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08/12/2010

KR'TNT ! ¤ 30.

KR'TNT ! ¤ 30

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIMES !

LIVRAISON DU 09 / 12 / 2010

A ROCK LIT BLOG'N'ROLL

 

 

RAPPEL

Bandes : ¤ 5 ¤ 6 ¤ 17

Blues : ¤ 21

Concerts : ¤ 1 ¤ 2 ¤ 3 ¤ 9 ¤ 12 ¤ 17 ¤ 26 ¤ 28

Country : ¤ 22 ¤ 23

Disques : ¤ 25

Gene Vincent : ¤ 4 ¤ 7 ¤ 8 ¤ 10 ¤ 11 ¤ 13 ¤ 15 ¤ 18 ¤ 19 ¤ 27

French Rockab : ¤ 1 ¤ 2 ¤ 9 ¤ 25 ¤ 26

Films : ¤ 6 ¤ 21

Livres : ¤ 4 ¤ 5 ¤ 7 ¤ 8 ¤ 10 ¤ 11 ¤ 13 ¤ 14 ¤ 15 ¤ 17 ¤ 18 ¤ 19 ¤ 20 ¤ 22 ¤ 27 ¤ 29 ¤30

Pionniers : ¤ 20 ¤ 29 ¤ 30

Presse : ¤ 29 ¤ 30

Rock Anglais : ¤ 12 ¤ 14

Rock Français : ¤ 3 ¤ 16 ¤ 24 ¤ 28

 

 

DON'T FORGET ME !

 

J'ai entendu parler d'Eddie Cochran pour la première fois dans ma vie lors des passages de J'avais deux amis d'Eddy Mitchell à la radio. Il me fallut plus d'un an pour parvenir à mettre la main sur ses disques, coup de chance inespérée deux super 45 T avec C'MON EVERYBODY et BLUE SUEDE SHOES en une seule fois dans un grand magasin de Montpellier et me morfondre quinze jours avant de pouvoir les écouter sur mon tourne-disques. En attendant la fin des vacances au camping je reluquais dévotement les pochettes.

Je ne fus pas déçu de l'attente.

Il y avait à peine six ans qu'Eddie était parti au paradis mais ce que j'entendais semblait venir d'un autre monde, d'une autre époque. A quinze ans je n'étais pas trop vieux pour le rock'n'roll. J'étais déjà trop tard. Passé à côté de la légende. C'est dur d'être dépossédé de son royaume avant même que l'on sût qu'il avait existé quelque part sur cette planète. Pas très loin de nous. J'étais comme un soldat qui arrive après la bataille, quand la guerre est terminée.

Quelques mois plus tard, sur la banquette arrière de la voiture familiale qui fuyait la pluie j'étais couché sur mon transistor la tête collée sur le haut-parleur essayant de décoder la bouillie sonore infligé par la proximité craquelante d'un orage lorsque resplendit la fastueuse introduction de Bird Doggin'... A cet instant je compris que rien sur cette terre n'était irrémédiablement perdu et que les combats de survie sont annonciateurs des plus grandes renaissances. Je n'ai jamais oublié cette grande leçon donnée par Gene Vincent le frère d'armes d'Eddie Cochran. L'écriture de ce blogue s'inscrit dans cette continuité.

 

 

DON'T FORGET ME !

THE EDDIE COCHRAN STORY

 

JULIE MUNDY & DARREL HIGHAM

 

224 pp. BILLBOARD BOOKS. US. 2001.

 

( Pour Alain Couraud )

 

Je ne connais que peu de choses sur Julie Mundy par contre Darrel Higham, je pense qu'il est inutile de s'appesantir sur sa personne d'autant plus que nous parlerons de lui très bientôt dans notre compte-rendu du concert d'Imelda May au Blue Morning. Pour les néophytes et pour faire vite nous dirons que s'il est deux guitaristes qui ont le droit de se réclamer aujourd'hui d'Eddie Cochran, ils ont pour nom Brian Seltzer et Darrel Higham, ce dernier avec peut-être davantage d'authenticité sans que ce petit plus n'entame en rien la crédibilité du leader des Stray Cats.

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Don't forget me. Le titre est chargé d'émotion. C'est par cette formule que l'on n'a pas manqué de qualifier de prémonitoire qu'Eddie Cochran signait la plupart de ses autographes... Mais Julie Mundy et Darrel Higham se sont refusés toute once de pathos romantique. Leur livre parle très peu de la personne d'Eddie Cochran, le projecteur est mis sur le musicien et n'est jamais dirigé s sur la personnalité du guitariste. Ceux qui rechercheraient une analyse psychologique d'Eddie en seront pour leurs frais. Très symboliquement, alors que Darrel Higham a été reçu par la famille Cochran il ne se jamais fera fait allusion à une quelconque anecdote familiale des plus émouvantes sur l'enfance du chanteur. Un livre très anglo-saxon : facts, facts, facts, soyons pragmatiques, les faits avant tout, et rien que les faits, les dates, les noms, les titres, tout juste si l'on ne donne pas systématiquement les numéros de matrice de chaque morceau enregistré.

 

Le livre est constitué avant tout de témoignages de gens qui ont travaillé plutôt de près que de loin avec Eddie. Un sacré travailleur le petit Eddie. A partir de quatorze ans et nous prenons une limite haute, il n'a vécu que pour la guitare. Son but était de savoir jouer comme Jo Maphis. Heureusement pour nous il n'a pas réussi ce challenge qu'il s'était fixé. C'est que Jonny Maphis ce n'est pas le western string en personne mais le western strings à lui tout seul. C'est le S qui fait toute la différence, aussi à l'aise sur la guitare que sur la contrebasse, sur la mandoline qu'au violon, une espèce de virtuose fou qui vous aurait rejoué la neuvième de Beethoven sur un élastique tendu entre deux pieds de chaise si les présentateurs télé avaient eu l'idée de lui demander.

 

Cochran n'a jamais égalé cette virtuosité. Merle Haggar peut-être, mais Cochran lui l'a dépassée. Ce n'est pas qu'il est parvenu à jouer davantage de notes plus vite en moins de temps mais qu'au brio stérile de Maphis il a substitué une passion germinative. La guitare de Maphis se mord le manche comme le serpent qui sétonne de gober sa propre queue. Je donnerais la moitié de mon âme pour gratter avec la dextérité de Maphis mais le paradis entier pour plaquer trois sempiternels accords comme Eddie. En plus il me resterait l'enfer qui a tout de même la réputation d'être sacrément rock'n'roll.

 

Nous avons en France une vision a posteriori de Cochran, Summertimes blues, C'mon Everybody et Somethin'Else. Ca suffit à notre bonheur et il est immense. Darrel Higham nous dévoile la profondeur cachée de l'iceberg : tout ce qui est en amont de la vedette Cochran, le musicien qui passe des heures en studio, le guitariste de session recherché, l'expérimentateur écouté, le maître reconnu.

 

Les américains ne sont pas comme nous, ils ne croient point au génie solitaire surgi de sa campagne. Ces fils de l'émigration européenne ne jurent que par le travail d'équipe. Attention nous ne sommes pas dans un conte de fées, les règles de base sont simples, si tu peux le faire, fais-le mais n'oublie pas que tu nages dans un aquarium rempli de requins. A tous les étages. Nous avons des compositeurs, eux ils ont des sociétés d'édition qui ratissent large. Pas besoin d'être professeur d'université pour écrire un texte le serveur du bar d'à-côté peut faire l'affaire. S'il propose un morceau ( paroles et ou musique ) on lui signe un contrat. Ca ne coûte pas cher. L'on s'engage simplement à montrer la chanson à quelques artistes. Croisez les doigts pour être choisi, pour les royalties future je suis prêt à parier qu'il y avait toujours de gros frais annexes qui oblitéraient les versements intégraux.

 

Pareil pour les chanteurs. Pas question de les laisser diriger leur carrière à la guise. On leur crée des petits labels pour connaisseurs, esprits curieux et gens du métier, comme Crest ou Ekko, sur lesquels ils peuvent s'amuser ou se permettre toutes les innovations inimaginables, mais pour la carrière avec un grand C, va falloir négocier. Si Waronker le patron de Liberty ne s'en cache pas. Il a pas signé la belle gueule d'Eddie pour manager de la musique expérimentale. Notre jeune premier doit viser la bluette top ten pour adolescentes sages à qui une une belle voix suave sur mélodie mélancolique procure le facile bonheur de mouiller la culotte sans trop de danger. Les tiroirs caisse se remplissent aisément et les parents sont contents.

 

Les larmoyants I have lately told thant à love you ou les insipides Sittin'on the balcony ne sont pas le côté immortel de l'oeuvre cochranesque. Bien sûr c'est l'époque, bien sûr c'est Eddie, mais n'aurait-il pondu que des galettes de ce calibre-là, soyons honnête nous ne l'écouterions pas. L'industrie de disque américaine a fait tout ce qu'elle a pu pour édulcorer le rock'n'roll dès sa naissance. Pour Liberty Cochran, c'est le Presley de réserve, l'on attend que l'étoile du King pâlisse un peu pour le sortir du placard. Mais le Colonel joue avec un coup d'avance. A chaque nouvel enregistrement il verse un peu plus d'eau dans le bourbon cent pour cent pur malt que distillait son poulain aux écuries Sun. Liberty suit la danse. Comme par hasard après les réussites de Summertimes blues et de C'mon Everybody, la maison gardera dans le frigo les morceaux qui vont dans ce sens. Du rythme oui, mais du rock non.

 

Cochran mettra un certain temps à s'apercevoir de la manipulation. Son manager Jerry Capehart ne l'encourage guère à pousser l'analyse de la situation. Capehart est un homme redoutable car il est doué. Il a du répondant, du savoir-faire et des idées. Mais c'est un bourrin à courte-vue. Il ne vise pas plus loin que le prochain dollar qui va lui passer sous le nez. Si Cochran se rend en Angleterre c'est aussi pour lui signifier que leur collaboration doit prendre du mou.eddie cochran01.jpg

 

Mais avant de suivre Eddie en la perfide Albion, faisons un peu le point sur tout ce Cochran a réalisé. Non pas la quantité – qui est énorme – mais la qualité. Sous son aspect d'origine contôlée. Cochran c'est le rocker blanc par excellence. Il savait jouer le blues mieux que personne et beaucoup mieux que bien des noirs, le roi BB King le reconnaîtra lui-même. Il n'était pas du genre à cracher sur le jazz et regrettait de ne pas avoir eu de formation classique. L'on ne peut souhaiter plus large ouverture d'esprit. Pour ceux qui ne comprendraient pas, rappelons qu'Hendrix avait demandé à ce que l'on passe des disques d'Eddie Cochran sur sa tombe. Ce qui fut respecté.

 

Mais Cochran sort tout droit comme un champignon de son fumier de la tradition américaine. Son terroir c'est la country. Dans sa jeunesse – si l'on peut employer une telle expression pour une si brève existence – il accompagna sur scène Lefty Frizzell. Par quel miracle sut-il s'extraire de la gangue country pour ouvrir l'apocalyptique chemin de l'électricité tonnante, c'est cela le mystère Cochran. Comment fit-il pour pervertir l'idiome originel ?

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Dès l'âge de quinze ans avec son ami Chuck Foreman il a l'intuition de l'enregistrement par overdubbing appelé avec l'apparition du magnétophone à deux pistes puis la proximale multiplication ( 8, 12, 16, 32 pistes ) à devenir la règle de l'enregistrement rock...A tel point qu'aujourd'hui après l'infinitisation programmatique informatique nombre de groupes rock en recherche d'authenticité privilégient le direct live en studio. L'on se demande comment notre technicien de génie aurait évolué par la suite.

 

Un début de réponse ou d'interrogation nous est peut-être donné par la dernière tournée anglaise. L'on a tout dit sur cette épopée, dernièrement diverses manifestations hommagiales et reconstitutionnelles ont eu lieu en Angleterre et en France pour en fêter le cinquantenaire. Ce fut un triomphe et une tragédie. Par ce dernier terme je ne fais pas allusion au taxi final, mais à au ressenti des deux principaux protagonistes.

 

Eddie and Gene ne sentent pas à l'aise. L'Angleterre est loin du pays natal. Ce ne sont pas les kilomètres ou les miles qui comptent mais comparée à l'Angleterre qui ne s'est pas encore relevée de la deuxième guerre mondiale l'Amérique leur apparaît comme un pays de cocagne, un Eldorado de rêve, d'abondance et de liberté morale dont ils auraient été chassés par une sombre malédiction. En apparence ils viennent là en pays conquis prêcher la bonne parole à des foules enthousiastes qui ne demandent qu'à être convaincues. Mais dans le secret de leur coeur ils ont plus ou moins clairement conscience d'être des exilés. Qu'ils aillent séduire les jeunes anglais si cela leur chante, au moins la saine jeunesse américaine sera pendant ce temps protégée de leur satané virus.

 

Gene n'est pas au mieux de sa forme. Dépressif, alcoolique, en proie à de violentes colères paranoïaques il est une bombe atomique que le jeune Eddie surveille comme l'eau sur le feu. Ou l'alcool dans la bouteille. Car cet Eddie que tous les témoins américains nous présentent comme un jeune homme des plus respectueux a tendance à imiter Gene dans ses débordements. Lui qui se contentait les soirs de tournée de s'asseoir sur le lit au milieu d'un cercle attentif de jeunes filles admiratives afin de caresser non pas les corps nubiles et alanguies de ses supportrices énamourées mais les cordes de sa Gretch préférée, lui qui ne buvait jamais d'alcool fort se limitant à siroter quelques bières, lui qui ne prenait aucun produit, parfait son éducation avec ce voyou de Gene. A tel point que Darrell Higham et Julie Mundy n'évoquent jamais la demande en mariage qu'il aurait adressée à Sharon Sheeley. Ce qui semble corroborer les déclarations de Gene Vincent que nous avons traduites dans notre numéro 28.eddie cochran03.jpg

 

En Angleterre Eddie s'émancipe des studios. Etait-ce une crise passagère dû à l'éloignement familial ? Ou Eddie s'apprêtait-il à take a walk on the wild side définitive ? Avait-il compris que pour ne pas devenir un produit aseptisé et parkerisé à la sauce preleysienne il lui fallait prendre le contrepied de cette standardisation imminente et la tête de la rébellion rock'n'roll ? Aurait-il pour commencer élevé le ton et imposé la préparation d'un disque composé uniquement de morceaux instrumentaux ? La face du rock en aurait peut-être été bouleversée. Car contrairement à ce que produisirent les Shadows et consorts dans les années qui suivirent sa mort, Eddie ne visait ni le spectaculaire ni le tape-à-l'oeil et les futurs pionniers du britich blues n'auraient point eu à délaisser les racines rockabilly de leur musique afin de retrouver une rusticité sémencielle dans le blues originel. L'apport du premier rock'n'roll américain en aurait été mieux préservé et sa transmission aux générations présentes facilitée.

 

Eddie a emporté son futur dans la tombe. Son passage fulgurant en Europe n'aura pas été vain. Le terrain s'y prêtait, une première génération de musiciens, de chanteurs et de producteurs avaient déjà commencé le travail. Mais Eddie a aidé à mettre la musique en place. Comme le résume si bien Big Jim Sullivan, il ne leur pas appris à jouer le rock'n'roll, nos cousins les englishes avaient déjà leurs propres idées sur la chose, mais il leur enseigna ce qu'il ne fallait pas faire. En trois mois, les musicos d'outre-manche comprendront, exemple et explications à l'appui, ce qui en France nécessitera dix ans de longs tâtonnements dans le noir.

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Il y aurait encore beaucoup à dire sur Cochran, mais après Gene Vincent qui règne sur les trente premières livraisons de KR'TNT, Eddie entre en notre ligne de mire et nous avons encore pas mal de documents à explorer. Don't forget me n'est malheureusement pas traduit en français, courage à ceux qui baragouinent la langue de Keats du bout des lèvres, le style de Julie Mundy et Darrell Higham n'est pas très fournie en ces tournures idiomatiques impénétrables qui forment le fond de l'anglais moderne. Les structures grammaticales employées sont relativement ressemblantes à la construction des phrases françaises. Bref de quoi occuper vos longues soirées d'hiver neigeuses en attendant qu'une maison d'édition française fasse le pari de la commercialisation. Nous pensons à Camion noir par exemple.

 

Bouquin indispensable à tous les fans d'Eddie qui fourmillent de renseignements essentiels, notamment sur les Cochran Brothers. Il ne manque à notre goût en annexe qu'un tableau récapitulatif de tous les enregistrements studio effectués par Eddie pour son propre compte – ce qui est déjà à peu près connu - et celui des autres.

 

Peu d'émotion en premier plan, mais partout un respect absolu et scrupuleux du travail de l'artiste.

 

Damie Chad.

 

URGENT, CA PRESSE !

 

JUKEBOXE. N° 281. Mai 2010.

 

Désolé de reprendre JUKEBOX deux fois de suite dans cette chronique mais des magazines d'envergure nationale qui n'ont pas omis d'être fidèle au cinquantenaire de la disparition d'Eddie Cochran ils se comptent sur le seul doigt d'une seule main. Eddie fait la couve, mais à l'intérieur on aurait aimé davantage, cinq pages c'est un peu court. Même si c'est tassé au maximum. L'article, parfait pour une première approche quelque peu approfondie, n'apporte rien par rapport au DON'T FORGET ME de Darrel Higham, mais à l'impossible nul n'est tenu. Il y a tout de même la reprise in extenso du contenu du coffret Eddie Cochran THE ULTIMATE COLLECTION paru chez Family Bear en 2009. Beaucoup plus exaltant à zieuter que la disco du bouquin qui se contente de donner les titres des CD de raretés parus chez Rockstar Records !juke box01.jpg

En page centrale vous ne manquerez pas de visionner le fac-similé du numéro 18 ter du mois de Juin 1963 de DISCO REVUE consacré à Elvis Presley. Le plus intéressant c'est la rubrique Connaissance du Rock'n'roll qui annonce les nouveautés, par ordre alphabétique. Le Remember Me de Cochran et le Crazy beat de Gene Vincent, Elvis, Johnny, Cliff Richard, les Shadows, mais l'on sent que par ailleurs la variétoche monte... A feuilleter l'on se rend compte que DISCO REVUE n'est déjà plus en phase avec le rock'n'roll. Terrible à dire mais la revue a déjà un air passéiste qui se raccroche aux petites branches. Jean-Claude Berthon n'a pas su négocier le virage. Mais ne lui jetons pas la pierre. C'est tout le rock français qui à l'époque s'est viandé dans les décors. Ne s'est jamais véritablement remis de l'accident depuis.

 

ROCK'N'FOLK. N° 519. Novembre 2010.

 

L'on change de revue comme une passation de pouvoir. L'on reparlera une autre fois de la revue indétrônable du rock français même si elle n'a jamais vraiment fait la part belle au rock des pionniers, et peut-être encore moins au rock français... mais enfin ce coup-ci il y a ces cinq pages au long desquelles Dominique Blanc-Francard - mais oui, vous ne vous trompez pas le guitariste des Pingouins, à l'époque la banquise était déjà chaude – évoque sa longue carrière de producteur, Gong, Magma, Bill Wyman et des meilleurs... Le rock, tel qu'une génération se l'ait pris entre les dents et a essayé de faire avec. Pas toujours simple de survivre à une rockvolution culturelle sans se renier. Le parcours de Dominique Blanc-Francard est en même temps des plus lucides et des plus optimistes. A consulter et à méditer.rock folk 01.jpg

Décidément l'on est vernis dans ce numéro, Patrick et Steve Verbeke, père et fils page 27. Comment voulez-vous que je n'adore pas Patrick Verbeke ? Un homme qui décrète : « S'il y a un mec, un seul, qui ait fait du blues blanc, c'est Gene Vincent, le plus grand chanteur ayant vécu sur Terre. » ne peut pas être totalement mauvais. Même s'il rajoute tout de suite après «  Avec Paul Rodgers, bien sûr », sûr personne n'est parfait, mais Verbeke c'est un sacré coup de cisaille sur les blue-strings ! Une des plus grosses pointures du continent, comme disent les anglais.

Sinon, si le blues vous file le cafard rendez-vous à la page suivante – 28, pour ceux qui ne suivent pas - the Jim Jones Revue qui descend depuis deux ans les escaliers de l'urgence comme une escouade de malfrats décidés à faire une OPA sur l'Esquerita rock'n'roll. Des torrides, ils ont mis le feu à la maison. Si vous ne me croyez pas, achetez leur dernier disque et vous comprendrez. Surtout n'appelez pas les pompiers.

 

 

Look books

 

ROCK'NTAULES

PIERRE HANOT

Le Bord de l'Eau. 2005.

 

Désolé, mais il n'y a pas que Johnny Cash qui chante dans les prisons. Il y a aussi Pierre Hanot, qui se livre à ce genre de sport dans les étroites limites de notre hexagone. L'a rien contre the man in black, mais il serait un peu plus de la mouvance bleue style BB King à Sing Sing. L'a aussi un combo, le Parano Band ( tout un programme d'enfermement ), avec lequel durant des années l'a hurlé le blues électrique un peu partout où l'on voulait d'eux. Si vous voulez les entendre suffit de frapper ( pas trop fort, pour coups et blessures l'Etat vous héberge facilement par ces temps qui ne courent plus ) www.pierrehanot.com, vous pourrez comme cela vous faire, tout seul comme un grand, votre sale petite idée de l'étendue du désastre.rock'n'taules.jpg

En 1985, Pierre Hanot remplit dossier sur dossier, dans le secret espoir de jouer pour un copain en cabane. Un coup pour rien, le copain a préféré rester dans sa cellule. Mais de fil en aiguille, va se retrouver à jouer dans presque toutes les prisons françaises. Rock'n'taules raconte cette expérience... 170 concerts sur plus de dix ans en milieu carcéral.

L'on ne ressort pas indemne d'une telle vadrouille. Hanot ne pose pas au bon samaritain. Ces spectateurs ne sont pas des anges, trimballent tous des poisses plus lourdes que le riff de Saint James Infirmary. Se la cherche pas non plus à la Tintin chez les Picaduros, simplement un mec qui passe et qui pense. Le blues, le rock, vous aimez, vous aimez pas, prenez ce que vous voulez, mais les murs crasseux, les gardiens à la cervelle indigente, la bonne conscience de l'administration, la solitude, la souffrance, la violence, Pierre Hanot vous les dissèque au vitriol et vous les sert sur le plat. Froid comme la vengeance, froid comme un ressentiment de mort. Prison de la misère et misère de la prison.

A lire ce brûlot, l'on se dit que si les prisonniers s'enfuient rarement de leur prison, le blues en sort aussi sûrement qu'une corvée de digues au bon temps des grands débordements du Cryin' Mississipi, à part que l'on n'est pas dans le mythe américain mais dans la toquarde médiocrité franchoullarde. Pas de quoi être fier. Si la patrie des droits de l'homme est égale à somme de ses centres de détention et de rétention, vaut mieux s'exiler sur une île déserte. Mais même là, les portes du pénitencier bientôt vont se refermer sur nous tous.

Voilà, que je fais partie de la bande, je deviens parano.

 

Damie Chad.

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