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16/09/2010

KR'TNT ¤ 15.

 

KR'TNT ¤ 15

ROCK'N'ROLL CLANDESTZINE FLYER / N° 15 / 15 / 06 / 2010

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

GARRETT McLEAN

 

GENE VINCENT

GLOIRE ET TRIBULATIONS D'UN ROCKER EN FRANCE

( ET DANS LES PAYS FRANCOPHONES )

 

276 pp. 30 / 30 cm. ISBN : 978-2-7466-2075-9 / Distribué par Thundersound. Michel Morley / 1 Impasse Gilly / 13 007. MARSEILLE.

Email : thundersoundrecords@wanadoo.fr

 

Comptez 60 euros avec l'envoi en colissimo suivi. Attention un disque 33 T Vinyle intitulé « THEY ALL WANNA SOUND LIKE GENE VINCENT » que nous chroniquerons dans un prochain numéro est obligatoirement fourni avec le livre.

 

De quoi combler le fan français ! Enfin un véritable livre, et pas un mince fascicule avec une police mastodonte, sur Gene Vincent écrit en français ! De quoi rendre nos amis les englishes fous de jalousie ! C'est qu'en plus c'est bourré de documents jusqu'à la gueule. D'ailleurs nous recommanderions de lire le bouquin en un tempo binaire, le texte lui-même d'abord, l'ensemble des coupures de presse en un second temps, manière de lire deux fois la même histoire et de mieux comprendre l'inscription de la légende de l'idole noire dans le substrat médiatique franchouillard de son époque.

 

Mais de quoi s'agit-il au juste ? D'une simple biographie de Gene Vincent, mais rédigée à l'encontre des principes que l'édition anglo-saxonne a toujours privilégiés sur le sujet. Les années américaines et anglaises sont traitées mais très rapidement, Garrett McLean ayant osé le pari de s'intéresser avant tout à Paris et ses provinces. Cela peut causer un léger déséquilibre dans l'appréhension de la carrière de notre chanteur, mais très vite le lecteur est conquis par la glorieuse épopée du Screamin' Kid en terres françaises et francophones.

Disons-le tout de suite : l'objet est somptueux, photos de Bob Lampard et Jean-Louis Rancurel à foison, collection ininterrompue de coupures de presses, mise en page des mieux assurées et ce qui ne gâte rien, commentaire réfléchi et intelligent. De la belle ouvrage, les amateurs de la première heure y dénicheront trois ou quatre anecdotes qu'ils ne connaissaient pas, et ceux qui entrent en vincentomania découvriront tout un monde lointain et pharamineux dont il n'avaient fait qu'entrevoir par ouïe dire la fabuleuse richesse.

 

Les dates, les faits, les gestes sont irremplaçables surtout quand ils sont appuyés par les remembrances des témoins, les photographies et les journaux d'époque mais tout cela ne serait rien s'il n'y avait chez Garret McLean le désir de comprendre le phénomène d'adoration suscité par la personnalité de Gene en notre hexagone. Comment se fait-il que notre pays qui reste un des moins rock qui soient ait pu s'enticher, et s'énamourer d'un chanteur aussi extrême que Vincent ?

 

L'on se plaît à répondre que la France aime les perdants magnifiques, et l'on doit reconnaître que durant les dernières années de sa courte existence Gene Vincent a émargé dans cette catégorie si romantique. A partir de 1965, le temps se gâte pour lui, et cela n'ira pas en s'améliorant... en fait ce n'est pas Gene qui est atteint par cette décrue mais le rock'n'roll lui-même en notre doux pays. L'on ne s'en est pas rendu compte tout de suite : l'éclosion et puis la prolifération de la vague des groupes british de la seconde génération a laissé croire à un simple changement de personnel, les vieilles idoles de trente ans s'effaçant devant les nouveaux poulains aux dents de tigre.

 

Certes les Stones et les Beatles ont vendu en quelques mois bien plus de disques que des Elvis Presley, des Little Richard,et des Gene Vincent les années précédentes, les nouveaux groupes ont bénéficié d'une couverture médiatique plus importante, mais l'effet de mode ne doit pas cacher une terrible réalité, l'esprit rock, ce mélange explosif de fun festif et de rébellion tapageuse s'est évaporé brusquement : une génération brouillonne et frondeuse a disparu subitement. Déjà minée par la Guerre d'Algérie, elle a été très vite happée par les nécessités raboteuses de la vie adulte. C'est la vague suivante promise à une scolarité plus longue qui deviendra le parangon de la nouvelle attitude rock, moins prolétarienne et appelée à un embourgeoisement rampant et délétère.

 

C'est d'ailleurs en ces années de reflux que les amateurs de rock vont tenter de se regrouper. Les dernières années de Gene Vincent sont en France portées à bout de bras par une poignée d'irréductibles qui tentent de maintenir vivante la flamme de la tradition rock. Le livre de Garret Mc Lean relate aussi l'épopée de cette dernière phalange qui se forme et s'efforce sans aucun moyen financier d'organiser les combats de retardement et de survie.

Il est terrible de se remémorer que Gene Vincent est mort trop tôt, épuisé à bout de forces physique et morale. Aurait-il pu tenir quelques années de plus il aurait bénéficié du mouvement revival qui depuis trente ans n'en finit plus de perdurer et de s'étendre. Mais il y avait cet entre-deux à franchir, ce no man's land entre deux générations durant lequel il fallait savoir se mettre à l'abri et attendre que le vent tournât. Vincent est justement grand par cette hargne qu'il eut à ne pas composer, à poursuivre contre vents et marées, malgré tout et jusqu'au bout.

 

Ces tribulations d'un rocker en France témoigne de cette lutte acharnée à ne pas périr, menée par un homme seul et immensément solitaire. Combien de témoins ne le décrivent-ils pas emmuré dans un ailleurs inconnu, perdu en des rêves étrangers à nous-mêmes. L'alcool, la blessure, la timidité, la dépression n'expliquent pas tout. Ces infirmités furent aussi des béquilles, non pas à leur propre malaise mais à la profonde douleur métaphysique de vivre toujours high on life sur la crête du désir d'être un des plus hauts représentants de la story des rockers. Gene fut un franc-tireur, un résistant, un snipper que personne ne sponsorisa et qui mena sa propre guerre jusqu'au bout. Jusqu'à en crever. Vaincu mais pas soumis.

 

Garret McLean s'étonne qu'aucun film n'ait été tourné sur un tel personnage. La vie de Gene Vincent exhale des pâmoisons de dramaturgie shakespearienne,il est une des icônes les plus bouleversantes du vingtième siècle à l'égal des plus grands créateurs, des plus purs poëtes.

 

( DAM CHAD )

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