjour la haine. Les gamins n'ont pas le droit de moufter. Le père s'amourache d'eux à leur naissance mais le suivant détrône le précédent. Etant le dernier né Mikal bénéficiera d'un traitement de faveur, puisqu'il n'aura pas de remplaçant. C'est pour cela qu'il sera le seul à s'en sortir.

 

Le père a la main lourde. Les corrections sont quasi-quotidiennes, à coups de cuir de rasoir, longues, interminables. Ce qui ne vous tue pas vous rend fort. Plus tard l'aîné Franck sera une cloche, Gaylen n'arrivera pas à maîtriser son walk in the wild side et terminera sa vie dans un lit d'hôpital. Mais Gary, est un rebelle, les coups ne lui font pas peur, les coups ne lui font plus mal. Mikal est né en 1951, juste au moment où Gary commence à ruer dans les brancards. Ecole buissonnière, planques avec les copains dans les broussailles, alcool, premiers larcins, premières filles, Gary n'est jamais le dernier dans les mauvais coups.

 

Une adolescence au bon vieux temps du rock'n'roll, Elvis Presley, disques et radios, concerts de Little Richard, l'on écoute Bo Diddley et Jerry Lee Lewis. Gene Vincent n'est pas nommé. Tout cela se terminera en maison de redressement. Gary en ressortira métamorphosé, il était un petit gars bien de chez nous qu'avait mal tourné, la violence institutionnelle de ces bagnes pour adolescents, l'a transformé en rebelle métaphysique. Désormais, rien ni personne n'empêchera Gary de prendre du bon temps et de s'adonner aux délices de la vraie vie. Pas poète, mais voyou.

 

Il le paiera très cher. Quatorze ans de sa vie derrière les barreaux. Il essaiera bien de refaire sa vie. Mais lorsque Nicole le quittera, il s'en ira tuer les deux premiers péquins qui passaient à sa portée. Faute de mieux. Faute de pire. Spirale vers l'enfer, spirale vers la mort. L'on n'évitera aucun des écueils habituels, le père qui paie les meilleurs avocats pour sauver son fils bien battu de ses premières peccadilles, la famille déchirée qui fait bloc autour du rejeton maudit qui s'en fout comme de sa première chaussette... Chez les Gilmore les liens du sang versé sont plus fort que ceux de l'amour refusés.

 

Mikal se réfugiera dans sa prime adolescence dans la religion, l'Eglise mormone lui vient en aide. Mais en définitive ce n'est pas Dieu qui le sauvera, mais... le rock'n'roll ! Beatles, guerre du Vietnam, la jeunesse américaine rêve d'un monde meilleur. Mikal vivra le rock comme une utopie. De son côté Gary qui avait tant flashé sur Elvis se tournera de plus en plus, au fur et à mesure que les nuages s'amoncellent sur sa tête, vers Johnny Cash. Difficile mais significatif passage de l'adolescence à l'homme adulte.

 

Un Gary que Mikal se garde bien de nous présenter comme un héros. Pas même comme un anti-héros. La révolte de Gary est inutile et perverse. Elle le mène à la mort. Gary qui en fut la première en est aussi la dernière victime. Elle est un train lancé à pleine vitesse qui déraille. Preuve qu'elle ne mène à rien puisqu'elle tue son propre facteur déclenchant et germinatif. C'est une condamnation sans appel à laquelle se livre Mikal, mais nullement un réquisitoire.

 

Le livre est d'autant plus fort qu'il ne se permet aucun jugement moral. Aucune recherche de sensationnalisme. Tout est dit, mais les scènes choc sont racontées sans racolage. Mikal Gilmore ne quitte pas d'une semelle sa famille, jamais une prise de vue hors-champ. Plan américain du début à la fin. Malgré cet acharnement à montrer non pas uniquement la vérité, toute la vérité rien que la vérité abstraite des choses que l'on peut construire dans sa tête, mais la seule et simple nudité des faits familiaux rapportés sans forfanterie, Un Long Silence vaut son pesant d'or d'étude sociologique.

 

La société américaine est passée au scanner. L'acte de Gary est monstrueux mais n'est révélateur d'aucune monstruosité morale. Gary n'est pas meilleur que vous. Ni pire non plus. Le combat de Gary ne manqua jamais de courage. Les moments les plus chauds de son existence furent toujours de sang-froid. Lorsque l'on fait remarquer à Gary que s'il obtient satisfaction il rouvrira de fait les couloirs de la mort, il se met en colère et déclare que les fautes des autres ne l'intéressent pas. Sa mort qui est son ultime vengeance, son ultime pied de nez au système qui l'a broyé, ne regarde que lui.

 

Gary est en tous points semblables aux maîtres du système qui se contentent de prendre en toute légalité leurs parts de bénéfices, que cela lèse ou non les autres. Révolte d'anarchiste de droite et prise de position éminemment républicaine. Avec en plus cette notion de culpabilité toute personnelle qui est au fondement de l'idéologie protestante. Gary dénonce la fausse hypocrisie du système qui ronronne de plaisir quand les circonstances lui sont favorables mais qui n'hésitera pas à vous déchirer de toutes ses griffes dès que vous précipitez un grain de sable dans l'engrenage.

 

Gary ne bloque pas la machine. Il démontre par l'absurde la preuve de son efficacité. Il est le one self-destructive-man. Sa révolte est une auto-mutilation cadavérique. Elle n'a même pas la beauté désespérée et tourbillonnante des guerres indiennes. Gary rend la monnaie de la pièce symbolique que la société américaine lui enjoint de payer au trésor public des comportements asociaux susceptibles de troubler l'ordre privé des milices économiques du grand capital. Mais son acte terminal ne crée aucun désordre. Au contraire elle en consolide les fondements constitutionnels. Les outlaws qui s'abritent derrière la loi pour organiser une auto-protection toute illusoire s'adonnent à un jeu de dupes. Dont ils sont les bouc-émissaires auto-proclamés.

 

Tout cela à mettre en relation avec ce que l'on appelle la rébellion rock.

 

Damie Chad.

 

P.S. : les lecteurs intéressés ne manqueront pas de se procurer aussi Le Chant du Bourreau de Norman Mailer, paru en 1979, qui traite aussi de l'étonnant destin de Gary Gilmore

QUE FAITES-VOUS LE DIMANCHE ?

 

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INDEX KR'TNT !

 

ALAIN DISTER / 38

ALEXIS QUINLIN / 38

BASTON GENERAL / 2

BB BRUNES / 36

BOBBY COCHRAN / 41

BRITT HAGARTHY / 10

BURNING DUST / 1 / 25

BUSTY / 34

GARRETT McLEAN / 15

CHARLES BURNETT / 21

CHRISS WELCH / 14

DANIEL GIRAUD / 3 /

DARREL HIGHAM / 30

DAVE SMITH / 19

DJ PREMIER / 33

DICK RIVERS / 29

EDDIE COCHRAN / 30 / 36 / 41

EDDIE MUIR / 11

EDDY MITCHELL / 24 / 29 / 35

ELVIS PRESLEY / 29 / 45

EVAN HUNTER / 20

FABRICE GAIGNAUT / 42

FRANCOIS BON / 43

FRANCOIS JOUFFA / 42

GENE VINCENT / 4 / 7 / 9 / 10 / 11 / 13 / 15 / 18 / 19 / 27 / 36 / 45

GERARD HERZHAFT / 32 /

GHOST HIGHWAY / 25 / 26 / 45 / 48

IGGY POP / 34

JACQUES BARSAMIAN / 42

JEAN-MARC PAU /

JEAN-PAUL BOURRE / 5

JEAN-WILLIAM THOURY / 18

JOHN COLLIS / 36

JOHN SINCLAIR / 39

JOHNNY CASH / 22

JOHNNY HALLYDAY / 3 /

JULIE MUNDY / 30

JULL & ZIO / 8

KEITH RICHARDS / 43

LANGSTON HUGHES / 21

LEFFTY FRIZZEL / 23

LIZA CODY / 47

LUCILLE CHAUFOUR / 6

MC5 / 39

MICHEL ROSE / 41

MICK FARREN / 27

MIKAL GILMORE / 48

NEGRO SPIRITUALS / 46

NICK MORAN / 12

NOËL DESCHAMPS / 46

NOIR DESIR / 35

OLD SCHOOL : 1 /

O. MURCIE : 32 / 35 / 44

PATTI SMITH / 30

PATRICE LEMIRE / 17

PATRICK GRENIER DE LASSAGNE / 17

PETER GURALNICK / 32 / 35 / 37

PHILIPPE MANOEUVRE / 33 /

PIERRE HANOT / 30

PETER GRANT / 14

PLASTICINES / 36

ROBERT JOHNSON / 35

ROCKERS CULTURE / 25 / 45

RODOLPHE &VAN LINTOUT / 9

ROLLING STONES / 43

RONNIE BIRD / 47

SONIC SURGEON / 28

STEPHANE PIETRI / 38

STEVE MANDICH / 4

SUSAN VANHECKE / 7 / 41 /

THIERRY LIESENFIELD / 13

VAL HENNESSY / 38

VELLOCET / 16

VINCE TAYLOR / 44

WANDA JACKSON / 37

YVONNET GUITTON / 45

 

FILMS

 

DEVIL'S FIRE / CHARLES BURNETT / 21

TELSTAR / NICK MORAN / 12

VIOLENT DAYS / LUCIE CHAUFOUR / 6

 

KRONIKROCK

 

BB BRUNES : NICO LOVE TENN / 36

BURNING DUST : BURNING... LIVE / 25

CULTURE ROCKERS ( collectif ) / 25

GHOST HIGHWAY : GHOST HIHWAY / 25

PLASTICINE : ABOUT LOVE / 36

VELLOCET : INSOMNIA / 16

 

LOOK BOOKS

 

A TRIBUTE TO GENE VINCENT / EDDIE MUIR / 11

ASPEN TERMINUS / FABRICE GAIGNAULT / 42

CASH / L'AUTOBIOGRAPHIE / 22

CLASSE DANGEREUSE / PATRICK GRENIER DE LASSAGNE / 17

COMPLOTS A MEMPHIS / DICK RIVERS / 29

COUNTRY BLUES / CLAUDE BATHANY / 40

DON'T FORGET ME / JULIE MONDY & DARREL HIGHAM / 30

ENCYCLOPEDIE DE LA COUNTRY ET DU ROCKABILLY / MICHEL ROSE / 40

ELVIS MON AMOUR / LUCY DE BARBIN / 29

ELVIS. SES DERNIERS JOURS / CHARLES C. THOMPSON II / 29

FEEL LIKE GOIN' HOME / PETER GURALNICK / 32

GENE VINCENT / GARRET McLEAN / 15

GENE VINCENT / RODOLPHE & VAN LINTHOUT / 9

GENE VINCENT DIEU DU ROCK'N'ROLL / JEAN-WILLIAM THOURY / 18

GHOSTS SONG / JEAN-MARC PAU / 29

GRAINE DE VIOLENCE / EVAN HUNTER / 20

GUITAR ARMY / JOHN SINCLAIR / 39

IN THE GUTTER / VAL HENNESSY / 38

JUST KIDS / PATTI SMITH / 31

KIDS ROCK / BUSTY / 34

L'AGE D'OR DU ROCK'N'ROLL / 42

LA VEUVE ROCK'N'ROLL / LIZA CODY / 47

LE NARCISSE / PHILLIPE VAUVILLE / 37

LIFE / KEITH RICHARDS / 43

LITTLE BOATS ENSALVAGED / DAVE SMITH / 19

EDDY ET MOI / ALAIN DUGRAND / 32

NOUVELLE ENCYCLOPEDIE DU BLUES ( N° 10 ) 32 /

PAS DE CHARENTAISES POUR EDDIE COCHRAN / PATRICK LEMIRE / 17

PRESAGES D'INNOCENCE / PATTI SMITH / 31

PRIVATE COLLECTION ( 3 volumes ) YVONNICK GUITTON / 45

PUNK ROCKERS / ALAIN DISTER / 38

PUNK SEVENTEE RUSH / STEPHANE PIETRY – ALEXIS QUINLIN / 38

QUAND J'ETAIS BLOUSON NOIR / JEAN-PAUL BOURRE / 5

RACE WITH THE DEVIL / SUZAN VANECKE / 4

ROCK FRANCAIS / PHILIPPE MANOEUVRE / 33

ROCK'N'TAULE / PIERRE HANOT /

ROLLING STONES / UNE BIOGRAPHIE / FRANCOIS BON / 43

THE BITTER END / STEVE MANDICH / 7

THE DAY THE WORLD TURNED BLUE / BRITT HAGARTHY /10

THE MAN WHO LED ZEPELIN / CHRISS WELCH / 15

THE STORY BEHIND HIS SONGS / THIERRY LIESENFIELD / 13

THE WEARY BLUES / LANGSTON HUGHES / 21

THERE IS ONE IN EVERY TOWN / MICKK FARREN / 27

THREE STEPS TO HEAVEN / BOBBY COCHRAN / SUSAN VAN HECKE / 41

TROIS / PATTI SMITH / 31

UN LONG SILENCE / MIKAL GILMORE / 48

 

 

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