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17/03/2011

KR'TNT ! ¤ 44.

 

KR'TNT ! ¤ 44

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

A ROCK LIT PRODUCTION

17 / 03 / 2010

 

INDEX KR'TNT ! EN FIN DE LIVRAISON

 

 

 

The jet black machine ( I )

 

 

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Vous étiez partis pour une douzième livraison de Gene Vincent – quand on aime on ne compte pas – mais deux minutes avant de mettre au boulot j'ai – une vieille habitude - cliqué sur rollcallblog.blogspot.com ... je suis resté scotché sur Dr Rock & Mr Roll des films Elémentaires de Jacques Richard, la dernière prestation filmée de Vince Taylor, que je vous recommande de visionner avant - et peut-être même au lieu - de lire cet article. Les images mouvantes parlent à notre âme – oooh my soul ! - souvent mieux que la fixité des mots.

 

Vince Taylor, une vieille connaissance ! Non, je ne l'ai jamais rencontré et ne pourrais même pas me pointer, en séance hommagiale de rattrapage, devant sa tombe car aux dernières nouvelles elle aurait disparu. Tout un symbole, même mort Vince Taylor joue à cache-cache avec la gloire. Mais au printemps 62 – j'étais alors en CM2 – j'exhibais fièrement son portrait sur le porte-clef qui pendait à ma ceinture. A ma grande honte je dois avouer que je l'avais gagné en achetant des bonbons. Hé, oui ! il a bien existé en France une époque bénie des Dieux ( du rock ) où les marchands de sucreries boostaient les ventes en proposant de telles babioles copocléphilesques à la candeur de notre jeunesse. Aux regards d'envie et de jalousie que suscita mon aléatoire acquisition chez les copines de ma grande soeur - elles étaient, gentillesse intéressée, entrées avec moi dans le magasin - j'ai compris que j'avais touché le gros lot. Un gars qui allumait un tel désir chez les filles ne pouvait pas être totalement mauvais. Je suis à l'instant devenu fan de Vince Taylor, sans avoir jamais entendu auparavant un seul de ses disques ! Je me suis rattrapé par la suite.

 

C'est peut-être pour cela, cette concomitance avec mes jeunes années, que je classe Vince Taylor parmi les rockers français. Je me corrige : je tiens Vince Taylor pour le seul des pionniers français qui puissent rivaliser par la qualité de ses disques avec les Amerloques. L'on ne va pas mégoter sur ses origines, comme tout un chacun je sais bien qu'il est né en Angleterre mais la partie la plus signifiante de sa carrière se déroula en France, et sans doute ne serait-il plus connu que par les initiés si notre pays ne lui avait offert un accueil aussi explosif.

 

Reste à éviter le marronnier qui traverse la route dès que l'on évoque Vince Taylor. Sa ressemblance avec Gene Vincent. Ainsi ânonnent les imbéciles. Il est sûr que l'ombre de l'un convoque l'ombre de l'autre. Encore au début de cet article je m'apprêtais à écrire sur Gene Vincent lorsque le destin a changé la donne et m'a refilé la carte Vince Taylor. Certes il existe des similitudes entre nos deux rochers. S'il vous plaît, pas celle de la tenue de cuir noir ! Et ne nous lançons point dans le stupide jeu de savoir qui l'a portée en premier. De la veste zébrée au costume fripé, de 56 à 59 aux USA, Vincent a tour à tour enfilé toute la panoplie que lui offrait la rebel fashion de son temps... c'est en arrivant en Angleterre que Jack Goode, célèbre animateur de Boys meet Girls, lui suggère de s'habiller de cuir noir, davantage en accord, selon lui, avec la violence innée du rock'n'roll... Mais cette tenue ne deviendra légendaire et constitutive de l'image de Gene Vincent qu'avec la mort d'Eddie Cochran... L'on dira que Gene portait le deuil d'Eddie, mais en fait c'était en toute prescience la perte proximale d'une primitive innocence du rock'n'roll qu'il arborait...

 

Je suis certain que Vince n'a pas cherché à copier Gene, il a simplement trouvé en la félinité du cuir une matière qui moulait au mieux et magnifiait la sveltesse de ses déhanchements lascifs... Lorsque en 1968 pour son NBC TV Show Elvis reprend le cuir de Vincent, il ressemble en ses gestes davantage à Vince qu'à Vincent. Ce qui est tout à fait logique, la chorégraphie mortuaire de Gene est bâtie autour de son infirmité, Presley et Taylor possèdent la native élégance des slalomeurs. De toutes les manières, pour clore le chapitre, nous rappellerons que le premier à artiste à revendiquer le port icônique du cuir noir fut Marlon Brando dans L'Equipée Sauvage, en 1953 !

 

Répétons-le Vince n'est pas un clone de Gene. Leurs destinées épousent des lignes parallèles mais elles sont indépendantes de leur volonté. S'ils avaient eu la faculté de corriger la trajectoire, gageons qu'ils ne s'en seraient pas privés. Par contre les mêmes causes produisent les mêmes effets, cette règle aristotélicienne de base suffit à expliquer la similarité de leur accomplissement.

 

Lorsqu'il débarque en France, un peu par curiosité, un peu par opportunité, Vince n'arrive pas les valises vides, Taylor possède quelques biscuits de fort belle appétence dans ses bagages. Il a passé la majeure partie de sa vie aux USA, il en a du coup un gros avantage : il a assisté de près à la naissance du rock'n'roll, et surtout il a sans forcer un phrasé américain, pas comme ces anglais qui vous crachent chaque mot à la gueule comme s'ils vous glaviotaient, non mais une cadence, les mots vous sortent de la bouche comme de l'eau qui coule, mais avec cette maîtrise parfaite qui vous permet de réduire ou d'amplifier à tout moment le débit.

 

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Ecoutez Elvis ( et tous les autres ) la voix ne coupe jamais l'accompagnement musical, elle le survole. Et l'organe de Vince, il se situe à mi-chemin entre celui de Presley et celui de Cochran. Du premier il a la souplesse et la flexibilité, du second, naturellement et sans avoir besoin de forcer comme Eddie dans Nervous Breakdown, cette raucité, comme une fêlure, qui lui permet de rugir quand les autres miaulent. En d'autres termes une voix unique plastique et sensuelle.

 

Vince a suivi le mouvement. Voulant chanter il s'est exilé, mais pour lui ce ne fut qu'un retour au pays natal, chez sa très gracieuse majesté. L'on dit qu'avant de quitter les States il aurait enregistré en 1957 la première mouture de Jet Black Machine qui figure sur son troisième simple anglais. Je ne saurais le confirmer mais cela m'agrée. Je m'explique.

 

Loin de moi l'idée de dire du mal d'un tel chef-d'oeuvre. Mais Jet Black Machine sonne beaucoup plus américain qu'anglais. Je n'entame point là une querelle de précellence nationaliste. Pour être plus clair je poserai que Jet Black Machine est un parfait condensé du rockabilly alors que son prédécesseur Brand New Cadillac c'est déjà la définition de ce que l'on appellera le rock anglais.

Jet Black Machine repose sur la voix. L'interprète parle et dialogue avec la musique. Au-delà de la pétarade fulgurante du moteur c'est encore le lonesome cow-boy qui discute le coup avec ses copains, le soir à l'étape, au coin du feu. Je n'ai pas dit des boy-scouts, imaginez plutôt des pistoléros à la dégaine facile. Vince nous raconte une histoire, il fait la grosse voix aux passages qui font peur et se tire à toute vitesse quand il ne veut pas que le récit s'enlise. Il use de tous les artifices du rockab, mais sa première éducation britannique reprenant le dessus, il omet de hoqueter. C'est un gars qui appartient à une nation civilisée, pas un péquenot des collines qui fait du bruit avec sa bouche pour encourager son cheval et impressionner les filles.

 

Entre la moto et la bagnole, il cale son premier disque anglais Right Behind You Baby. Ce n'est pas vers Presley qu'il se tourne, trop provincial dans ses goûts de chat sauvage des collines. Regarde plein tube du côté de Gene Vincent, celui de Race with the Devil et de Pink Thunderbird. Pas de meilleur maître pour apprendre à piloter un hot rod. Fini les soubresauts sur le dos d'une vache en colère. Le rodéo des vieux chevaux est derrière vous. Devant c'est à fond la caisse et les arrêts impromptus à coups de frein mortels. On stoppe au millimètre près et l'on repart sur les chapeaux de roue. L'on se fie à l'ange du Seigneur assis sur le capot pour écarter les obstacles imprévus. Un seul moment d'inattention, descente assurée vers l'enfer ! Mais faites confiance au chauffard.

 

Nous sommes en 58 et déjà existait le moteur électrique ! Sur Right Behind You, c'est un prototype, sur des plans volés aux américains. Vince Taylor a pigé le truc, c'est une équipe qui gagne, Gene Vincent et The Ble Caps, lui ce sera Vince Taylor et les Play-boys. Bobbie Clarke à la batterie et Tony Harvey à la guitare. A chacun sa partie, lui il chante, les autres jouent. Ils ne font pas joujou, ils vous mettent en joue. Le truc de Cadillac c'est l'impédance de la bobine que l'on a survolté. Il n'y a rien d'autre que deux guitares qui s'entrecroisent, droit devant et sans regarder à l'arrière. Pour le rythme l'on a pris le piano de Little Richard, file loin et jamais d'arrêt, et les guitares supplantent le tout. L'on fonce, l'on ne se préoccupe pas du chauffeur. Le moteur tourne tout seul, à lui de ne pas perdre le tempo dans les pédales. C'est là que Vince se montre inégalable, non seulement il suit, mais il précède, comme dans les dessins animés où le héros court sur le vide, il galope devant la tire et finit par arriver avant elle.

 

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Brand New Cadillac possède cinq années d'avance sur le rock anglais, tout ce que les rosbifs s'acharneront à mettre en place en partant des boîtes de mécano Chicago blues, Vince et son band le réalisent en moins de trois minutes. Il faudra plusieurs années aux Stones pour trouver le procédé de montage, et Taylor est déconcertant d'aisance et de facilité. Rien à voir avec un coup de hasard à l'arrache, l'on sent derrière le résultat une réflexion intelligente unie à un génie expérimental sûr de lui.

 

Pour Brand New Cadillac, beaucoup ne jurent que par le seul modèle qu'ils ont jamais conduit, celui des Clash. Le moulin à trois temps trafiqué à l'éthanol de reggae est pourtant particulièrement poussif si on le compare à celui de Vince. Ne faudrait opposer que ceux qui jouent dans la même catégorie. Exemple, en fins connaisseurs, les Who ne se sont pas trompés. Entre le Shakin All Over de Vince Taylor et celui de Johnny Kidd, y a dû y avoir une sacrée lutte de classes.

 

Précisons que si Johnny Kidd meurt en 66, ce sont bien les Pirates, son groupe d'accompagnement, qui seront à l'origine du pub-rock mouvement annonciateur du Punk, punk dont les le Clash sera l'un des éléments fédérateurs. Ce n'est sûrement pas un hasard si deux morceaux interprétés par Vince Taylor se retrouvent à l'initiative de la renaissance rock anglaise... Peut-être no future devant, mais un réel passé derrière.

 

Shakin' All Over figure dans cette vingtaine de titres qu'Eddie Barclay fera enregistrer à la va-vite à Vince Taylor dès son arrivée en France. Barclay voulait battre le fer du rock pendant qu'il était chaud. Il n'avait pas Hallyday, il aurait Taylor. Meilleur et authentique ! Il n'y eut qu'un hic au scénario préparé de main de maître. Eddie Barclay jouait quinte flush, il n'allait pas ce coup-ci amortir les risques en passant en douce un accord secret avec un fabricant de chaussettes. Combine trop sale. Faut pas confondre Eddy «  Claude Moine » Mitchell avec un Vince Taylor. L'a sorti le grand jeu et le carnet de chèques celui à six zéros. En anciens francs d'époque ça faisait beaucoup.

 

Croyait avoir un mignon Shetland dans son écurie, mais il s'était acheté un mustang, un bronco commanche au galop dévastateur dès qu'on le mettait en liberté. Sur disque Vince chantait déjà mieux que Johnny mais le pire c'est que sur scène il enfonçait de mille coudées notre idole des jeunes bien-aimée. Pour ne pas parler comme Edgar Morin nous ne mandarinerons point que s'opéra un phénomène d'identification non prévu au programme entre Vince revêtu de son cuir noir et les blousons noirs. Décidément noir c'est noir, et il n'y a plus d'espoir.

 

Vince Taylor était la mèche révélatrice et la jeunesse était la poudre. Le contact ne pouvait être qu'explosif. En moins de six mois, les plans sur la comète ( Haley Bill ) furent revus à la baisse. Les concerts de Vince furent un peu partout préventivement annulés et les radios cessèrent les rotations à haute fréquence de ses disques. ( Excusez-moi de revenir à mon cas personnel mais quand j'y pense, à un trimestre près je n'aurais jamais eu mon porte-clef...)

 

Pour Barclay ce ne fut pas trop grave. L'on inscrivit l'opération dans la colonne pertes et fracas et l'on remit la vieille paire de chaussettes usagées. Pour Vince la descente fut terrible. Lui qui était devenu le chouchou du tout Paris - jusqu'à Brigitte Bardot qui tomba dans ses bras - se retrouva du jour au lendemain dans un cul de sac. N'importe qui aurait pété un câble. Vince en sectionna sept ou huit en même temps. Allo, allo, la tour de contrôle du cerveau ne répond plus, préparez-vous à un atterrissage forcé en pleine mouise. Alcool, drogue, crise de mysticisme et schizophrénie galopante se trouvèrent un vaste appartement dans les lobes dévastés de notre chanteur.

 

La galère Vince Taylor, véritable bateau ivre, se transforma très vite en ponton désemparé. A plusieurs reprises il fut sauvé d'extrême justesse par des fans éplorés qui sacrifièrent leurs maigres économies. Une épave, oui mais celle du vaisseau fantôme. L'équipage a déserté la mâture, mais le capitaine est resté à bord pour veiller au grain. De folie. Des amis tentèrent de le remettre à flots. L'on ne compte pas les remake. Vince Taylor, le Retour, 17. Dix-septième et pas dernier. Il y eut des rémissions pleines d'espoir. Mais ces Austerlitz magnifiques étaient aussitôt suivies de Trafalgar désastreux. Personnage pathétique mais cap résolument rock'n'roll. Vince Taylor est désormais entré dans la légende maudite. Il sera mangé par son propre mythe.

 

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Autour de Vince, ce fut un peu le panier de crabes... nous résumerons en subodorant que certains furent plus intéressés que d'autres... les bonnes volontés n'ont pas manqué mais sans véritable capital de départ l'entreprise s'avérait difficile... Sans vouloir vexer personne, la sympathie brouillonne ne remplace pas toujours le professionnalisme... En 1983, Vince coupe définitivement les ponts avec son passé. Réfugié en Suisse auprès d'une jeune et nouvelle compagne il connaît enfin le repos et la tranquillité. Il n'en profitera pas. Tout compte fait un crabe était resté accroché au panier. Vince Taylor s'éteignit des suites d'un long et douloureux cancer au mois d'août 1991.

 

Tué par sa propre vie. Tombé au champ d'honneur du rock'n'roll.

 

Il nous reste ses disques, et un livre – un des plus beaux que je n'ai jamais lus - dont je vous reparlerai dans une future livraison. Alias Vince Taylor. Non pas tout un programme. Plutôt une déprogrammation.

Dam Chad.

 

DOCUMENTS

 

Cette semaine, rien ne presse, vous n'aurez pas droit à vos revues préférées. En échange on vous passe deux documents puisés dans nos archives secrètes : deux articles tirés du journal Libération, en 1980 du temps d'un improbable retour de Vince Taylor. Le lecteur sérieux fera de lui-même le lien avec le document visible sur Roll Call.

 

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CLIQUETIS & CLIQUEROCK

 

A peine avions-nous mentionné le lien entre Vince Taylor et le mouvement Punk que tombait sur nos téléscripteurs la missive-missile d'une de nos plus fidèles lectrices qui réagissait à notre trente-huitième livraison consacrée aux punks ! Voici la bafouille in extenso aussitôt suivie de notre réponse.

 

DE LA CONTRE CULTURE

 

Vous parliez, Damie, du Punk dans une de vos dernières livraisons de kr’tnt. Nous avons, nous aussi quelques mots à en dire. Le punk, c’est l’explosion d’une jeunesse qui mêle l’autodestruction libératrice à une contestation morbide, sans lendemain et sans espoir. Ce n’est pas pour nous déplaire mais cela pose quand même un certains nombre de petits problèmes irritants. Le premier est celui de la contre-culture. La contre-culture est une question épineuse car quiconque se définit par son contraire finit toujours par ne proposer qu’une alternative sclérosée et peu révolutionnaire. Si vous ne construisez vos codes que dans l’espoir qu’ils choqueront ou scandaliseront le monde dont de toute façon vous ne faites pas partie, vous risquez de vous transformez très vite en monstre de foire, en marginal dégoûtant mais pas vraiment dangereux. Le problème du punk, c’est qu’en voulant casser la norme, il en a créé une autre. Certes, c’est une norme violente, sexuée, droguée et exacerbée, mais une norme, avec ses règles vestimentaires, musicales et, en un sens, morales. L’immoralité n’est pas l’amoralité. La contre-culture reste une culture et la culture est un produit marchand. Un petit parallèle, juste en passant, avec le dadaïsme et le surréalisme, aujourd’hui complètement intégrés dans les références scolaires et institutionnelles. Crier NO FUTURE, c’est être certain de devoir se taper le futur des autres, de ceux qui ont jusque là toujours été les vainqueurs de l’histoire. Ou alors faut crever avant d’avoir trente ans. Ou alors faut attendre un beau cataclysme, une jolie apocalypse. Pourquoi pas me direz vous ? Parce que c’est prendre le risque de servir de soupape au système, d’offrir une porte de sortie. Non, nous, ne sommes pas des partisans de la contre-culture. Le mouvement hippie (qui nous est bien moins sympathique que celui du punk, soyons honnêtes), n’en est qu’une preuve supplémentaire.

 

Nous trouvons plus de résonances dans des musiques qui ont de tout temps, été commerciales, qui ont, toujours, aspiré à cette reconnaissance marchande qui nous débecte pourtant. Elles portent en elle une démesure populaire, une puissance de frappe supérieure et surtout, c’est dans leurs failles, leurs ruptures et leurs contradictions, qu’elles atteignent à une vraie transcendance des codes, à une vraie réappropriation collective de la forme et du genre. C’est parce qu’elles sont la synthèse d’un ressenti de classe que, même intégrées et utilisées par le pouvoir, elles dépassent la simple catégorie d’objet culturel. Nous aimons la musique de masse. Nous aimons les beats violents d’un Eminem pourtant si partie prenante du monde, nous aimons la musique d’un Elvis devenu icône des majors. Il se produit dans ces musiques la déchirure inévitable entre celui à qui l’on fait porter la toute puissance de la reconnaissance commerciale et celui qui, à la base, malgré tout, avait juste envie de gueuler dans le micro. Walk the line. Le désespoir n’est plus une posture. Il peut encore être acheté mais il n’est plus marginal, il est l’écho, la répercussion frappante de la violence du monde. Il est la preuve que ce système doit être détruit. Nous ne nous aventurerons pas à théoriser cela de façon trop catégorique, nous dirons seulement qu’esthétiquement parlant c’est un peu la différence entre le choc, le scandale et la construction d’une maîtrise du sens par la forme, c’est l’opposition entre ceux qui se contentent de déconstruire les codes et ceux qui poussent à les penser jusqu’à l’extrême limite. Ces derniers laissent une vraie porte ouverte à l’émergence d’une force collective, à un vrai dépassement révolutionnaire. Un coup de dé jamais n’abolira le hasard.

 

0. Murcie.

 

Chère O. Murcie,

 

Nous aussi nous aimons la musique d'Elvis. Vraisemblablement pas la partie la plus populaire de son oeuvre. Elvis 54-56 nous sommes à genoux, ce gars-là est révolutionnaire, il est le premier à mélanger le country avec le rythm'n'blues... D'autres s'y sont essayés avant lui avec peut-être autant de talent, mais du mauvais côté de la barrière. Avec sa voix, sa gueule, et son charisme, ce petit blanc du Sud profond percuta et fissura l'apartheid mental des USA.

 

Le pauvre gars n'en demandait pas tant. Il voulait juste pousser sa tyrolienne sans embêter le reste du monde. Il a enclenché un branle-bas de combat dont il a eu du mal à saisir la portée. Il a été le premier à louvoyer dès que ça a commencé à bouger un peu trop fort. Il n'avait pas prévu les conséquences de son acte, et si l'on veut être méchant l'on ajoutera qu'il n'en a jamais compris la signification. Sera tout content de se réfugier dans les eaux plus calmes du show-biz... Carrière et promotion assurées...

 

Vingt ans plus tard, les nouvelles générations rock avaient perdu l'innocence des pionniers. Stones, Led Zeppe et les autres ne se firent pas récupérer. Ils se récupérèrent eux-mêmes. Ils apprirent très vite à surveiller leur porte-monnaie et à préserver leur indépendance créatrice vis-à-vis de leurs maisons de disques. Mais à s'embourgeoiser, l'on perd vite sa hargne initiale...

 

C'est alors que survinrent les punks. Ils ont méchamment secoué les vieux baobabs poussifs qui s'étaient endormis sous leurs lauriers. Pas de souci, ce n'était pas une révolution, juste une émeute. Le système a manoeuvré avec brio, il a récupéré tous ceux qui ont bien voulu se laisser récupérer, pour les autres on leur a ouvert les réserves de la contre-culture. Avec leurs crêtes multicolores, ils sont comme les derniers indiens qui subsistent en vendant des cendriers aux touristes ravis. L'eau de feu a pris un goût d'eau de cendre avec le temps, mais l'on finit par s'y habituer.

 

Tant du côté des fans que des groupes, certains s'accrochent à leurs rêves. Ils refusent d'abdiquer leur révolte initiale... Parfois ils sont comme ces nodules ossifiés dans les bronches des anciens tuberculeux. Ils furent connus pour leur nocivité destructrice ou subversive, mais ils ne sont plus que les rescapés impuissants des batailles qu'ils ont perdues. Chez Scali, ils ont recensés jusqu'à 69 tribus qui toutes eurent leur heure de gloire, plus ou moins éphémère... Et pourtant, elles ont toutes été populaires au temps de leurs splendeurs.

 

Le peuple se lasse vite de ses idoles, il a tôt fait de les transformer en bouffons nostalgiques. D'autant plus que le système de mercantilisation effrénée qui préside à l'industrie musicale pousse à la roue. Tous les cinq ans arrive sur le marché une nouvelle génération, il est hors de question que les petites soeurs utilisent les disques de leurs grands frères... L'on forge aussi sa personnalité en s'opposant à ceux qui nous entourent...

 

Les punks furent nihilistes. Le tatchérisme triomphant n'incitait guère à l'optimisme, d'autant plus que les gauches européennes abordaient à la même époque leur mue démocratique. L'on sait aujourd'hui dans quel marasme le réformisme a précipité le mouvement révolutionnaire issu de la fin du dix-neuvième siècle...

 

Trente ans plus tard, beaucoup de punks sont toujours aussi nihilistes. Le monde a changé, mais eux n'ont pas bougé, ils ont, à leur propre insu, transformé la critique nihiliste radicale des années 70 en valeur-refuge idéologique... Sur un autre plan nous dirons que la radicalité d'une analyse jusqu'au boutiste est souvent un leurre psychologique qui vous dispense des dangers de l'action directe...

 

Reste que les punks ne sont pas les seuls condamnables. Il existe des centaines de niches écologiques de survie et de confort intellectuel dans lesquelles des mini-groupes sociaux se donnent l'illusion d'être en sécurité et en quelque sorte au-dessus de la mêlée. La contre-culture – qu'elle soit rock, sportive, associative, professionnelle, sexuelle, etc... – commence par une remise en cause du milieu qui la voit éclore et finit par métamorphoser son programme de rébellion tous azimuts en un pur dogme conservateur des plus étroits.

 

D'un autre côté il ne faut pas oublier que si certains individus se sclérosent dans des attitudes parodiques ( punk, rock, rockab... ) dans les mêmes milieux d'autres essaient de maintenir envers et contre tout une flamme vivante et irradiante. Les braises brûlantes de la révolte contre le système marchand et capitaliste ne sont pas définitivement éteintes. Les idées dans la tête du plus grand nombre sont malheureusement toujours plus lentes à progresser que nos désirs.

 

Je ne vous fais pas dire que dans les milieux rock, il y aurait de superbes coups de balais à donner... Nous espérons que KR'TNT ! s'y emploie à sa modeste échelle. Mais ne tombons pas dans un popularisme outrancier. Le bon peuple adore aussi des tas de trucs peu ragoûtants. Surtout en musique ! Et hormis le tsunami du début des années 60, le rock sous toutes ses formes a toujours été une musique minoritaire en France.

 

Damie Chad.

 

 

INDEX KR'TNT !

 

ALAIN DISTER / 38

ALEXIS QUINLIN / 38

BASTON GENERAL / 2

BB BRUNES / 36

BOBBY COCHRAN / 41

BRITT HAGARTHY / 10

BURNING DUST / 1 / 25

BUSTY / 34

GARRETT McLEAN / 15

CHARLES BURNETT / 21

CHRISS WELCH / 14

DANIEL GIRAUD / 3 /

DARREL HIGHAM / 30

DAVE SMITH / 19

DJ PREMIER / 33

DICK RIVERS / 29

EDDIE COCHRAN / 30 / 36 / 41

EDDUIE MUIR / 11

EDDY MITCHELL / 24 / 29 / 35

ELVIS PRESLEY / 29

EVAN HUNTER / 20

FABRICE GAIGNAUT / 42

FRANCOIS BON / 43

FRANCOIS JOUFFA / 42

GENE VINCENT / 4 / 7 / 9 / 10 / 11 / 13 / 15 / 18 / 19 / 27 / 36

GERARD HERZHAFT / 32 /

GOSTH HIGWAY / 25 / 26

IGGY POP / 34

JACQUES BARSAMIAN / 42

JEAN-MARC PAU /

JEAN-PAUL BOURRE / 5

JEAN-WILLIAM THOURY / 18

JOHN COLLIS / 36

JOHN SINCLAIR / 39

JOHNNY CASH / 22

JOHNNY HALLYDAY / 3 /

JULIE MUNDY / 30

JULL & ZIO / 8

KEITH RICHARDS / 43

LANGSTON HUGHES / 21

LEFFTY FRIZZEL / 23

LUCILLE CHAUFOUR / 6

MC5 / 39

MICHEL ROSE / 41

MICK FARREN / 27

NICK MORAN / 12

NOIR DESIR / 35

OLD SCHOOL : 1 /

O. MURCIE : 32 / 35 / 44

PATTI SMITH / 30

PATRICE LEMIRE / 17

PATRICK GRENIER DE LASSAGNE / 17

PETER GURALNICK / 32 / 35 / 37

PHILIPPE MANOEUVRE / 33 /

PIERRE HANOT / 30

PETER GRANT / 14

PLASTICINES / 36

ROBERT JOHSON / 35

ROCKERS CULTURE / 25

RODOLPHE &VAN LINTOUT / 9

ROLLING STONES / 43

SONIC SURGEON / 28

STEPHANE PIETRI / 38

STEVE MANDICH / 4

SUSAN VANHECKE / 7 / 41 /

THIERRY LIESENFIELD / 13

VAL HENNESSY / 38

VELLOCET / 16

VINCE TAYLOR / 44

WANDA JACKSON / 37

 

FILMS

 

DEVIL'S FIRE / CHARLES BURNETT / 21

TELSTAR / NICK MORAN / 12

VIOLENT DAYS / LUCIE CHAUFOUR / 6

 

KRONIKROCK

 

BB BRUNES : NICO LOVE TENN / 36

BURNING DUST : BURNING... LIVE / 25

CULTURE ROCKERS ( collectif ) / 25

GHOST HIGWAY : GHOST HIHWAY / 25

PLASTICINE : ABOUT LOVE / 36

VELLOCET : INSOMNIA / 16

 

LOOK BOOKS

 

A TRIBUTE TO GENE VINCENT / EDDIE MUIR / 11

ASPEN TERMINUS / FABRICE GAIGNAULT / 42

CASH / L'AUTOBIOGRAPHIE / 22

CLASSE DANGEREUSE / PATRICK GRENIER DE LASSAGNE / 17

COMPLOTS A MEMPHIS / DICK RIVERS / 29

COUNTRY BLUES / CLAUDE BATHANY / 40

DON'T FORGET ME / JULIE MONDY & DARREL HIGHAM / 30

ENCYCLOPEDIE DE LA COUNTRY ET DU ROCKABILLY / MICHEL ROSE / 40

ELVIS MON AMOUR / LUCY DE BARBIN / 29

ELVIS. SES DERNIERS JOURS / CHARLES C. THOMPSON II / 29

FEEL LIKE GOIN' HOME / PETER GURALNICK / 32

GENE VINCENT / GARRET McLEAN / 15

GENE VINCENT / RODOLPHE & VAN LINTHOUT / 9

GENE VINCENT DIEU DU ROCK'N'ROLL / JEAN-WILLIAM THOURY / 18

GHOSTS SONG / JEAN-MARC PAU / 29

GRAINE DE VIOLENCE / EVAN HUNTER / 20

GUITAR ARMY / JOHN SINCLAIR / 39

IN THE GUTTER / VAL HENNESSY / 38

JUST KIDS / PATTI SMITH / 31

KIDS ROCK / BUSTY / 34

L'AGE D'OR DU ROCK'N'ROLL / 42

LE NARCISSE / PHILLIPE VAUVILLE / 37

LIFE / KEITH RICHARDS / 43

LITTLE BOATS ENSALVAGED / DAVE SMITH / 19

EDDY ET MOI / ALAIN DUGRAND / 32

NOUVELLE ENCYCLOPEDIE DU BLUES ( N° 10 ) 32 /

PAS DE CHARENTAISES POUR EDDIE COCHRAN / PATRICK LEMIRE / 17

PRESAGES D'INNOCENCE / PATTI SMITH / 31

PUNK ROCKERS / ALAIN DISTER / 38

PUNK SEVENTEE RUSH / STEPHANE PIETRY – ALEXIS QUINLIN / 38

QUAND J'ETAIS BLOUSON NOIR / JEAN-PAUL BOURRE / 5

RACE WITH THE DEVIL / SUZAN VANECKE / 4

ROCK FRANCAIS / PHILIPPE MANOEUVRE / 33

ROCK'N'TAULE / PIERRE HANOT /

ROLLING STONES / UNE BIOGRAPHIE / FRANCOIS BON / 43

THE BITTER END / STEVE MANDICH / 7

THE DAY THE WORLD TURNED BLUE / BRITT HAGARTHY /10

THE MAN WHO LED ZEPELIN / CHRISS WELCH / 15

THE STORY BEHIND HIS SONGS / THIERRY LIESENFIELD / 13

THE WEARY BLUES / LANGSTON HUGHES / 21

THERE IS ONE IN EVERY TOWN / MICKK FARREN / 27

THREE STEPS TO HEAVEN / BOBBY COCHRAN / SUSAN VAN HECKE / 41

TROIS / PATTI SMITH / 31

 

 

URGENT CA PRESSE !

 

BLUES AGAIN ! N° 10. 32 /

BLUES MAGAZINE ( N° 59 ) 35 /

COUNTRY MAGAZINE USA ( N° 2 ) 42 /

COUNTRY MUSIC MEMORIAL ( N° 10 ) 42 /

CROSSROADS / 33 /

GUITARIST MAGAZINE ( N° 241 ) 43 /

HARD ROCK ( N° 106 ) / 37 /

JAZZ MAGAZINE ( N° 622 ) 41 /

JUKE BOX ( N° SP 11 ) 29 / ( N° 281) 30 /

LES GENIES DU BLUES ( N° 3 ) 32 /

LOUD ! ( N° 120 ) 41 /

METALLIAN ( N° 63 ) 42 /

OBSKÜRE ( N° 1) 33 /

PALPABLE ( N° 5 & N° 6 ) 39 /

PUNK RAWK ( N° 16 ) 38 /

RAP MAG ( N° 7 ) 30 /

ROCK'N'FOLK ( N° 519 ) 30, 31 / ( N° 522 ) 37 /

ROCK'N'ROLL REVUE ( N° 51 ) 40 /

ROCK SOUND ( HS N° 8 ) 39 /

SO JAZZ ( N° 13 ) / 43

SOUL BAG ( N° 201 ) 36 /

 

 

 

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