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05/05/2016

KR'TNT ! ¤ 280 : VELVET UNDERGROUND / RENE BINAMé / L'ARAIGNEE AU PLAFOND / RAMONES / DENNIS COVINGTON

KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

VELVET UNDERGROUND, René Bi,amé, L'ARAIGNEE AU PLAFOND , RAMONES , DENNIS COVINGTON

LIVRAISON 280
A ROCKLIT PRODUCTION
LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM
05 / 05 / 2016

VELVET UNDERGROUND / RENé BINAMé
L'ARAIGNEE AU PLAFOND
RAMONES / DENNIS COVINGTON



VA VITE AU VELVET

VELVET UNDERGROUND, René Bi,amé, L'ARAIGNEE AU PLAFOND , RAMONES , DENNIS COVINGTON

Le rock au musée ? Oui, bien sûr que oui, surtout quand il s’agit du Velvet et de tout son environnement électro-flash, Warhol, Jonas Mekas, Nico, toute cette esthétique du noir et blanc fabriquée en un claquement de doigts, comme la Nouvelle Vague et plus avant, comme Dada, une illusion fulgurante qui tirait sa force de l’éphémère. Ce qui frappe le plus dans ce tourbillon d’images, c’est l’omniprésence de l’intelligence. Tous ces gens étaient brillants, au-delà de ce qu’on peut imaginer. Le propos se voulait fondamentalement artistique. Lou Reed et Warhol firent tout ce qui était en leur pourvoir pour se rendre désobligeants, pour choquer, pour provoquer, et c’est la raison pour laquelle les férus de Dada furent ferrés de fait. Le Velvet s’inscrit dans la lignée des grands activistes du désordre, la liste est longue, car elle passe par Zo d’Axa, Artaud le Momo, Noël Godin, Arthur Cravan, Hakim Bey, Francis Picabia, enfin bref, vous voyez le genre.

VELVET UNDERGROUND, René Bi,amé, L'ARAIGNEE AU PLAFOND , RAMONES , DENNIS COVINGTON


On retrouve à la Philarmornie un petit peu du souffle qui caractérisait la grande rétrospective Warhol de Beaubourg, mais en plus concentré de tomate et en monochrome à la crème, comme si on ramenait tout à l’essentiel, c’est-à-dire au cristal du temps. Souvenons-nous que par son caractère d’intense modernité, la musique du Velvet bascula d’un bloc dans l’universalisme.

VELVET UNDERGROUND, René Bi,amé, L'ARAIGNEE AU PLAFOND , RAMONES , DENNIS COVINGTON


On entre dans la première salle - New York New York - et c’est l’overdose d’images, comme dans toutes les expos, même encore pire, car c’est le beat du Lower East Side d’actus d’actors, de quinconces de cars et de big brut de black. Impossible de s’y intéresser car la musique qui vient des autres salles fonctionne comme le chant d’une sirène - White light/ Aw white light it’s gonna drive me insane - Alors, on file le nez au vent, comme un gros con convoqué. On passe devant des stands. Des cats écoutent des trucs au casque. On s’échoue comme une baleine dans une très grande salle. C’est là qu’éclate «White Light White Heat». Le riff remplit tout jusqu’au roof. Ça pue l’arnaque au firmament. Une immense tente ouverte par les côtés se dresse au beau milieu de cette salle. En dessous, quarante personnes s’y vautrent, allongées au sol sur des petits matelas gris factory, en plein trip acide de gélatine. On titube et on s’amarre au mât en attendant qu’une place se libère. L’immense toile de tente sert d’écran. On y projette toute la moite mythologie du Velvet et d’Andy Warhol. C’est l’occasion rêvée de tripper. On plaint ceux qui ratent une occasion pareille.

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Remontée dans le temps pour revenir jusqu’à ce fatidique numéro d’Actuel.
Jean-François Bizot rentrait d’un voyage d’études aux États-Unis. Il ramenait dans sa valise deux découvertes qui allaient secouer les colonnes du temple : Robert Crumb et le Velvet. Actuel consacrait donc une page à cet album, une compile, avec neuf bouches de Warhol peintes sur la pochette. Cet article avait quelque chose de très particulier : il était si bien foutu qu’il donnait envie d’écouter l’album immédiatement, ce qui est rarissime. Comme le formula si bien Paul Alessandrini (à propos du premier album de Led Zep) on a «pesé le pour et le contre et on a filé chez notre disquaire». Ce fut une révélation d’ordre mystique ! Un son inconnu au bataillon, agressif, décisif, blanc, aigre, grinçant, zébré, acide, malsain, collant, antipathique et cette voix bien timbrée qui générait du frisson. Puis découverte d’un marteau-pilon foutraque, «Sister Ray», qui allait s’installer à vie dans le petit top ten personnel - I couldn’t hit it sideways/ Aw just like Sister Ray said - Puis découverte du beat bringuebalant de «Waiting For The Man», montrant qu’il existait une nouvelle façon de jerker le jus de jive. Puis on a commencé à la ramener au lycée, avec le Vévette - Wouah tu connais pas le Vévette ? - Puis raid éclair chez Music Action pour mettre le grappin sur les trois pressages américains du groupe. Puis puis puis, comme une soudaine ac-cé-cé-célération - I said c-c-c-couldn’t hit it sideways - Impossible de taker it easy.

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Cette multitude d’images d’expo donne le vertige. Comme par exemple les photos de John Cale avec sa basse, sa morgue, son profil d’aigle et son lourd rideau de cheveux noirs. Fantastique allure alone. On sent dans ces images une raw energy à la God Godard, quand il cadrait Bébel et Jean Seberg sur les Champs. Si on ose revenir dans la première salle, on peut y voir un petit docu bien dodu qui raconte les enfances du Gallois et du Lou. On y entend tout ce qu’on savait déjà, c’est l’avant-son, les prémices, on rebrûle subitement d’impatience, alors on retourne s’allumer la torche au contact explosif du New York spirit de la Factory. Baaaam !
John Cale fréquente La Monte Young qui a les meilleures drogues de New York et Lou Reed suit les cours de Delmore Schwartz. Comme Martin Rev, Lou Reed vénère Ornette Coleman et Cecil Taylor. Il s’abreuve de cette énergie typiquement new-yorkaise restituée par Milton Mezz Mezzrow dans son traité de bave et de larmes. Rendons-nous enfin à l’évidence : Lou Reed et John Cale ne sortent pas de la cuisse de Jupiter ! Ils s’oxygènent au contact d’une intelligentsia new-yorkaise bien trop vivace. Respirer l’oxygène à pleins nasaux, c’est la clé de tout ! La rencontre avec Andy Warhol, pur produit de l’autodidactisme, va lever le ferment. Andy peint, mais il sait qu’il doit tirer l’overdrive pour passer à la vitesse supérieure, mélanger les formes d’art pour évoluer vers une forme de modernité radicale. Il doit mélanger le cinéma, la musique, les arts plastiques et la danse. Comme Scriabine, il vise tout simplement le stade ultime de l’art, l’art total. Résultat : The Exploding Plastic Inevitable. Pur génie. Sans aucun doute la plus belle incarnation de ce mythe à la peau dure que fut l’art total.

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Andy avait déjà 37 ans quand il fit main basse sur le Velvet. La cinéaste Barbara Rubin parvint à faire venir Andy au Café Bizarre où le Velvet donnait ses premiers concerts. Le public détestait leur musique. Pour accroître le malaise, le groupe jouait extraordinairement fort. Barbara était complètement accro. Andy tomba immédiatement sous le charme. Le chaos sonique du Velvet lui plut tellement qu’il les invita à venir jouer à la Factory.
On appelle ça la chance d’une vie ! Oui, car on assiste là à la création d’une école d’art, au sens où se créaient au XIXe les écoles de peintres. Grâce à quelques scandales, ça pouvait prendre une importance considérable. Ces gens qui étaient de modestes artistes entraient dans l’histoire grâce aux écoles. Voyez les Impressionnistes, puis les Fauves, puis Dada et les Surréalistes. L’équivalent américain, ce fut le mouvement beat, puis la Factory d’Andy Warhol. Grâce aux poètes beat, Lou Reed et John Cale comprirent que tout était permis. Andy Warhol allait quant à lui s’attaquer aux tabous sexuels. New York bouillonnait de modernité. En plus, Dylan et Karen Dalton rôdaient dans les parages.

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Des petits stands sont consacré à Sterling Morrison et à Moe Tucker. Quand le Velvet reformé vint jouer à l’Olympia en 1993, ce n’est pas Lou Reed qui reçut une ovation mais Moe lorsqu’elle chanta «Sticking With You». L’incroyable Moe qu’on prenait au début pour un garçon. L’incroyable Moe qui réinventa le métier de batteur et qui ne fit école qu’auprès des Demolition Doll Rods. Tant pis pour les autres. L’incroyable Sterling Morrison dont on voit des portraits stupéfiants, vers la fin de l’expo, cheveux longs, moustache, les yeux cernés comme ceux de Brian Jones. L’incroyable Sterling Morrison, guitariste américain dans toute sa splendeur psychédélique. L’incroyable Sterling Morrison qui fut le premier des quatre Velvet à mourir. L’incroyable Sterling Morrison qu’on prenait pour un soliste infernal jusqu’à ce qu’on voie Lou Reed prendre le solo de «White Light White Heat» à l’Olympia.
Petit stand consacré à Nico. Nico, dit Lou Reed, sortie du Velvet comme elle y était entrée, par hasard. L’incroyable Nico qui fut un pur concept warholien. L’incroyable Nico qui débarqua à New York auréolée de légende : Fellini, Delon, Dylan, Andrew Loog Oldham et Brian Jones. L’incroyable Nico dont la voix glacée se fond si bien dans la fournaise discordante du Velvet. L’incroyable Nico qu’on voit conduire le van qui emmène le Velvet jouer dans le Michigan.
Images flash : le Velvet au Café Bizarre. Leurs premiers concerts. Titans tétaniques.
Image flash : Andy Warhol et Brian Jones, les maîtres du jeu, réunis par on ne sait quel miracle dans le cadre d’un photographe. Clic clac.

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Et voilà qu’on se dirige un peu flappi vers la sortie. On passe devant toutes ces images de la fin des haricots, le fameux après-Velvet, sombre épilogue d’une histoire qui se voulait magique. Lou Reed commit la même erreur que les Stones qui ont tué leur mythe en virant Brian Jones. Le grand méchant Lou tue le Velvet en virant l’âme à trois têtes, John Cale, Nico et Andy Warhol.
C’est vrai qu’on boudait «Loaded» et «Squeeze», de la même façon qu’on boudait les albums Sire des Groovies, parce que Roy Loney n’y chantait pas. Lou Reed avait tout simplement perdu en route ce qui faisait la force du Velvet, le son. C’est une erreur que n’ont jamais commise des gens comme Lemmy, Lux Interior ou Jeffrey Lee Pierce.
On sort de l’expo comme on était sorti de la vie de Lou Reed, inconsolable, mais aussi ravi d’avoir revu la piste aux étoiles. Les trois premiers albums du Velvet témoignent d’un épisode magique de l’histoire du rock. On s’en est tous gavés comme des oies, on pourrait d’ailleurs se croire blasé, mais non, ce fabuleux bruitisme reste d’une incroyable actualité, et c’est d’autant plus net en un temps où la médiocrité dévore peu à peu tous les domaines de la vie sociale et culturelle. Les fameuses écoles citées en amont font gravement défaut. Comme le disait Léo dans une chanson, les temps sont difficiles. Ce genre de petite expo permet de respirer un peu d’oxygène.

 

Signé : Cazengler, Bébête Underground.

 

Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais j'aime bien avoir une réponse lorsque je pose une question. Y a quinze jours de cela je demandais, dans l'avant-dernière livraison de KR'TNT 278 pour être précis, où était le rock sur la place de la République durant cet infernal prurit ( j'emploie ici un langage gouvernemental ) que les citoyens de base se contentent d'appeler Nuit Debout. Je n'aime guère vivre par procuration, l'on est jamais mieux renseigné que par soi-même. Puisque j'étais en Ariège, me suis pointé aux Nuits debout de Foix. La fameuse cité de la célèbre marchande de foie... Pas bêtes les Ariégeois, organisent leur réunion sous la halle du marché, les intempéries peuvent s'obstiner, ils bénéficient d'un vaste abri. Des gens sympas, mais pas vraiment des rockers. Des militants bio. Rien à voir avec la bio de Keith Richards. Mangent de la soupe ( beurk!!! ) et boivent de la tisane ( triple bouark !!!! ).
J'ai retenté ma chance à Paname dimanche dernier. D'abord un petit tour en manif. Que voulez-vous je n'aime pas les nouvelles lois sur le travail. Les anciennes non plus. En fait je déteste le travail. Ce n'est pas de ma faute. Chez moi c'est congénital. Un beau mot qui contient les termes congé et génital. Un véritable programme. Mais finissons-en avec l'étymologie, impossible de deviser tranquillement sur le parcours du cortège. De méchants CRS prenaient un grand plaisir à tirer des lacrymos sur la foule paisiblement amassée. Des gars partageux, qui donnaient tout ce qu'ils avaient quels que soient votre âge et votre sexe. De grands démocrates évolués, des partisans du principe de parité absolue, y en avait pour tout le monde, femmes, enfants, troisième âge et même quatrième âge. Avec un petit surplus pour les jeunes qui ont besoin de vitamines pour entrer avec sérénité dans leur vie d'adulte, surtout ceux qui sont regroupés sous les étamines rouges et noires. Vous ne me croirez pas mais ces bâtards hauts en couleurs n'étaient pas reconnaissants, clamaient haut et fort que tout le monde déteste la police.
Après cet entremets l'on s'est dirigé vers la place de la République. Sympa, des gens en assemblée, des bouquins et de la bouffe ( ouf ! pas obligatoirement bio ), et tout à coup alors que je tournais autour de la statue centrale, le doux son d'un groupe électrogène en plein da-dou vroom vroom a frappé mes oreilles. Mon cerveau n'a eu besoin que d'une demi-nano-seconde pour poser et résoudre l'équation suivante : générateur = électricité = rock and roll. J'ai contourné le camion, et plouf comme un ouf en plein concert rock !

RENE BINAMé
PLACE DE LA REPUBLIQUE / PARIS
01 /05 / 2016

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Un beau boucan. Ne sont que trois sur le plateau mais ils déchargent grave. Au centre et la batterie Binam', cheveu bouclé et gueule ouverte. Normal c'est lui qui chante. Pas des romances à l'eau de rose. Plutôt rouge sanguinolent. Encore un qui déteste les flics, les gendarmes, les militaires et les curés, l'en rajoute une couche avec une grève méchamment réprimée, nous rappelle les jours heureux d'occupation des usines en 1936 ( message subliminal pour aujourd'hui ), plus quelques hymnes ravageurs en dialecte wallon. Pas d'étonnement, ce sont des Belges. N'est pas tout seul. A sa gauche R-man est à la guitare, longiligne avec une barbe qui serait au top chez ZZ, et à sa droite une seconde guitare maltraitée par Smerf.

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Inutile de vous confirmer que vu les conditions le son n'est pas très bon. Mais l'énergie est là toute brûlante. Parviennent même à couvrir les sirènes des fourgons bleus de la gendarmerie qui bloquent la rue voisine pour faire acte de présence menaçante. Pas de chance pour eux, n'impressionnent guère l'assistance qui se lance dans un pogo frénétique – lunettes et téléphones portables ( très vite remis à leurs propriétaires ) volent un peu partout, le rock retrouve en ces minutes explosives ses germinalités séditieuses.

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René Binamé n'est pas un inconnu. Fait partie de la génération de ces groupes alternatifs de la fin des années 80 qui se sont vite rangés parmi la catégorie des combos anarcho-punk. A l'origine la formation se nommait René Binamé et les Roues de Secours. Une appellation incontrôlée entre lucidité dérisoire et survivance enragée. L'espèce d'enveloppe descente de lit imitation peau de girafe sale qui recouvre plutôt mal que bien la grosse caisse est à l'image de ce rock des rues dépenaillé, jouissif, colérique, le poing levé en signe de résistance à l'étau social qui broie nos vies et celles des êtres qui nous sont chers.
Les ai quittés à regret ( d'autres aventures attendaient votre héros ) alors qu'ils remplissaient d'essence le moteur de leur générateur. Le rock consomme des liquides inflammables. Les rocktails molotov.


Damie Chad.


PROVINS / 30 – 04 – 2016
HALLE DE VILLECRAN
L'ARAIGNEE AU PLAFOND

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Magasin de zinc, Beer town donne le ton. Trois jours de fête, ce n'est pas bête. Bière, aujourd'hui et demain. Provins ne serait-il plus pro-vin ? Abandonne-t-on le gros rouge national qui tache la moustache pour la cervoise gauloise aux parfums de rose et de miel ? Quittons nos pénates. Activons nos savates. Soyons courageux malgré la triple bise hiémale qui souffle et redouble. Beer que tout ! Un froid glacial à écorcher un gavial. Faut du cran pour rester sous la halle de Villecran. Un toit, une cloison. Les trois autres côtés ouverts à tous les courants d'air. Quand on pense que l'endroit a été conçu pour le pique-nique des scolaires qui viennent visiter la moyen-âgeuse cité de Provins ! Pauvres bambins doivent en repartir tuberculeux. Tant pis pour eux. En tout cas, à peine dix-huit heures, et déjà l'on se presse autour du comptoir. Apparemment certains préfèrent l'alcool à l'école. La foule arrive, faut dire que le menu est alléchant : paella gargantuesque et araignée géante au dessert. Si vous n'aimez pas la tarentule majuscule, vous avez un stand de pâtisserie hongroise à votre disposition. On y goûte du groin et on y groit, mais nous on a surtout fringale de mygales. D'ailleurs à huit-heure trente trente tapantes, elles descendent du plafond et s'installent sur la scène.

L'ARAIGNEE AU PLAFOND

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Vous n'aurez pas assez de vos dix doigts pour compter. Formation undécimale. Deux saxophones + deux trompettes + une clarinette + une basse + une guitare + percussioniste + batterie + claviériste, ce qui nous donne : dix tout rond. Et Mildred qui font onze. Un clan familial : le père, la mère, les fistons, les copains, les voisins et Mildred fille d'un père électrique. Jumpin' Jack Flash , it's a gas ! Gas ! Gas ! Z'ont raison d'allumer le gaz. Faut réchauffer l'atmosphère, avec les cuivres rutilants qui vous couvrent d'un chaud manteau, l'on sent que la soirée sera parfaite. D'autant plus que les riffs de guitare vous zèbrent le paletot d'éclairs de chaleur ondoyants. Pas le temps de s'arrêter, les araignées filent droit, près de deux heures sans un seul arrêt. One set, one shoot. Visent les titres les plus hot du répertoire, de l'Iggy et maintenant comme disent les philosophes, du Kilmister qui tue sans mystère, du Bashung qui ose grave. Jusqu'à ce gentil Michaël qui joue les bad boys.
Mildred est au micro. Non, c'est l'inverse, c'est le micro qui est à Mildred. L'en fait ce qu'elle en veut. Ce soir pas de tendres susurrements au clair de lune, tornades et grenades sont à l'ordre du jour. Eruptive et bondissante. Mildred : grâce de panthère qui feule comme un tigre affamé. La muse s'amuse comme un chat et nous sommes les souris. Elle invective le petit frère qui bat le fer sans s'en faire, et nous enjoint de nous remuer un peu, et le devant de la scène se couvre de geeks de jerk plus ou moins pachydermiques. Yeux rieurs et sourires moqueurs, mais l'on ne voit que la voix. Romaine, la qualifierons-nous, puisque solide et puissante. Coupe droit le paysage orchestral, y imprime sa griffe, s'en rend maître, en souligne les effets, les altitudes et les dépressions. C'est que derrière l'on s'active, la percu résonne comme un piano égrenant les arpèèèges, les cuivres ont belle mine, les trompettes claironnent, les phonistes jouent au cheval fou du Pays où l'on n'arrive jamais dans leur magasin de porcelaine de saxo, la batterie bat et rie tandis qu'à ses côtés l'ogre de barbarie touche le gravier de ses claviers. La basse s'embrase et la guitare pétarade.
N'a peur de rien Mildred, un Summertime ( pas vraiment de saison ) qu'elle décrète de Janis Joplin quoiqu'elle le chantât avec au fond du gosier des langueurs fitzgéraldiennes et un Gimmie Danger asséné comme un impératif catégorique nietzschéen : l'on ne vit que dangereusement, sinon vous êtes mort. Un uppercut vocal à faire sortir les trépassés de leur cercueil.
Les araignées sont au bout de leur répertoire et sur les rotules. C'est la fin. Non, trois rappels, Mildred harangue et la foule tangue... Ce coup-ci, faut rentrer dans la froidure pour rejoindre la voiture. L'araignée remonte au plafond. Non, l'Araignée monte au pinacle.


Damie Chad.

PUNK ROCK BLITZKRIEG


MA VIE CHEZ
LES RAMONES

MARKY RAMONE

( RIVAGE ROUGE / Mars 2016 )

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Un gros bouquin de quatre cents pages. La saga des Ramones n'en méritait pas moins. Une superbe occasion de plonger dans les troubles années de la naissance du punk. Une période mythique. Marc Bell en fut un témoin essentiel. Nous raconte sa vie, avant, pendant et après les Ramones. Trois longues séquences des plus intéressantes. Possède aussi un avantage sur tous les autres protagonistes, l'est le seul qui soit encore en vie.
Crèche à New York, à Forest Hill partie du Queens la plus proche d'Alphabet. Son père est docker. Pas une grosse brute. Un homme aux idées avancées, progressiste qui saura intervenir de manière très efficace chaque fois que le fiston aura des problèmes au Collège. L'en a souvent. Incapable de rester en place. Le genre d'élève qui agace les profs par le seul fait d'exister. L'a trouvé un dérivatif. Comme des millions de petits amerloques. L'a vu les Beatles à la télévision. La révélation. Quatre dieux d'un seul coup, c'est beaucoup, l'a focalisé sur Ringo. Sait à onze ans ce qu'il veut devenir : sera batteur. Ou rien. Point à la ligne.

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Commence par taper sur tout ce qui ne bouge pas. Couteau, fourchette, mains. Une insupportable manie, ses parents lui offrent un mini-kit de batterie. Vous devinez la suite, les études en pointillés, les heures et les heures à s'entraîner dans la chambre en écoutant les disques, les copains qui ont des goûts similaires, les premiers groupes amateurs, les répétitions dans une cave...


DUST

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Bosse dur et fort. Dès 1968 il forme avec Kenny Aaranson et Richie Wise le trio qui deviendra Dust. Sont malins, possèdent un quatrième larron Kenny Kerner qui les aide à composer et leur sert de manager et de prospecteur. Sont à l'affût des groupes anglais et refont à leur niveau ( financier ) le concours d'empilement de matos entrepris par les Who un lustre avant eux, le but est très simple : obtenir un gros son rock qui envoie. Kenny Kerner leur décroche un contrat de deux albums chez Kama Sutra. La major les pousse tout en les laissant libres. Le premier disque Dust ( 1971 ) pose les bases de ce qui deviendra le hard rock américain. Sera bien reçu et Dust accèdera à une tournée d'importance. De quoi se faire les dents et asseoir un commencement de notoriété. Le deuxième trente leur sera fatal. Ont eu droit à un meilleur studio... qu'ils maîtriseront mal, et ils ne bénéficient plus de ces morceaux peaufinés durant trois ans d'entraînement qui figuraient sur leur premier album. Kama Sutra retire ses billes, déçu le groupe se sépare. Les trois acolytes de Marc apporteront leur savoir faire aux débuts d'une nouvelle formation appelée à devenir célèbre : Kiss.

 

ERRANCE ROCK


Marc trouve assez vite du boulot. Bien payé. Mais la chance n'est pas de son côté. Passe une audition pour remplacer Billy Murcia mort d'overdose en Angleterre. Aurait pu faire partie des New Yok Dolls mais c'est Jerry Nolan qui décroche la timbale avec une frappe moins chargée de prouesses techniques et davantage rentre-dedans. Se résout en entrer dans un groupe de... folk. Ne soyons pas méchant, disons du hard harmonique, Estus qui possède un atout prometteur : son producteur n'est autre qu'Andrew Oldham, l'homme qui rendit les Stones universaux... et adepte du triolisme amoureux ce qui mettra rapidement fin à l'amitié naissante que Marc éprouvait pour ce dernier. Estus dont aujourd'hui plus personne ne se souvient bénéficie d'un budget promotionnel de plusieurs centaines de milliers de dollars pour l'enregistrement de leur premier album qui accouchera d'un flop prodigieux. Le moins mécontent n'est pas notre héros qui revient traîner dans les milieux d'avant-garde du rock new yorkais.
C'est au Max' Kanzas City, en 1974, qu'il retrouve Wayne County qui lui propose de l'accompagner sur scène. Un engagement est toujours bon à prendre. Wayne County est un garçon sympathique. Sympa sans problème, pour le sexe c'est moins évident, aspirerait à être une femme, ce qu'il fera plus tard, mais pour le moment l'est un transsexuel qui s'exhibe sur scène avec robe et perruque. Dans le New York de ces années follement électriques, cela ne pose pas de problème. La génération punk qui est en train de naître est prête à accepter toutes les outrances, tous les outrages. Mais lors des tournées dans les campagne profondes, le personnage de Wayne County possède trente années d'avance sur la vague queer. Les shows se révèleront pour le moins houleux. Point trop n'en faut. In too much, too soon comme disent les New York Dolls.

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L'a raté les Poupées mais il ne loupe pas les Voidoids. Richard Hell vient de quitter les Heartbreakers de Johnny Thunders et Jerry Nolan. Marc Bell navigue vraiment là où le rock and roll est en train de rentrer dans sa dernière phrase éruptive. Le navire tangue salement et les équipages sont un ramassis de forbans indisciplinés. Richard Hell a déjà été poussé hors de Télévision son premier groupe, Tom Verlaine ne supportant plus son addiction aux drogues dures qui empêche toute perspective programmée de carrière... Hell deviendra l'icône originelle du punk. Les cheveux hérissés, les épingles à nourrice pour réparer ses T-shirts usés ( qu'il est dans l'incapacité de remplacer à cause de sa dispendieuse consommation d'héroïne ), c'est lui. L'enregistre Blank Generation, l'hymne emblématique du punk américain. Marc participe à ce premier album, mais excédé de voir tout l'argent gagné filer dans les doses d'héroïne de Richard il quitte les Voidoids sans état d'âme. En tire deux leçons : mieux vaut l'alcool à dose raisonnable que l'héroïne qui coule à flots, et de la monnaie dans la poche qu'une vie de bohème déchirée et ultra-romantique.

THE RAMONES ( I )


L'entrée se fait naturellement. Connaît les Ramones depuis longtemps, se croisent souvent dans les lieux rock de New York, l'est reconnu comme un batteur d'expérience et lorsque Tommy Ramone éprouve le besoin de voir si ailleurs l'herbe est moins punk, c'est lui-même qui coache Marc pour qu'il prenne sa place derrière les futs. Perso j'aurais tendance à penser que si Tommy quitte les Ramones c'est parce qu'il est un peu trop intellectuel pour ses camarades.

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C'est en 1978 que Marc Bell se métamorphose en Marky Ramone. Fait désormais partie intégrante de l'illustre compagnie. L'y restera jusqu'en 1983. Attention, à cette époque les Ramones ne sont pas les légendes d'aujourd'hui. Sont un combo rock qui a la chance d'enregistrer, qui possède un noyau fidèle de fans mais qui doit bosser dur chaque jour pour gagner son pain. A cet endroit le livre devient passionnant. Marky nous fait entrer dans l'intimité d'un groupe de rock. L'on s'attendrait à mieux que cette resucée de l'enfer sartrien. Nous assistons à un véritable huis-clos psychologique. Comme tout combo qui marne sec la scène principale se déroule dans le bus des tournées. Quelques travellings avant la montée et après la descente, pour la musique vous repasserez. Marky part du principe que vous connaissez, une fois toutes les quinze pages vous aurez dix lignes pour décrire un concert, ce sera tout, roulez jeunesse.

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A tout seigneur, tout honneur, nous commencerons par le patron Johnny. Demande son avis aux autres, mais décide de tout. Un véritable chef. Un organisateur incomparable. L'est celui qui a fixé la formule. La bonne. L'on n'y reviendra pas dessus. Les morceaux ultra-courts et ultra-speed, les perfectos, les jeans troués et les cheveux longs. Inutile de changer. Pareil pour le bus : chacun possède son siège attitré. Les compagnes sont autorisées à venir. Mais quand c'est non, elles restent à la maison. Un gars rigide. Aux idées arrêtées. Ancrées à droite. Suit les matchs de base ball à la radio. Déteste les étrangers, les noirs, les juifs et les fainéants qui vivent des aides sociales. On ferait mieux de les envoyer au Viet-Nam. Pourraient au moins se rendre utile. Je ne vous le cache pas, Johnny n'est pas un gauchiste. En plus d'une pingrerie extraordinaire, se gave quand la note est selon le contrat payée par la maison de disques, sinon il choisit les motels et les restos les moins chers. Cette avarice possède ses bons côtés : Johnny veille à tout, calcule les itinéraires et l'essence au plus près, négocie les prix, le pécule des Ramones n'en sera que plus gros. Chaque semaine tous les membres de l'équipe reçoivent leur chèque, rien n'a été signé mais Johnny tient scrupuleusement sa parole.

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Johnny possède sa bête noire, c'est Joey. Faut avouer qu'il est difficile de supporter Joey. L'est bourré de tics et de tocs. Un gars répétitif. Il ouvre une porte et puis il la referme. Comme vous. Mais il réitèrera l'opération un minimum de cinquante fois. Toute autre action peut occasionner de multiples redites compulsives. Essayez de traverser une rue avec ce genre de godelureau et vous m'en direz des nouvelles. Entre son appartement et le bus qui l'attend vous prévoyez deux heures. Dans le meilleur des cas. Johnny le déteste, mais pas pour cette lenteur problématique, le différend est d'ordre idéologique, Joey est un hippie dans l'âme, représente tout ce ce que Johnny n'aime pas. Il n'oublie jamais de lui faire ressentir tout le mépris qu'il éprouve envers sa personne. Sur scène, Joey se colle au micro et n'en bouge pas. Miracle, vous envoie les textes à toute vitesse, un, deux, trois, quatre, et c'est parti pour le feu d'artifice. Un membre irremplaçable.

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Troisième comparse, Dee Dee, virevolte sur scène avec sa basse. Contraste total avec Joey immobile. Souvent perdu dans des orgies de came mais relativement propre dans sa tête, malgré ses défauts avérés et ses blessures existentielles son personnage fleure bon une poignante authenticité même s'il ne se lave pas tous les jours. Fait le lien entre Johnny et Joey, n'arrondit pas les angles, prend garde à ce que les rugosités saillantes ne rentrent point trop en contact. Marky serait du côté de Joey et de Dee Dee, même si celui-ci n'est pas loin des idées rétrogrades de Johnny, mais il est trop heureux de gagner de l'argent régulièrement pour prendre position dans cette guerre de tranchées larvée...

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D'autant plus que Sire envoie le groupe enregistrer avec son idole sonique le sorcier des studios : Phil Spector. Les conditions d'enregistrement s'avèrent laborieuses, Spector est un tyran paranoïaque qui n'hésite pas à sortir son revolver lorsque l'on n'obtempère pas à ses ordres... Ce qui n'empêchera pas Marky de le soutenir jusqu'au bout lorsqu'il sera accusé d'avoir assassiné Lana Clarkson d'une balle dans la bouche. Sera condamné à dix-neuf années de prison... L'album End of the century sera la meilleure vente des Ramones mais Johnny le trouve trop pop, trop loin du rock and roll que les fans aiment. Il en sera de même pour le suivant Pleasant Dreams produit par Graham Gouldman de Ten CC, imposé par Sire...

MARKY SANS RAMONES

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Au sein des Ramones Marky est heureux, vit avec Marion sa compagne qu'il connaît depuis son enfance, appartement standing, voiture de collection, l'est comme un poisson rouge dans son bocal... de whisky. S'est laissé submerger. Ne maîtrise plus rien. Commet l'erreur de trop : ne se présente pas à un concert qui doit être annulé. En enchaîne une seconde : boit durant les séances de studio. Les conséquences ne se font pas attendre : Johnny le remercie.
Commencent des années difficiles qu'il présente sans proférer une plainte. Continue de boire jusqu'à ce qu'il rentre dans un magasin avec sa voiture. Par une chance inouïe, malgré la foule, il n'a tué personne. Le juge l'envoie en cure de désintoxication qui ne sera pas suffisante. Lorsque Marion se lasse il en suivra une seconde beaucoup plus spartiate qui sera la bonne mais durant des années il continuera à fréquenter plusieurs fois par semaine les alcooliques anonymes... Travaille comme livreur de colis en vélo...
En 1988, Ritchie Ramone et Elvis Ramone qui l'ont successivement remplacé en tant que batteur au sein du groupe ont démissionné, Marky retrouve sa place au grand soulagement de ses anciens camarades.

 

THE RAMONES ( II )

 

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Toujours le même train-train. Mais la donne a changé. L'animosité entre Joey et Johnny s'est accrue. Johnny après l'avoir fait cocu durant des années s'est mis en couple avec Linda la petite amie de Joey. Mais c'est Dee Dee qui rue dans les brancards. Devient de plus en plus indépendant. En 1989 il déserte le groupe pour entamer une carrière de... rapper ! Mais l'on ne quitte jamais tout à fait les Ramones. Continuera à composer pour le groupe. Sera remplacé par C. J. Ramones qui recopiera sur expresse recommandation de Johnny, son mentor, le jeu de basse et de scène de Dee Dee. L'on ne change pas une équipe qui gagne.
Ironie du sort, alors qu'ils commencent à prendre de l'âge, le monde se range aux côtés des Ramones. Le punk devient à la mode. Des épigones comme Green Day vendent des millions de disques. Les Ramones qui furent les soutiers du punk-rock se voient doubler sur leur droite et sur leur gauche. Un peu dur à avaler, se sont épuisés en incessante tournées, jouant parfois en première partie de groupes de hard dont le public ne les ménage pas... N'ont jamais énormément vendu mais bénéficient désormais d'une aura monstrueuse auprès des fans et des musiciens.

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Tournent dans le monde entier. L'Amérique du Sud leur réserve un accueil inoubliable, des centaines de milliers de fans dans les stades. Mais c'est la fin, le concert d'adieu du 6 août 1996, à Los Angeles, avec entre autres la présence de Lemmy Kilmister et le groupe se sépare. Johnny estime qu'il a atteint ses objectifs. Peut se payer une maison avec piscine et vivre de ses économies... Joey refuse un 2263 ° concert qui leur rapporterait un million de dollars. Johnny s'incline. Mais jamais il ne passera pas un seul coup de téléphone à Joey qui en 2001 se meurt d'un cancer...


MARKY LE SURVIVANT

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Dee Dee le suivra de près dans la tombe. Overdose en 2002. Les drogues dures furent depuis son adolescence son péché pas très mignon. Johnny décèdera en 2004. Marky leur survivra. S'en tire bien, remonte un groupe, tourne et enregistre. Comblé d'honneur et de prestige. Est encore vivant lorsqu'en 2014 Tommy passe l'arme à gauche...
Ce n'est pas un hasard, possède une carapace psychologique de protection, le gars toujours content de lui. Dans le pire des cas, il reste persuadé qu'il gère au mieux. Une confiance en lui-même qui le protège de toute déstabilisation. Se tire de n'importe quelle catastrophe, résout toutes les contradictions, conserve l'amitié de tous les crabes du panier. Comprend tout, analyse finement, ne pousse jamais à bout une situation. Aime profondément Joey et Dee Dee mais reste fasciné par l'étroite solidité mentale de Johnny. Joey et Dee Dee ont un talent fou, mais c'est Johnny qui mène le combat. L'est le stratège d'une armée d'élite. Rien ne le rebute. N'est point disposé à concéder la moindre concession. Johnny que l'on qualifie aisément de facho possède à son niveau une honnêteté intellectuelle étonnante et une intégrité rock and roll devant laquelle Marky s'incline...
Marky n'est pas un idéaliste. Les Ramones ont fait leur job. Que vous appréciez ou pas leur musique, vous ne pouvez le leur reprocher. Sont indubitablement des punks, mais ils n'ont jamais brandi l'étandard de la révolte. Ont fait leur truc de prolo sans prétendre vous donner des leçons de vie. Ne savaient pas grand-chose d'autre. En devinrent exemplaires. Nos trois vautours doivent en ricaner dans leurs tombes.

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Incontournable si vous aimez les Ramones, un complément indispensable à la bio de Dee Ramone, Survivre aux Ramones, traduite en notre douce langue françoise par l'éruptive Virginie Despentes.


Damie Chad.

L’EGLISE AUX SERPENTS
MYSTERE ET REDEMPTION
DANS LE SUD DES ETATS-UNIS

DENNIS COVINGTON

( Latitudes / Albin Michel / 2003 )


I’m the lizard king
I can do anything !

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Plus facile à dire qu’à faire. L’histoire commence in the borders. Ne cherchez pas sur la carte des USA, c’est en Europe. Au sud de l’Ecosse ou au nord de l’Angleterre, une région frontière, peuplée de sauvages. Des populations qui n’ont que des herbes et des rochers à manger. C’est dur et c’est maigre. Vraisemblablement des résidus des farouches tribus pictes que les Romains ne parvinrent jamais à mater. Des fortes têtes, des crève-la-faim patentés, vivaient en village refusant toute autorité étatique, communale. Des missionnaires chrétiens les avaient visités, les avaient chassés mais ils avaient gardé le Christ, avaient un peu perverti le message, le dieu d’amour l’avaient transformé en dieu de défi qui correspondait mieux à leur vision du monde.
Au bout de quelques siècles de survie se sont vus obligés de trouver un territoire un peu moins âpre. Z’étaient pas des intellos, l’Irlande leur a paru être une terre de Canaan. Erreur funeste, pour ne pas irrémédiablement être au nombre des victimes de la famine, ont suivi le million d’Irlandais qui ont émigré en Amérique.
Sont restés groupés. Pas fous ils ont tourné le dos au delta - une espèce de marécage infestés de serpents - ont plutôt lorgné vers les riches terres de la Virginie. Un look encore trop sauvage, pas de quoi rassurer un employeur. Les riches propriétaires des plantations de coton ont refusé de les embaucher, les noirs paraissaient bien plus dociles que ces bandes de racailles affamées aux regards meurtriers. L’était manifeste qu’ils n’étaient pas désirés.
Alors ils ont continué le chemin et ont commencé à gravir les premières pentes des Appalaches. Se sont tout de suite sentis comme chez eux. Un paysages qui rappelait les Highlands et une terre presque aussi pauvre. Que personne n’en voulait, alors ils se sont installés heureux comme des papes. Excusez l’expression malheureuse pour ces méthodistes protestants ultra-rigoristes, mais à leur manière.
Le conte aurait pu s’arrêter là : ils se marièrent, eurent beaucoup d’enfants ( comptez trois morts pour deux survivants ), et furent très heureux. Vécurent en quasi-autarcie, parvinrent à édifier un modèle économique d’autonomie de survivance, qui correspondait assez bien à leur mentalité. N’embêtaient personne, et ne demandaient rien à Dieu. En plus, eux, ils avaient une préférence pour Jésus.

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En bas des collines le monde tournait un peu plus vite. Le progrès technique bousculait la civilisation jusqu’à lors essentiellement agraire. Les villes offraient des emplois moins pénibles que les travaux des champs avec salaire fixe. Eldorado urbain. Au début, sur les hills on fit semblant de ne rien voir. Puis les jeunes commencèrent à déserter, puis les hommes allèrent chercher du boulot, rentraient le soir ou en fin de semaine. A la ville ils prirent de mauvaises habitudes, beaucoup de whiskies, fréquentèrent les dames de petite vertu, commencèrent à prendre des maîtresses, à tromper leurs femmes… Nous nous garderons de leur jeter la première pièce, mais l’introduction de ces nouvelles habitudes, dynamitèrent l’antique ciment de cette société d’auto-suffisance patiemment bâtie durant tout le dix-neuvième siècle.
Cela ne pouvait plus durer comme cela. Y eut comme une crispation identitaire et culturelle. N’avaient qu’une seule richesse : le christianisme. Mais tout le monde était chrétien. Fallut donc prouver que le Seigneur était de leur côté. Qu’ils bénéficiaient d’un accès direct et personnel à dieu. Le mouvement méthodiste se scinda en 1906, les pentecôtistes déclarèrent que l’Esprit Saint leur rendait de temps en temps une petite visite. Régulièrement pour certains. Vous pouviez le remarquer : durant les réunions les fidèles s’évanouissaient, piquaient des crises d’épilepsie, se traînaient par terre, déliraient, parlaient d’étranges langues logorrhéiques, bref un ramdam de tous les diables. Ce mouvement s’étendit un peu partout, c’est alors que dans les Appalaches l’on décida de faire mieux : l’on mania des serpents. Des vrais, des venimeux, des méchants, des crotales, des mocassins et parfois même des mambas. Dès que l’Esprit Saint vous tombait dessus vous plongiez votre main dans votre boîte à reptiles en attrapiez un et selon vos intuitions vous l’agitiez de toutes vos forces ou le faisiez circuler en toute liberté votre corps ou vous vous essuyiez le visage avec sa tête… L’existaient aussi d’autres facéties telles que ramasser à pleine mains des charbons ardents dans le poêle de l’Eglise, et si vous éprouviez une légère soif boire une bonne bouteille de strichnine… C’est en 1909 que le premier manieur de serpents se livra cette activité somme toute aléatoirement dangereuse. Roulette ruse. De serpent.

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DENNIS COVINGTON


Le livre commence en 1992. Dans un endroit que le lecteur de KR’TNT ! connaît très bien, puisque lui a été consacrée dans notre livraison 235 du 28 / 05 / 2015 toute une chronique. A Scottsboro, bourgade perdue de l’Alabama où se déroula l’infâme procès des boys de Scottsboro, huit petits nègres injustement condamnés à morts pour avoir prétendument violé une jeune femme noire. Apparemment le tribunal de Scottsboro ne désemplit pas puisque nous assistons à l’audience de Glenn Summerford. L’est vrai qu’il a fait fort : l’a tenté de tuer sa femme ( ce qui peut arriver à tout homme marié, j’en conviens ) à l’aide d’un revolver, ce qui serait la marque certaine d’un manque d’imagination, si au lieu de l’abattre froidement d’une balle, il ne l’avait forcé, à l’aide de ce menaçant calibre, à se faire piquer par un de ses serpents. Non seulement son épouse survivra mais le malheureux sera condamné à quatre-vingt dix neuf années de prison.
Dennis Covington est le journaliste de Birmingham ( grosse ville du coin ) chargé de couvrir l’affaire. L’a intrigué auprès de son rédac-chef pour être sur l’action. N’est pas venu là par hasard. Depuis tout petit, l’est obnubilé par l’emprise psychique que la religion peut avoir sur vous. Un croyant qui refuse d’être dupe mais qui reste fasciné par ce mystérieux pouvoir plus ou moins charlatanesque qu’une Eglise peut avoir sur les individus. Les manieurs de serpents l’attirent : enfant il adorait attraper les reptiles, les inoffensifs comme les venimeux… l’a l’impression d’un retour aux sources, les recherches généalogiques paternelles semblent indiquer que sa famille tirerait ses origines de ces villages écosso-irlandais où est née cette tradition des manieurs de serpent. Un retour sur soi-même, un peu comme le serpent qui se mord la queue.

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La recherche d’une plénitude en quelque sorte. L’a déjà vu la mort de près dans un reportage sur la guerre civile au San Salvador. Et c’est peut-être cela qui le guide, cet instant suprême ou l’absolu de la mort vous frôle… Désir des plus troubles, d’autant plus qu’il a trouvé le bonheur auprès de sa femme et de ses deux petites filles.
N’est en rien un exalté, mais quelqu’un qui est attiré par les limites de la vie. Nous raconte deux années de sa vie. L’arc-en-ciel au-dessus de l’abîme. Toute frontière est intérieure. Le rêve américain consiste à la repousser. Nous n’avons plus qu’à suivre Dennis Covington, dès la première cérémonie à laquelle il nous entraîne nous nous retrouvons en pays de connaissance, ne nous présente-t-il pas Oncle Ully Lynn qui écrivit des morceaux pour Loretta Lynn, la reine emblématique de la country music. Plus tard il nous donnera une acception du terme revival que nous ne connaissions pas : des assemblées religieuses de plein air qui pouvaient regrouper plusieurs milliers de personnes où l’on assistait à des présentations de manieurs de serpents. Une sorte de liturgie à la Morrison Hôtel.

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Nous pénétrons en un monde étrange, une petite communauté en marge des lois et de la vulgate sécuritaire du modernisme. Dennis Covington ne se contente pas de relater les aspects les plus superficiels des phénomènes auxquels il assiste et participe. Possède l’œil du sociologue qui pose toujours une grille d’interprétation sur le réel auquel il se confronte. Mais une fois qu’il a accompli son analyse la plus froide, il se hâte d’enlever cette armature de protection. Décrire un homme, décrire un serpent en toute objectivité est relativement facile, mais il arrive un moment où il faut bien toucher du doigt et le serpent et se frotter au corps de l’homme.
De la femme aussi. Car toucher le reptile est un geste éminemment érotique. Inutile de vous dessiner le serpent du sexe. L’animal du péché. Vous pouvez le décliner sous forme d’auto-érotisme. Masturbation reptilienne. Mais cela n’intéresse que vous et le petit Jésus. L’acte se complexifie lorsque la femme s’en mêle. Le désir devient tentation. Le seigneur descend en elle et vous jouissez de son halètement extatique. Communion christique des plus étranges. Le livre se terminera lors d’une cérémonie de mariage. Où est Jésus ? Qui est la femme ? Où est le désir ? Vicky, l’épouse de Covington, l’accompagne dans cette ultime rencontre avec les manieurs de serpent. Elle connaît alors l’illumination grâce à l’imposition des mains effectuée par Celle même dont Dennis nous a vanté la beauté et relaté la béatitude gémissante et ophidienne qui l’étreint lors d’une séance précédente. Te perdre pour mieux me retrouver.
Covington paye de sa personne. Devient un manieur de serpents. L’obscure envie de faire partie du club des initiés certes, mais aussi de se rendre compte et de rendre compte de lui-même. N’écrire, ne parler que de ce que l’on a connu. Une expérience mystique. Qui lui pose davantage de problèmes qu’elle n’en résout. Le retour parmi la petitesse des hommes est décevant. L’on manie les serpents comme l’on devient chanteur de rock. Pour être devant et attirer les regards. Des filles et des hommes. Être le plus fort. A celui qui aura et manipulera le plus gros des serpents et le gardera le plus longtemps. Bouffissures d’orgueil. Jusqu’à la mort. Car le reptile mord. Refuser le médecin et toute espèce de médicament. Rien de mieux que de rejoindre au plus vite Jésus quand il vous appelle. Entre la pulsion de mort et le vouloir vivre, Covington choisit de rester auprès de sa femme. Il cueille la rose de l’éros et délaisse l’asphodèle de la mort.
Entre le corps de Jésus et la chair de la femme, il a opté pour le mauvais choix. La congrégation le pousse dehors. Entre le compagnonnage guerrier des apôtres et la splendeur de la pècheresse, un seul chemin est possible.
Le livre s’achève ici. Tout choix est politique nous prévient Covington. Les manieurs de serpents appartiennent à un vieux monde patriarcal dépassé. Triomphe de la femelle petite-bourgeoise américaine ? Covington a retrouvé ses origines pour les nier. Le serpent finit par manger le serpent. Un livre étonnamment construit. Nous précise que Vicky a arrêté de travailler à son roman pour l’aider à le terminer. Est-ce pour cela qu’il laisse en suspend au cours de son récit l’histoire familiale de ces deux adolescents privés de testicules devenus manieurs de serpents. Vision androgynique des jumeaux opératifs des menées alchimiques ?

Un livre qui ne recherche jamais le sensationnel. Un parcours êtral. J’ai même l’impression que Dennis Covington se retient. N’a pas tout dit. Mais a beaucoup suggéré. Une plongée sans précédent dans l’Histoire américaine, une subtile radiographie de la religiosité américaine, une vision politique de la mentalité des petits-blancs américains typiques, et une descente ophite et orphique dans les confins métaphysiques de l’individuation américaine. Un livre qui vous en apprendra davantage sur le pays du rock and roll et d'Alice Cooper que beaucoup d’autres.


Damie Chad.