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16/09/2010

KR'TNT ¤ 17.

 

KR'TNT ¤ 17

ROCK'N'ROLL CLANDESTZINE FLYER / N° 17 / 22 / 06 / 2010

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

ROMANS NOIRS & BLOUSONS

 

PAS DE CHARENTAISES POUR EDDIE COCHRAN

PATRICE LEMIRE.

372 pp. FOLIO 2002. N° 3639.

 

Avec un titre comme ça on pouvait pas ne pas aller voir. On a juste dix ans de retard, c'était sorti en 2000 aux Editions du Rocher. Un polar, un bon polar même, mais question Eddie Cochran, c'est un peu juste et très vite la horde sauvage des six chevaucheurs de provinciales mobylettes s'emberlificotent dans un tourbillon de gros ennuis qui leur tombent dessus si brutalement qu'ils ne trouvent plus le temps de penser à leur idole préférée.

L'idée de départ partait d'un bon sentiment. Mettre le feu à trois avions garés en bout de piste d'un aérodrome perdu dans la campagne pour venger la mort d'Eddie décédé dans un accident de taxi qui roulait à tout allure pour ne pas rater son vol pour les USA. Entre nous soit dit il aurait été plus logique qu'ils immolassent dans les flammes un entrepôt de taxis, cela leur aurait évité de mettre les doigts dans un sacré engrenage qui remontait jusqu'en Co(co)lombie.

 

Je ne vous raconte pas la suite, les charentaises d'Eddie sont justes une amorce ronflante pour appâter le client, et je vous laisse le plaisir de découvrir la suite des aventures de nos pieds nikelés en sortie d'adolescence... Le blouson noir avec l'aigle sur le dos sera vite remisé dans le placard aux illusions perdues.

 

Patrice Lemire vous promène un scalpel au vitriol sur la société française. De l'ouvrier au patron d'entreprise, du plus jeune au plus vieux, du petit fonctionnaire aux hommes de main, il n'y en a pas un qui pourrait racheter l'autre. Tout le monde est circonscrit dans sa petite médiocrité personnelle et chacun est englué dans la toile d'araignée sociale. On interprète sans talent un rôle convenu... Heureusement qu'Eddie Cochran est mort avant de s'en être aperçu. Pour les survivants, il n'existe aucune remédiation à la dérisoire catastrophe de l'existence humaine.

 

CLASSE DANGEREUSE

PATRICK GRENIER DE LASSAGNE

176 pp. LA MANUFACTURE DE LIVRES. Janvier 2010.

 

Cliquez sur www.classedangereuse.com et vous aurez droit à l'interview de l'auteur sur fond de Gene Vincent et consorts, le bonus photos et la bande son crée spécialement pour le bouquin. Patrick Grenier de Lassagne s'est-il aperçu que le manque de musique était la seule écorniflure qui déparait un peu le noir blouson de son écriture ? Bien sûr on relève les noms de Cliff Richard et d'Eddie Cochran et nous filons à fond la caisse au concert live de Crazy Cavan mais le rock des pionniers est entendu comme une donnée qui coule de soi, qui n'a besoin d'aucun commentaire. Une espèce de tradition culturelle si bien ancrée dans les (gé)gênes du lumpen prolétariat français qu'il se perpétuerait par la seule grâce du onzième commandement de droit divin selon lequel rock'n'roll will never die.

Nous le regrettons d'autant plus que le titre du livre indique une certaine propension à analyser la thématique en suivant une optique pour le moins sociologique. Mais il faut dire que Patrick Grenier de Lassagne, pas plus que son héros narratif dans lequel il a investi une partie de son vécu personnel, n'a le temps de réfléchir. Le livre commence sur les chapeaux de roue, sur l'anneau de la mort de Rungis. OK Corral et OK Carole. Ou le premier cercle de l'enfer si vous préférez. Ensuite, c'est à tout berzingue qu'il faut se taper le reste des circonvolutions ténébreuses de notre bande de pieds nikelés. A coups de chaînes à vélos et de santiags. Du rire, du sang, de la sueur, de la mort et pire encore l'infinie certitude de ne jamais trouver la sortie. Pour la simple et bonne raison que le rond-point de la vie dans lequel ils se sont engouffrés au seuil de leur adolescence ne possède aucune voie de dégagement. A part le cimetière et la prison, ce qui n'est pas l'idéal pour la santé.

 

L'histoire d'une bande, plutôt d'une poignée de copains, prêts à toutes les conneries de la vie et à toutes les ardoises de la société. Des hors-la-loi, des contestataires de la contestation organisée, qui ne font confiance à personne surtout pas à ceux qui leur ressemblent le plus. Entre rockers, teddies, hells et autres tribus ce n'est ni l'union sacrée contre la bourgeoisie ni la constitution de l'internationale des voyous qui priment ! Chacun pour soi et quelques copains. Les cellules de base ne s'agrègent point. C'est peut-être même entre elles qu'elles déchargent le plus d'agressivité. Les semblables se repoussent plus qu'ils ne s'attirent. Dans l'algèbre des outlaws, moins par moins n'égale pas plus !

 

Nos temps actuels connaissent les mêmes problématiques. Nous ne parlons plus de baston et de bagarres mais de guerre de gangs et de guerre de cités. Les enjeux ne sont plus les mêmes, les rockies - ces bandes de néo rockers qui se sont formées durant une dizaine d'années entre 1975 et 1985 reprenant le flambeau des premières bandes de rockers issues des années soixante - jouaient encore dans la cour hugolienne des petits miracles. Incivilités, chahuts, vols à la roulotte, tirages de tires, casses d'amateurs, échauffourées avec les flics, dépouille au cran d'arrêt, un bon début de chemin qui pouvait vous mener vers le grand banditisme, mais la plupart des lascars s'arrêtaient avant. Boulot, gerce, gosses, la jeunesse s'englue plus facilement que l'on ne croit dans la merde existentielle...

 

Aujourd'hui le trafic de la drogue a changé la donne. Le bisness a remplacé la saine émulation de la bagarre entre pots ( pourris ). Nos actuels voyous de banlieues détiennent l'arme absolue que leurs lointains devanciers ne possédaient pas : le nerf de la guerre. L'on gagne beaucoup plus d'argent en revendant un kilo de cocaïne qu'en refourguant un blouson chouravé trois blocs d'immeubles en aval. De la revente sous le manteau l'on est passé à l'économie de marché. Le rap a détrôné la foire et le rock.

 

Que sont devenues nos bandes de blousons noirs et de rockies ? Se sont-elles dissoutes dans la société libérale comme le sucre dans la pisse de chat ? Pas vraiment, elles existent encore, regroupées autour de musiciens et de combos à la notoriété plus ou moins épisodique. Etrangement, c'est cinquante après la naissance de son style musical que le mouvement rock n'a jamais été aussi près de sa musique !

Reste qu'il y a trente années de cela la voie était sans issue. Notre narratophile s'en sortira en s'enfuyant comme un voleur. C'est ainsi que les rats quittent le navire. Après avoir immergé sa bécane au fond du canal il change de trottoir à tout jamais. Salut les copains, je m'en vais voir ailleurs ce que je deviens.

 

Imaginons qu'il soit devenu écrivain ? Serait-ce une trahison ? Comment s'arrange-t-il en privé avec sa conscience. De classe ? Broie-t-il parfois du noir ? Entre la nostalgie du temps perdu et la peau tendue de l'écriture comment assure-t-il son indépendance ? Patrick Grenier de Lassagne joue-t-il souvent au cat et à la souris avec ses phantasmes et son passé ? De toutes les manières rien en ce bas monde n'est perfecto.

 

DAM CHAD.

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