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10/04/2014

KR'TNT ! ¤ 184 : BUZZCOCKS / LOREANN' / SHORTY TOM AND THE LONGSHOTS / TINSTARS / SOUTHERNERS

 

KR'TNT ! ¤ 184

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

10 / 04 / 2014

 

 

PETE SHELLEY + BUZZCOCKS / LOREANN'

/ SHORTY TOM AND THE LONGSHOTS /

TINSTARS / RUBY PEARL / SOUTHERNERS

 

 

 

LA CLEF / SAINT GERMAIN EN LAYE ( 78 )

 

 

02 - 04 - 2014 / BUZZCOCKS

 

 

LES HITS LECHES DE PETE SHELLEY

 

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Ah les Buzzcocks ! Comme on a pu les adorer pour leurs singles, et les détester à cause de leurs trois premiers albums ratés ! Ils font partie des survivants de la première vague punk de Manchester. Trente-sept ans après la bataille, ils sont toujours là, on ne va pas dire frais et roses comme des gardons, mais fidèles comme des paroissiens. Pete Shelley et Steve Diggle continuent de veiller au destin du groupe, épaulés par deux petits jeunes, Chris Remington (bass) et Danny Farrant (drums).

 

Pour remonter à la source du groupe, il faut entrer dans un collège technique bien sinistre de la banlieue de Manchester et filer droit au panneau d’affichage des petites annonces. Howard Trafford y a punaisé la sienne. Il cherche des gens pour monter un groupe, mais pas n’importe quels gens. Il faut qu’ils soient fans du Velvet et qu’ils écoutent «Sister Ray». Peter McNeish radine sa fraise et décroche l’annonce. Howard Trafford qui surveillait le panneau d’affichage à distance accourt et lui serre la pince. Il réussit à masquer sa déception car il aurait préféré voir arriver une petite gonzesse. Ils partent ensemble à l’aventure et montent un groupe qui va s’appeler les Buzzcocks. Ils n’ont absolument rien : pas de look, pas de chansons, pas de guitares, pas de rien. Ils trafiquent leurs noms, comme vont le faire quasiment tous les punk-rockers. Howard s’appellera désormais Devoto (il prend le nom d’un chauffeur de bus), et Peter prendra le nom que ses parents lui auraient donné s’il avait été une fille : Shelley. Avec deux autres compères, ils vont enregistrer le EP «Spiral Scratch» et entrer directement dans la légende. Tout simplement parce que «Spiral Scratch» est l’un des cinq meilleurs EPs de la première vague punk anglaise.

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Puis, de single en single, les Buzzcocks vont devenir l’un des groupes les plus mélodiques d’Angleterre. Sur scène, c’est imparable. Ils alignent des hits faramineux, tout le monde les connaît et les chante en chœur, on se croirait à un concert des Beatles ou de Slade. On chante, on saute, on crie.

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La Clef à Saint-Germain-en-Laye est une salle de rêve, on y descend comme en descend en enfer. Idéal pour recevoir cette poudrière à huit pattes que sont les Buzzcocks, ces lads de Manchester qui ont tout l’or du monde, c’est-à-dire les chansons. Sans les chansons, un groupe ne vaut pas grand-chose, comme nous le savons tous.

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Steve Diggle arrive sur scène goguenard. Il paraît sincèrement ému de retrouver un public d’admirateurs. C’est un mec qui rigole de bon cœur et qui envoie des petits saluts aux fans. Il a ce sourire irrépressible des gosses timides et ravis. Il porte une chemise blanche à pois noirs et il joue sur une Telecaster blanche décorée d’un petit Union Jack. C’est le rocker anglais par excellence, présent, scénique, classieux, pas frimeur, qui bouge, qui claque ses accords avec un bras en l’air, qui saute et qui bouge sans cesse. Steve Diggle n’est rien d’autre qu’un punk-rocker qui monte sur scène pour prendre du bon temps avec son public. Tous les oiseaux de mauvaise augure qui passent leur temps à cracher sur le rock ou à prédire sa fin devraient voir Steve Diggle sur scène. Ça leur couperait la chique et ça les remettrait dans le droit chemin.

 

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Par contre, Pete Shelley a pris un petit coup de vieux. Il porte une barbe blanche, il a rétréci mais il s’est épaissi. C’est une petite boule sur deux jambes fluettes. Il ne bouge pas. Il porte du noir, avec des mots imprimés sur la chemise, comme dans l’ancien temps des Punks de Manchester.

 

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Mais la voix est là, intacte, cette voix perchée qui va si bien chercher l’harmonie. Les hits sont eux aussi au rendez-vous. Et quand les Buzzcocks ouvrent leur bal, ils le font avec une version terrible de «Boredom», le hit punk tiré de «Spiral Scratch». C’est la folie. La salle explose aussitôt. Et pourtant, on est dans une ville spéciale - je veux dire par là qu’il vaut mieux être très riche pour y vivre. Saint-Germain n’est pas une banlieue de Glasgow ou de Manchester. Mais le public réagit au quart de tour. On voit Pete Shelley jouer l’incroyable solo de «Boredom» sur une seule note. Magnifique pied-de-nez aux virtuoses à la mormoille.

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Ceux qui ont vécu le punk anglais en direct en 1977 savent que les Buzzcocks faisaient jeu égal avec les Sex Pistols et les Damned. Il n’y avait rien de plus excitant qu’un concert des Buzzcocks à Londres. Et le miracle, c’est qu’ils sont toujours là et que des gens les acclament. Ils enchaînent avec «Fast Cars». C’est du délire. Ces hits punks mélodiques firent mouche en 77 et c’est toujours le cas aujourd’hui. Pete Shelley est l’un des grands compositeurs de pop anglaise, ne l’oublions pas. Niveau Lennon/McCartney. Le milieu de set est un peu moins volcanique, puis ça ré-explose vers la fin avec des hits fulgurants comme «Promises», «Love You More», «What Do I Get», et ils vont plonger la meute de fans dans la transe avec trois bombes en rappel : «Everybody», «Ever Fallen In Love» et «Orgasm Addict».

 

En 1977, pour beaucoup de gens, les Buzzcocks incarnaient l’avenir du rock anglais. Car ils composaient de véritables classiques, comme les Beatles et les Kinks avant eux. Ils s’inscrivaient dans la pure tradition de la british pop, riche en harmonies vocales et en mélodies imparables, même s’ils accéléraient le tempo. Howard Devoto quitta le groupe aussitôt après «Spiral Scratch» pour fonder Magazine. Pete Shelley poursuivit son petit bonhomme de chemin avec Steve Diggle. Comme ils travaillaient une image de modernité, ils s’adjoignirent les services d’un graphiste, comme Hawkwind le fit au début des seventies avec Barney Bubbles. Ils avaient déjà réussi à définir leur identité musicale, et ils sentaient qu’il fallait encore affiner leur spécificité avec une identité visuelle. D’où le graphisme très géométrique inspiré de Mondrian des pochettes des premiers albums et des chemises qu’ils portaient. S’ils avaient pu se transformer le visage pour ressembler à ceux que peignit Picasso dans sa période cubiste, ils l’auraient fait. La soif de modernité peut vous mener loin.

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Quand un groupe lâche dans la nature des singles magiques comme «Everybody’s Happy Nowadays», on attend le Pérou. Je me souviens très bien du jour où je suis rentré à la maison avec leur premier album «Another Music In A Different Kitchen» sous le bras. Comme si c’était hier. J’ai mis le disque sur la platine et me suis frotté les mains, comme Ténardier lorsqu’il voit entrer les clients dans son bouclard. Je n’attendais rien de moins qu’une succession de chansons mirobolantes qui allaient me mettre dans un état d’extase comparable à celui que j’avais éprouvé le jour où je découvris «Strawberry Fields Forever». Premier morceau, «Fast Cars», sympa, emmené à fond de train, mais il n’y avait pas de quoi casser une patte à un canard boiteux. Puis «No Reply» et trois autres morceaux terriblement médiocres. Fucking Buzzcocks ! Quelle arnaque ! On allait de déception en déception. Malgré leurs indéniables qualités, «I Don’t Mind» et «What Do I Get» ne parvenaient pas à sauver le reste de l’album. Du coup, je l’offris à mon frère qui fut ravi. Le second album - «Love Bites» - fut accueilli avec une méfiance de paysan corrézien. Je commençai par le flairer, snif snif snif, puis je le mis sur la platine. Ce fut exactement le même scénario, avec une succession toute aussi impressionnante de morceaux médiocres. Il fallait attendre la fin de l’album pour tomber sur les coups de génie. Voilà bien le paradoxe buzzcockien : ils sont capables du pire comme du meilleur. Le pire chez eux sera cette propension à pondre du post-punk insupportable. Rappelons que le post-punk exacerbé fut l’un des fléaux des années quatre-vingt. Le meilleur, ce sont des morceaux faramineux comme «Nothing Left» - Shelley attaque - «I’m on my own now» - avec une voix de teenager désaxé, il crée une énorme tension et on sent tout au long du morceau une vraie pulsation, accompagnée de bouquets d’accords claironnants et de ponts merveilleux jetés par dessus le vide de Manchester - ou ce hit dément qu’est «ESP» - doté d’une monstrueuse intro, joué dans l’urgence, monté sur une sorte de gimmick lumineux - «do you believe in ESP» - ondes transmises de cerveau à cerveau - «a magnetic kind» - et Pete Shelley nous embarque dans une pièce de mad psychedelia hypnotique, drive derrière et gimmick devant, petites notes jouées à l’arrache, véritable coup de génie - «I don’t know what to do» - c’est hallucinant de vérité cryogénique tellement ça fume - jamais on ne reverra ça à Manchester - ESP !

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En même temps que l’album sortaient sur single des morceaux magiques comme «Love You More», «Promises» - embarqué à la puissance des power-chords - «how can you ever let me down ?» Pete chante comme un dandy - et surtout «Lipstick», effarant, attaque perchée au chant puis ça vire sur les passages d’accords de «Shot By Both Sides», la classique de Magazine composé par devinez qui ? Pete Shelley, bien sûr. Après avoir découvert ces quelques morceaux, les amateurs de rock anglais réalisèrent que Pete Shelley avait du génie et qu’il était lui aussi capable d’embraser les imaginaires.

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Avec le troisième album qui s’appelle «A Different Kind Of Tension», on se retrouve confronté exactement au même problème qu’avec les deux albums précédents : il faut attendre la fin du disque pour tomber enfin sur un titre convenable. Pete Shelley chante «I Believe» avec son fort accent cockney et inscrit le morceau au panthéon de la petite pop décadente.

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Au même moment sort le single «Everybody’s Happy Nowadays» et c’est le serpent du Loch Ness qui resurgit, un hit affolant de tension, efféminé au chant, tiraillé à la folle note, franchement l’un des hits les plus juteux de l’histoire du rock, nouveau coup de génie de l’ami Shelley, okay okay et doté du slogan punk absolu : «I was so tired of being upset, always wanting something I never could get» (j’en avais marre d’être écœuré, je voulais toujours des choses que je ne pouvais pas avoir). Du coup, si on souhaite garder ce qui est vraiment bien des Buzzcocks, il faut se débarrasser de ces trois albums (comme je l’ai fait) et ne garder que les singles, ou mieux encore, un Best Of du genre «Operators Manual» où sont entassés tous les coups de génie de Pete Shelley. Mais attention, ce genre de disque est dangereux car une overdose émotionnelle peut affecter votre système nerveux et entraîner certaines formes de dégénérescence.

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En 1993, c’est-à-dire quinze ans plus tard, sortait un nouvel album intitulé «Trade Test Transmissions». Il présentait exactement les mêmes symptômes que ses prédécesseurs. Après deux premiers morceaux de bonne tenue («Do It» et «Innocent» - belle pop descendante à la Brian Wilson, troussée à la hussarde et chantée avec l’accent cockney, soulignée d’une fantastique partie de basse), le malheureux auditeur devait se taper une interminable série de morceaux médiocres. Mais sa patience était finalement récompensée par deux bonnes surprises. D’abord un vrai standard punk, «Energy», qui apportait la preuve de l’existence d’un dieu du punk-rock. Pete enfonçait le E de Energy et soignait ses chutes, pendant que derrière les autres faisaient oh-oh, le tout arrosé d’un killer-solo d’anthologie qui arrivait en dérapage contrôlé. Puis on tombait sur «Crystal Night», amené par une intro monstrueuse et chanté avec une morgue terrible. Morceau du même niveau que «ESP» ou «Everybody’s Happy Nowadays», épouvantable classique qu’on réécoutait plusieurs fois d’affilée pour faire durer l’extase le plus longtemps possible. Peu de gens savent provoquer une telle excitation. Eh bien, Pete Shelley détient ce pouvoir magique.

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Cinq ans plus tard, on se prenait «All Set» dans les dents, un petit album qui avait l’air de rien mais qui regorgeait de tubes shelleyiens. L’ami Pete envoyait les grosses guitares et chantait «Totally From The Heart» d’une voix riche, grasse et candide. «Without You» était encore plus dévastateur, on avait là du vrai Buzz, Cock ! De haut vol, taillé dans la viande de la pop et le génie du Pete éclatait une fois de plus - «since you left me/ I live the day by day eh oh» - fantastique poussée de fièvre juvénile, rose et poppy, teenage et sucrée, chantée dans le jus, magique et classique, bourrée de grosses passades d’accords. «Your Love» sonnait aussi comme un gros classique des Cocks, Buzz, c’était riffé à l’arrache, monté sur une ligne de basse qui courait comme le furet, on renouait avec les Buzz d’antan, Cock. Ils sonnaient vraiment comme le MC5 de «Tonight». Et Steve Diggle chantait ses compos, alors on dressait bien l’oreille, car ce vétéran de la scène de Manchester en imposait avec des trucs comme «What Am I Supposed To Do» ou «Playing For Time», compos classiques qui sonnaient comme du rock de pirate viking. Steve Diggle ne s’est jamais foutu de la gueule des gens. Il a toujours cru en ce qu’il faisait. On pourrait très bien le considérer comme le soldat inconnu du rock de Manchester, un héros méconnu dont les compos sont invariablement excellentes. Chanteur, soliste, bête de scène, compositeur, Steve Diggle appartient désormais à la caste des héros du rock anglais.

 

Les Buzzcocks tapaient aussi dans le Ministry sound avec «What You Mean To Me». La chose était à la fois salée, brutale et claquée de grosses nappes indus et ça finissait par sonner comme un classique underground. Mais on risquait de trouver la chose trop solide pour être honnête. L’honneur de boucler cet excellent disque revenait à Steve Diggle. Il le faisait avec «Back With You», en grattant une guitare sèche et il tenait ses engagements, car la suite du morceau tenait bien la grappe.

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Et pouf, trois ans plus tard ils reviennent avec un nouvel album, «Modern». On trouve là-dessus deux ou trois choses de très haut niveau, comme «Thunder Of Hearts», qui file à belle allure et avec une réelle ampleur. La power pop ? Pete Shelley s’y sent comme un poisson dans l’eau. Il y règne sans partage, tel un grand requin blanc. Il réédite l’exploit avec «Runaround», exemple parfait du hit pop porté par la diction du chanteur. Pete Shelley sait mâchouiller ses mots. «Under The Sun» va en épater plus d’un, c’est chaud dès l’intro, c’est même du pur jus de Buzz, Cock ! Une pure giclée de pop boutonneuse sevrée au drumbeat frénétique, un son unique au monde. Steve Diggle revient aux affaires avec un «Turn Of The Screw» battu à la diable et gimmické à la Johnny Thunders. Admirable. «Sneaky» est l’autre perle de ce disque. En voiture, c’est l’printemps !, pourrait dire Pete et vlan ! il nous balance un refrain miraculeux. On assiste une fois de plus à l’éclosion d’une power pop puissante et dégoulinante de jus. Pete Shelley donne tout simplement l’impression de sculpter son refrain pour en faire une œuvre d’art.

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Ils restent dans la veine des gros tubes inconnus pour l’album suivant. Il n’a pas de nom. On l’appelle donc «Buzzcocks». On sent qu’avec l’âge, ils gagnent en force. «Keep On» est un morceau symptomatique de cette évolution. Ils frisent désormais le Hüsker Dü. Le bassiste Tony Barber produit maintenant les albums du groupe et on sent bien qu’il mastérise jusqu’à la limite de saturation. «Keep On» est un morceau d’une rare puissance, qui semble par moments saturée. Steve Diggle renvoie sa sauce avec «Wake Up Call», toujours aussi classique et admirable, même s’il recycle des vieux coups de notes tirées de «Shot By Both Sides».

 

On prend des mauvaises habitudes avec un groupe comme les Buzzcocks. On écoute leurs disques avec l’espoir d’y trouver des hits planétaires, tellement on les sait capables d’en pondre. Du coup, les morceaux moyens nous agacent.

 

Et quand on tombe sur un morceau comme «Friends», on se sent grassement récompensé, car voilà bien ce qu’il faut appeler une énormité. On prend ce morceau bourré d’échos des Beach Boys et de distorse en pleine poire. C’est en effet une pure démence de Beach Boys flavor pilonnée de frais. «Morning After» est aussi un morceau puissant chanté à coups de menton, mais Tony Barber fait trop de glissés de basse. Tout repose une fois de plus sur l’indicible génie de Pete Shelley. Les Buzzcocks nous font le coup du lapin avec «Lester Sands». Ils jettent des petits chœurs dans la fournaise du punk-rock de Manchester. Les Cocks retrouvent leurs marques, Buzz. «Morning After» est franchement digne de «Spiral Scratch».

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Leur dernier album est un peu mou du genou. «Flat Pack Philosophy» n’aura quasiment aucune influence sur l’avenir du genre humain. On sent les Buzzcocks fatigués et ils entassent les morceaux de petite pop malencontreuse, comme ils l’avaient fait sur leurs trois premiers albums.Steve Diggle s’en sort mieux que Peter Shelley sur ce disque. Son «Big Brother Wheels» accroche bien. Il menace toujours la suprématie de brother Pete, mais en fait, il ne parvient jamais à faire exploser ses morceaux dans l’azur marmoréen. Ce privilège appartient à Pete et à Pete seul. Dommage, car sur cet album, les compos de Pete manquent de grandeur élégiaque. On s’ennuie un peu et l’écoutant mâchouiller ses mots. Ce disque semble aussi constipé que le sphincter d’un junkie. Il a beau pousser, oumf... Rien ne vient. Avec «Sound Of A Gun», Steve revient sur le chain gang. Attention, Steve Diggle est un dur de Manchester, question violence, il en connaît un rayon. Il adore se colleter aux gros durs des bars du port. Il adore le bruit du cuir frotté et adore sentir ses semelles coller dans la bière qui sèche.

 

Et puis sur scène, il a su conserver cette merveilleuse manie consistant à tourner la tête pour cracher par terre.

 

 

Signé : Cazengler, triplebuzz, cock !

 

Buzzcocks. Le Clef. Saint-Germain-en-Laye (78). 2 avril 2014

 

Buzzcocks. In A Different Kitchen. United Artists Records 1978

 

Buzzcocks. Love Bites. United Artists Records 1978

 

Buzzcocks. A Different Kind Of Tension. United Artists Records 1978

 

Buzzcocks. Trade Test Transmissions. Castle Communications 1993

 

Buzzcocks. Operators Manual - Buzzcocks Best. EMI 1991

 

Buzzcocks. All Set. I.R.S. Records 1996

 

Buzzcocks. Modern. Go-Kart Records 1999

 

Buzzcocks. Buzzcocks. Merge Records 2003

 

Buzzcocks. Flat-Pack Philosophy. Cooking Vinyl 2006

 

Sur l’illustration : de gauche à droite, Pete Shelley, Steve Diggle, Tony Barber et Danny Farrant

 

 

LE CESAR / PROVINS

 

05 - 04 - 14 / LORERANN'

 

Jour de marché à Provins. Du monde partout, je prends la sage décision de me réfugier dans mon troquet préféré, histoire de me jeter un petit noir – en réalité toute une tribu – dans le gosier. De loin je m'aperçois que j'aurai droit la totale, ils ont sorti la terrasse, le soleil, et les parasols. Mais quelle est cette silhouette qui s'agite en tenant dans ses mains, mais oui, par Zeus et Apollon, c'est une guitare, un objet aussi incongru dans les rues Provins qu'un sous-marin en goguette sur les sableuses dunes du Sahara ! Sans doute suis-je victime d'une insolation printanière, mais non, c'est bien une chanteuse avec micro, deux amplis et sa voix en bandoulière. En plus elle chante en anglais et je reconnais un vieux truc amerloque. M'assois illico et commande un double crachat de dieu pour me remettre de ma surprise.

 

LOREANN'

 

Loreann' – retenez bien ce nom – faut un sacré courage pour s'installer sur ces lattes de bois mal dégrossies, au ras des voitures qui n'en finissent pas de passer évitant de justesse de rouler sur les arpions fatigués des ménagères surchargées de paniers rebondis et empêtrées dans leurs encombrantes progénitures.

 

Malgré tout ce remue-ménage Loreann' affiche un calme olympien, elle est l'alcyon qui nidifie dans la tempête, insensible au brouhaha ambiant, créant par la seule magie de sa voix, une aire de tranquillité océane. Ne possède pas la puissance vocale d'un stentor. N'en a pas besoin. Elle a la finesse, la flexibilité et la subtilité, et cela suffit. Une fraîcheur extraordinaire qui roucoule comme l'oiseau que Joan Baez cache dans sa gorge. Se sert de son micro mais lorsqu'elle s'en éloigne je m'aperçois que son timbre n'en est que plus pur.

 

Des sets de vingt minutes entrecoupés de très courtes poses employées à avaler deux gorgées de bière et à répondre aux sollicitations diverses des clients séduits par sa prestation. Le patron a très vite ouvert la devanture du café pour qu'à l'intérieur les piliers de comptoir puissent eux aussi profiter de ces opportuns moments de grâce. Et pour une fois, ce n'est plus la foire d'empoigne et les vociférations habituelles qui prédominent...

 

Possède un répertoire varié, de Ray Charles à Bob Dylan, de Johnny Cash à Etta James. Touche folk dans son interprétation, guitare légère et un peu languissante, l'on décèle un tempérament méditatif que démentent en partie ses espiègles sourires. Plus elle chante, plus l'auditoire de hasard, un peu de bric et de broc, lui prête attention et se focalise sur ses interprétations. N'y aurait pas à chercher loin pour se laisser accaparer, le raffut des bagnoles, les interpellations qui se croisent d'un trottoir à l'autre, une course à faire, un ami qui passe, tout est réuni pour que chacun trouve motif à se distraire. Se passe exactement le contraire, son audience se fidélise et lui propose même quelques titres, souvent trop éloignés de son aire de prédilection. Anick et Richard de Corcova Duo ( voir KR'TNT 105 DU 05 / 07 / 12 ) se sont joints à moi et sont sous le charme.

 

Les deux derniers sets seront magnifiques, la voix s'est affermie mais maintenant Loreann' chante avec une conviction toute retenue, comme si elle nous chuchotait d'indicibles secrets. Les lignes mélodiques se chargent d'émotion, et l'attention du public se densifie. Cela se ressent dans la force des applaudissements qui suivent l'interruption des deux sets. On y perçoit le regret fervent que ces quart d'heures de toute beauté doivent s'achever... Il est quatorze heures, Loreann' remballe son matériel dans le coffre de la voiture... Nous la reverrons, nous la ré-entendrons.

 

Damie Chad.

 

CHÂTEAU DE CLOTAY / GRIGNY

 

ROCK'N'ROLL JAMBOREE IN ESSONE

 

05 - 04 – 14

 

SHORTY TOM & THE LONGSHOTS

 

 

Je m'attendais à une résidence royale. Rockabilly à Chambord ou à Azay-Le-Rideau, mais non c'est bien plus modeste, même si la teuf-teuf fait la fière, on lui bippe, rien que pour elle, le monumental monumental vert - les autres devront se contenter du parking communautaire de l'autre côté de la route - avec accès dans la cour d'honneur, juste devant une grande bâtisse, flanquée d'une salle de spectacle sur sa droite et d'une aile de logements – disons universitaires – sur sa gauche. L'ensemble est assez disparate, mais c'est rempli de jeunes gens accueillants. L'on m'explique que c'est une école de théâtre avec troupe d'apprentis artistes séjournant à demeure. Le tout sis près d'un lac, une manière très agréable de se laisser poursuivre par ses études...

 

L'endroit doit être connu comme le loup blanc par les jeunes de Grigny, quand j'ai demandé à tout un groupe attablé au fast-food local, dès que j'ai indiqué l'adresse, les sourires et les réparties ont fusé : «  Pour un concert ? alors c'est au Palais de Cristal ! » Pour le palais de cristal, vous repasserez, ça ressemble davantage à un Mille Club pompidolien agrémenté de quelques baies vitrées...

 

En tout cas pour l'acoustique sous les poutres vertes il n'y aura rien à redire. L'est vrai que Mister Jull officie au pupitre, et qu'il n'est pas qu'un sorcier de la guitare. Carlos à l'accueil, normal c'est l'organisateur et avec lui l'on est assuré de la qualité, n'a pas l'habitude de faire passer des brelles d'occasion... Suis en avance, le temps d'engloutir un sandwich américain aussi volumineux qu'un tanker de de 500 000 tonnes flottant sur un océan de frites, de farfouiller dans les bacs à disques de (www)rocking-all-life-long(.com)– un sacré choix - et de mettre la main sur un EP américain de Gene Vincent que je ne possédais point, puis de discuter le coup avec l'Association Regagner Les Plaines, quant au combat contre la signature du prochain accord commercial CEE-USA qui prévoit la mise en coupe réglée des derniers secteurs d'économie européenne qui échappent encore à la main-mise des multi-nationales du pouvoir oligarcho-démocratique... et le concert commence.

 

SHORTY TOM AND THE LONGSHOTS

Trois sur scène – a band without drums –, costume classe western pour Tom et chemise verte pour les acolytes. Dom est à la basse, énorme, envahissante, un long cou de girafe monté sur un cul d'éléphant, doit falloir une camionnette pour la transporter. Les guitares de Tom et Bruno en paraissent minuscules.

Ca faisait un moment qu'ils tournaient autour de leurs instruments, n'arrêtant pas de vérifier ceci ou cela, repartant, revenant, des perfectionnistes. Et maintenant qu'ils sont sur scène l'on comprendre le motif de ces illusoires inquiétudes. N'ont plus le temps. La voix nasale de Shorty Tom en avant et sa guitare rythmique emporte tout sur son passage. Public conquis au bout de trente secondes. Pas de batterie, autant dire aucun moment de repos, faut alimenter le feu sans arrêt, n'y aura pas de bruit de fond, de cognée de bûcheron par derrière pour masquer les moments où l'on reprend son souffle où l'on se secoue les doigts pour chasser les crampes, les Longshots ont choisi le crissement rythmique de la scie pour emporter le morceau. Musique rurale. De l'époque où l'on sciait les arbres des Appalaches pour les étayer les boyaux des mines de charbon.

 

buzzcoks, tinstars, shorty tom and his longshots, loreann'

Les Longshots nous servent un rockabilly primal, du hillbilly de l'ancien temps mais sur un bop-tempo dévastateur. Enchainent les morceaux – déjà pas très longs - à une folle rapidité. La rythmique de Tom est si grêle et si speedée que parfois l'on a l'impression de percevoir le ring-ring fou d'un banjo de l'old time. Première fois que j'entends une partition de piano rag-time jouée à la gratte. Vitesse et célérité.

 

Faudrait pas perdre de vue, l'aile droite et l'aile gauche de la formation. Sous leurs chapeaux sont comme trois frères, le plus jeune en avant, haut sur patte mais pas très costaud, ni très épais, c'est pourtant lui qui déclenche les bagarres, et les deux autres sont obligés de le tirer de ce mauvais pas car sans eux il est sûr qu'il ne n'en reviendra pas vivant, mouline tellement de ses mains qu'il va perdre son souffle et s'asphyxier. Dom, le gars tranquille, un taiseux qui reste dans son coin, et qui ne cherche noise à personne mais quand le frérot a besoin d'aide, faut voir comment il aligne les claques sur les cordes. Le mec qui ne s'énerve pas, qui prend le temps de réfléchir un quart de seconde avant de frapper car il déteste le hasard, et il tombe toujours juste, pile à l'endroit où ça fait mal, ça vous descend sur le coin de la gueule, au moment où vous ne vous y attendiez plus. Et au cas où vous n'auriez pas compris, il vous rajoute en prime une double mourlane de derrière les fagots pour que vous vous enfonciez bien dans la tête qu'il est l'heure de rentrer à la maison.

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Reste l'aîné, celui-là vous le laissez aux copains si vous voulez que votre mère vous reconnaisse le lendemain matin. Sur sa guitare il tricote de la dentelle, vous n'y prenez pas garde au début, parce que le petit dernier se met toujours devant sur la photo, mais Bruno c'est un artiste, vous tisse des arabesques, ni vu ni connu, il se faufile par les côtés, emprunte les venelles de traverse qu'il est le seul à connaître et vous tombe dessus à bras raccourcis, vous n'avez pas le temps de dire ouf, qu'il n'est déjà plus là; il danse et virevolte loin de vous, mais c'est pour mieux revenir, un artiste, un guitariste hors-pair qui jongle avec ses cordes comme le trapéziste de la mort. Attention, c'est lui qui vous portera le coup de grâce. Le blanc-bec devant peut l'entraîner dans les pires maelströms, assurance tout-risque le grand-frère le sortira sans encombre du guêpier dans lequel il se sera fourré.

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Bruno doit être spécialiste en arts martiaux musicaux. Le voici devant sa steel guitar. Nouveau modèle, ressemble à un métier à tisser les bracelets de perles indiennes pour les enfants, rien à voir avec les anciennes version à pédale style machine à coudre Singer. La steel guitar reste par excellence le symbolique instrument de la country pleurnicharde qui transforme le glaçon de votre coeur en torrents de larmes chaudes. Shorty a précisé que c'était pour détendre l'atmosphère. Trois morceaux dont un instrumental Roadside Rag, un classique, qui subjugue l'assistance. Mais comment opère-t-il Bruno pour passer du plan vertical à l'horizontal sans se mélanger les doigts ! Doit être méchamment latéralisé. Nous enchante. Notons que Shorty adaptera sur les deux autres titres son phrasé à la nécessaire ampleur d'un chant moins rapide et que la contrebasse de Dom engendrera des harmonies d'une profonde nostalgie. Rien à voir avec l'urgence d'un Ramblin' on, d'un Candy Twist, d'un Beggin'Time ou d'un I've Got Just a Heart – s'ils continuent à le faire battre aussi fort, la crise cardiaque est pour bientôt - de la première partie du set.

 

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Retour à l'urgence métronimique avec You're so Dub, mais c'est presque la fin, deux tartines au piment de cayenne pour le rappel et c'est terminé. Un set bien trop court. Première fois que Shorty Tom and The Longshots s'en venaient tirer le bison dans le bassin parisien, mais il est sûr qu'ils y reviendront. Sont déjà prévus pour le mois de mai au Cross Diner de Montreuil, vu la séduction du public, le bouche à oreille va fonctionner et il risque d'y avoir du monde.

 

THE TINSTARS

 

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Chance pour nous, feront la balance durant l'entracte. De véritables pros. Sûrs d'eux mêmes, plaisantent entre eux, mais difficile de comprendre pourquoi, viennent de l'autre pays du fromage comme l'annoncera Edonald Duck, et j'ai laissé ma méthode Assimil du néerlandais facile à baragouiner à la maison. Reviennent très vite sur scène et le set démarre au quart de tour.

 

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Décidément ce soir nous jouons au triomino. Encore un trio, rangé comme les précédents mais du plus âgé au plus jeune. Un géant massif à la contrebasse qu'il dominerait presque, en tout cas elle n'en mène pas large entre ses mains, elle obéit à la claque et à l'oeil. Pas du tout la grosse brute qui tape jusqu'à plus faim, pas question qu'elle se contente de mugir comme un moteur d'avion, le rockabilly exige du swing et de la sveltesse, elle a intérêt à ne pas se tromper dans les entrechats the big mama, en mouvement et en rythme, s'il vous plaît, on ne déroge pas à la règle mais on l'interprète avec subtilité. Le slap d'Andre c'est de la godille sur une mer mouvementée, le courant emporte la barque droit devant, mais il sait surfer sur le travers des lames, sans sourciller il oscille sur le dos écumeux de la vague et plonge avec dextérité dans l'abîme des creux dont il s'échappe sans même un sourire de commisération victorieuse à notre adresse. Le capitaine a la main sûre et ce n'est pas le typhon déchaîné par le reste de l'équipage qui pourrait le surprendre. Anneau de pirate à l'oreille gauche.

 

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Anneau de pirate à l'oreille droite. Rick, blue eyed hansome man, doit attirer le regard des filles avec son regard azuréen et ses cheveux blonds rejetés en arrière, guitare acoustique à résonateurs portée haut devant, malmenée avec frénésie – deux jolies cordières se précipiteront pour remplacer un câble défaillant qui aura lâché dès le quatrième morceau. Il ne chante pas, il jette les lyrics à la pelle, à toute vitesse, les propulse et les enchaîne sans ménagement. Un homme pressé, non pas de nous quitter, mais d'entonner un nouveau morceau encore plus furieux que le précédent.

 

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Le plus jeune. Sans anneau, une guitare à cornes – pas une Fender à tête de vache débonnaire – non plutôt celles du diable, resserrées et frondeuses, mais ce qui fait le plus peur c'est la tête en forme de proue de drakkar menaçante. Un engin taillé pour la rapine en haute mer. Bigsby Grady Martin. Enfin une Magnatone ( 57 ). Une reine des guitares rockabilly. Pour vous en convaincre réécoutez le Johnny Burnette Trio. Le genre de trophée qui se mérite. Sinon c'est un peu comme si vous vous promeniez avec un canon à particules mais que vous ne saviez pas vous en servir. Vous auriez très vite l'air si ridicule. L'est tout jeune Dusty Ciggaar, mais la valeur n'attend pas toujours le nombre des années. A la fin du set Edonald Duck viendra signifier que côté guitare l'on aura assisté à un moment historique.

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C'est que Dusty nous aura offert un véritable festival de guitare rockabilly. La technique du léopard moucheté. D'abord je me tiens en réserve, tapi à même le sol, une véritable descente de lit inoffensive. Pour les regards distraits seulement, car je suis le fauve qui ne quitte pas sa proie du regard. Les muscles bandés, prêts à se relever au moment propice. J'exulte, je suis impatient, je me retiens avec peine, trop tard vous ne m'avez pas vu bondir, mes griffes déchiquètent un troupeau de gazelles sanglantes, mais déjà, ni vu ni connu, je suis retourné à mon poste d'observation, le regard braqué vers la suite du film, les doigts en suspend au plus bas des cordes, au plus près du chevalet, afin d'obtenir la plus grande puissance lorsqu'il s'agira de faire claquer le riff comme une étamine pourpre au milieu du carnage. Entre eux trois c'est un jeu. C'est une tuerie. Rick et André qui ne laissent pas un interstice de libre. A eux deux ils remplissent l'espace sonore, poussez-vous d'ici puisque nous y sommes et nous n'avons besoin de personne. Et puis entre deux respirations séquentielles se crée comme un vide d'un millionième de seconde et Dusty, la main gauche en haut du manche et la droite qui ne dépasse que très rarement le nombril de son instrument, s'engouffre dans la fente, la guitare en effraction qui se fraye un chemin comme l'on ouvre une porte à coups de pied de biche, le temps d'allumer en guise de signature un incendie flamboyant dans l'appartement visité. Il rajoute le bruit et la fureur, la foudre et le tonnerre.

 

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Very Wild. L'on a eu droit à Pretty Baby, à Worried 'bout You, à Blue Moon mais avec All I Can Do Is Crying la salle explose et les Tinstars passent sur l'orbite supérieure. Ambiance de fou, avec Manu des Barfly qui torse nu nous fait une tattoo-parade délirante pendant que Dusty en embuscade piétine sur place avant d'intervenir de plus en plus fréquemment. Encore quelques fournaises et le groupe quitte la scène. Reviennent aussitôt en compagnie d'une des belles cordières.

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Au chant et à la guitare, Ruby Pearl, robe rouge froufroutante, tatouage arabesque en bout de jambe gauche, longue chevelure brune dans le dos. Quart d'heure countrysant. Après la tornade qui vient de s'achever elle parvient à s'imposer sans peine. Belle voix et agréables inflexions. L'orchestre la soutient et lui brode de petits napperons d'amour pour chacun de ses trois morceaux. Rick et Ruby, dos à dos, nous la jouent mamours à la Johnny Cash in love with June Carter. Dans la vie, comme sur scène, ils forment un beau couple.

 

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Le petit chaperon rouge passe en coulisse et les trois méchants loups hurlent à la mort sur un dernier morceau d'anthologie. Les Tinstars nous ont sonné. Merci Carlos.

Damie Chad.

( Plus de 100 photos sur le facebook de Edonald Duck )

CROCKCROCKDISC

 

THE SOUTHERNERS : ' R BIKE !!

MOTORBIKE / OKLAOMA BABY / LET'S GET IT ON / LOVE ME / GET RHYTHM / EILEEN / YOU ARE MY BABY / THE TRAIN KEPT A ROLLIN'

Vocal : Pascal « P'titLoup » Grolier / Vocal, Upright Bass : Pascal Albrecht / Drums, Backing Vocals : Yves « Vivi » Selem / Lead Guitar : Thierry Paulet / Rhythm Guitar : Michel Frugier

 

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Bien sûr je me drogue. Tous les matins en me levant. Une injection ou un sachet en poudre. Par voie auditive. Je peux vous refiler le nom du produit. The Southerners, 'R Bike. Si votre dealer ne l'a pas, changez de fournisseur. Attention c'est dangereux, beaucoup plus performant que les cachets qu'avalait Johnny Cash dans sa jeunesse. Ne faites pas comme moi, souvent j'abuse, je m'enfile quatre doses d'affilée dans la cambuse avant de partir au boulot ou le soir avant d'honorer une gente demoiselle. Une seule prise et ça vous file du tonus érectus pour la semaine entière.

Vous reconnaîtrez facilement le flacon, rose comme l'aurore radieuse et noir comme la pénombre de la nuit. A l'intérieur, peau de léopard royal et logo pin up au nombril apparent et prometteur sur fond de drapeau sudiste. Provenance estampillée pure rock'n'roll. Huit cristaux à l'intérieur. Vous pouvez sucer voluptueusement, faites gaffe tout de même, ça arrache sec, parfumé au venin de crotale.

Moteur. Motorbike. A peine le temps d'enfourcher la bête qu'elle est déjà partie au trente-deuxième de tour. Im gonna leave this town to-nigth, perdent pas de temps pour expliquer le trajet. Accrochez-vous comme vous pouvez car ils se refilent le guidon à tour de chant, et ces reprises incessantes ne font que maintenir le rythme effréné. Montée d'adrénaline confirmée.

Oklahoma Baby, les mauvais garçons ont ouvert la cage aux oiseaux, en sort une une reprise de Johnny and The Jail bird - il y en aura une deuxième plus tard - balancée à la perfection. Les guitares s'en donnent à coeur joie. Entre parenthèses ces oiseaux d'englishes, couvée des années 80, sont revenus de leur migration - les rockers à la retraite s'ennuient très vite - sont en train de sortir un nouveau disque.

Reprise de Let's Get It On, un morceau d'Hershel Almond de 1959 – n'en a pas sorti beaucoup car il s'est par la suite lancé dans la politique – un véritable plaidoyer pour prendre la vie à pleine dents, les Southerners s'y affutent les canines et l'on peut se rendre compte qu'ils les ont longues, solides, tranchantes et bien aiguisées. Vous croquent le tout en deux minutes.

L'on quitte un peu la rythmique ted pour quelque chose qui au premier abord pourrait paraître plus reposant, normal c'est Love Me, du Buddy Holly, mais il suffit d'écouter l'entrelac des cordes pour s'apercevoir qu'ici les Southerners avancent avec davantage de subtilité. Jeux de voix, mais toutes ces articulations entre les péripéties vocales et les parties de guitare se révèlent être du transport de nitroglycérine.

Get Rhythm, la gymnastique reprend, le morceau casse-gueule par excellence qui ne tolère aucune défaillance. Si vous attendez le déraillement c'est raté. Les Southerners nous offrent une version impeccable. L'on aimerait qu'elle dure un peu plus, mais personne ne vous empêche d'actionner la touche re-play.

Eileen, très style sixties la jeune oiselle échappée de chez Johnny et ses drôles d'emplumés avec ses vap doo wap, les Southerners se laissent un peu mener par le bout du nez avant de la malmener dans le bon sens, l'on préfère de beaucoup la suivante, le You Are My Baby, you are my sugar, sure mais on le dissout dans un verre de viril bourbon, et tout de suite l'on s'aperçoit qui est le maître du jeu amoureux. Sexy ways.

Finissent en beauté, une version explosive du Train qui n'arrête pas de rouler de Johnny Bunette. Sauvage et démesurée. Un must.

Le problème avec ce CD c'est que c'est si bon, tonifiant comme un rail de cocaïne énergisante, que vous êtes obligé de le réentendre une fois de plus, et encore encore... Respectent la règle des trois unités, unité de son, unité de ton, unité de fond. Ces huit morceaux forment un tout, une production identique pour chacun, un parfait équilibrage entre voix et instruments aucune des deux parties n'empiétant sur le territoire du voisin, une grande cohérence entre le choix du répertoire et l'alternance des titres. Un tout indivisible. Une parfaite réussite.

Moi accro, vous voulez rire ! J'suis simplement accrock !

Damie Chad