06/10/2021
KR'TNT ! 524 : TIM BOGERT / FRANCOIS PREMIERS / SOUNDCARRIERS / LEOPARDS / CARL McVOY / EKULU / DICK RIVERS / ROCKAMBOLESQUES
KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME
LIVRAISON 524
A ROCKLIT PRODUCTION
SINCE 2009
FB : KR'TNT KR'TNT
07 / 10 / 2021
TIM BOGERT / FRANCOIS PREMIERS SOUNDCARRIERS / LEOPARDS CARL McVOY / EKULU / DICK RIVERS ROCKAMBOLESQUES |
TEXTES +PHOTOS SUR : http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/
Bogert back (to where you once belonged)
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Part Three
Redevenu libre, Tim Bogert s’est lancé dans une multitude de projets polymorphiques. Timmy c’est l’incarnation de la joie de vivre, il peut jouer n’importe quoi avec n’importe qui. Dans le milieu, on l’aurait appelé Jo le Caméléon. Sa carrière solo est un véritable capharnaüm.
En 1977, on le retrouve sur Absolutely, le deuxième album de Boxer, une espèce de super-groupe monté par Mike Patto, Ollie Halsall et Tony Newman. Adrian Fisher remplace Ollie sur Absolutely. On les voit tous les cinq au dos. Chris Stainton et Fisher portent des peignoirs. On se demande ce qu’un géant comme Timmy vient faire là-dedans. Il se contente de bombarder ses triplettes de Belleville dans un petit rock concassé. Paru en 1977, cet album n’a effectivement aucune chance. Il faut bien dire que le rock américain un peu musclé de la fin des seventies vieillit très mal. En plus, ils n’ont pas de chansons. Ça complique tout. Patto peut créer du climat, ça ne sert à rien. En B, on voit Timmy se noyer dans la masse d’«I Can’t Stand What You Do». On sent son énergie, mais le cut ne décolle pas. Les Boxer font un rock qu’on ne réécoute pas, bon d’accord, c’est très ambitieux, très harmonique, un brin proggy mais ça nous passe par dessus la tête. On entend Timmy voyager dans le boogie d’«Hand On Your Heart», c’est très impressionnant, mais c’est vraiment tout ce qu’on peut en dire.
Deux ans plus tard, il se retrouve embarqué dans un autre projet, Pipedream. Le guitariste s’appelle Ben Schultz, un surdoué originaire de Floride avec lequel Timmy jouera encore plus tard. Pour compléter cette fine équipe, on trouve un ex-Iron Butterfly (Jan Uvena) et un ex-Captain Beyond (Willie Daffern). C’est donc un super-groupe. Ils n’enregistrent qu’un seul album : Pipedream. Bon alors attention, ce n’est pas l’album du siècle. Timmy chante en lead, épaulé par Ben Schultz au gras double. Ils ont du son à la pelle, c’est le moins qu’on puisse dire. Il faut attendre la fin du bal d’A pour voir palpiter ses narines : Ben Schultz joue la carte du gras double dans «Feel Free». La morale de cette histoire, c’est que Timmy finit toujours par s’associer avec d’excellents guitaristes. Ils font du Cream, ni plus ni moins. L’autre bonne surprise du bal d’A, c’est «Heather», un funky strut idéal pour le roi du bassmatic. Ils s’amusent à jouer dans des styles différents, c’est l’apanage des surdoués des alpages. La B peine à jouir malgré d’indéniables qualités de sur-jeu et il faut attendre «Lires» pour voir ses narines repalpiter, oui, car voilà une belle petite dégelée de big sound avec du chant à deux voix par dessus les toits. Ce Ben Schultz est vraiment très présent, quelle excellente clameur ! Et tout ce que fait Timmy est bon, ce «Lies» est même un modèle du genre, alors t’as qu’à voir. On assiste à un duel Schultz/Timmy en groove de train spectaculaire. C’est ce qu’on appelle généralement un duo d’enfer.
Fatigué des super-groupes, Tim Bogert entame en 1981 une carrière solo avec un bel album raté, Progressions. Carmine n’est même pas là. L’avantage, c’est qu’on entend Timmy chanter, il est bon, comme on l’a vu avec Pipedream, mais les compos calent en côte : cette pop ambitieuse arrosée de synthés s’éloigne à grands pas de Cactus. Timmy vise le rock symphonique. Ouille ouille ouille. Il cultive des ambitions démesurées. Écouter ce genre d’album permet de voir à quel point un mec doué peut se vautrer. «Make No Mistake» est une pop énergétique bien orchestrée mais saturée d’effets. Le guitariste s’appelle Jay Williams. Timmy tente peut-être de revenir aux sources du Vanilla Fudge qui visait aussi un idéal de pop orchestrale, mais ce qu’il propose ici est infiniment plus putassier. La B n’apporte pas d’eau au moulin d’Alphonse Daudet, alors on fait la gueule, on est triste pour Timmy, triste de voir le roi du bassmatic se vautrer. Il tente de sauver les meubles avec un «Caught In Her Flame» plus musclé et bien amené, mais on passe trop au travers de cette pop qui finalement ne veut pas dire son nom. American prog ? Ce pauvre album ne laissera pas de trace.
Deux ans plus tard, Timmy se déguise en sorcière pour apparaître sur la pochette de Master’s Brew. Cette fois, il ramène des pointures : Carmine Appice, Rick Derringer et Mark Stein. Il démarre avec «Let Him Know», une belle pop de Brill que Carmine bat comme un sourd. Il n’y a que deux cuts en A et «Devotion» sonne comme un rock atmospherix pas très catholique. Mais on remarque que Timmy peut aller chanter très haut dans le ciel. La B retombe elle aussi comme un soufflé. Voilà un «Don’t Leave Me This Way» très pompeux et très symphonique. Dave Platshon vole au secours de «Slow Dancin’» qu’il bat à marche forcée, et dans l’équipe, on retrouve Mark Stein et Brian Auger, excusez du peu. Timmy y joue un peu de basse funk, ça fait drôle de l’entendre pondre du klonk. Bon, cette histoire bizarre s’achève avec un «Trouble» plein d’allant et d’allure que Timmy chante vraiment bien. Mais bon, inutile de courir chez votre disquaire. Il semble que cet album raté n’ait jamais été réédité.
On retrouve Timmy dans le Ben Schultz Band et l’album Tri Ally qui sort en 1992. Il a toujours côtoyé de bons guitaristes, et après Jim McCarty, Jeff Beck et Vinnie Martell, voici Ben Schultz, un mec pas très connu mais un vrai fan de Jimi Hendrix, si on en juge par «You’ve Got Me Floating». Schultz ne recule devant aucun obstacle, il joue dans la mélasse funk hendrixienne et renoue bien avec l’esprit voodoo. Sur cet album, tout est déterminé et forgé à l’enclume. Timmy ne joue pas sur tous les cuts. Il faut attendre «Ready For Love» pour l’entendre. Avec Ben, ils sont dans quelque chose de grandiose. Timmy gère le background au bassmatic comme il sait si bien le faire. Schultz fait des cuts tout seul («2 Good 2 Be 4 Gotten») et des power-intros («Cabo Real»), il n’a aucun problème, le son est là. Étonnant guitariste. Pas étonnant que Timmy se soit maqué avec lui. On reste dans la puissance avec «In The Light Of You» et ils passent au heavy blues avec «Lestat». C’est l’occasion pour Timmy de renouer avec le heavy dirty bassmatic. Schultz est bon, il gratte son gras double. Il sait aussi faire des exercices de style comme Jimmy Page («Intermission») et Timmy s’en va brouter dans le pré carré de «Jazz Whizz». Schultz ressort le riff de «Locomotive Breath» pour «The Knife» et ça se termine avec un mini-opéra, «The Philosopher» en trois parties, où l’on voit ce Schultz jouer des tourbillons et entraîner toute la population dans son délire. Il faut bien se souvenir de ce nom, c’est un guitariste furibard capable d’exactions monumentales, ses descentes aux enfers sont spectaculaires, c’est bardé de son mais voué aux oubliettes. On se souviendra néanmoins de cette explosion finale. Schultz, Ben Schultz !
Timmy se spécialise dans le montage de projets biscornus. En 1993, sort l’album d’un consortium nommé Jon Bare, Tim Bogert & Chet McCracken. L’album s’appelle Killer Whales. C’est l’occasion de découvrir cet excellent chanteur/guitariste qu’est Jon Bare. Ils démarrent sur un «Be Young» explosif. On se croirait chez Cactus. Une certaine Sally Loloya chante sur «Be Young», mais après, Jon Bare reprend la barre. Quant à Chet McCracken, il bat le beurre. Ils sont donc en mode power trio. Sally Loloya reviendra néanmoins chanter sur «I’ll Give Ou More» qui est le hit de l’album. Et quel album ! Il semble qu’il ait échappé à tous les radars. Jon Bare met la pression sur la beauté pure, alors Sally enjolive à la perfe. Ça tourne au miracle d’élégance et d’équilibre. On est heureux de voir Timmy associé à des gens aussi brillants. Sally gère bien les ponts, ceux qui précèdent les éjaculations. Jon Bare monte tout simplement l’ensemble au cran supérieur. Non seulement ça tourne au miracle, mais ça se réécoute aussitôt. Avec «Who Do I Have (To Sleep With)», ils reviennent à leur Cactus trip avec du heavy riffing. Ils sont dans le son tous les trois. Tout ce que touche Timmy est visité par la graisse, à condition bien sûr qu’il trouve les bons associés. Ça joue encore gras dans «Spacey». Timmy s’entoure généralement de guitaristes qui jouent le gras à volonté. Il faut entendre le ramdam que fait Timmy derrière Jon bare dans «Mama Don’t Allow». C’est un spécialiste de l’anarchie bassmatique, il ne pense qu’à foutre le souk dans la médina. Et comme le montre le morceau titre, Jon Bare est un merveilleux guitariste, aussi vivifiant qu’une baleine, aussi juteux qu’un Carlos Santana de l’hémisphère Nord, il développe une profondeur de jeu purement absolutiste. Ils passent au heavy slowah d’orgue avec «Don’t Let The Sun Pass You By». Timmy rôde dans la mélasse et Jon Bare fait tout le boulot, il joue à n’en plus finir, il développe une mélodie spectaculaire. Bare est un bon. Bare c’est de l’or en barre. Ils terminent ce brillant album avec «Revenge Of The Killer Whales», un big instro. Pour Timmy, pas de problème, il bourlingue dans le son et Jon Bare surfe sur les vagues.
Dans la série des super-groupes, voici Derringer Bogert Appice, avec un album paru en 2001 : Doin’ Business As… Ils redorent le blason du power-triotisme dès «Blood From A Stone». Ils sont tous les trois de parfaits rockers américains. Pas de pire triplette que celle-ci. Derringer ne s’est jamais remis de son séjour dans le gang de Johnny Winter, alors il chante à la menace. C’est puissant, battu par le pire pourvoyeur de beat des Amériques, Carmine. Derringer titille du bas de manche et Timmy reste perché sur son bassmatic marmoréen. C’est tellement imparable que ça semble incongru. Ces trois surdoués sont capables d’étrangler le qu’en-dira-t-on. Ils sont encore un plein boom avec «Bye Bye Baby». Derringer se laisse aller et Carmine prend le chant, a long long time ago. Power absolu + balladif cogné sec + gras double = postérité assurée. Autre exemple de quintessence du power-trio : «Rhapsody In Red». Véritable jive de prog avec un Derringer qui part à la volée. On reste dans l’excellence avec «Turn On The Light». Bon, Derringer n’est pas un grand chanteur, il fait ce qu’il peut sur ce monster froti-frotah. Mais il a derrière lui la moitié du Vanilla Fudge. Un balladif comme celui-là n’aurait aucune chance ailleurs mais avec Timmy et Carmine, ça change tout. Ils ne font pas que jouer, ils défoncent toutes les rondelles qui traînent dans le coin, ils débordent de power, ils chargent la chaudière à outrance. Carmine prend le chant sur «Boys Night Out». Il est rompu aux jukes, il sait faire sonner un c’mon baby/ It’s so crazy, et forcément on s’incline devant une telle prestance. C’est encore lui qui chante «Everybody’s Coming», ce mec sait driver son affaire et Derringer passe le joli killer solo flash. Mais c’est avec «Telling Me Lies» que tout finit par exploser. Dès l’intro, avec Timmy au chant. Ce drive monstrueux bascule dans l’excellence marmoréenne alors Derringer entre dans la dynamique des géants. Brillant album. Un de plus.
Nouveau consortium en 2009. Il s’appelle The Onesko Bogert Ceo Project, et l’album porte le doux nom de Big Electric Cream Jam. Au moins comme ça on est prévenu. Mais ça ne t’empêchera pas de tomber de ta chaise, car le consortium fait du Cream à la puissance 1000. Dès «Crossroads», ils explosent le concept de Cream. Ça joue à la folie. Timmy joue dans tous les coins du Onesko, c’est monstrueux. On ne croise pas un bordel pareil tous les jours. Timmy devient fou, il multiplie les descentes d’organes bassmatiques et remonte dans le son comme un wild torpédo. Cream en rêvait, Timmy et Onesko l’ont fait. Ils vont ensuite taper dans tous les classiques de Cream, tiens comme «Politician», encore plus heavy qu’on ne l’aurait cru. Timmy fait barrage et Onesko chante à merveille. Ça joue à volonté. Onesko ramène sa science, Timmy veille au grain de l’ivresse, il mobilise le thème et l’explose en plein vol alors qu’Onesko est barré dans un délire de wah incontrôlable. Ces mecs sont des cracks demented, Timmy gratte la croûte du thème, c’est terrifiant, hey now baby. Autant Cream s’était vautré avec sa version de «Sitting On Top Of The World», autant le consortium l’élève. Onesko braille tout ce qu’il peut. Timmy se régale de jouer avec Onesko, c’est plein de vie et Onesko n’hésite pas à aller chercher l’Hendrixité des choses et à se fondre dans le son. Ils amènent «Outside Woman Blues» au riff bulldozer. Ils rejouent tout le concept, mais à l’Américaine. Timmy se fond dans la riffalama fa fa fa et il faut voir cet Onesko plonger dans le tumulte de la folie Méricourt. Ils tapent bien sûr dans le mythique «Tales Of Brave Ulysses». Onesko n’a pas la voix de Jack Bruce, mais il compense avec le power américain. Tout dégringole avec un Timmy qui arrondit les angles. C’est littéralement bouffé par la basse. Power absolu ! Modèle du genre ! Onesko fait un festival de wah avec un Timmy en maraude. Et pouf, voilà qu’ils tapent dans «I’m So Glad» qui fut aussi massacré sur l’album live de Cream. Ils feraient baver Jack Bruce, si Jack Bruce était encore en vie. Ils gavent I’m so glad d’énormité, Timmy joue des atonalités ballistiques et part en dérapage contrôlé percuter de plein fouet des vagues géantes de wah. Ils ont tout le power du monde. Ils explosent ensuite le pauvre vieux «Spoonful» que massacra Cream sur Fresh Cream. Timmy le Hun y passe un solo de basse. Onesko joue sur une Les Paul noire, comme le montre la petite photo du booklet. Ils enchaînent avec un version survoltée de «Toad». Impossible d’imaginer un son plus crémeux. Ils osent ensuite taper dans «We’re Going Wrong». C’est un territoire sacré, le cœur du London beat de Jack Bruce et de Pete Brown. Onesko s’en tire pas trop mal au chant. Ils terminent cette série de cartons en explosant «Sunshine Of Your Love». Sunshine sort de cet album sur les genoux et nous aussi.
Comme au temps béni du Vanilla Fudge, Javier Vargas, Tim Bogert, Carmine Appice s’acoquinent en 2011 pour enregistrer un album de reprises :VBA. Boom ! Ils tapent dans le vieux «You Keep Me Hanging On» et ramènent pour l’occasion toute la heavyness du monde. Timmy y voyage abondamment, si abondamment ! Carmine et lui nous resservent leur vieille surenchère. L’autre cover de choc est celle du «Surrender» de Cheap Trick - Pa is alrite/ Ma is alrite - Ils l’explosent et ils ont raison. The power station is back on the track, Jack, Carmine bat comme mille diables, il est plus puissant que le Thor du Valhalla. Il frappe si fort que le son rebondit. Pas de pire power que celui-là. Ils reprennent aussi le «Lady» qu’ils jouaient jadis avec Jeff Beck. La bavard à la guitare s’appelle Javier Vargas et le chanteur Paul Shortino. Timmy a les cheveux blancs, mais il bourdonne toujours aussi bien dans le son. Par contre Carmine reste brun, un vrai vampire de Little Italy. Que de son, my son ! Fantastique version, Timmy et Carmine y font la pluie et le beau temps, surtout la pluie. Un vrai déluge. Ils tapent aussi dans le vieux «Black Night» qui fut leur dernier grand single de Deep Purple. Hélas, le glou-glou n’est pas aussi beau que celui de Blackmore. La surprise de l’album est cette version de «Tonight’s The Night» de Rod The Mod. Ils sont gonflés de taper là-dedans sans la voix. Paul Shortino fait tout ce qu’il peut avec ses petits bras et ses petites jambes pour sonner comme Rod mais il a encore du boulot. Même s’il parvient à se fendre l’abricot au coin du couplet. Sur la photo qui est à l’intérieur du booklet, on les voit tous les quatre : Carmine la vampire aussi brun qu’en 1964, Timmy avec ses cheveux blancs et qui n’en a plus rien à foutre. Avec ses lunettes, il fait vieux pépère. Mais my Gawd il est avec James Jamerson le plus grand bassman de l’histoire du rock américain.
Signé : Cazengler, Tim Boberk
Boxer. Absolutely. Epic 1977
Pipedream. Pipedream. ABC Records 1979
Tim Bogert. Progressions. Town House 1981
Tim Bogert. Master’s Brew. Takoma 1983
Ben Schultz Band. Tri Ally. TVT Records 1992
Jon Bare, Tim Bogert & Chet McCracken. Killer Whales. Mega Truth Records 1993
Javier Vargas, Tim Bogert, Camine Appice. VBA. Roadrunner Records 2011
Derringer Bogert Appice. Doin’ Business As… Steamhammer 2001
Onesko Bogert Ceo Project. Big Electric Cream Jam. Grooveyard Records 2009
1515 ? François Premiers !
Bravo ! 1515 est à peu près la seule date d’histoire de France dont on se souvient tous. Et celle de mai 1981, bien sûr, l’élection de François Mitterrand. Un autre François. C’est vrai que le set des François Premiers a aussi quelque chose d’historique. On sent bien que si ces mecs-là montent sur scène, c’est pour gagner, pas pour perdre. Ils sont moins cons que Napoléon. À cause de lui et de Waterloo, les Anglais se moquent encore des poor froggies. Le pire, c’est l’épisode de la vieille garde qui refuse de se rendre. Ça rend les Anglais hilares de voir l’épisode des grognards dégommés à coups de canons, comme au chamboule-tout.
Pas de danger qu’une telle mésaventure arrive aux François Premiers. Ils sont les têtes d’affiche du petit festival de la Friche Marignan et ils ne craignent pas la mort, surtout le joueur de mandoline Cyril Doche qui n’en finit plus de faire des galipettes et des sauts périlleux arrière au risque de se rompre le cou. Ces mecs sont définitivement enracinés dans le gaga-rock tel qu’on le joue en Normandie depuis quarante ans, ça Telecaste aux jambes écartées, ça beugle tout ce qu’il faut dans les micros, ça charge comme la brigade légère, ça chante à deux voix par dessus les toits, ça déboule sans prévenir, ça tagadate au voilà-les-Dalton, ça blow the roof en toile, ça prend d’assaut le camp du Drap d’Or, ça rase en Campagne Première, ça réchauffe les cœurs flétris, ça redonne du boom au baume, ça cocote sous le feu roulant, ça joue la carte de l’insubmersibilité des choses, ces mecs sont là pour nous dire qu’ils ont décidé de continuer, de perpétuer, d’entériner, d’enfoncer leur clou, de rester fidèles à leurs racines, quarante ans ont passé, mais bon, le blast reste le blast et les deux François en connaissent un rayon en matière de blast, ils savent envoyer une volée de bois verts dans les discours alarmistes, ils Telecastent leur pâté de foi comme d’autres prient dans des couvents, ils sont bénis des dieux du rock et s’il n’en reste qu’un alors ça sera celui là, François Premier et François Premier. Ce qui frappe le plus chez eux, c’est le pas d’âge. On sait qu’ils ont toujours été là, mais sur scène, c’est un peu comme au premier jour, avec le power en plus. Il faut voir Frandol passer ses killer solo flash, il a cette façon de tordre les doigts sur le manche qui ne trompe pas, ça sent le vétéran de toutes les guerres, le soudard rompu à tous les saccages, l’habitué des assauts et des petites salles. Quant à l’autre François, il plaque de façon extrêmement mécanique, ouvre la main et la referme aussi sec sur chaque accord, il semble serrer son manche comme s’il voulait l’étrangler. Quel spectacle ! Il joue en plus autant du corps que des mains, comme il est resté léger, il peut sauter un peu et c’est toujours juste. De toute façon, on l’a toujours vu juste. Le gaga demande une espèce d’implication de toutes les secondes et une pompe en bon état, celle qui envoie les rushes d’adrénaline au cerveau. Le gaga est pourtant un genre qui vieillit assez mal sur disque, sauf des cas exceptionnels comme les Chrome Cranks, le ‘68 Comeback ou les Gories. C’est un genre plutôt fait pour la scène. On ne retrouve jamais le feu d’un set sur un album de gaga, aussi bien foutu soit-il. Retrouver l’éclat de la victoire des François Premiers à la Friche Marignan, c’est impossible. Par contre, le spectacle va rester gravé dans la mémoire des veinards qui étaient là. Car oui, quel blastingage ! Trop court. On ne se lasse pas de ce genre de spectacle.
Parmi les reprises, on reconnaît le fameux «The Way You Touch My Hand» des Revelons, un hit gaga des années 80 repris et popularisé par les Nomads, qui étaient assez friands de ce genre de perle gaga-psycho-psyché. Les François Premiers n’en font qu’une bouchée, ils ont tout ce qu’il faut, les chœurs d’artichauts, le gratté de grattes et surtout un excellent batteur, un mec capable de power et d’économie à la fois. Ils tapent aussi dans le vieux «Don’t Put Me On» des Groovies, période Sire, que certains préfèrent à la période Roy Loney. Ils en font une bonne mouture, bien tartinée aux deux Teles, et ce n’est pas le hit le plus évident des Groovies, on sentait que Cyril Jordan et Chris Wilson peinaient à se renouveler. Pas facile de récidiver après un hit aussi parfait que «Shake Some Action».
Puis ils nous font le coup du lapin avec une reprise qu’il faut bien qualifier de géniale du «Let Me In» des Sorrows, l’un des hits les plus fumants de l’ère freakbeat anglaise, même chose, il n’en font qu’une bouchée, crunch, c’est vite expédié en enfer et on est tous ravis d’aller y rôtir avec eux. Terminer par une cover des Sorrows, ça veut bien dire ce que ça veut dire : coup de Trafalgar, remise au carré des élégances et hommage à l’un des groupes les plus intéressants d’Angleterre. Une certaine façon d’entrer en osmose avec la psychose.
Dans le trio de tête du set, on retrouve deux des cuts sortis sur des singles chez Poseur, un label dont le logo se dessine comme celui de Closer. Tu es au Havre, baby. Ils démarrent avec «Renaissance Man», une compo de Frandol bien énervée, mais il y met tellement tout, le répondant du renvienzy et la profondeur de champ, qu’il rafle la mise. Frandol ramone bien sa cheminée, il chante sa pop-rock sur-vitaminée à l’ass off, on peut dire sans risquer de se tromper qu’il a du génie. Ils jouent aussi «Franciscopolis» qu’on retrouve sur un autre single, un groove extrêmement inspiré et shooté aux intraveineuses lumineuses, ces mecs injectent de longs jets fantasmagoriques dans leur deepy groove, du coup ça sonne très californien et le killer solo flash se coule dans l’oreille comme un serpent. C’est en B-side de ce single qu’on retrouve la version studio du «Don’t Put Me On» des Groovies de Sire et elle sonne mille fois mieux sur single que sur scène. Ils chargent aux Teles avec une belle attaque de basse comme dans «Shake Some Action», ils répercutent bien l’éclat de légendarité avec des arrivées d’accords tonitruants et des fondus de voix au crépuscule de San Franciscopolis. Une fois de plus, le solo coule comme une rivière de miel entre tes cuisses, un solo short dans sa plénitude persistante, ces mecs accompagnent le souvenir des Groovies avec toutes les finesses dont ils sont capables. Ah les Groovies, t’en souvient-il ? En B-side on trouve le «Glamorize Me» qui fait partie du rappel, et cette fois c’est l’autre François qui le claque au chant, de manière plus caverneuse, plus gaga-swamp, il sonne comme un amateur d’ombres et de tombes, son groove coule comme une lettre à la poste, c’est un heavy boogaloo qui donne le frisson et qui fait rêver, tellement il est bien foutu et bien orchestré. François Premier colle bien à ses syllabes, il les tortille jusqu’à la moelle et ça se déroule dans des descentes d’accords aussi humides que les marches d’une crypte de vampire. Ils sont les rois du big atmospherix. La bassline qu’on entend résonne en écho à celle de Noel Redding dans «Hey Joe». Pour un peu, on deviendrait royaliste.
Signé : Cazengler, Fantoche Premier
François Premiers. La Friche Lucien. Rouen (76). 12 septembre 2021
François Premiers. Renaissance Man. Poseur 2020
François Premiers. Franciscopolis. Poseur 2020
L’avenir du rock
- La carrière des Soundcarriers
L’avenir du rock se réveille à l’hôpital. Plantés à son chevet, un médecin et une infirmière l’observent.
— Alors, avenir du rock, vous sentez-vous mieux ?
— J’aimerais bien si vous le permettez récupérer mes vêtements et rentrer chez moi !
— Allons allons ! On se calme. Nous allons vous garder quelques jours en observation. Vous avez perdu connaissance dans la rue et les radios ne sont pas jojo. Vous avez une fracture du crâne, mais nous devons faire d’autres examens pour expliquer l’origine de votre malaise.
— Il n’y a pas de malaise, j’ai juste glissé sur une peau de banane...
— Ah oui, une peau de banane ?
— Oui, je suivais un gorille.
— Ah oui, un gorille ? Comme ça dans la rue ?
— Oui, il marchait vite et je l’entendais faire honk honk, comme Lux Interior dans Goo Goo Muck...
— Ah oui, honk honk...
— Et puis il avait des disques sous le bras.
— Ah oui, des disques ? De quel genre de disques parlez-vous ?
— De vinyles, bien sûr !
— Ah tiens, c’est intéressant, un gorille avec des vinyles ! Peut-être vous souvenez-vous d’un titre ?
— Oui, j’ai reconnu la pochette psychédélique du premier album des Soundcarriers.
Le médecin se tourne vers l’infirmière :
— Isabelle, vous allez mettre l’avenir du rock sous morphine !
— Quelle dose ?
— Six grammes ! Vous augmenterez si besoin.
L’avenir du rock est habitué à ce qu’on ne le croie pas. L’essentiel est qu’un gorille se balade avec l’album des Soundcarriers sous le bras.
Retro-futurists de Nottingham, les Soundcarriers sont devenus les grands chouchous des Shindigers. Ils sont même aux yeux de Christopher Budd one of Shindig! most treasured modern-day acts, avec leur subtil mélange de ‘60s film jazz, krautrock grooves, acid-folk fragility and analogue authenticity. Un vrai catalogue ! Pas étonnant que les Shindigers craquent. Budd ajoute qu’ils font aussi de la baroque psychedelia. En gros, la musique des Soundcarriers est une invitation au voyage à travers various shades of pulsating motorik, electronica and acid-folk. Ils existent tels qu’ils sont depuis 2008. On les a comparés à Stereolab et Broadcast. Ils disent aussi adorer Free Design, mais aussi du broader than ever : early Kraftwerk et de l’esoteric sound, c’est-à-dire Moondog et Silver Apples. Leur problème est de pouvoir dépasser leurs limites qui sont des limites de temps, d’équipement ou de compétences musicales. Aussi n’hésitent-ils pas à explorer des pistes en studio et de recourir à leur imagination, ce que, nous disent-ils, beaucoup de groupes ne font plus.
La parution d’Harmonium en 2009 fut saluée comme il se doit et c’est vrai que ce groupe sonne comme une aventure fantastique : elle commence avec ce groove épileptique qu’est «Time Will Come», hanté par la voix d’Ophélie qui s’appelle en réalité Leonore Wheatley. Sacré son, de toute évidence, porté au groovus maximalus. Paul Isherwood signe le toxic bassmatic. En fait, Isherwood est l’âme du groupe. C’est lui qui signe le big bass boom de «Calling Me Reprise». Il a le swagger du bassmatic des enfers. Retour en force de Leonore dans «Without Sound». Le groove l’embarque pour Cythère. Ces gens-là taillent leur route dans un groove de psyché anglais judicieux qui ne veut pas dire son nom. Retour d’Isherwood et de son bassmatic dans «Without Sound Part II». Il reprend simplement le thème à la basse. Avec «Glide», ils basculent dans la mad psychedelia. Ils amènent ça au drumbeat explosif de psyché anglais d’allégeance suprême. Rien d’aussi psyché que ce Glide inespéré. Isherwood l’enroule dans un riff de basse dément. Ils restent dans le psychout so far out avec un «On That Line» absolument renversant. Il faut voir Isherwood relancer au drive de basse. Le son des Soundcarriers enveloppe facilement. Ils ont un côté flux toxique qui capte l’oreille de manière irrémédiable, c’est encore ce que révèle «Falling For You». Leonore chante «Uncertainty» à s’en arracher les ovaires. Disons qu’il s’agit d’un rock épique bien porté par la clameur. On note aussi la présence d’un bel angle de rock anglais dans «Caught By The Sun». C’est chanté au coin d’une harmonie vocale à la big energy. On les sent possédés par leur truc. Le «Calling Me» qui suit reste assez entreprenant, on peut même parler de hit de good time music. Ils opèrent une belle glissade dans le monde océanique avec «Been Out To Sea». Ils visent clairement l’échappée belle. Ils ont une facilité pour ça. Et du coup, ça devient the real deal, c’est-à-dire le vrai truc. Le heavy groove shindigois est vraiment leur domaine, comme le montre «Cannonball», un petit chef-d’œuvre psyché à la Barrett. Terriblement persuasif. Fantastique présence !
Alors du coup, on jette un œil sur les albums suivants, histoire de voir si la révélation tient bien la route. Celeste date de 2010. Cet album est nettement moins effervescent que le précédent. Ils embarquent «Last Broadcast» au drive de Canterbury. On sent le prog-rock des maîtres de l’ancien temps. Oh oui, ils reviennent parmi nous, les Caravan et les Hatfield, via l’organe délicat de Leonore. Les Soundcarriers ultra-jouent leur crise de prog, mais le côté marbré du chant plombe le pauvre cut. Bon, c’est leur monde. Libre à toi d’y entrer ou pas. Ce diable d’Isherwood revient faire des ravages dans «Step Outside». C’est un mélange jusque là inconnu. La basse est remarquablement bien mixée dans le beat carriériste. Ce mec joue comme Jack Bruce, à la folie douce. Si on cherche les hits, il faut aller jusqu’à «Rolling On». Leonore monte devant, comme Laurie Anderson, en atonie d’unisson du saucisson. Elle vise le dévolu et ça devient énorme. C’est un hit de petite vertu, du all the time de cosmic boogie. Paul Isherwood embarque l’autre hit, l’infortuné «Signals». Voilà encore un cut assez révélateur de leur capacité à rebondir dans le monde des affaires. Sur cet album, tout est monté au haze de girl voice et de bass drive. Isherwood entre dans la lard du «Morning Haze» avec un sens aigu du devoir psychédélique. Comme c’est étonnant de trouver cette basse au cœur du mix. Bon, on ne va tout de même pas en faire les génies du siècle, comme le voudraient les Shindigers, mais il vrai qu’un cut comme «Broken Sleep» capte bien l’attention et va même flatter les bas instincts. Tous les cuts ne sont pas d’un accès direct, c’est parfois compliqué, il faut savoir se montrer patient. La voix de Leonore perdue dans le fog de prog brouille parfois les pistes. Avec «Rise And Fall», ils restent dans leur modèle de groove longitudinal et tapent dans la clameur de la chandeleur. Paul Isherwood y mène le bal. Il referme la marche avec un «Hideaway» gratté à la basse sourde, puis avec le morceau titre joué au heavy bassmatic. Il joue tout seul, et comme il en a envie. Ce mec est doué et une flûte vient lui chatouiller les castagnettes.
C’est donc la curiosité qui pousse à écouter un troisième album des Soundcarriers, le bien nommé Entropicalla, paru en 2014. On y dénichera deux jolis slabs de mad psychedelia, «Boiling Point» et «Somewhere To Land». C’est même une mad psychedelia d’influence faramineuse, comme incendiée d’orient, ravagée de pestes cistériennes, enjolivée d’ardeurs marmoréennes, gonflée de vents gazeux d’andronénisme caractériel. On sent les carriéristes motivés, profondément axés sur le vertige et salement incisifs. Ils adorent cette flûte qui vient de la nuit des temps, on la retrouve aussi dans «This Is Normal». La flûte rôde dans le son comme un chacal. Ils touillent un groove qui ne peut plaire qu’aux Shindigers. Il faut écouter «So Beguiled» sans s’écouter parler et savoir s’effacer devant les cuts qui s’effacent. Avec ce troisième album, ils deviennent encore plus difficiles d’accès. Tout le monde n’est pas admis dans «Low Light». Il jouent un psyché qui s’en va à vau-l’eau, bien nappé d’orgue. Avec les carriéristes, il vaut mieux se lever de bonne heure. Ils se montrent assez pragmatiques avec le morceau titre et tapent une fois encore dans une sorte de mad psyché, mais bon.
Signé : Cazengler, Soundcarie dentaire
Soundcarriers. Harmonium. Melodic 2009
Soundcarriers. Celeste. Melodic 2010
Soundcarriers. Entropicalla. Ghost Box 2014
Christopher Budd : A certain future. Shindig! # 39 - May 2014
Inside the goldmine
- Les douze Leopards
Recroquevillé au fond de la tranchée et transi de froid, Guillaume Apollinaire se préparait à rédiger une réponse au pamphlet que lui avait adressé la Société des Poètes Parcimonieux. Il prévoyait d’écrire sa réponse sur la page garde du recueil du Mercure de France qu’il avait reçu le matin même au courrier et de glisser la page arrachée dans une enveloppe de récupération. On ne trouvait plus guère de papier en première ligne, même pour se torcher le cul. Il suçait son bout de crayon gras en observant pensivement cette grosse lune ronde qui éclaboussait de sa lumière blafarde la zone calcaire dans laquelle la troupe avait creusé la tranchée. Il pensa titrer sa réponse ainsi : Messieurs les douze salopards, puis cibler ensuite sur la lâcheté des ‘planqués de l’arrière’, comme on disait au front, sachant qu’il s’attirerait automatiquement la sympathie du lectorat. D’un naturel grincheux, la Société des Poètes Parcimonieux s’en prenait à lui pour la raison bête qu’il avait oublié le léopard dans l’inventaire de son Bestiaire, et ces gens qui ne transigeaient pas y voyaient une faute impardonnable, un impair indigne d’un poète publié, le déshonneur de la patrie. Eut-il songé au léopard, Apollinaire ne doutait pas qu’on l’eût accusé d’avoir oublié la loutre ou bien encore la limace. Chez ces redoutables cloportes tout était prétexte à chicanerie, il le savait. Ravi d’avoir à relever le défi d’un duel, il allait pouvoir se montrer d’une rare férocité, et y prendre un plaisir immodéré, comme lorsqu’il fessait Marie Laurencin qui d’ailleurs ne cherchait pas à se défiler, bien au contraire. Il commença à écrire, Messieurs les douze... quand soudain un obus explosa à quelques mètres de lui. Blarghhhh ! Un éclat vola en sifflant, bzzzzzzzzzz, et enfonça son casque, boiiiing ! Le choc l’envoya rebondir contre la paroi. Il s’écroula, tira la langue et roula des yeux. Sa main se mit à tracer des lettres comme si elle était devenue un automate. L’alerte passée, le colonel Dax vint lui-même faire le tri dans les étripés. Il se pencha sur Apollinaire. Comme sa main écrivait, Dax en déduisit qu’il vivait encore.
— Brancardiers, embarquez-moi ça à l’arrière !
La main écrivait, elle écrivait encore. Messieurs les douze léopards. Messieurs les douze léopards. Messieurs les douze léopards. Messieurs les douze léopards.
Rassure-toi, Apollinaire va survivre, grâce à une lobotomie pratiquée non pas à l’hôpital de campagne, mais plus loin à l’arrière, dans une clinique parisienne. Quant aux salopards devenus des léopards, ils ne sont pas douze mais quatre. C’est déjà pas si mal.
Si on t’avait dit qu’il existait des Kinks à Kansas City, l’eusse-tu cru ? Et pourtant c’est vrai. Il te suffit d’écouter Kansas City Slikers. Cet album des Leopards paru en 1977 est la preuve formelle qu’il existait bien des Kinks à Kansas City.
Le Ray Davies de Kansas City s’appelle Dennis Pash et dès «Road To Jamaica», il impose un son gracile et lumineux qui évoque vaguement les TV Personalities, mais surtout le kinky konk des early Kinks. Le «Mind Of My Own» qui suit sonne aussi très anglais. Ce gentle puppy à l’anglaise ravira les amateurs de petit biz. Puis on assiste à un curieux phénomène : Dennis Pash s’illumine de plus en plus. «Dancing In The Snow» sonne comme un hit sixties. Faramineux ! «Bugle Boy» est directement inspiré par les Kinks, mais avec goût certain. Ils s’enfoncent toujours plus profondément dans la kinkologie. Paf, Pash finit l’A avec un «I Wonder If I’ll Ever See You Again» d’une finesse et d’une légèreté qui sèment le trouble dans la cervelle. Pash se rapproche toujours plus de Ray du cul, avec une réelle douceur mélancolique. Paf, Pash revient en B avec un joli brin de mersey beat («Recess») et une subtile pincée de kinky Sound («It Must Be Love»). On irait bien jusqu’à insinuer que son kinky Sound surpasse celui du maître, mais on risquerait des ennuis. Il n’empêche que ce bougre de Pash n’hésite pas à bafouer l’autorité morale de Ray Davies. On est bien obligé de le constater, mais en même temps, personne ne nous oblige à écouter cet album. Et pouf, Pash revient se lover dans le giron kinky avec un «I’m On My Way» délicat, jouissif, coloré, gracieux et inespéré. C’est du pur Village Green Preservation Society. Rien de plus kinky que ce truc-là. Il se pourrait bien que Dennis Pash soit avec Fred Neil le seul chanteur blanc délicat d’Amérique. Il termine cet album étrangement sublime avec un gros clin d’œil aux Beach Boys : «Summer’s Gone».
Bon ça ne marche pas. Dix ans passent et pouf, Pash revient avec un nouvel album, Magic Still Exists. Pash passe à un son plus musclé. Il est désormais sur Voxx, le label de Greg Shaw qui n’a jamais caché son anglophilie. «Black Party» pourrait bien l’un des emblèmes de la passion que nourrissent les Californiens pour la pop. C’est une sorte de gaga-pop bien drivée au gimmick infectueux. Bien sûr, Pash revient à son cher kinky sound avec «Back On The Track», «Empty People» et «Last Night». Il y excelle, puis il va s’éparpiller. Comme il a les mains balladeuses, il va tâter différents styles. Il va y perdre l’unité de ton qui fait le charme de son premier album. Dommage. Il faudra attendre «Harlean’s House» pour crier au génie. Waouhhhh ! Voilà un artefact pop fascinant de qualité et corseté de kinky motion. Fier comme un pape, Pash boucle l’A avec un «Psychedelic Boy» plus poppy et donc moins éclatant. Disons que ça reste très anglais, même si ça frise le comedy act de type Winchester Cathedral. Pash revient à sa chère kinky motion en B avec «Famous Herbal Cure Show». Il se tape aussi un vieux coup de Diddley beat avec «I’m Drowning». Admirable, fruité, marrant et intéressant. On a là un vrai hit Voxx. On l’a bien compris, Pash est un mec intéressant qu’il ne faut pas prendre pour une bille. Il enchaîne avec «Waiting», nouveau slab de pop-rock solide et captivant. Il termine cet excellent album avec un ultime hommage à Ray Davies intitulé «Maggie Lane». On se croirait sur Dead End Street, ce n’est pas rien. Les Leopards n’étaient pas loin de tenir du miracle. Ah quel dommage qu’ils aient disparu sans laisser de traces.
Signé : Cazengler, le haut part (en couille)
Leopards. Kansas City Slikers. Moon Records 1977
Leopards. Magic Still Exists. Voxx Records 1987
CARL McVOY( 1 )
J'avais totalement oublié le cousin. Pas le mien. Celui d'un gars beaucoup plus prestigieux. C'est peu dire, le cousin de Jerry Lee Lewis. Du côté de sa mère. Le nom m'est revenu en écoutant – un petit plaisir égoïste, la Rock'n'Roll Stories consacrée à Jerry Lee Lewis. C'est sur You Tube, décliner la vie de Jerry Lou en une demi-heure est une gageure, Franco ne se perd pas en anecdotes fabuleuses, tient bon le cap, celui de la discographie, l'émerveillement squatte l'éblouissance de vos yeux, toutes ces pochettes originales, un régal, singles, EPs, LPs, 25 cm, CDs, défilent à toutes vitesse, vous aimeriez vous accrocher à votre rêve, mais non, les galettes mythiques se succèdent sans fin ! Ah, Jerry Lou !
Mais le cousin d'abord. De droit d'aînesse. Jerry Lee est né en 1935 ( tout comme Elvis et Gene Vincent, très bon millésime ). Carl McVoy en 1931. Jusque-là tout va bien. C'est après que le diable s'en mêle. Carl est passionné de piano. Notamment de boogie woogie, un modèle pour le jeune Jerry, à tel point que notre satané Jerry Lou qui a appris le piano tout seul en un mois, rendra à son cousin quelques visites décisives, vient chercher tout ce qu'il pressent ne savoir pas encore, et le cousin Carl qui est généreux lui dévoile tous ses meilleurs plans comme les plus infects, plus tard il déclarera sans ostentation ni jalousie que Jerry a développé les bases de ce qu'il lui avait transmis.
L'histoire de Carl pourrait s'arrêter là. En bon américain pragmatique soucieux de gagner de l'argent il embauche dans une entreprise de construction. Manque de chance il bosse à côté de Ray Harris qui ne pense qu'à fonder une compagnie de disques. Le rêve se concrétisera, Harris, Bill Cantrel, Quinton Claunch et Joe Cuoghi qui, élément décisif, possède une boutique de disques, fondent le label Hi. Carl ira à Nashville afin d'enregistrer pour Hi You are my sunshine et Tootsie, le premier décembre 1957. L'amateur averti ne manquera pas de remarquer la présence de Chet Atkins dans le studio. En 1958, Hi fera paraître un deuxième single de cette même session. Mais Hi n'a pas les reins solides, le contrat sera revendu a Sun en avril 1958.
Les faits ne sont pas très clairs, il se pourrait que Carl ait déjà, dès l'année 1957 commis deux sessions chez Sun, quoi qu'il en soit, et malgré de nouvelles séances chez Sun, Sam Phillips ne commercialisera rien de Carl McVoy. Les titres sortiront plus tard, en compilation chez Charly, Bear Family, et Sun racheté par Shelby Singleton.
Carl McVoy n'a pas la grosse tête. Dès 1959 il retrouve son job dans le bâtiment ce qui ne l'empêche pas de rejoindre une formation dont le patron était déjà célèbre pour avoir tenu la contrebasse derrière Elvis, le Bill Black Combo's. Etrange de voir la proximité de Carl avec deux des plus grands pionniers du rock, Elvis et Jerry Lou !
Nous nous intéresserons dans cette première partie aux titres de Carl McVoy parus en compilation chez Sun. Carl garda toujours un lien avec la musique, son job et puis sa propre entreprise lui permirent de prendre des parts dans Hi, ce qui n'était peut-être pas un placement mirobolant... Il nous a quitté en 1992. Une vie bien remplie.
Born to loose : une voix de velours, un piano qui coule, un fond de mélancolie, une rythmique qui ne se prend pas la tête, l'on est plus près de Bing Crosby que des hoquets désespérés du rockabilly, une belle facture, vous le rangerez dans la série des chef-d'œuvres oubliables. It's make no difference now : un peu moins de velours, et voix magique, le piano roucoule mais McVoy arrache les mots d'une belle manière, ce n'est pas du rock, mais l'on y est presque, la chaudière est sous-pression, ne reste plus qu'à relâcher la vapeur. There's be no teardrops tonight : avec un tel titre on redoutait une roucoulade, mais non le piano est pointu, un sax saligaud essuie ses godasses boueuses sur le paillasson, l'ensemble ressemble à une parodie de chanteur de jazz avec grand orchestre. You are my sunshine : A : les amerloques ont une manière qui n'appartient qu'à eux d'imiter l'accent américain, savait chanter le Mc, peut-être trop bien, capable d'épouser tous les styles, un peu jazzy, un peu rhythm'n'blues, chœurs sixty féminins, et entertainment à la Broadway, un petit côté très professionnel. You are my sunshine : B : prise pas fondamentalement différente, un peu moins jazzy, plus près de Pat Boone si l'on veut être méchant, plus proche de Ricky Nelson parce que l'on est gentil. Tootsie : B : un piano qui pumpine dans les bémols, un sax qui impulse l'énergie, une voix parfaitement ajustée à la rythmique. Un peu plus enlevé que les précédents toutefois un peu gentillet. En réfléchissant l'on en vient à se dire que le Pelvis enfonçait toute sa génération. Pas de photo. Tootsie : A : une voix plus friponne, cette version est vraiment supérieure à la précédente, en plus cette manière de mettre la pression si forte sur le vocal, il semble que Carl a des mots en trop qu'il se dépêche de caser pour tomber pile à la rime. Si je m'appelais Tootsie, j'aurais été séduite. You are my sunshine : encore un peu moins jazz et nettement plus rock, surtout au début car ensuite il se perd un peu, mais sur la fin il sort sa grosse voix qui ne vous laisse pas sur votre faim. ( Suivi de la version B de Tootsie pour reprendre le single sorti chez Phillips International. ) Be honest with me : enfonce les touches du piano comme s'il voulait bouffer le clavier, la voix rentre-dedans qui arrache la tapisserie sur les murs et par dessous un sax qui a oublié d'être asthmatique. Oh Yeah : l'on sent que l'on est passé aux choses sérieuses, tout est dans la façon de de poser les mots, l'air de rien, comme s'il était en train de consulter l'annuaire du téléphone en même temps, les instrus aiguisés au maximum mettent le feu, le secret du rockab dévoilé, c'est le vocal qui emporte la nappe à sa suite et qui fout le feu à l'appartement. Lonely heart : un slow à la Presley, la musique qui tangue et vous file envie de vomir, mais vous ne quitterez pas votre cavalière pour un empire. Même si vous lui dégueulez dans le corsage. Quand on tient le bon bout, on ne le lâche pas. Little girl : l'en fait trop, lui crie dans les oreilles, un truc à rendre la poupée électrique, devaient être survoltés lors de cette prise de speed , le rock comme on l'aime qui vous écrase de ses pompes bleues les chaussons de satin rose. A woman'love ( Thrill of your love ) : cela vous a un air de ballade à la Gene Vincent, à part que le Mc il vous a oublié son timbre de velours, vous meugle telle une vache perdue au fond de son pré. Le mec a trop picolé et il vient crier son amour sous la fenêtre. Pas la meilleure façon de se faire admettre par les parents. Ses copains l'encouragent. Little John's gone : l'était déchaîné, en plus le mec au sax, à chaque fois qu'il envoie son souffle on dirait qu'il débouche un magnum de champagne, la petite frappe à la batterie écrase tout ce qui bouge et même ce qui reste immobile. Le Carl impérial, toréador qui attrape le taureau par la queue et le tue en lui fracassant la tête contre les palissades. Acclamation des aficionados. You're my only star in my blue heaven : l'on devrait voir les anges roses traverser le ciel, c'est raté, avez-vous déjà entendu un garçon vacher vociférer un slow, le guy vante si fort les qualités de la génisse qu'il emmène à l'abattoir qu'il vous tarde qu'on vous la serve sous forme de steak tartare. I'll be satisfied : l'est tout content, ne se retient plus, le piano sautille et son vocal s'adjuge la première place. N'est pas pour rien le cousin de Jerry Lou !
Montée progressive vers le plaisir. Sur la première moitié le Carl McVoy se retient aux rideaux au cas où ils lui tomberaient dessus, dans la seconde – mais que s'est-il passé entre temps, docteur Freud ? - il s'est débarrassé de toutes ses inhibitions, il crie, il stentorise, il s'époumone, cherche-t-il à imiter Jerry Lou, je ne sais pas, mais là il emporte la cerise et le gâteau à la crème qui est dessous. Bon sang ne saurait mentir !
Damie Chad.
EKULU
UNSCREW MY HEAD
( Cash Only Records / Juillet 2021 )
Comme souvent la pochette m'a attiré en premier. Trois jeunes femmes enlacées assises sur deux bancs de pierre qui se font face, rien de charnel, leurs silhouettes bleutées induit une idée de sérénité – n'est-ce pas ainsi que l'on pourrait traduire le nom du groupe – tout serait parfait, s'il n'y avait ces bougies allumées, disposées en un carré brisé ou inachevé, tels des luminaires d'appel d'un rituel en cours d'exécution. Cette première impression est vite confortée par la vision du sorcier noir au masque grimaçant. Un ricanement de guingois de très mauvais augure. Quelles mystérieuses passes maléfiques effectue-t-il de ses longs bras étendus au-dessus de celles qu'il faut bien se résoudre à nommer ses trois victimes envoûtées ? Ekulu nous délivre un message simple, notre monde n'est pas aussi serein que l'on voudrait nous le faire accroire. Méfions-nous des manipulations mentales que nous subissons alors qu'en toute inconscience nous nous sentons bien.
Souvenons-nous que le mot Ekulu signifie ''Grand'' en langue kwa parlé par le peuple Igbo qui réside au sud-est du Nigéria, près du fleuve Ekulu. Sans doute faut-il interpréter le mot ''grand'' en tant qu'expression d'une force incommensurable, un courant d'impavide puissance, auquel rien ne saurait résister. Pour mieux comprendre le sens de ce vocable, il suffit de penser à la racine latine ''rumen'' que l'on retrouve dans les termes familiers à nos oreilles d'européens de Rome, Rhin, Rhône, les noms de certains lieux signifient souvent beaucoup plus qu'ils ne disent.
Quittons nos errances philologiques. Ekulu est un groupe new yorkais. Pas particulièrement novateur qui s'inscrit dans cette mouvance de formations qui au début des eighties ont voulu se démarquer – plus vite, plus fort, plus violent – de Metallica qui offrait à cette époque une synthèse harmonieuse, équilibrée mais bourrée d'énergie des différents courants musicaux du hard, du heavy et du metal. Ces groupes comme Cro-Mags ou Leevay ou Agnostic Front ajoutèrent à l'alliage réalisé par Metallica de nouveaux ingrédients, punk hardcore, trash, créant un nouvel orichalque surnommé Crossover Trash... depuis dans les marmites de fonte de ce metal éruptif, les combos ont pris l'habitude de doser tous ces ingrédients selon leurs envies...
Les membres d'Ekulu proviennent de ce chaudron de sorcière, ont tous participé ( et continuent encore ) à d'autres groupes, Glory, Illusion, Funeral Youth... Formés en 2018, ils ont déjà trois commis trois monstruosités mais l'on peut dire qu'avec Unskrew my head ils ont atteint une maturité indéniable qui les classe pour les amateurs de musique violente parmi les valeurs sures de cette année.
Becoming / New Life jam : ti-tiou ! c'est quoi ce truc, une guitare qui sonne en catimini comme une sirène d'incendie, une batterie au pas de l'oie cadencé, et derrière cette espèce d'oratorio cordique qui miaule tel un chat devant une boîte de sardines à l'huile irrémédiablement fermée. Proven wrong : vous ont pris par surprise, ouf ça s'assagit, façon de parler, disons que ça balance du riff sur les murs mais sans ostentation, ça se gâte vite lorsque Wilson se pose au vocal, un véritable accélérateur de particules et tout le bataclan derrière qui file le train, doivent se croire dans un synchrotron, il y a une guitare qui prend la tête et qui franchit la ligne d'arrivée en vainqueur, elle gémit et hennit d'une belle manière, je suis sûr que le manche est gonflé à l'hélium. Half alive : toujours cette batterie qui tasse les petits pois dans la boîte, ricanement obsolète, un avion à réaction à fond passe au fond du studio, un train siffle et c'est parti pour la poursuite infernale, le type devant ne s'en sortira pas, n'a aucune chance avec la locomotive qui le talonne de fer, si je comprends bien le titre il doit se traduire par à moitié mort, en tout cas le singer il s'époumone le chasse-buffle collé au cul, le batteur accélère le rythme, il cogne sur les bielles à la manière d'un dératé, z'avez un cliquetis de guitares qui ondule salement, l'histoire se termine mal, on s'y attendait, un grand cri et puis plus rien. Les meilleures boucheries sont celles où l'on vous abat le plus promptement. Pick your fight : sont sympathiques, vous laissent choisir l'arme du crime, c'est vous la victime, le chanteur s'égosille comme s'il était pressé de vous planter sa botte de Nevers dans le trou du cul, s'arrache la gorge et postillonne dans tous les sens, les copains sont avec lui et martèlent la rythmique de toutes leurs forces, maintenant tous ensemble ils jouent au vibra(méga)phone avec votre corps. Le pire c'est que si vous avez le temps de faire le point, vous êtes obligé de reconnaître que ce sont de sacrés musiciens,ne se marchent jamais sur les pinceaux du copain, d'une précision absolue. Who's incontrol : riff d'entrée vicieux, de la bonne pâte à dentifrice pour haleine fraîche, dès que vous l'avez dans la bouche, le verre pilé des guitares vous déchire les gencives et les baguettes de Mike Ralstor sont agrémentées de lames de rasoir qui vous lacèrent la langue, évidemment le hurleur de service se met à vociférer, à croire qu'il ne sait pas faire autre chose dans sa vie, alors ses potes le soutiennent de la voix, la grâce d'un chœur de mêlée de rugby de seconde division, autant l'avouer au fur et à mesure que le morceau se déroule, la situation s'aggrave, incontrôlés, oui s'ils le veulent, mais ces lascars maîtrisent leurs instruments à la perfection. Unscrew my head : Ralstor abat ses cartes sur ses toms, Wilson n'est plus qu'une explosion nucléaire vocale, les guitares seraient parfaites pour remplacer des pleureuses corses de vos obsèques, ce que l'on voit à l'intérieur de sa tête tétanise tout le monde, Ralstor se lance dans un solo désespéré, le morceau n'ira pas plus loin. Nous oui, ce pèlerinage aux portes de la folie s'avère aussi intéressant que de descendre les chutes du Niagara à la nage. Crossed : définitivement barrés de l'autre côté, c'est pour cela qu'ils affectent un faux calme majestueux qui ne durera que vingt secondes, Wilson se lance dans l'abîme sans parachute, la descente est vertigineuse, hurlements, coups de semonce et flèches de sang qui vous transpercent la conscience de vous-même que vous n'avez plus depuis longtemps. Wake up : l'est vraisemblablement temps de reprendre ses esprits, fissa, fissa, boutent le train, foncent tout droit dans le labyrinthe, mettent les bouchées doubles, cavalent à fond de tender, et la galopade continue sur l'intro de World of uncertainty ( Sandman's theme ) : charge finale dans le monde de l'incertitude, les hommes de sable retournent-il à la poussière ou se concrétisent-ils en conglomérats aussi durs et solides que les roses de vent des déserts, quelque part entre la victoire du rêve et les désastres des Waterloo intimes, la ferblanctique horde ekuléique passe devant nous et s'éloigne en un dernier grondement.
Hormis cet album sur Bandcamp sont facilement accessibles les premiers titres du groupe qui ont éveillé l'intérêt des connaisseurs ( The ruminator / Melt the ice / S.O.D. / Half alive ) vous les retrouvez aussi sur leur disque live enregistré à London intitulé Live in the graveyard. Pour ceux qui aiment les groupes en chair et en os, nous signalons sur You Tube la vidéo :
EKULU
UNSCREW MY HEAD RECORD RELEASE
/ FULL SET / BROOKLIN, NY, 9 / 3 / 21
FIST FIRST PRODUCTION
Bien entendu en différé. Filmé le 3 septembre de cette année. L'occasion idéale de faire le point sur la formation. Première constatation, le Gold Sounds n'est pas immense, la modeste et chaleureuse affluence de la foule ne rendra pas les fans de rock français jaloux... N'est-ce pas une des meilleures chances du rock'n'roll de redevenir une musique de franges, de meutes, de petits groupes passionnés... Disons-le tout de suite, l'on ne retrouve pas sur le live cette glissade continue que constitue l'enregistrement le disque dû à Arthur Pisk. La musique s'avère non pas plus violente mais davantage fragmentée et rugueuse. Le public est à l'image du groupe, de grands gaillards baraqués. Restent calmes, même si le jeu consiste à monter sur scène pour en redescendre le plus vite possible de façon plus ou moins singulière. Le lecteur qui comparera avec les vidéos que ce dernier printemps nous avions présentées des groupes similaires ( Sunami par exemple ) de la côte ouest sera frappé par la différence, à NY l'ambiance est nettement plus détendue, moins virile même si elle est son immense majorité d'hommes ( blancs ) jeunes. L'on ressentait beaucoup plus la présence de sang mexicain dans l'assistance californienne. C'était notre quart d'heure sociologique. Un dernier conseil, play loud. Very loud.
Damie Chad.
RAUNCHY BUT FRENCHY ( 1 )
Chez KR'TNT ! L'on ne recule devant aucun sacrifice, si le Cat Zengler vous présente chaque semaine L'avenir du Rock, l'agent Chad exhumera des sables heideggeriens de l'oubli de l'oubli de l'Être du rock 'n' roll français quelques prestigieuses rondelles issues de décennies prodigieuses, hélas révolues, qui figurent parmi les plus étranges fleurons de notre legs culturel national.
Le lecteur attentif jugera avec raison le style de notre paragraphe de présentation quelque peu ampoulé, mais nous avons tenu à nous élever à la hauteur du texte introductif par lequel débute le double-vinyle de Dick Rivers présente Linda Lu Baker. Rappelons que les années 80 furent mitterandiennes, il est donc normal que la poétique évocation de la vie de Linda Lu Baker soit lue par Frédéric Mitterrand neveu du Président, ne l'aurions-nous pas cité que vous auriez reconnu le grain ( et la paille ) de cette voix inimitablement lyrique.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas par cœur la discographie de Dick Rivers, nous dirons que ce double trente-trois tours s'inscrit dans la lignée de L' ? ( L'Interrogation ), entre concept-album et comédie musicale, produit en 1969, nous vous en reparlerons une autre fois. Rivers applique la même méthode, qui lui allait si bien mais qui n'a pas toujours séduit les vastes foules, je fais ce que je veux, comme je le sens. Qui m'aime me suive, que les autres se débrouillent selon leur bon vouloir. Une morale un tantinet aristocratique.
DICK RIVERS PRESENTE
LINDA LU BAKER
( Mouche Records / 1989 )
Paroles et / ou musique : Jean-Gilles Guzik / Michel Héron / Bernard Droguet / Jean-Claude Collo / Jean-Charles Laurent / Alain Labacci / Didier Lord / Claude Moine / Claude Samard / Félix Gray / Christian Gulluni /
A chacun son rêve américain. Linda Lu Baker c'est une Marilyn Monroe qui n'a pas réussi. La faute à pas de chance. Inutile de sortir votre mouchoir et d'accuser l'injuste et implacable dureté du destin. Que Linda ne s'en prenne qu'à elle-même. Sa triste et désopilante existence n'est qu'un prétexte pour Dick ( et sa bande de joyeux drilles qui l'accompagnent dans cette aventure ) pour s'amuser et rendre hommage à la musique américaine qu'il aimait par dessus tout.
Bonjour : donc la voix nasillarde si particulière de Frédéric Mitterrand, les grincheux de service fronceront les sourcils et se demanderont ce que vient faire ce chroniqueur des émissions télévisées consacrées aux grandes familles et belles demeures royales européennes dans un disque de rock, ce n'est pas si mal vu que cela quand l'on pense que son timbre traînant n'est pas tant éloigné que cela de l'accent choucrouteusement voilé des petits fermiers blancs des Appalaches... Serait-ce un message politique qui tenterait de révéler une jonction secrète entre les ploucs prolétaires américains et les noblesses décadentes des anciennes dynasties décaties du vieux continent ? Je vous laisse à vos réflexions métapolitiques. Oh ma rose d'amour : un seul repère la voix de Dick, roule les R comme un ténor vieillissant, mais où est-on au juste, ou plutôt on est quand, à quelle époque, ce n'est pas du rock, ne manque que l'accordéon pour les froufrous de cette valse populaire et chaloupée dans laquelle plane un fumet de Mon amant de Saint-Jean d'Edith Piaf ! Quel rythme : l'on retrouve enfin notre Dick de toujours, un bon rock qui swingue bien, santiags, Elvis, tout le décorum est-là, repoussons la nostalgie, prêtons l'oreille, le rythme part un peu dans tous les sens, un vrai capharnaüm musical, les paroles le confirment, nous trouverons dans cet opus tous les styles, les plus et les moins orthodoxes, un patchwork variétique dissolu dans la lignée programmatique de L'?, un son différent pour chaque morceau, tu veux du rock coco, ben t'auras aussi du caca ! Sale mambo : oubliez 1956, reculez le curseur vers les années trente, un mambo aussi verdâtre qu'un mamba frétille des hanches, Dick a le tempo dans la peau, nous le fait à l'espagnolade, sa voix de satin glisse sur les congas, reconstitution musicale historiale à l'identique, clin d'œil appuyé, une réussite, ceux qui n'aiment pas les trémoussements d'hidalgos caribéens s'abstiendront. Pas d'pitié pour le crooner : retour aux années soixante, le slow qui tue, garanti d'époque, avec les chœurs qui vous brisent le cœur, une bluette rose, attention le crooner ne drague pas les pré-nubiles, ce n'est plus de son âge, s'adresse surtout aux dames mariées qui courent après leur passé qui ne reviendra plus... Chansonnette perfide qui remue le couteau dans la plaie des jours et des jeunesses perdus. Tais-toi et chante : surfin' song, l'hymne des perdants pathétiques qui ont l'idée de génie du siècle, les pantoufles ringardes c'est comme la confiture de la déconfiture qui dégouline sur les doigts et empègue les boutons de manchette de la chemise propre. Ça glisse comme un rêve. Dans la poubelle. Rythme léger. Chanson triste. Ainsi soit-elle : hymne à la femme, pas à la sainte-vierge, un gospel frénétique, du monde sur le pont – jusqu'au Golden Gate Quartet - des chœurs féminins à la recherche de l'extase, un joyeux bordel généralisé, du fait-main, du cousu d'or, drôlement bien foutu, tant pour les paroles que pour le chant. Servi chaud, avec tant de zèle que l'on n'y croit guère, Dick met dans sa voix ce petit sourire en coin, qui nous avertit que ce n'est que du toc, que dans ce disque il est à la recherche d'un rêve perdu qui s'est échappé de ses mains, un jour sans qu'il s'en aperçoive... Comme le loup de Tex Avery : quand tout fout le camp, l'on se raccroche aux vieilles images des dessins animés qui bougent encore, l'on s'attendrait à une rythmique échevelée, non c'est le retour au sixties-slow, plus vrai que nature, un morceau figé du temps, une carte-postale retrouvée dans un vieux tiroir, Dick en fait des tonnes, un peu le chanteur abandonné qui donne tout ce qu'il a dans le ventre... pour la petite histoire, c'est la première fois depuis le début que le nom de Linda Lu Baker est prononcé. Elle veut tout : petit rock bien propret et sautillant comme l'on en fabriquait tant aux Amériques une fois que le rock sauvage fut amadoué et mis en cage. Attention, un genre en soi à part entière. Dick y excelle et s'amuse comme un fou. A part moi ça va : la ballade country est au slow ce que la symphonie est à la chansonnette, sûr que ce n'est pas folichon, rien de tel pour vous refiler le blues, la pedal steel guitar pleure, et Dick essaie de survivre à son chagrin. C'est comme dans les films ces scènes larmoyantes qui vous serrent la gorge, pour ne pas vous engluer dans l'émotion, vous vous dites, que ce n'est pas vrai, ce n'est que du cinéma. Goodbye amigo : un titre de western italien, la sombre guitare à la Johnny Cash nous ramène aux Amériques dans une bobine de Raoul Walsh, une belle ambiance de départ que le refrain pompier en uniforme hélas saccage à tel point que l'on est content quand on arrive à la fin. Des larmes des larmes : le slow grand public qui met tout le monde d'accord, la guerre ce n'est pas bien, l'on ouvre les vannes et l'on pleure tous ensemble, Rivers nous fait son Live Aid à lui tout seul. A fond les trémolos. Le truc gonflant. Baudruche. Baby relax : ouf ! On respire, un peu de sexe n'a jamais fait de mal à personne, le rock enlevé qui s'adonne à la bagatelle, un saxophone qui klaxonne dans les coins, que voulez-vous de plus ? Sûr que sur ce morceau Dick n'invente pas la poudre. Mais il sait la manier. Lunettes noires : les montures noires ne cachent pas le moine, c'est Schmoll qui a écrit les paroles, d'ailleurs le titre ressemble un peu avec sa cuivrerie enlevée aux morceaux que l'on trouve sur beaucoup de disques de Mitchell, ( tendez l'oreille vous entendrez Eddy prononcer trois mots ) ça pulse et c'est enlevé, une bouffée d'air pur qui chasse les miasmes de la mélancolie. Elle m'a fait mal : l'a repris du peps Dickie, chante bien le Dick, sa voix rebondit sur la batterie, telle une balle de ping-pong, y a de la vie là-dedans, c'est d'autant plus voyant qu'il nous conte une rupture abîmale, mais l'on s'en fout, ça froufroute comme un cabri qui batifole de rocher en rocher. Si je tenais la mort : rien de funèbre dans ce qui n'est pas une ballade mais un rock bien carré qui roule à tombeau ouvert, un solo de guitare vermifuge de cheval qui revigorerait un mort, la piste la plus vivante de tout le disque. Elle dort chez les anges : un doux feulement de saxophone, c'est parti pour un slow-jazz aux yeux bleu-pâle, on avait oublié de vous le dire mais Linda Lu est morte, et Dick se retrouve tout seul, tout triste, avec son rêve de Linda (petit lu) Lu croqué jusqu'au trognon. Linda house Baker : Surprise, soirée funk and house, pas question que l'on ressorte le cadavre de sa housse, l'époque de Linda Lu s'éloigne, place à la jeunesse, l'on mixe à tout va, l'on raconte n'importe quoi, quoi de plus terrible que cette lourde chape de ciment recyclabe que la modernité coule sur le temps passé pour être sûre qu'il ne ressortira pas de sa tombe.
Au final, agréable à écouter, mais loin d'être le meilleur opus de Dick Rivers. La mélancolie chez Rivers est toujours aussi pure que la méthadone, un produit de substitution, du rock de second degré, mais authentique.
Damie Chad.
ROCKAMBOLESQUES
LES DOSSIERS SECRETS DU SSR
( Services secrets du rock 'n' rOll )
UNE TENEBREUSE AFFAIRE
EPISODE 01
RECAPITULATIF N° 1
Nous n'étions plus en odeur de sainteté, apparemment le président du Sénat qui avait selon les lois de la Constitution endossé le rôle du Président de la République décédé – ce tragique événement est dument relaté dans le dossier L'affaire du Coronado Virus, cote KRTNT 477 – 512 - n'aimait pas le rock'n'roll. A sa décharge, l'avait d'autres chats à fouetter, notamment à préparer les prochaines élections présidentielles.
Un beau matin, nous trouvâmes la porte du service condamné. Ce n'était pas grave, nous nous en doutions, nous le pressentions, la veille au soir le Chef avait emporté sa réserve de Coronado, pour ma part j'avais eu la présence d'esprit de sauvegarder le manuscrit de mon journal intime, sobrement intitulé Mémoires d'un GSH.
Note 1 : tout Coronado étant unique, ce nom royal ne prend jamais de S. ( Signé : le Chef )
Note 2 : en toute simplicité les initiales GSH signifient Génie Supérieur de l'Humanité. ( Signé : Agent Chad ).
INTERLUDE
C'était l'heure des grandes décisions. Le Chef alluma un Coronado :
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Agent Chad, la situation est grave, je compte sur vous et vos deux fins limiers pour nous récupérer un repaire indétectable, un antre indécelable, dans lequel nous serons aussi à l'aise que deux piranhas en eaux troubles. Pour ma part je rentre à la maison, ce monde ensauvagé a besoin de calme et de méditation.
Un agent du SSR chargé d'une mission difficile n'a pas une seconde à perdre. J'avisai presto subito une terrasse de café et après avoir commandé une bouteille de bourbon j'entrepris de motiver la piétaille :
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Les chiens vous avez entendu ce que désire le Chef, mettez-vous en piste tout de suite, dans deux heures, je vous veux au rapport ici même, action !
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Ouah ! Ouah ! Molossito piaffait d'impatience !
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Ouah ! Molossa connaissait la vie, elle se contenta d'un oui approbatif sans emphase, elle huma l'air par trois fois, posa sa truffe au sol et démarra, Molossito la contemplait avec admiration, il hissa sa queue en panache tel un oriflamme et suivit sa mère adoptive en toute confiance.
PETIT DIALOGUE PSEUDO-PLATONICIEN
Même attablé à la terrasse d'un troquet, un agent du SSR est sans cesse à l'affut, par expérience il sait que si vous ne courez pas après les problèmes, ils arrivent tout seuls sans qu'on ait besoin de les appeler. Le gars avait une tête sympa, genre un peu bobo-hippie, tandis qu'il traversait la rue je remarquai que la pâleur de son teint seyait à merveille à ses tatouages sur ses avant-bras. Arborait un T-shirt Neil Young. L'avait sûrement terminé un gros pétard depuis pas très longtemps car il se contrôlait pour ne pas trop zigzaguer sur la chaussée. Se laissa tomber – plutôt qu'il ne s'assit - lourdement sur une des chaises de ma table.
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B'jour ! Scuse-moi ! Et sans rien demander il enfila mon verre de bourbon, illico il s'en resservit un deuxième qu'il se versa dans l'œsophage aussi sec !
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Ah ! Ah ! Je vois que vous êtes un amateur de bourbon !
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Non pas du tout, avec ma copine l'on boit surtout du thé au jasmin, mais là j'avais besoin d'un remontant, et hop il en avala un troisième sans transiger.
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Je comprends, votre copine s'est tirée avec le voisin !
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Pas du tout, elle n'y est pour rien, c'est la faute de Charlie Watts !
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C'était votre batteur préféré, une triste nouvelle oui, il est mort et enterré depuis huit jours, que voulez-vous ce sont les meilleurs qui partent les premiers !
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Non !
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Philosophiquement vous n'êtes pas d'accord, vous supputez que les imbéciles peuvent mourir avant les autres. Vous n'avez certainement pas tout à fait tort, votre point de vue est défendable quoique si l'on suit les enseignements de Berkeley l'on puisse toutefois en déduire que chacun juge du réel selon sa seule approche...
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Non !
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Vous n'êtes donc pas un adepte de Berkeley, logiquement vous pensez qu'il existe une réalité, somme toute objective, indépendante de notre Moi, je dois donc vous classer parmi les matérialistes brevetés !
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Non !
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Là, franchement je suis dans l'impasse – commençait à m'agacer l'espèce de Neil Young de pacotille – si je vous suis...
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Non !
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Non quoi ! Expliquez-vous !
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Il n'est pas mort !
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Berkeley, si en 1754 !
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Non ! Foutez-moi la paix avec votre Berkeley, je parle de Charlie Watts ! C'est lui qui n'est pas mort !
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Vous savez, on disait la même chose d'Elvis !
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Oui je sais, mais Charlie Watts, il n'est pas mort...
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Pas mort, pas mort... me coupait la chique cet abruti !
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Non pas mort, je viens de le croiser dans la rue !
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Impossible, un sosie, un fan qui s'est habillé à l'identique, en hommage...
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Non puisque je vous répète qu'il n'est pas mort ! Oh puis vous m'agacez, vous êtes un esprit obtus, et hop il termina la bouteille au goulot, se leva en titubant et repartit d'une démarche saccadée !
-
L'est pas frais votre zèbre, l'a dû charger la mule toute la nuit, c'était le garçon diligent qui de sa propre initiative se hâtait de m'apporter une deuxième bouteille.
-
En plus il prétendait qu'il venait de voir Charlie Wats ! Attention vous avez failli laisser tomber votre plateau ! Un fou, ou alors il a inventé cette blague pour boire gratos !
-
Ça alors ! ( J'ai cru qu'il allait me faire une crise cardiaque et tomber raide mort sur mon guéridon ) Vous n'allez pas me croire, monsieur, mais aux infos sur France- Inter ils ont signalé un cas similaire en Auvergne !
Mon portable sonna. C'était le Chef :
-
Impossible de fumer un Coronado tranquille dans ce pays. Je sors de l'Elysée, on m'a appelé d'urgence, z'étaient tout gentils, m'ont ouvert une ligne de crédit longue comme un TGV, une drôle d'affaire sur le paletot.
-
Je vois Chef, un truc qui brille à la manière d'un million de watts !
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Exactement Agent Chad, à force de me fréquenter vous parvenez à émettre des hypothèses qui tiennent la route ! Je suppose que vous n'êtes pas allé plus loin que le premier café, et que vous attendez les chiens, j'arrive dans une demi-heure le temps de voler une Lamborghini.
-
Bien Chef, je vous attends !
Les chiens survinrent à fond de train alors que le Chef arrêtait la Lamborghini devant la terrasse, à leurs yeux pétillants je compris qu'ils avaient déniché la perle rare, mais le Chef ne voulut rien savoir.
-
On vérifiera plus tard, zou, les cabots sur la banquette arrière en vitesse – ils ne se firent pas prier – agent Chad, prenez le volant !
-
Oui Chef, où allons-nous au juste ?
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En Auvergne !
( A suivre... )
10:19 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tim bogert, françois premier, soundcarriers, leopards, carl mcvoy, ekulu, dick rivers, rockambolesques
04/11/2020
KR'TNT ! 483 : DAVE KUSWORTH / COUNTRY TEASERS / BLONDSTONE / JOHNNY BURNETTE ( + R'N'R STORIES ) / ROCKAMBOLESQUES
KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME
LIVRAISON 483
A ROCKLIT PRODUCTION
FB : KR'TNT KR'TNT
05 / 11 / 20
DAVE KUSWORTH / COUNTRY TEASERS BLONDSTONE / JOHNNY BURNETTE ( + R'N'R STORIES ) ROCKAMBOLESQUES |
TEXTES + PHOTOS SUR : http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/
Un Kusworth qui vaut le coup
Alors qu’une moitié de la planète se réjouit de la disparition de Dave Kusworth («Ah encore un drogué de moins !»), l’autre moitié se morfond dans un abîme de chagrin. Jusqu’en septembre dernier, Dave Kusworth était encore une légende vivante, une race qui est comme vous le savez en voie d’extinction. On le vénérait pour sa fière allure (cool Keef clone) mais surtout pour ses chansons. Oui, Kus est infernalement doué, tellement doué qu’il finissait par faire de l’ombre à son complice Nikki Sudden, tout aussi légendaire, mais trop mélancolico-dylanesque, alors que Kus remplissait des albums entiers de compos somptueuses qui avaient pour particularité de sonner comme des hits imparables dès les premières mesures. Ce n’est pas courant. Avec Kus, Brian Wilson, Frank Black, Bob Mould, Lanegan et Robert Pollard comptent parmi les surdoués de la surenchère compositale.
En quasiment quarante ans de «carrière», Kus a enregistré une bonne vingtaine d’albums, soit en solo soit en tant que Jacobite à l’air avec Nikki Sudden. Dans le cas d’un cat comme Kus, on peut parler véritablement d’une œuvre car bon nombre de ses albums sont devenus des classiques, dans l’underground, c’est vrai, mais chacun sait que c’est l’underground qui choisit les élus, et non le mainstream. Quand on parle de classic album, il faut l’entendre au sens artistique. Lanegan et Kus sont des auteurs classiques, au même titre qu’Apollinaire et Guy Debord. Supertramp, Dire Straits et Barbara Cartland ne sont pas des auteurs classiques, mais simplement des machines à fric, ce n’est pas la même chose. Tant mieux pour eux, mais si tu préfères l’oxygène, c’est Kus qu’il te faut.
Quand on n’a pas le privilège de connaître l’homme, alors il faut savoir se contenter de l’œuvre. Et quelle œuvre ! Nik & Kus enregistrent le premier Jacobites en 1984. Ils fondent une sorte de lignée romantico-balladive directement inspirée du côté tendre de Keef. Le «Big Store» qui ouvre le bal de l’A reste du Sudden classique, un mélopif extrêmement prévisible. Aucune surprise n’est possible chez Nikki, tout est claquemuré dans une insondable mélancolie - Say my love to the girl in the big store - Les deux points forts de l’album sont «Hurt Me More» où Kus se tape une belle partie de slide dans l’esprit de «Dead Flowers», et «Kings And Queens», fantastique élégie qui finit par sonner comme un hit. Eh oui, Kus signe ce big balladif gratté à la merveilleuse insistance. Ils s’inscrivent avec ça dans la tradition du mythique «You Got The Silver». Ils baignent aussi leur «Silver Street» dans l’ambiance de «Sister Morphine». En B, «Hanging Out The Banner» fait dresser l’oreille, grâce à son élément tri-dimentionnel. Kus rôde dans le son avec de vieux arpèges de cristal. Et puis voilà «Need A Friend» qui sonne comme un balladif enchanté gratté à coups d’acou charmants. Tout est monté sur le même modèle, avec une foison de coups d’acou. Dans la réédition CD de Jacobites, on trouve l’EP Shame For The Angels qui est assez explosif, ne serait-ce que par le morceau titre, cut esprit-es-tu-là en forme de cavalcade effrénée. Encore une fournaise de taille avec «Fortune Of Fame». Oui, ça peut chauffer chez les Jacobites à l’air. C’est même très hot. Et quand on tombe sur «Heart Of Hearts», on crie au génie, ca voilà un hit faramineux, mélodiquement invincible, avec tout le power de la romantica. Rassurez-vous, on retrouvera cette merveille un peu plus loin dans ce panorama.
Dans les liners, Nikki raconte qu’il a rencontré Kus à l’époque où il jouait dans les Subterranean Hawks et qu’il le trouvait extrêmement doué. Il lui indiqua qu’il aimerait bien monter un groupe avec lui si les Hawks splittaient, ce qui allait se produire en 1982. Nikki sentait qu’ils pouvaient bien cliquer ensemble. Il raconte aussi qu’à l’époque de leur rencontre, ils chantaient dans la rue tous les deux pour se faire un peu de blé (busking). Un jour, Nikki alla acheter un paquet de clopes et à son retour, Kus avait composé «Kings And Queens» - the all-time Kusworth classic - Il indique aussi que la photo de la pochette fut prise dans la cuisine de l’appart qu’ils occupaient sur Norwood Road, à Brixton. C’est aussi l’époque où Kus joue encore dans les Rag Dolls à Birmingham.
Ça tombe bien, car un digipack des Rag Dolls est arrivé sur le marché en 2015. Il s’appelle Such A Crime et vaut le détour car Kus y rend hommage aux Dolls, particulièrement avec «Fortune Of Fame» qu’on retrouve d’ailleurs sur le Shame For The Angels EP. On croirait y entendre la guitare de Johnny Thunders. Lorsqu’on entre dans cet album, on est vite surpris pas la qualité des cuts, par ce big tempo de Kus on the run. Ils font pas mal de power-pop («Pin Your Heart To Me») et Kus cavale bien son affaire avec «What You Don’t Know (You Don’t Show)». Le son est là, bien présent. Avec «Lucky Smiles», les Rag Dolls rendent hommage aux Stones et aux Beatles, ceux de la période psyché («Rain»). Et puis voilà un «Nine Times Out Of Ten» assez puissant, presque garage, bien bardé de barda. C’est incroyable comme ils sont bons. Et puis alors qu’on ne s’y attend plus, une énormité surgit : «Snow White», un slow rock gorgé de son. C’est inespéré de qualité. Sur certains cuts on entend même du sax. Ces mecs ont des moyens considérables. Vers la fin du disk, vous trouverez aussi une version live de «Fortune Of Fame» et deux démos de répète, «Silken Streets» et «Vanity Box». Kus avait déjà tout à l’époque. Dans les liners du Rag Dolls, Pat Fish rappelle tout de même que l’idée des Rag Dolls ne plaisait pas trop à Nikki qui voulait avancer avec les Jacobites à l’air. Dès que les Rag Dolls ne jouaient pas, Nikki jammait avec Kus pour préparer Robespierre’s Velvet Basement, n’hésitant pas à reprendre certains cuts des Rag Dolls. Fish rappelle aussi qu’en voyant la pochette du premier Jacobites, il s’était dit que le type de droite semblait destiné à orner les pochettes. Eh oui, Kus avait déjà l’allure d’une rock star. Il ajoute qu’il s’inspirait de toute évidence du Keef de la période la plus dissolute, celle d’Exile, mais qu’il allait par la suite réussir à créer son propre style. Il n’empêche nous dit Fish que si Keef est un père parfait pour Jack Sparrow dans Pirates des Caraïbes, Kus ferait un oncle idéal. Tim Sendra dit aussi que Kus is one of the most exciting electric guitatists on this island, both powerful and melodic. Bien vu, Sendra.
Avec Robespierre’s Velvet Basement, on entre dans l’âge d’or du team Nik & Kus. Ils sont même au sommet de leur art avec trois Beautiful Songs : «Snow White» (cut de Kus dans les Rag Dolls), «Ambulance Station» et «I’m Just A Broken Heart». «Snow White» est même un balladif plus enchanté qu’enchanteur, comme éclairé de l’intérieur, en tous les cas, il séduirait un régiment de hussards. Ces deux dandies se situent dans la parfaite expressivité du rock anglais, dans l’essence même de ce qui en fait le classicisme. Ils chantent leurs trucs au clair de la lune. Il semble que ce soit Kus qui chante «Ambulance Station», parfait balladif intimiste et mordant. On peut dire la même chose de Broken Heart, chanté à deux voix, chargé de British melancholia, autre merveille jacobine. On entend même des chœurs timides derrière. Effet pince-cœur garanti. C’est d’ailleurs le décalage des chœurs qui fait la grandeur du cut. Tiens, la dernière chanson de la B est aussi une Beautiful Song. Nikki chante «Only Children Sleeping» sur du velours, des notes de mandoline s’égrènent autour de lui alors que les chœurs à la dérive passent au loin. Tout flotte en suspension, à la pire admirabilité des choses. On soulignera aussi la qualité du «Big Store» d’ouverture, rescapé du premier album, quasiment mad psyché bien soutenu par une sorte de tension virale. «Fortune Of Fame» revient aussi à la surface. C’est excellent, bien vivace et serti d’un solo joué sur une note. Quelle classe ! Avec «Where The River End» Nik & Kus nous proposent un mid-tempo longitudinal hanté par une phrasé symptomatique. Ils font du rock richissime. Ils semblent parfois se livrer pieds et poings liés à la facilité, comme on le constate à l’écoute d’«All The Dark Rags» - And I don’t know what to do/ Don’t know what to say/ Who cares anyway - C’est vrai, tout le monde s’en fout.
Les voilà tous les deux perdus dans un océan d’écharpes en soie pour Lost In A Sea Of Scarves paru en 1985. Le hit de l’album s’appelle «Heart Of Hearts» et on se régale de sa fluidité mélodique. C’est une admirable déculottée de belle eau pure, le véritable archétype de l’apanage jacobin. Un jolie bassline porte le doux beat des Jacobites à l’air. Ils ouvrent leur bal d’A avec le vieux «Shame For The Angels», rescapé de l’EP du même nom, un bel up-tempo cavaleur, selon la formule Sudden. Mais le reste de l’album ne provoque pas forcément d’émoi dans les muqueuses. Ils ne cherchent pas à réinventer le fil à couper le beurre, ils se contentent de ressortir quelques éclats de «Moonlight Mile» dans «Sloth» et de cultiver leur profond désespoir dans «Before I Die» - Before I die/ let me talk to you.
En 1987, Kus souhaite faire un break avec les Rag Dolls et les Jacobites, alors il monte les Bounty Hunters avec Alan Walker, Glenn Tranter et Mark McDonald. On les voit tous les quatre au dos de la pochette de leur premier album simplement titré The Bounty Hunters. Album intéressant, beaucoup plus vif et alerte que les albums des Jacobites à l’air. Kus et ses amis démarrent avec «Riches To Rags», un beau pulsatif effervescent et fragile à la fois, une énergie qu’on va retrouver en B dans un «Sleeping Love» doté d’un refrain bien élastique - Is anybody going to help my sleeping love - Et toujours ce son de guitare tiré à quatre épingles. Kus monte sa pop en neige et cette façon qu’il a d’appeler sa poule my angel ! Et puis alors qu’on ne s’y attend pas du tout, Kus nous fait le coup du lapin avec «A Puppeteers Son». Le cut éclate dans les montées de gamme - Chasing clouds in the morning sun - Le grand art de Kus consiste à l’élever soudainement - Whats it all to a puppeteers son/ As I sit watching clouds in the morning sun - Kus dispose d’un talent pour la mélodie qui va exploser au fil des albums à la face du monde. Encore une chose intéressante : «A Very Good Wife» sonne comme l’early Bowie de «Space Oditty». Kus tente d’étendre son balladif jusqu’à l’horizon. On les voit aussi développer une jolie power pop dans «Orphan (All His Life)». Serait-ce leur beat de prédilection ? Allez savoir ! Tous les cuts de l’album sont admirablement bien ficelés, «The Story So Far» vaut pour du big atmospherix de sweet sweet love gratté à la wild romantica. Autre bonne surprise : «A Glimpse Of Your Heart», heavy balladif solidement ouvragé et décoré de beaux arpèges scintillants, un cut long et doux au regard comme une campagne anglaise, ou une compagne sensuelle, au choix. Kus n’en finit plus de produire de l’enchantement. Il nous gratte ensuite «To My Love» à l’acou sauvage, mais c’est une énergie différente de celle des Jacobites à l’air. Alors attention, car sur la réédition CD de l’album chez Easy Action, les bonus raflent la mise, et ce dès l’effarant «Hooked To Your Heart», pus jus de Stonesy claironnante. On voit que Kus aime la musique d’amour alors wham bam, il ramène dans ce cut charmant et capiteux tout le tatapoum dont il est capable et c’est la fête au village. Les virées de basse dans «Broken Tooth For A Broken Heart» sont superbes, le son te court entre les jambes. On sent encore l’orfèvre dans «The Kiss That Cuts In Half». Avec Kus, ça prend vite des proportions spectaculaires - In the garden of the kiss - Quel fabuleux heavy balladif ! Kus rajoute des couplets pour le cas où on n’aurait pas compris. On reste en territoire sacré avec «Apartment To Compartment». Fantastique power, Kus est prolifique en matière de dégelées mirifiques, il arrose ça au solo de feu, il jerke son cut à la flambée sonique. C’est gorgé de disto aphrodisiaque. Kus a du génie, maintenant tout le monde le sait. Et ça continue avec «Blood On Your Knife». Il part en mode gaga brit mais sur le beat des démons de Birmingham. Il excelle dans le demonic. Il fait du shhhh pour calmer sa bête mais elle repart de plus belle. Il sait aussi chanter à la folie Méricourt. Bel hommage aux Stones avec une cover de «Child Of The Moon». Heavy rampage d’hommage, dirons-nous. Inespéré de grandeur tutélaire. Aw my child of the moon, Kus le chante heavy, à la meilleure heavyness de fan transi. Ça se termine avec un hommage à Dan Penn, une reprise d’«Im Your Puppet». Merveille des merveilles. On est content d’avoir rencontré Kus, rien que pour cette cover. Kus et Dan même combat ! Il se fond dans le mood du génie de Dan Penn. Voilà une cover fabuleusement sonnante et trébuchante. Ce démon de Kus la soigne, on peut lui faire confiance. Il pipette dans l’éther.
Leur deuxième album s’appelle Wives Weddings & Roses et retombe malheureusement comme un soufflé. Ils attaquent pourtant à la Stonesy pure avec un «Yesterday’s Hearts» ultra-joué aux belles guitares de Kus. Il sait doser son éternité et s’installe pour jouer à l’abri des critiques, au plus profond de l’underground. Mais l’album s’enferre ensuite dans une romantica de bon aloi, avec des choses comme «All The Violet Lights», un balladif chargé de don’t cry for innocence, don’t cry for pain, don’t cry for her/ In this wedding game. Avec «Streets Of Gold», il sonne comme «Heart Of Gold». II faut attendre «Riverboat Blues» pour frémir un court instant, car ce rock kussy se révèle être d’une belle tenue compatissante.
Le troisième album des Bounty Hunters s’appelle Threads A Tear Stained Scar et sort sur Creation. On les voit assis tous les quatre sur un lit, avec au premier plan un Kus un peu prostré. Il démarre avec une belle lichée de pop languide intitulée «Everything’s For Her». Kus adore les horizons flamboyants. Ils va toujours chercher à atteindre le mieux des possibilités. S’ensuit un big Bounty rock intitulé «Threads». Ces mecs savent jouer de la cisaille. On ne peut pas se lasser de ce son plein et de l’excellence de la prod. Et ça monte encore d’un cran avec «From Your Eyes», une sorte de petite apothéose psyché qui fait dresser l’oreille. Le refrain est de ceux qu’on qualifie habituellement de vainqueurs. Il emporte tout. C’est avec ce genre de cut qu’on commence à prendre Kus sacrément au sérieux. «Another Change Of Heart» sonne dès les premières mesures comme une beautiful Song. Just perfect, dirait l’Amiral Nelson à Trafalgar. C’est un balladif de l’âge d’or kusworthien visité par les vents d’Orient et il fait monter son dernier couplet d’un ton. Admirable ! Et la B ? Pareil, ça sonne dès «Hooked To Your Heart», avec une sacrée virulence dans l’excellence. Kus ressort enfin sa Stonesy et claque sa riffalama à tout va. Il enchaîne avec «I’ll Be Your Angel Again», un balladif de très grande envergure. On note l’admirable aisance de Kus à kisser the sky. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises car voici «A Picture Of You» qu’il va gorger de jus d’acou et doter en prime d’un final éblouissant. Kus n’en finira donc jamais d’exceller ? Apparemment, non. Il passe ensuite à un solide slab de pop rock gorgé de guitares er de chœurs d’Hunters. Oui «Hanging Your Arms» sonne comme un hit underground et cet album inespéré s’achève avec «In What She Says», un balladif qui enrichit les pauvres et qui rehausse l’éclat des cathédrales.
En 1991, Kus enregistre un album solo avec Glenn Tranter et deux autres mecs. All The Heartbreak Stories est un album très beau et très recueilli. Kus drive sa pop de troubadour dans les aléas des arpèges célestins. Ce beautiful jouvenceau gratte ses poux sous les remparts de Birmingham. La perle de l’album s’appelle «One Sunny Morning» et Susan Dillane l’éclaire de sa voix diaphane. On se régalera aussi de «The Last Drop Of Wine», car on y entend les oiseaux. Une flûte favorise le transfert intestinal. Toute blague à part, c’est excellent car gorgé de bonne énergie. On s’émerveille ici et là de la transparence des thèmes. Kus invente un genre nouveau : le groove préraphaélite, une sorte de perfection artistique translucide, pas facile à manier, mais ça marche. Voilà ce qu’il faut retenir de Kus : sa quête du Graal. Il s’arrange toujours pour finir en beauté comme c’est le cas avec «Lost Words». Pour «The Most Beautiful Girl In Town», il fait le choix du boogie urba orbi. C’est très spécial. Il moissonne ses coups d’acou et des filles font les chœurs. Ce mec a du son et du yeah yeah à revendre. Il faut bien dire qu’il ne relâche jamais la pression, il orchestre tous ses cuts au mieux des possibilités, il romantise et il électrise à gogo, comme le montre le morceau titre. On croit parfois entendre Nikki, mais non, Kus mène sa barque, son goût du balladif le conduit loin en amont du rock, il tâte du big heavy groove d’arpèges. Il termine avec «I’ll Be Your Angel Again», et n’en finit plus de faire son Nikki, broken legs and broken glass, et replonge de plus belle dans la romantica. Il pourrait commencer à nous fatiguer, mais il ramène toujours des retours de manivelle. Il Kusse sa légende jusqu’à la dernière goutte de son.
Deux ans plus tard, les Jacobites font un retour en fanfare avec Howling Good Times. Un album considéré comme le classique des Jacobites à l’air, au point que Troubadour en ressort une version enhanced en 2009. On trouve sur Howling deux joyaux de la couronne, «Don’t You Ever Leave Me» et «Chelsea Springtime», co-écrits par Nik & Kus. Le premier sonne comme un hit dès l’intro, les guitares sont vertigineuses et dressent une fabuleuse cathédrale de son. Quelle science de la prescience ! Bouquet final hallucinant, Kus dresse des tours de heavy riffing. Par contre, «Chelsea Springtime» est monté sur le modèle de «Sister Morphine», au suspensif du suspense. Avec ce turn-over, ils montrent qu’il savent retourner une savonnette pour qu’elle mousse jusqu’au paradis. Oui ils cultivent ensemble l’art des passages d’accords paradisiaques. Ils gerbent des régalades de boisseaux d’argent. Leur musique contient des développements de paysages d’une beauté surnaturelle. Puisqu’on rend surtout hommage à Kus, on pourrait se contenter de mettre le focus sur ses compos, comme par exemple «100 Miles From Here», dont la romantica s’étend jusqu’à l’horizon, ou encore ce «Some People» beaucoup trop bardé de barda. Quant aux compos de Nikki, pas de surprise, il cultive toujours ses vieux accents dylanesques, il adore traîner sa voix dans le gutter de feu, mais son «Older Women» finit pas tourner en rond. On est avide d’aventures, mais là, pas d’aventure. Comme souvent, c’est dans les bonus qu’on trouve le plus de viande, et sur l’enhanced, on a un disk entier de bonus, alors miam miam. «Can’t You See» sonne comme une invasion par la côte. Ils jouent le meilleur boogie rock d’Angleterre. Ces mecs avancent en terrain conquis. Dans les Trident Sessions, on retrouve tous les grands hits de Nik & Kus : «Heart Of Hearts» (magique), «Silver Coin» (d’une infinie mélancolie, donc forcément beau), «Liquor Guns & Ammo» (belle histoire que raconte Nikki - Liquor guns & ammo made a man of me), «That Girl» (pus jus dylanesque, yeah yeah just you that girl), «Puppeteers Son» (Balladif de très très haut vol, merci Kus). Et puis il y a le Making Of d’Howling sur DVD. Ce petit film sans prétention de Stephen Gridley montre bien l’ambiance d’une session d’enregistrement. Ça se passe en 1993 au Woodbine St. Studio. Dans la première scène, Carl Eugene Picot (bass), Mark Williams (drums) et Kus jamment tous le trois sur «Don’t You Ever Leave Me». La scène vaut vraiment le détour car on y voit Kuss riffer sur une Tele et wow, quelle classe et quel son ! On s’y rince bien l’œil. Pendant tout le film, Kus porte des tas de bracelets, des shades et cette grosse casquette noire de Gavroche à la Keef. Il n’en finit plus de voler le show.
L’Old Scarlett des Jacobites à l’air pourrait bien être leur meilleur album. On y trouve au moins cinq coups de génie signés Kus, à commencer par «Over & Over», chargé comme une mule de Stonesy et d’hospital. Power & style ! Giclée historique ! Over and over I care for you. Rien de plus beau que l’instance du chorus de guitare dans l’écho du temps et la dégringolade du refrain dans le lagon d’argent. Kus appartient à la caste des plus grands rockers d’Angleterre. Nouveau coup de Jarnac avec «Falling Apart». Les cuts de Kus mordent aussitôt, ils sont d’une effarante qualité, le son s’envole comme dans un rêve de rock anglais, c’est-à-dire comme chez les Beatles et les Stones. On retombe plus loin sur «Puppeteers’s Son». Comment s’y prend-il, on ne sait pas, toujours est-il qu’il réussit chaque fois à transplanter l’ambiance, à ressortir des Jacobites à l’air pour faire du Kus, il échappe aux routines, c’est miraculeux, il crée une ambiance slightly différente, mais ça suffit car ça devient vite fascinant, même chanté à la glotte blanche. Les atonalités mélodiques relèvent du pur génie constructiviste. Il y a même des étapes de chant intermédiaires absolument poignantes. En fait on aime bien Kus car il peut nous pondre «Love’s Cascade», un cut d’une telle beauté qu’il finit par exploser. C’est dirons-nous une power pop exubérante noyée d’accords, claquée dans l’azur immaculé, avec en plus des solos de Kus absolument dévastateurs. C’est lui qui referme la marche avec «Wasted». On salue chaque fois le retour de Kus, car chaque fois ça redevient fascinant : toutes ces guitares ! Et ce beat ! Et cette énergie ! Il est l’un des dieux du rock anglais, il faut entendre ce son saturé d’électricité, c’est inespéré de big improving DK, aw wasted, il faut voir comme ça dégouline de jus. Quant aux compos de Nikki, elles semblent toutes taillées dans le même son : esprit dylanesque et nappes d’orgue pour «When Angels Die» et «Boutique». Il ne parvient pas à larguer les amarres. «What Am I Living For» pourrait se trouver sur un Dylan de l’âge d’or. On aime bien Nikki, mais on a bien compris que le magicien dans cette affaire, c’est Kus. «The Rolling Of The Hearse» ne marche pas non plus.
On retrouve Nik & Kus sur Kiss Of Life, un album live enregistré à Hanovre en 1995. Live, leur son se caractérise par une stupéfiante musicalité. Ce qui semble logique vu qu’ils jouent à trois guitares : Nikki, Kus et Glenn Tranter. On les sent aussi très déterminés sur «Older Woman», gratté au contrefort d’acou avec un thème en disto brodé au long cours. Que de son ! Nikki chante au nez pincé, comme son idole Bob Dylan. On trouve en fin d’A une fantastique version de «Kings And Queens», monté comme les autres cuts sur un heavy heartbeat et ravagé par une mélancolie constante. Pourtant, Nikki vise la flamboyance, il s’en donne les moyens, il chante à l’éperdue jacobite ses rois et ses reines, alors oui, c’est vrai, ça sonne comme un hit, les accords scintillent dans l’éclat mordoré d’un verset rimbaldien. Le «Road Of Broken Dream» qui ouvre la bal de la B sonne aussi comme un classique jacobin. Ah ces vieux classiques un peu froissés, on les reconnaîtrait entre mille ! Et Nikki annonce : «This is Dave Kusworth on lead guitar !» Ils continuent d’enchaîner leurs petits mid-tempos narrant des épisodes de la vie de bohème. Les cuts fuient comme les instants, parfois merveilleux, parfois transparents.
La même année paraît Heart of Hearts, the Spanish album des Jacobites à l’air qui est aussi une sorte de Best Of. On les retrouve dans leur exercice de style préféré, la Stonesy. Ils pompent l’intro de «Street Fighting Man» pour leur «Can’t You See». Ils renouent avec toute la bravado des Stones, cette flamboyance à jamais perdue. Ils chargent la chaudière avec du piano, et Kus n’en finit plus d’essayer de rallumer ce vieux brasier. Puis ils vont faire un peu de boogie avec «She Belongs To You», un peu de balladif tentaculaire avec «Liquor Guns & Ammo» et un peu de monotonie avec «Penicillin».
Nouvel album solo de Kus en 1996 : Princess Thousand Beauty. Un bon conseil, chopez l’enhanced paru en 2014, car il grouille de big bonus. Et vous l’avez bien compris, les bonus de Kus valent tout l’or du monde. Dès le morceau titre d’ouverture de bal, on est conquis comme une ville d’Asie mineure au temps d’Alexandre le Grand. Kus nous propose un big heavy groove somptueux - Here she comes now - S’ensuit un terrific «Temptress» chargé de you got a love life et traversé de fusées de disto jusqu’à une fin apocalyptique. Encore une fois, tout l’album est bon, largement au-dessus de la moyenne des albums de rock anglais. Kus sait allumer un cut à la petite voix et comme le montre encore «Stangers Together», il peut sortir le meilleur son du monde. Kus croit encore au bonheur avec «Always Be There For You», puis il drive «She Lives In A Movie» avec du happening d’au fur et à mesure et du beau solo à n’en plus finir. Retour au heavy balladif avec «Just A Girl». Il sait doser ses effets et passer des solos liquides. Sa passion pour le beau formel vaut bien celle de Keef. Kus ne jure que par l’émotion, alors il éclate chaque cut au meilleur shaking. Tout est extrêmement bien balancé, dans l’intention comme dans le son. Il adore l’idée d’une «Fantasy Island». Il oblique même en cours de groove, c’est du sérieux, il va chercher la vraie vibe en passant par des petits ponts. Et pouf, il termine avec une cover de «Sympathy For The Devil» biens secouée aux maracas. Kus tente le diable, il n’est plus à ça près. Please allow me, il paraît trop appliqué, on sait bien qu’il en pince pour Keef, alors il opte pour une version hantée. Il n’a pas la niaque de Jag alors il fait du great big Kus. Il connaît les paroles par cœur. Le disk de bonus équivaut à une overdose. Donc il faut rester prudent. Il joue 17 cuts live à coups d’acou, accompagné par Glenn Tranter. Dans «Shame For The Angels», on entend les accords d’«All Along The Watchtower», exactement les mêmes, outside in the cold distance, ces deux démons claquent tous les coups permis en matière de coups d’acou, awite ! C’est un festival, ils frisent l’espagnolade. Kus lance à un moment : «I guess you know that one and it’s called Torn Pages.» Il croit que les gens connaissent ses chansons. Il joue cependant avec toute la maestria dont il est capable et il devient héroïque. C’est le destin d’un mec comme Kus : devenir héroïque, perdu dans le néant des petits booklets d’Easy Action. Un mec si brillant. Il en perd sa voix à force de wanna kiss you. Ce démon de Kus tartine la même plaintive de romantica à longueur de temps et se condamne aux ténèbres de l’underground. Et quand on écoute ça, on pense à tous les fans qui ne pratiquent pas l’Anglais et qui assistent au concert sans comprendre ce que raconte Kus. Comme ça doit être long ! Oui, car le set live dure plus d’une heure et au bout d’une heure, Kus ne fait plus illusion. Mais il ne lâche rien, il gratte encore ses poux, cuts after cut. Comme s’il grattait en désespoir de cause. On l’a dit : héroïque. Il est increvable, il repart de plus belle avec «It’ll All End Up In Tears» et ressort du passé le vieux «Fortune Of Fame», histoire de piquer une violente crise de coups d’acou, but the fame, yeah baby, what a fortune that you broke my heart. Cut très fascinant, claqué à l’adossée d’accords et soloté à la note d’acou fébrile. Kus sait secouer un cocotier sans électricité. The bluesy one annonce-t-il et pouf, il envoie une cover de «Bright Lights Big City». Il n’a plus de voix, mais c’est un héros. Il groove ça au bord de la route, il est épuisé, néanmoins il y va - It sums off my feelings sometimes, you should recognize this one - Oui, il enchaîne avec une version magique de «Dead Flowers», alors on est bien content d’être resté jusqu’à la fin. Kus rentre dans le lard de l’upholstered chair et du don’t you know, il se prend pour Keef, mais un Keef crucifié au Golgotha. Oui, Little Susie, Kus te crie sa flamme, il accompagne le pain away de Keef with a needle and a spoon, il fourbit son petit solo d’acou de sortie, take me down, I know you’re the queen of the underground. Il finit avec «Before I Die» et comme il est à bout, il gratte comme un forçat. Ça reste bardé de barda jusqu’au bout.
Dernier album des Jacobites à l’air en 1998 : God Save Us Poor Sinners. C’est Nikki qui compose le morceau titre, une violente flambée de Stonesy. Pus jus de bienvenue. Ils tentent bien le diable. Ça repose sur de solide piliers. C’est bien sûr Kus qui signe le hit de l’album, «Heartbreaks», les accords fuient sous l’horizon, c’est encore une fois gorgé de son, Nikki se fond comme il peut dans le vent du Nord, c’est servi sur un plateau d’argent avec du Kus plein les chorus. L’autre merveille de l’album s’appelle «So Unkind», slab de heavy rock taraudé au Kus. Ils savent claquer des retours de manivelle, ils cognent dans le mur du son, avec des effets de bas de manche à gogo. Ils envoient aussi ad patrès l’excellent «Cramping My Own Style», une belle déboulade que Kus arrose de jus de chaussette. Avec «I Miss You», ils retombent dans la Nikkimania, ce mec adore tartiner sa romantica, alors il tartine. Ils grimpent le «Wishing Well» d’Epic Soundtrack au sommet du rocking troubadourism d’Albion, ooh baby what you’re wishing for - Tout cela reste énorme.
En 2001, Kus entre dans une nouvelle ère magique avec les Tenderhooks et un premier album, Her Name In The Rocks. Ils ne sont que trois, Kus, Dave Twist au beurre et Dave Moore on bass, the three Dave. Pas de problème. Tu veux des coups de génie ? Tiens en voilà un qui s’appelle «Children Of The Computer Generation At Our Feet». Kus fond sa romantica dans le sleaze et le son coule de partout, ses solos éclatent au grand jour et quand il reprend la main, c’est toujours avec une maîtrise qui laisse coi. Il mise tout sur la saturation du son, mais en même temps il ramène des éclairs de chant lumineux. Il démolit ses accents dylanesques dans les descentes, il dévale littéralement sa mélodie et se racle le kul dans des grumeaux de computer generation. On voit rarement de telles descentes. Kus ramène toujours plus de son dans son monde. Le «Citizen» d’ouverture de bal est d’une violence sans appel. Ça t’explose en pleine gueule, attention ! Il taraude le rock anglais à coups de city sin. Profitez-en bien car vous ne recevrez pas tous les jours des giclées de cette qualité dans l’œil. Dave Twist bat ça au ventrail du poitrail. Son «Where The Head Used To Lay» est cousu de fil blanc comme neige, mais chargé de son à ras la gueule, comme un canon de mitraille. Le truc de Kus, c’est d’enfoncer le clou. Il va loin dans les all nite long. Nouvelle énormité avec «Threads», battu sec et net par Oliver Twist. Kus a du pot, il a de bons amis derrière lui et son rock court fièrement sous l’horizon. Il cadre au carré le power rock anglais à coups de yeah yeah yeah. «Golden Star» est aussi écrasant de son. Kus ramène des orages dans sa mélodie, il chante au pas pressé de golden star, c’est fusillé aux chorus et encore une fois très décisif. Il finit en déclenchant l’enfer sur la terre avec «Salisbury Road» et ses vagues de wah. On a là l’un des meilleurs sons d’Angleterre. C’est un paradis pour l’amateur de rock. Des vents terribles balayent Salisbury Road.
Encore un petit shoot de Tenderhooks ? Essaye English Disco, tu ne seras pas déçu du voyage. Un peu de garage à la Louie Louie ? Alors voilà «Need You No More». Kus gère ça bien wild. Oliver Twist bat tout ça en connaissance de cause et voilà un «Dandelion Boy» bien intentionné et bardé de barda. Kus passe des coups de guitare déchirants. Solide romp de downhome gravitas que ce «Tonight & Forever» et grosse désaille d’accords dans «Depressed About Nelly». Ça n’arrête pas. Kus sait mettre le turbo quand il faut. «Through & Back Again» sonne aussi comme un hit de vieux rumble jacobin et pour l’achever, Kus l’éclate au remugle de guitare. Tout ici n’est que luxe, calme et heavy sound. Quand il ressort son vieux «Blood On The Knife», il devient fou. Il cavale à perdre haleine. C’est assez spectaculaire. On se demande comment il fait pour jour aussi vite.
Le Dave Kusworth & The Tenderhooks sans titre paru en 2003 restera sans doute son meilleur album. L’album fétiche des trois Dave. Un son anglais aussi inespéré que celui des Stairs ou de Mansun. Un son immédiat. On peut même parler de démesure dès «Dandelion Boy», slab de pop-rock infiniment délectable, chantée au long du bras blanc de lock-up company. C’est comme quand tu es défoncé, tu sais que ça balance dans le bon son, alors tu peux tout comprendre. Kus c’est ça. Tu sais que tu vas t’écraser dans le mur, mais watch your body, Kus te chante ça dans l’oreille, c’est le power du shaman de Birmingham, il se fige au sommet de son art comme s’il était frappé par une balle. Rien de comparable au sommet de cet art. C’est joué magnifiquement. Il nous plonge le museau dans la légende des siècles avec «Temporary Genius». Kus devient le temps d’une chanson roi d’Angleterre, il claque son heavy balladif en toute liberté, il diligente son rock avec magnanimité. C’est une merveille. On dira la même chose d’«Another Teardrop», explosé aux remugles de guitare. Kus drives it wild. C’est un peu comme s’il jouait tout à la grandeur d’âme. Il ne se connaît aucune limite. Nouveau coup de génie avec «The Test Of Time». Le son monte bien, porté par des nappes d’orgue. Kus cherche à percer le secret du heavy balladif définitif et il le perce ici, il fait du grand art comme d’autres du grand œuvre, il fait même du génie contenu, et si l’on doit se souvenir de Kus, c’est avec The Test Of Time. Son «Depressed About Nothing» est excellent de non-prétention. Et puis il faut le voir titiller son «Stevie’s Radio Station» au tu tu tu. Il ressort aussi son vieux «Apartment To Compartment». Il l’attaque au petit gratté d’acou et ça vire heavy stuff de Kus. Alors il se met à le tortiller, il aplatit le Dylanex pour le faire entrer dans sa vision de la Stonesy, il rebat les cartes des influences, il charrie dans son flux un vrai chaos de big time. Il termine avec une resucée de «Blood On The Knife» qui vire à la stoogerie. Ce mec joue et gagne à tous les coups. Merci Kus pour cet album. Pour les autres aussi, mais surtout pour celui là. Pour le rose et gris d’une heure de pure magie.
Glenn Tranter remplace Dave Moore sur Like Wonderland Avenue In A Cold Climate paru en 2004, voici déjà 15 ans. Eh oui, ce temps qui passe et qui ne repasse pas. «It Comes And It Goes», dirait Kus qui attaque comme un géant, c’est-à-dire comme Dylan ou Lou Reed, avec la même autorité et c’est tout de suite brillant car bombardé de son, au-delà du raisonnable. Mine de rien, Kus chante le plus beau rock de tous les temps, le rock des pirates de romans d’aventures, il explose dans l’azur immaculé des Caraïbes du rock. On a rarement vu un rock aussi convaincu, aussi chargé, aussi juste, Kus outrepasse Dylan et Lou Reed, il sonne comme un démon évaporé dans l’air du temps, il se fond dans la mélasse de sa légende avec un art qui en dit long sur son côté Arsène Lupin. «The Right Track» ? Il est là, il veille sur nous. Il nous aide à ne pas sombrer dans l’ennui. Kus nous propose sa mélancolie, qui est plus belle parce que plus électrique. Kus on te suivrait jusqu’en enfer si seulement l’enfer existait. Il continue de jouer le rock de rêve, il reste dans sa veine d’imbalance Keefy, il chante la douceur maussade du void et l’éclaire de manière spectaculaire. Les nappes d’orgue nous ramènent sous le soleil de Dylan avec l’édentée de Keef, oui Kus monte les choses aux degrés mythiques, ce n’est pas par hasard qu’on cite des noms, ce fabuleux navigateur croise dans les mêmes eaux que ses modèles. Il étire ses cuts en longueur pour qu’on en profite. Le cœur sur la main. Avec «Come With Me», il s’enfonce dans le heavy beat de Tenderhook, il l’explose et revient au point de départ pour mieux repartir. Voilà qu’il décrit des cercles magiques, on l’attend et il revient, magic Kus ! Il s’accroche à «How Come I Always Dream About You» comme Brel s’accrochait à ses chansons. Kus dispose du même tonic, du même singalong. Il revient fier et victorieux au milieu des coups d’acou. Il a une façon particulière de provoquer les événements, à tel point qu’il semble lui aussi dépassé, comme emporté par les vagues. Fais gaffe amigo, c’est une drôle d’expérience que d’écouter un album des Tenderhooks. Kus shake son shook en permanence et en profondeur. Il bourre son «All I’ve Got Left» de heavy disto. Cette façon de travailler le son dans la longueur est exceptionnelle. Tout sur cet album est extrêmement joué, «Are You Girl» finit même par troubler. Trop de qualité ? Trop de power ? Et la voix de Kus en guise de cerise sur la gâteau. Il chante son gut out. Il amène son «Tell Me About Your Love» sous un certain boisseau et choisit de l’adapter à sa notion de classe expressive, suivant une progression harmonique irréelle. Puis, comme si de rien n’était, il allume «A Real Girl» à la Stonesy d’alerte rouge. Quel fabuleux brasier d’accords ! Quel festin de son ! Il sait se glisser dans les culasses. Il trucide sa Stonesy à coups d’accords, il farcit le son d’une grenaille de prédilection et ça part en big shoot, suspendu un moment, et ça bascule. Et cette façon qu’il a de rappeler les troupes ! Il termine avec un «Street Imagery» qui sonne comme du Ronnie Lane, à cause de l’accordéon.
C’est en 2008 que Kus entame une petite série d’albums sur un label espagnol, Sunthunder. Un beau portrait cadré serré de Kus orne la pochette de Tambourine Girl qui comme tous ses autres albums, va tout seul sur l’île déserte. Car oui, what an album ! Il nous envoie directement au tapis dès le morceau titre, un «Tambourine Girl» d’une extrême violence. Il explose l’osmose du cosmos, il ne craint ni le diable ni la mort, il claque sa tambourine girl avec l’énergie du désespoir, awite ! Pur genius ! C’est à la fois bardé et équilibré, on ne sait pas comment il réussit ce coup de Jarnac, et en plus il fait son Keef à la surface. Encore un Kus kut qui te cloue au mur. C’est en plus claqué à coups d’harmo, donc pas de répit. Nouvelle foutue laitue avec «Colour Your Eyes», véritable shoot de big Kus gratté au clair de la lune. Kus ça n’est que ça : la beauté du geste pour le geste. Il va trop loin, beaucoup trop loin. On se demande en permanence si on est à la hauteur. Ces albums finissent par devenir surnaturels. «Paint & Sugar» ne fait qu’enfoncer le clou. L’exaction à l’état le plus pur. Kus it down. Pur power ! Allumé aux chœurs de lads, sugah ! Kus n’en finit plus de cavaler au loin sur la crête du rock anglais. On s’effare du doux des chœurs. Personne n’a jamais emmené un balladif aussi loin. L’autre énormité de l’album est le retour de «Come With Me». Alors oui, on vient. Avec Kus ça ne traîne pas. Incroyable qualité de l’entraînement. C’est d’une puissance inexorable, le son atteint un rare niveau d’effervescence. Tout l’album tient en haleine. Kus fait partie de cette rare catégorie d’artistes extrêmement impliqués. Il pique encore une crise de Stonesy avec «Threads». Parmi les compañeros de Tambourine Girl, on note la présence de Glenn Tranter et de Darrell Bath. Par sa seule puissance, «All Of My Love» peut affoler les compteurs. Ça se termine comme souvent chez Kus en fin explosive de non-retour. Encore du big Sunthunder sound avec «It’s Too Late» et Kus nous gratte «Grown» à la petite mort du cheval blanc.
Il monte le Dave Kusworth Group avec Dave Twist et deux autres mecs pour enregistrer The Brink, un album qui sort en 2008, doublé d’un disk entier bardé d’un barda d’outtakes et de demos. «Sherry High» se présente comme un rumble de big guitars et Kus fait vite monter la pression. Il tire ça à quatre épingles et aux tortillettes alarmistes et parvient à garder son calme au cœur du chaos. Stupéfiante leçon d’élégance ! Ça dégouline de musicalité. Il allume en permanence, ses gimmicks semblent illuminer le ciel du kut et il n’en finit plus de lancer des virées spectaculaires. Son «Brink» est lui aussi bombardé de son - Brink in my roots/ And tearing away at my soul - Terrific ! S’ensuit un «Someone Else’s Shoes» tout aussi demented, Kus ramène une chaudière dans sa fournaise. Ça coule comme un fleuve de lave, c’est nettoyé au bottleneck, l’enfer sur la terre, véritablement. S’il est un cut qui lui va bien, c’est «Chainsmoking». Pas de photo de Kus sans la klope. Et puis voilà un «Silver Blades» assez sauvage. Kus s’enhardit encore, il vire gaga, il tatapoume dans la pampa en flammes, c’est assez fascinant de le voir cavaler son Silver Blades dans les flammes et dans les rappels de gimmicks, il n’en finit plus de dégringoler au long cours. S’ensuit un «Into My Eyes» explosé aux accords en coin, comme chez le MC5. Incroyable déclaration d’intention. On admire cette désinvolture de vulture dans le ciel noir du rock anglais. Et ça repart de plus belle avec l’extravagante dégelée de ce «Still Waiting For You» joué à l’éclatée de bonanza, à la grandeur tutélaire du Kus, avec un bassmatic dévorant. Kus embarque son kut en enfer, still waiting for you now. Comme Ray Davies, il chante les louanges d’«Hollywood», et avec le même génie balladif. Kus illumine le rock anglais mais peu de gens le savent. Alors évidemment, le disk 2 est une véritable caverne d’Ali Baba, car on y retrouve un alt. mix miraculeux de «Sherry High» et ses poussées de voix, sans parler du solo de gloss quasi-mythique. Encore du rab d’alt. mix avec «Still Waiting For You» et «Someone Else’s Shoes», une belle crise d’alt. qui s’enflamme tellement que ça sent le brûlé. Ils stoogent «Into My Eyes». Kus adore la niaque, c’est son pain béni. C’est tellement bon qu’on finit par se demander si tout cela est bien raisonnable. Le rock de Kus est pulvérisé au vivifiant. Il a vraiment du pot d’avoir Dave Twist au beurre. Il faut le voir filer tout droit. On trouve aussi un «GI On Blues» explosé de guitares. Kus fait les Dolls, il chante ça au pur jus. Il fait aussi du boogie rock underground avec «Reportee». On est bien récompensé d’écouter ça car voilà un outtake de poids : «Citizen». Kus le chante à la folie du pire underground, il dégomme les mots en haut des falaises de marbre et il joue les accords des Stooges. C’est encore une fois explosif. Encore un outtake avec «Where Do You You Go To My Lovely». Décidément, ce tas de bonus grouille de merveilles. Kus y évoque le boulevard Saint-Michel. C’est un romantique, un vrai. Il s’accroche à sa rampe, tellement c’est énorme et il va jusqu’au bout de son kut. Kus is one of the kings.
Il entame ensuite un petit bout de chemin avec un groupe espagnol, Los Tupper, toujours sur Sunthunder. Throwing Rocks In Heaven paraît en 2012. On y trouve des hits faramineux, comme sur chacun de ses albums, à commencer par «Something Must Change». Quelque chose de réellement puissant se dégage de ce balancement d’accords. On s’effare une fois encore de l’ampleur de ce son. S’il fallait résumer Kus en deux mots, on pourrait dire : éclat & power. Son rock relève du dandysme britannique. Avec «Lady Lady», il fait de la Stonesy. Il claque des accords à la Keef. Parti-pris évident et bienvenu. Il sonne les cloches de l’auberge espagnole. Il passe en mode boogie pour «Pocket Rocket». Il flirte même avec le glam. Il scie bien la syllabe du rocket. Encore une merveille avec «She Sits By The Window». Chaque fois, la magie opère. Il sait aussi brouiller les pistes, comme le montre «Better Person» : il démarre un petit balladif à la Nikki et puis l’air de rien, il prend de la hauteur, claquant des rafales d’accords magistraux. C’est confondant et bouleversant à la fois. On le sait, Dave bat le nave, il ne tourne jamais en rond et rien de sautait le submerger. Son rock présente toujours les mêmes caractéristiques : catchy & elegant. Il faut aussi écouter son «Isabel», as my blue turns to grey my Isabel, car c’est sublime. Il a ce côté plus emballant ke n’a pas Nikki. Kus tape dans son son, il a une façon unique de faire sonner sa Isabel/ My princess Isabel.
Si on manque de place ou qu’on peine à rassembler tous ces albums déments, on peut à la rigueur se contenter de deux compiles : In Some Life Let Gone Anthology 1997-2007 et The Monkey’s Choice/ The Kitchen Sink. La première balaye toute l’histoire de Kus, en passant bien sûr par les Bounty Hunters : «Kings & Queens», incomparable chef-d’œuvre de power-pop, «Threads», claironnant et bien ramoné de la cheminée, «Hooked To Your Heart», chanté à la Keef et ce «Dollar Kiss» qui n’en finit plus de s’envoler, sans oublier l’extraordinaire «Temporary Genius» de Bounty feast. Mais on a déjà dit tout le bien qu’il fallait en penser. On trouve aussi quelques cuts des Jacobites à l’air : le terrific «So Unkind», cette dégelée de Stonesy qu’est «Can’t You See» et cette merveille définitive qu’est «Heart Of Hearts». Arrêtez, n’en jetez plus ! Mais si, on trouve en plus de tout ça quelques hits des Tenderhooks («It Comes & It Goes», quadrature du cercle, power inexorable, «Dandelion Boy» chanté au sommet de l’art, «Where Her Head Used To Lay» chanté à la voix éteinte et noyé de son et de sax, puis des choses extraordinaires tirées des albums solo comme l’insubmersible «Riverboat Blues», ou encore le magical «Next Tuesday» et sa résonance universelle, et puis aussi la patate chaude de «Citizen», authentique stoogerie d’exaction parabolique, enfin, c’est une extraordinaire profusion de son et de punch, tiens comme ce «White Stockings» des Bounty Hunters qui justifie à lui seul le rapatriement de cette compile. Kus flashe sur les white stockings !
The Monkey’s Choice/ The Kitchen Sink est un Best Of de Dave Kusworth & The Tenderhooks qui va lui aussi tout seul sur l’île déserte. Encore un double CD qui grouille littéralement de puces. On le sait maintenant, à force de l’écouter en long, en large et en travers : Kus sait faire sonner les guitares. Il attaque son voyage aux pays des merveilles avec ce vieux hit des Tenderhooks qui s’appelle «It Comes & It Goes». Comme la vie, ça va, ça vient. Kus fait partie des gens pour lesquels le Dylan de 65 est resté un modèle absolu. Tout ici est visité par les vents d’Ouest et chaque cut se voit paré d’un solo flamboyant. S’il est un hit visité par la grâce, c’est bien «The Right Trade», typique du balladif dylanesque nappé d’orgue. Ça s’envole. Kus est une sorte de magicien spécialisé dans l’élégiaque. On reste dans la belle pop anglaise avec «Dandelion Boy» - Spend your money on dandelion boy ! - Il nous lie ça aux accords dylanesques et aux transitions scintillantes. La basse pouette dans le décorum, on croit entendre les meilleures guitares d’Angleterre, c’est un véritable ramdam de riffalama. Il sait aussi taper dans la chanson de marin soutenue à l’accordéon («Street Imagery») et bien sûr dans la Stonesy («Another Blonde»). On croirait même y entendre Keef, Kus nous joue ça en profondeur, il va loin, comme dans Le Grand Bleu, blonde blonde, c’est un vrai yeah man. Tous les cuts s’éternisent et finissent par nous envelopper, comme la mort. Kus renoue avec l’énergie de la beauté dans «How Come I Only Dream About You». Il se livre là à une nouvelle échappée belle sur fond de coups d’acou, de slides et de belle poussées de fièvre. Tiens, encore une énormité avec «All I’ve Got Left», emmené par une basse bien ronde. Kus chante toujours sur le même ton, mais ses kuts n’en finissent plus de s’envoler. C’est un peu comme s’il réinventait le romantisme à l’Anglaise, avec la klasse du Keef de 1968. Ses balladifs sont tellement inspirés que ça finit par devenir écœurant. C’est nappé d’orgue, foisonnant de son, il semble qu’il re-fabrique son monde à chaque nouvelle occasion et voilà un solo de claquemure suprême sur fond de shuffle lumineux. Ces mecs sur-jouent leur empire underground à la roulette russe et Kus explose sa fin de kut avec l’aisance d’un prince de l’underground. On croit rêver. Koi ? Autant de son ? Autant de slide d’Americana voluptueuse ? Autant de nappes d’orgue Hammond dans un seul kut ? Impossible ! Mais si ! Et ça continue avec «Tell Me About Your Love». Kus ne vit que pour les balladifs ensorcelants. Il ne chante k’à l’insistance du cœur brisé. Retour à la Stonesy avec «A Real Girl». Il nous klaque une féerie d’accords superbes. Que de son, my son ! Kus ne force pas sa voix, il tape dans le dylanex flamboyant - I just don’t know when - Final étourdissant, ces mecs font ce que les Stones n’ont jamais réussi à faire : exploser en plein vol. Il se pourrait bien qu’on entende Darrell Bath à la guitare sur «When Her Head Used To Lay». Et nos amis se fâchent avec «Blood On The Knife». Kus continue de prodiguer des miracles, ce blast de garage en est un, Kus le prend au chant haleté et insistant. Ce mec a tous les bons réflexes. Derrière lui, ça joue jusqu’à plus soif.
La fête continue avec Kitchen Sink : «Apartment To Compartment» pourrait très bien figurer sur l’un des albums du Dylan de l’âge d’or. Kus gratte comme Bob. On entend des coups d’harmo et ça repart en mode Stonesy. Quel hommage faramineux ! Voici un «Salisbury Road» explosé aux écumes de wah et ça bascule très vite dans la folie. Kus s’y aménage des montées en température. Avec «Terminus», il tape dans la meilleure Stonesy. Il n’a pas de voix, mais il passe comme une lettre à la poste. Il a toujours de sacrées guitares autour de lui. Chez lui, tout est prétexte à rock anglais, ce que montre clairement «Temporary Genius» qu’il nous explose aux guitares de non-recevoir. Il repart de plus belle avec «Another Teardrop» et ramène se petite voix dans l’incroyable dégelée de son. Quelle injustice de voir un mec aussi brillant s’enterrer dans les catacombes de l’underground ! Son rock chargé d’accords et de bracelets compte parmi les meilleurs crus. On le voit même faire du Louie Louie dans «Need You No More». Il fait tout avec rien. Il montre avec «Hanging Around Here» qu’il sait crever le ciel. Il détient ce pouvoir. Voilà encore l’un de ces balladifs chargés d’ambiance, il chante sans voix mais avec une foi inébranlable. On croise à nouveau les excellents «Dandelion Boy» et «Blood On The Knife». «Tonight & Forever» démarre au buzz de Kus. Il n’en finit plus de faire rouler sa petite industrie de mid-tempos intermédiaires et ça devient assez fascinant, il faut bien l’admettre. Il tape «Split Milk» à l’amertume révélatrice, ça sent bon l’aventure, c’est joué aux passades de verdeur foudroyante. Ah comme ce mec peut être doué ! Au moins autant que son compère Nikki Sudden. Ces mecs connaissent les secrets du rock. Kus n’en finit plus de taper dans le limon du Split Milk, ça devient effarant de qualité au finish, tapé à fond la caisse et chanté à pleine voix. Admirable «Through & Back Again» ultra secoué du cocotier. Kus y casse du suck sur le dos du doom. Il sort le big sound de sa manche et produit une fois encore un final grandiose ultra gratté des poux. Il tape dans la démesure d’exception, les guitares vitupèrent, le beat palpite d’énergie et ça vaut tout l’or du Rhin. On sort épuisé de ce mish mash électrique de burning down.
Signé : Cazengler, heiiiiin ? Kus que c’est ?
Dave Kusworth. Disparu le 19 septembre 2020
Nikki Sudden & Dave Kusworth. Jacobites. Glass Records 1984
Nikki Sudden & Dave Kusworth. Robespierre’s Velvet Basement. Glass Records 1985
Nikki Sudden & Dave Kusworth. Lost In A Sea Of Scarves. What’s So Funny About 1985
Dave Kusworth. The Bounty Hunters. Texas Hotel 1987
Dave Kusworth & The Bounty Hunters. Wives Weddings & Roses. Kaleisdoscope Sound 1988
Bounty Hunters. Threads A Tear Stained Scar. Creation Records 1989
Dave Kusworth. All The Heartbreak Stories. Creation Records 1991
Jacobites. Howling Good Times. Regency Sound 1993
Jacobites. Old Scarlett. Glitterhouse Records 1995
Jacobites. Heart Of Hearts (The Spanish Album). Por Caridad Producciones 1995
Nikki Sudden & Dave Kusworth. Kiss Of Life. Swamp Room Records 1995
Dave Kusworth. Princess Thousand Beauty. Glitterhouse Records 1996
Jacobites. God Save Us Poor Sinners. Glitterhouse Records 1998
Dave Kusworth & The Tenderhooks. Her Name In The Rocks. Wagging Dog 2001
Dave Kusworth & The Tenderhooks. English Disco. Wagging Dog 2001
Dave Kusworth & The Tenderhooks. ST. Wagging Dog 2003
Dave Kusworth & The Tenderhooks. Like Wonderland Avenue In A Cold Climate. Mod Lang Records 2004
Dave Kusworth. Tambourine Girl. Sunthunder Records 2008
Dave Kusworth Group. The Brink. Troubadour 2008
Dave Kusworth & Los Tupper. Throwing Rocks In Heaven. Sunthunder Records 2012
Dave Kusworth. In Some Life Let Gone Anthology 1997-2007. Troubadour 2007
Dave Kusworth & The Tenderhooks. The Monkey’s Choice/ The Kitchen Sink. Troubadour 2017
Rag Dolls. Such A Crime. Troubadour 2015
Le teasing des Teasers - Part One
Voilà qui est complètement inespéré : paraît cette année un film sur le plus underground des groupes Crypt, les Enfants Terribles d’Édimbourg, les Country Teasers. L’eusses-tu cru ? Comme c’est un film underground sur un groupe underground, on est à peu près sûr de ne pas pouvoir le choper, car les salles de cinéma bon chic bon genre à la mormoille ne proposent jamais les films underground. Les films underground servent uniquement à faire baver les amateurs d’underground. Donc tu peux faire une croix dessus, sauf dans deux cas. Soit tu habites Toulouse, l’une des rares villes civilisées qui organise des festivals de cinéma underground. Soit tu as une copine toulouso-underground qui te fait des cadeaux underground.
Alors God bless her, car un beau matin, le film underground est arrivé ici dans une grande enveloppe-pochette surprise. Le film s’appelle This Film Should Not Exist, réalisé par le plus underground des trios underground, Gisella Albertini/Massimo Scocca/Nicolas Drolc. Ce n’est pas tout : le DVD se présente sous la forme d’un véritable objet d’art : pochette sérigraphiée au noir intense sur carton brun cru, numérotée à la main, avec à l’intérieur un insert qui est la set-list d’un concert des Country Teasers en Allemagne, à Crailsheim. Une vraie set-list, mon gars, écrite à la main, avec le feutre qui bave à travers le papier. C’est pas du bidon. Bienvenue au paradis des objets d’art bénis des dieux de l’underground. Le pire c’est que le film est superbe. Et tu comprends bien que la superberie monte encore d’un cran si en plus tu vénères les Country Teasers.
Les pauvres Country Teasers ont toujours eu mauvaise réputation : trop provocateurs, trop ancrés dans Mark E. Smith et le no sell out. Les film est tellement bien foutu qu’il restitue à la perfection leur génie foutraque. L’âme de ce gang de pieds nickelés s’appelle Benedict R. Waller que tout le monde appelle Ben Waller. Il porte des lunettes, un stetson, une chemise blanche, une cravate noire et se fait appeler the Rebel. Dès le début du film, il présente ses compagnons d’infortune : Al ‘Ek’ King on drrrums, Simon Stephens on beiss, Richard ‘Country & Western’ Geennan on guitah et Alan Crichon on rhythm guitah. Le film raconte le Rock’n’Roll Riot Tour, la première tournée européenne des Country Teasers en 1995 avec les Oblivians, organisée par Tim Warren, qui à l’époque était le grand visionnaire du gaga américain. Le film propose donc un montage de footage d’époque et d’interviews de Ben Waller et de Simon Stephens plus récents puisqu’ils datent de 2008. Ben Waller explique qu’il n’a aucun souvenir de la tournée, car il était trop défoncé - Always stoned, drinking a lot, poppers - Par contre, Stephens indique qu’il s’est ennuyé pendant cette tournée, car il n’aimait pas trop la défonce systématique.
Ben Waller est très bien conservé. Il a en fait la même tête qu’en 1995. Il nous explique qu’il a fini par devoir prendre un job pour vivre et le voilà cariste chez Jardiland. Il conduit un fenwick. Il rappelle aussi qu’à l’origine de l’histoire des Teasers, en 1992, il avait envoyé une K7 avec deux morceaux chez Crypt, parce qu’un copain lui avait conseillé de s’adresser à Crypt. Bingo ! Les morceaux ont plu à Tim Warren. Et du coup, Tim Warren fait une apparition dans le film pour dire à quel point il adore les Country Teasers. Il fucking love these guys. Simon Stephens va encore plus loin : pour lui, Ben est un authentique genius. Le footage n’en finit plus de nous le rappeler, footage d’autant plus explosif qu’il mélange les plans des Teasers sur scène avec ceux des Oblivians qui étaient eux aussi assez révolutionnaires à leurs débuts. On voit les Teasers tripoter «Gay Nurse» et traîner «Wandering Star» dans la boue.
Dans la deuxième partie du film, Ben Waller rend hommage à Datblygu, un welsh duo lo-fi composé de David R. Edwards et Pat Morrison qu’on voit aussi témoigner dans la foulée. Et ça monte encore d’un cran avec un hommage superbe à Mark E. Smith, qui, nous dit Ben, a inventé a new way of writing - Mark E Smith invented the idea you can sing everything - Puis il cite encore deux grosses influences, Pussy Galore et les Butthole Surfers, plus la country qui lui apprend la discipline narrative - Pussy Galore était invincible, scary - Alors pour qu’on comprenne mieux, il nous fait un schéma pédagogique : «Mark E. Smith et Pussy Galore forment un entonnoir. Je verse ma cervelle dedans et ce qui sort par le petit bout, en dessous, c’est ma chanson, my song.»
Tim Warren vient de rééditer les fameuses Too Rag Sessions des Country Teasers qui datent de 1994. Dans le petit texte de présentation, il revient sur la fameuse K7 de Ben trouvée dans une boîte postale qu’il avait encore aux États-Unis et qu’il relevait deux fois par an. Il écoute la K7, flashe dessus, fait un single avec les deux cuts et prend contact avec Ben. Il lui propose de financer une session chez Toe Tag à Londres pour un premier album. Okay then. Les Teasers enregistrent. Manque de pot, le résultat ne plaît pas à Ben Waller qui vire le batteur et qui refait tout. Tim Warren a raison de penser que les Teasers avaient du génie, avec cette espèce de punk abject et squelettique, une sinécure qui n’en a cure. L’«I Don’ Like People» est du pur Mark E. Smith, c’est un son dont on s’entiche comme d’une potiche, ça joue sec et net et sans bavure, dans l’esprit du Pastoral. Mais c’est en B que ça se corse avec «Henry Crinkle», une jolie mélasse de la rascasse, essence d’une science du son. Ben Waller sonne le glas du punk. Avec «Kill», les Teasers se montrent aussi irrespectueux des conventions de Genève que l’était Mark E. Smith. Pas de plus belle irrévérence que celle-ci. Ils se montrent vraiment dignes de Captain Beefheart. Leur «No Limits» est complètement hypno, encore très Fallique dans l’esprit. Brutal et décidé. Et tout ceci se termine avec «Black Cloud Wandering» et sa clameur démente. Ces mecs ont du génie, ça crève les yeux - I was born/ Under a wandering star - Ils en font une horreur tribale et gluante.
Les Teasers démarraient leur anti-carrière en 1995 avec un mini-album paru sur Crypt et intitulé The Pastoral - Not Rustic - World Of Their Greatest Hits. On est hélas forcé de parler de coups de génie pour au moins deux raisons : «Black Cloud Wandering» et «Number 1 Man». Ils tapent leur Black Could au pire shuffle de garage qui se puisse imaginer - I was born under a black cloud wandering - Ben Waller fait ce qu’on appelle du groove de garage-punk. Ça devient très sérieux. Il joue pour de vrai. Il impose un son et une façon de chanter le gaga cra-cra. Il va loin, encore plus loin que Van Morrison dans «Gloria». Il sonne comme une plaie d’Égypte. Il transforme le wandering star en enfer punk. Il travaille plus loin son «Number 1 Man» à la concasse de type Magic Band. Assez atroce. C’est claqué dans l’œuf du serpent. C’est le son dont rêvent chaque nuit les Écossais. Ben Waller tâte du punk extrême et s’entiche de raw to the bone. On le voit gratter ses puces à rebrousse-poil dans «How I Found Black Brodie». Pour créer la sensation, il décide d’irriter. Avec Ben, la rigolade est terminée. Il ramène des rengaines puantes («Only My Savior»), du sale garage à la cocote («Bitchers Fuck Off») et de la country lo-fi lardée d’excès de violence («Oh Nurse»). Ben veut que ça dégueule alors il ramène «Anytime Cowboy» - They don’t need art to be confontional bastards - C’est un vrai shoot de teasy teasing, some kinda damaged country & western. Poweful ! Ce disque plairait infiniment à Bernadette car il grouille de révélations. Ben explose Elvis avec «Been Too Long». C’est très spectaculaire car explosé de l’intérieur du son. Ce mec va loin dans la vérité crue de la véracité. Il enfonce bien son clou country avec «Stand By Your Man» qu’il chante d’une voix de clochard céleste. Il reprend son mighty «Anytime Cowboy» pour le plonger dans un son plus Velvet, histoire de l’exacerber. Il frise le Lou Reed, ce qui vaut pour un compliment.
Pour caractériser les Teasers, on peut parler d’un son assez distinctif, une sorte de fouillis zébré peu aimable. Paru sur Crypt en 1996, Satan Is Real Again n’est pas fait pour plaire au grand public. Ils grattent leur post dans un coin de studio et se moquent du qu’en-dira-t-on. Ben Waller charge sa petite barquasse à la ramasse de la rascasse. C’est avec des cuts comme «Panty Shots» qu’ils ont construit leur réputation de mal aimables écossais. Ils trempent souvent dans la country démobilisée, avec un banjo en fond de trame. «Little Black Clouds» avance en hochant la tête comme un dindon. On peut donc qualifier ça d’instro têtu monté sur un beat dindon. La viande satanique se trouve en B, à commencer par «Thank You God For Making Me An Angel». Ben Waller sait très bien claquer le beignet d’un cut de rock quand ça lui chante. Il prend un malin plaisir à sonner comme Mark E. Smith, sûr de lui, cassant, avec du son derrière, et pas n’importe quel son. «Cripples» se veut assez Dada dans l’esprit. Ça joue au beat dindon, une fois de plus et Ben Waller chante par dessus la jambe. Awite ! Il faut bien avouer qu’un cut comme «Some Hole» est assez âpre, pour ne pas dire rebutant. D’ailleurs, il ne fait rien pour créer de la sympathie. «Don’t Like People» dit bien tout ce qu’il faut savoir. Il chante son mépris des gens. Et puis voilà le morceau titre. C’est très insidieux, voire malsain. Il adore ça.
En 1999, les Teasers se retrouvent chez Fat Possum pour Destroy All Human Life. L’album est spectaculairement vide de viande. Ils atteignent les sommet du laid-back désespérant avec «David I Hope You Don’t Mind». Ben Waller chante aussi sont «Hairy Wine» à la petite ramasse sans donner beaucoup d’informations. On le voit même chanter faux en B sur «Go Away From My Window». Ils passent à la vieille bossa cabossée avec «Brown Jesus Etc» et cherchent la petite bête d’hypno avec «Women & Children First». On note la présence d’un petit tiguili de guitare en fond d’écran. Ils terminent cet album assez blank avec un «Song Of The White Feather Club Secretary» assez poweful. Ben Waller chante ça à l’insistance vinaigrée. Mais il ne fait aucun effort pour se rendre graphiquement enjoyable.
Larry Hardy, boss d’In The Red Recordings, adore les albums des Country Teasers, puisqu’il en inscrit quatre à son catalogue, à commencer par cette espèce de compile impavide vaillamment intitulée Science Hat Artistic Cube Moral Nosebleed Empire. Difficile à écouter, car il s’agit là d’un univers rabrouant et sans concession. Ce double album renvoie bien sûr au célèbre Trout Mask Replica, chef-d’œuvre de libre entreprise provocatrice. Ben Waller propose le même genre de déglingue post-moderniste. Il chante à la distance écossaise avec une morgue qui rappelle non seulement celle de Captain Beefheart, mais aussi celle de Mark E Smith. Tout est joué par dessus la jambe, à la bamboche maximale. Le son qu’il sort tient plus du vinaigre que du psyché bien propre sur lui. Ben Waller cultive aussi un goût prononcé pour l’insistance. Il faut attendre «Kill» en A pour retrouver les Teasers qu’on aime bien, ce punk de la désaille joué sans vergogne. Ils veillent à rester dans l’inconnu bien cru, dans l’incongru de la pire espèce. Ils savent créer des moods parfaitement insidieux. Avec «No Limits», ils semblent vouloir aller se percher au sommet de leur art, montés sur un beat têtu comme une mule. Très Fall dans l’esprit. Ils cultivent aussi le côté obsédant à la Beefheart. On les voit aller très vite en besogne avec «After One Thing» et embarquer «Can’t Sing» au riff arthritique. C’est le rockab des squelettes, can’t fucking sing ! Ils jivent «Some Hole» à l’ancienne, au beat un brin hypno. Bon, disons que Ben Waller est avec Mark E Smith le grand agitateur free d’occident, le digne héritier du Magic Band. «Good Pair Of Hands», «Retainer» et «Tough Luck On Jack» sont là pour le prouver - I’ve got a good pair of hands - Tout est très weird, très envoûté du bulbique. Il faut écouter cette compile avec précaution. Ils jouent «Retainer» au sax free de la médina, c’est du pur Magic-banditisme, un beat tribal aux portes du désert. Si on s’extasie devant «Tough Luck On Jack», c’est parce qu’ils manient extrêmement bien leur patrimoine. Ils nous refont le coup du guitar wreck à la sauce Magic Band. Quelle fabuleuse rengaine au long cours ! Ils jouent la carte de la déconstruction ambivalente, la pire de toutes. On note encore la présence d’un «Small Shark In Tiny Pool» assez insisté du beat et tangué du bassin, pas fait pour plaire au grand public ni aux rombières. Ben Waller nous en bouche un dernier coin avec «Secrets In Welsh» l’une de ces mélodies intrigantes dont il a le secret. Tout est tellement intense chez ce prodigieux binoclard underground que les bras nous en tombent.
Avec l’étrange Secret Weapon Revealed At Last Od Full Moon Empty Sportsbag paru en 2003, Ben Waller tire l’overdrive de son weird genius et ce dès «Success». Aucune chance d’en réchapper, le Success te saute à la gueule. Peu de groupes savent ainsi manier la démesure et ça dégueule de son. Avec «Boycot The Sudio», ils sonnent très Velvet, ils tapent ça au big heavy Teasers Sound, Ben Waller ne laisse rien transparaître, il s’enracine dans le glauque d’Ebimburgh, il chante du nez avec un son épais qui évoque une colique de fantassin. Il claque l’intro de «Todtill» à la merdre verte de Pere Ubu. Il n’existe rien de plus insalubre que cette soupe. Il fait monter une tension extraordinaire, même si les passages d’accords ne trompent pas : c’est du gros bouzin. «Sandy» sonne comme un nouveau coup de génie abracadabrant gratté à la sourdine métaphysique. C’est aussitôt larger than life, real big ! Tout le son du monde est au rendez-vous. Ben Waller libère ses eaux. Il encrasse son hot shit comme un maniaque. On pourrait presque parler de démarche intransigeante, tellement c’est raide. «Harry Wire 2» sonne très Ubu, avec son beat hors des considérations. Ces mecs là sont incapables de la moindre concession. Alors ça devient trop facile et ça tourne à la combine. À l’écoute de «Young Nuns Up For Sex», on comprend une chose : le spontanéisme, il faut que ça dégueule pour que ça marche. Ben Waller joue la carte de la fameuse dérive abdominale chère à Léo Ferré. Il faut lui laisser le temps de développer ses idées, car elles sont toujours intéressantes. Il chante son Young Nuns aux voix mélangées du Velvet. Mais ses tours ne marchent pas à tous les coups. «Man V Cock» vise la petite décadence, mais finit par insupporter. Ça se termine avec «KHWPSA», un vieux gaga digne d’In The Red. Ben Waller chante avec l’appétit d’un vieux crocodile et derrière lui ça gratte sévèrement.
On retrouve quelques vieilles connaissances sur le Live Album paru deux ans plus tard. Tiens comme par exemple «Boycott The Studio» bien tapé au cymbalum, et «Success» joué au heavy no way out. Ben Waller fait ce qu’il faut pour tout saborder. Tout semble très mal barré sur cet album. Quand on écoute «Black Change», on se demande vraiment comment à l’époque on a fait pour supporter ça. Tout est bâti sur la réputation de Ben Waller, un mec qui ne fait pas de cadeaux. Ils terminent leur valse idiote avec une belle apocalypse, et c’est bien là l’apanage des Country Teasers. Ils sont capables d’exploser un cut, ce que ne saura jamais faire le petit garage band du coin de la rue. Mais ça retombe assez vite dans la booze et il faut attendre «Brown Jews Etc» pour voir Ben Waller tirer son épingle du jeu. Il éclate ses heavy chords, il rallume le brasier de son punk-rock de no way out. Admirable ! Il enchaîne avec un «Nothing Was Delivered By Freight Train» de dernière extrémité. Derniers spasmes avec «Women & Children First» monté sur un beat hypno et un «Obey» pourri de son et malsain comme pas deux, mais attention, Ben Waller nous fait le coup de la guitar on fire, c’est-à-dire l’apocalypse selon Saint Ben.
Signé : Cazengler, Country tisane
Country Teasers. The Pastoral - Not Rustic - World Of Their Greatest Hits. Crypt Records 1995
Country Teasers. Satan Is Real Again. Crypt Records 1996
Country Teasers. Destroy All Human Life. Fat Possum Records 1999
Country Teasers. Science Hat Artistic Cube Moral Nosebleed Empire. In The Red Recordings 2002
Country Teasers. Secret Weapon Revealed At Last Od Full Moon Empty Sportsbag. In The Red Recordings 2003
Country Teasers. Live Album. In The Red Recordings 2005
Country Teasers. Toe Rag Sessions. Crypt Records 2019
Gisella Albertini/Massimo Scocca/Nicolas Drolc. This Film Should Not Exist. Furax 2020
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Je ne voudrais pas endosser le rôle de l'oiseau de mauvais augure, hélas, je ne croa pas me tromper dans mes sombres prophéties, pour les concerts c'est terminé jusqu'à la fin de l'année. Une seule solution pour ne pas sombrer dans la morosité ambiante, replonger dans le souvenir des soirées tumultueuses. Surgit aussitôt en ma mémoire le nom d'un groupe : Blondstone, auteur d'un set fracassant. C'était il y a longtemps au mois de novembre 2014, le 15 pour les esprits méticuleux, vous retrouverez la chronique dans la livraison 210 du 21 / 11 / 2014, au Bus Palladium in Paris, je m'étais promis de les revoir, mais ils étaient de Nancy, et n'ont pas souvent tourné à des distances raisonnables de mon domicile... vous connaissez le dicton, loin des oreilles, loin du cœur... bref à part de rares visites sur leur F. B.... mais en cette soirée de nostalgie, le désir irrépressible de les écouter est revenu me tarauder l'âme, tel le bec cruel du vautour déchirant le foie de Prométhée...
Blondstone a commis quatre opus, des boules bruyantes destinées à lézarder les murailles branlantes de notre monde déjà prêt à s'écrouler.
Le logo, la griffe de Blondstone, a été créé par Franck Vannier Chalmel, l'a su se mettre en accord avec l'esthétisme du groupe d'une manière étonnante car d'après le peu de son œuvre accessible il paraît être avant tout un amateur du dessin crayonné classique.
Alex Astier : chant, guitare / Pierre Barrier : batterie / Nicolas Boujot : basse /
BLONDSTONE
EP # 1 / Octobre 2012
Les trois premières pochettes ont été réalisées par Paul Banon, le lecteur ne perdra pas son temps à faire défiler les images stockées sur son tumblr, tapez Pol B Artworks, un ami proche du groupe qui est aussi un véritable artiste. Beaucoup de tattoos, nombreuses couves de groupes, il est indéniable qu'il possède une patte ( plutôt noire que blanche ) qui le distingue de la plupart.
J'avoue que j'ai été surpris par la pochette des deux premiers EP, je ne m'attendais pas à une telle image en correspondance avec la musique de Blondstone. Cet homme enfermé, replié, recroquevillé en escargot sur lui-même me paraît bien énigmatique. La signification ne m'est pas évidente. De quelle sagesse trismégiste symbolisée par ces trois têtes de reptiles qui s'exhaussent vers lui est-il habité, et quel est ce cristal stellaire qu'il semble détenir en sa main ? Il convient sans aucun doute de le considérer comme un sceau, une morsure sigillique tamponnée pour insuffler davantage de force à l'impact sonore.
L'on retrouve la même estampille sur la pochette du deuxième EP. Les contrastes de couleur se sont estompés comme si le tampon matriciel avait été utilisée trop souvent. A trop se contempler le nombril peut-être se perd-on en soi-même et s'éloigne-t-on de l'orbe du monde.
Rare & strong : au début vous dites ce n'est ni rare ni fort, même que ça ne casse pas les manivelles, un peu trop pop, et une minute plus tard vous comprenez que vous n'avez entendu qu'un des plateaux de la balance et vous ne savez pas pourquoi mais vous êtes convaincu que ce satané morceau est méchamment bien équilibré, c'est qu'entre un mec debout sur le bord du trottoir et un autre qui se tient pieds joints au sommet de l'Everest, c'est exactement la même position, mais entre les deux il y a un abîme. Tout est en place depuis ces clochettes de biquettes qui gambadent dans les alpages au début, la voix qui se pose là-dessus comme un serpent qui se love au soleil, et la machine qui tue se met en marche. Très anglais pour le son. Un morceau truffé d'épisodes. Comment à trois ont-ils pu déployer tant d'imagination ? Facile, ils ont compris comment ça fonctionne Hard to remove : une intro qui tire-bouchonne, l'on pressent qu'ils vont pousser le bouchon assez loin, l'on ne s'est pas trompé, une batterie qui frappe dans le rythme tout en donnant l'impression d'être à côté, idem pour le chant qui vous parvient de loin avec cette désinvolture accablante de celui qui lit un texte les yeux fermés, par-dessous une basse qui ouvre une gueule de chat vicieux et la referme chaque fois qu'une souris passe, rajoutez une guitare qui vous vrille les oreilles et c'est parti pour le grand chambardement, vous êtes obligé d'emprunter le pont, soyez sûr qu'il va s'écrouler dans quelques instants, en fait c'est le même morceau que le précédent, donc moins rare, mais plus fort car il est totalement différent. Moins pop. Plus rock. La fin ressemble aux quarantièmes rugissants. Shoot shoot shoot : le convoi de marchandises s'ébranle doucement et prend bientôt sa vitesse de croisière, rails qui grincent et guitare grondante, le diable conduit le train, murmure à votre oreille, comme il est tentant, vous ne résisterez pas, rien de plus excitant qu'un blues rampant qui tient ses promesses, c'est votre cerveau qui explose, Blondstone vous en fait voir de toutes les couleurs. Feu d'artifice. Arrêt descente. Shoulder to cry on : quarante-cinq secondes de précipitation lente, des cris dans le lointain, et le bastringue commence, une nouvelle fois cette voix qui glace et qui fouette, et les instrus qui font le beau, des tigres qui sautent dans les cercles enflammés de la batterie, la basse qui enfonce les pieux du barnum à coups répétés et la guitare qui imite le barrissement des éléphants, un grand foutoir, mais tout est réglé au millimètre près. Sauf les acrobates qui s'écrasent sur le sol du haut des tremplins, leurs corps éclatent comme des outres remplies de sang. Monsieur Loyal dans le micro commente l'apothéose. Lazy : léthargie comateuse, l'intro se traîne, et la voix module et mollassonne, la batterie n'en peut plus, les guitares rampent, dur de vouloir vivre quand tout vous rappelle en vous-même, tout s'emmêle dans votre tête, que s'est-il produit pour que le blues comateux vire au cauchemar aux dents plus longues que la nuit...
Un bel EP, Blondstone cherche et trouve ses marques. Ont-ils vraiment autant emprunté aux Queens Of The Stones Ages qu'on le prétend, si oui, ils ont surtout compris la règle numéo 1 : un morceau de rock'n'roll ne saurait être un long fleuve tranquille. Et la numéro 2, il est interdit de s'ennuyer.
BLONDSTONE
GOT THIS THING ON THE MOVE
EP # 2 / Décembre 2012
Deuxième EP un peu spécial, une reprise d'un band inattendu, Grand Funk Railroad, un groupe de Détroit pas très aimé et pas très connu par chez nous. Une carrière un peu trop erratique pour agglomérer un noyau de fans assez large. Le projet de Grand Funk était assez simple en ses débuts, jouer plus fort que tous les autres. Personnellement j'aimais bien cette énorme masse sonore qui s'écroulait sur vous, l'impression qu'une dislocation de banquise géante sortait des haut-parleurs de votre gramophone préféré. A la réflexion ( qui n'engage que moi ) Grand Funk me paraît être l'ancêtre inconscient, inconnu et inattendu de la cold-wawe et de la noise-music. Il existe des généalogies secrètes, lors du concert de Blondstone à les voir sanglés dans leurs vareuses et à l'épaisseur du son qu'ils dégageaient, s'était imposé à mon esprit le rappel de ces premières vidéos des Animals de leurs passages sur la BBC. Or l'un des morceaux les plus réussis de Grand Funk fut leur reprise live d'Inside looking out des Animals.
Got this thing on the move : est-ce important que l'élève dépasse le maître, ne serait-ce pas mieux qu'il sache s'en différencier. David s'attaque à Goliath parce qu'il possède une fronde, Blondstone ne détient pas cet outil magique, aussi adoptent-ils une tactique différente celle de rester groupés durant toutes les phases du combat. Les Grand Funk étaient assez sûrs d'eux-mêmes pour que dans les moments clefs, deux la mettent en sourdine pendant que le troisième s'adjugeait la devanture. Les Blondstone se serrent les uns contre les autres comme des sardines dans leur boîte, celui qui ferraille devant n'a rien à craindre ni sur sa droite ni sa gauche, l'a ses valets d'armes qui emberlificotent aussi l'ennemi. Donnent dans la surenchère instrumentale, du coup ils perdent la séminale présence des roots-rock, mais ils forgent un son plus moderne, si le premier EP sonnait très anglais, celui-ci louche beaucoup plus vers la grande Amérique, ils se dispersent un peu dans la clinquance sonophile, mais ils ont appris à voir leurs défauts auxquels ils porteront remède dans les mois qui suivent.
BLONDSTONE
MASS SOLACE
Avril 2014
Vous risquez de mal interpréter la pochette, cet homme qui crie en essayant d'arracher ses liens n'est pas ficelé au poteau de torture. Ce qu'il empoigne à pleines poignées ce sont les liens d'égotisme de l'auto-ligotage. Image de délivrance. Blondstone a gagné en maturité. Remet ses propres pendules à l'heure. Ne soyez pas étonnés des titres qui étaient sur le premier EP, ce n'est pas du remplissage, de nouvelles versions
Mass solace : que vous promettais-je ! L'on reconnaît Blondstone rien qu'à leur manière de composer leur intro, mais ce n'est plus la même chose, si vous savez goûter la différence entre un salmigondis de crevettes et la bisque de homard vous comprendrez, z'ont enjambé le saut qualitatif, engendré la coupure épistémologique, deux minutes d'instrumental symphonique, un rock qui part de tous les côtés tout en traçant une courbe dans l'espace d'une pureté parfaite, et quand Alex Astier lève la voix vous croiriez entendre le plein chant de la messe noire d'un monastère satanique qui résonne sous les ogives martelantes de Pierre Bonnier, alors le chantre se lance dans un prêche apocalyptique tandis que résonnent les soubassements cryptiques de la basse de Nicolas Boujot, et tout le bâtiment s'effondre dans le feu de l'enfer. Bursting shell : cavalcades de tambours, galopades de guitare, tamponnades de basse, pas de problème la voix s'attarde tandis que la musique gesticule dans tous les azimuts, un refrain sans frein, et chacun repart dans son délire, c'est à qui se fera remarquer, mais la charge ne s'arrête jamais, Blondstone vous en donne plus, et quand le rythme de la musique s'arrête c'est pour battre de l'aile au plus haut de l'azur et s'abattre plus bas que terre. Shoot shoot shoot : pas besoin de savoir faire la différence, elle s'impose. Une épaisseur, un velouté absent de la première mouture, la voix plus sûre, il semble qu'ils ont rallongé le manche de la guitare pour que les notes montent plus haut, vous n'avez pas marché sur la queue de votre chat c'est Alex qui miaule et rugit à la manière d'un tigre qui s'affale sur sa proie. La basse de Nicolas tournoie et les baguettes prévoyantes de Pierre creusent une fosse commune. Oulala : magnifical ! Vous avez une guitare qui sonne le glas, une basse qui crache ses poumons, une batterie qui catche, et un vocal qui s'enflamme comme une torche vivante. Le genre de truc auquel personne ne saurait résister. Pères et mères indignes, écartez vos enfants, le délirium tremens les guette. On your own : vont sûrement en profiter pour glisser un morceau plus faible que les autres au milieu de l'album, ben non, pas de tromperie sur la marchandise, que du bon et celui-ci particulièrement avec l'Astier qui crache son vocal et toute la fanfare qui suit derrière à fond les manettes, je vous laisse imaginer le capharnaüm, l'autre qui vous demande sans arrêt si tu n'as pas cymbale, alors que t'es en train de devenir cinglé. Rare & strong : moins rare puisque on l'a déjà entendu sur le first EP mais diantrement plus fort. Commencent par un bruit de casserole et continuent par un grondement de lessiveuse. Y vont plus décidés et davantage hargneux. Sont partis, z'ont mis du venin d'aspic au fond de la bouteille de grenadine. De quoi étancher la soif de vivre d'un troupeau de dromadaires perdus dans le désert. Que voulez-vous on est stoner ou on ne l'est pas. Lazy : l' a c'est plutôt stoned. Ont changé de dealer depuis la fois dernière, z'ont pris le leader qui leur a fourni de la bonne, vous le mettent plus profond et plus jouissif, n'ont jamais plané aussi haut. Sauront-ils redescendre. Faites leur confiance. All my flaws : une voix plus rauque et un morceau plus rock, ( est-ce possible ), rien à dire les fruits du péché sont les plus lourds et les plus goûteux, un petit côté première prise de Led Zeppe, tout au feeling et à l'énergie. C'est fou comme le mal est attirant. Daze me : mais pas confuse, encore ce truc qui n'appartient qu'à eux, la voix devant et en même temps en retrait prend sa revanche sur les refrains, une orchestration de cimetière, délire instrumental, la guitare frôle le free, la basse vient sonner les cloches pour l'empêcher de dérailler totalement, c'est beau comme du Malher, des crotales s'enfuient de votre valise dans le hall de l'hôtel, affolement général. Lunatic asylum sur toute la terre ! Les morceaux les plus longs sont les meilleurs. Shoulder to cry on : ont-ils vraiment enfermé Alex dans un cercueil pour enregistrer le vocal introductif, en tout cas la suite ressemble à une vidéo de L 17 tourné dans un abattoir. Un régal. Z'ont dynamité la compo, sa mère ne la reconnaîtra pas. L'est beaucoup plus belle et beaucoup plus puissante. Hard to remove : pour le dernier morceau, ils essaient de limiter les dégâts mais ils n'y réussissent pas, leur échappe, un étalon sauvage qui défonce son box parce qu'un troupeau de juments en chaleur passe devant l'écurie. Une furie, un carnage, tout ce que l'on aime dans le rock'n'roll.
Le problème ce n'est pas que Blondstone ait commis un très très bon album, c'est qu'il doit y avoir un nombre pharamineux de groupes qui n'osent pas rêver d'en produire la moitié d'un du même niveau. L'est sûr qu'un tel disque a dû réconforter des masses d'amateurs dans l'hexagone.
BLONDSTONE
EP / Mai 2018
Total changement de style pour la pochette réalisée par Sophie Fontaine, encore une fois la visite de son tumblr, So Wil(d) Artwork & photography se révèlera émotionnant. Un univers totalement différent de celui de Paul Banon que la couve de ce CD est loin de laisser deviner.
Nous définirions sommairement le monde de Sophie Fontaine comme des aperçus d'un rêve incertain volés aux reflets anciens de miroirs enfouis dans la poussière des greniers, de lointaines jeunes femmes y ont laissé les traces de leur présence, leurs images pâlies y subsistent telles des vers talismaniques de vieux poèmes romantiques, elles s'immobilisent là, figées dans le néant de leur représentation, vous aimeriez les saisir, mais elles restent insensibles à l'appel de vos yeux, et une amère solitude envahit votre âme.
Pas de chance ce coup-ci, elle n'avait pas de sylphides graciles dans son objectif mais trois grands gars en chair et en os. Des rockers remuants. Alors elle les a éloignés dans le tremblé de ses argentiques, d'un coup d'obturateur magique elle les a transportés dans l'imaginaire américain des voyous classieux qui peuplent les films de gangsters des années quarante. J'ose imaginer qu'elle a tenté d'imager le titre oxymorique de l'EP, sombres certes mais si doux.
Alex Astier : chant, guitare / Pierre Barrier : batterie / Adrien Kah : basse /
My dark sweet friend : le temps a passé depuis l'enregistrement précédent, en quatre ans il en coule du liquide sous les ponts du rock'n'roll... à la basse Nicolas Boujot a été remplacé par Adrien Kah, le son n'est plus le même. L'impact de ce frère d'ombre qui n'est pas sans analogie avec la Nuit de Décembre d'Alfred de Musset est beaucoup plus ramassé, étrangement le groupe semble avoir renoué grâce à ses harmonies vocales avec les effluves britanniques de son premier EP, la batterie a gagné en concision, mais elle a perdu ce semblant de désordre a-méthodique que nous aimons. Liquid sound : les lyrics sont particulièrement soignés chez Blondstone, mais ce poème psyché tient de lui-même debout sans accompagnement musical. Cette particularité est assez rare et mérite d'être notée. Une intro spiralée comme le groupe les aime, s'agit de monter les blancs en neige noire, un vocal qui n'est pas sans évoquer la manière dont Bowie émettait chaque mot afin qu'il apparaisse non comme un simple vecteur de sens mais en tant que signal sonore nous avertissant qu'il y avait un autre mystère indicible à déchiffrer, un peu à la façon dont Swinburne disposait ses joailleries dans les colliers de ses vers. So british. No need to say it : une rythmique davantage carrée, trop honnête pour que l'on puisse y croire, l'est sûr que quand on veut cacher quelque chose le mieux est de le crier sur les toits – le coup de la lettre volée d'Edgar Poe – un groupe français qui en murmure davantage dans la langue de Shakespeare, vaudrait mieux dire de De Quincey, que bien de leurs collègues nationaux. C'est avec ce troisième morceau que l'on commence par comprendre le subtil travail d'orfèvre auquel se livre Blondstone dans cet Ep, faire en sorte que l'inclusion du chant dans la pâte instrumentale grumelée et en ébullition ne soit pas un pensum ou une dorure complémentaire mais la poignée de levain décisive. Hole in my skin : le vocal devant et le background qui pousse du museau pour s'adjuger la première place, consent à s'effacer pour le refrain mais insiste beaucoup dès qu'il s'achève, sur la fin le tressage devient plus complexe, parfois l'on a du mal à percevoir qui est qui, les guitares vous ont de ces retours de flammes qui finissent par emporter et carboniser le morceau. The guiding light : hurlements initiaux et la rythmique s'alourdit, le chant rampe, la lumière brûle dans le passé, déploiements lyriques, la fusée du présent décolle. Assez mystérieux, l'on cherche le sens caché de cet oriatoriock, la musique de Blondstone n'est pas du gros vin qui tâche, un élixir corruptif qu'il convient d'analyser pour en saisir toutes les fragrances. Parfois la puissance s'allie avec la beauté.
Stoner, grunge, groove, psyché sont les adjectifs les plus employés pour définir Blondstone, aucun de ces termes n'est à proprement parler déplacé, mais insuffisant. J'évoquerais plutôt une expérimentation spectrale et historiale de l'after-heavy-hard, l'exploration consciente des possibilités du style, un peu comme s'ils voulaient garder la puissance des power-chords tout en leur greffant le maximum d'harmonie-mélodique. Tout cela mis en place et conditionné par le traitement de la voix qui prend le pas sur la tonitruance de l'orchestration. Un des groupes les plus importants de la scène actuelle.
Damie Chad.
ROCK 'N' ROLL STORIES
Au mois de septembre 2019, j'étais allé grappiller dans la série Rock'n'roll Stories mise en ligne par Franco et consacrée aux pionniers du rock. J'avais choisi mes chouchous Gene Vincent, Eddie Cochran, mais aussi Bill Haley et Buddy Holly. Je m'étais promis d'y revenir, mais la vie nous offre sans cesse de nouveaux chemins... Entre temps une nouvelle série de dix de nos idoles a été proposée, voici donc celle de Johnny Burnette. Pourquoi précisément Burnette. Il s'agit d'un rendez-vous d'amour raté. J'ai eu vent de l'existence de Burnette bien avant de l'avoir entendu. Une biographie dans la revue Shake, ce devait être en 1967... J'aurais bien voulu me procurer un de ses disques mais dans ma lointaine Ariège et le peu d'argent de poche à ma disposition, c'était-là une mission impossible... Dans les années qui suivirent j'ai dû être victime d'une conjuration interplanétaire, impossible d'entendre un de ses titres dans les émissions radiophoniques de rock spécialisées, et pire malgré des centaines de casiers ou de cartons systématiquement répertoriés chez les disquaires d'occasion, les brocantes, les vide-greniers etc.. jamais un microsillon... J'ai fini au tout début des années quatre-vingt par mettre la main sur une réédition CD du mythique Rock 'n' roll Trio en Espagne ! Entre temps, la fièvre de l'adolescence était passée, pas mal ai-je décrété, mais arrivé trop tard pour être admis dans mon panthéon tutélaire. C'est plus tard à Paris que je me suis aperçu de l'aura quasi-mystique dont était entouré ce 25 centimètres dans le milieu rockababilly.
JOHNNY BURNETTE
Dès la fin du générique vous changez de couleur, vous devenez vert vitriolé chaque fois que Franco vous présente les premiers simples ( originaux, il va sans dire ) de Johnny. Evocation de l'enfance ( très ) pauvre de Johnny et de son frère Dorsey qui travaillèrent à la Crown Company avec un certain Elvis Presley. Les deux frères essaient de tirer la queue du diable par les deux bouts, sport et musique, boxe sur le ring et hillbilly dans les bars. Les horions détournent Johnny de l'horizon pugilistique, c'est pourtant dans ce milieu qu'ils ont rencontré Paul Burlison qui deviendra le guitariste des River Rangers qui prendront le nom de Rock 'n' roll Trio en 1952. Elvis entre chez Sun en 1954, le flair infaillible du rocker désertera Sam Phillips le jour où les frères Burnette frapperont à la porte du studio... Peut-être Sam a-t-il pensé qu'il n'y aurait pas assez de place pour deux nouvelles idoles... Un premier single pas décisif sur Von. C'est à New York en finale d'un radio-crochet qu'ils sont approchés par les maisons de disques, Burlinson préfèrerait Capitol mais les frères Burnette optent pour Coral et l'emportent à une voix près... l'on raconte que dépité Capitol se serait alors tourné vers Gene Vincent...
Deux séries de sessions vont se suivre, une à New York avec Paul Burlison à la guitare, et une autre où il est fait appel à des musiciens professionnels dont le guitariste Grady Martins qui revendiquera d'avoir tenu la guitare sur les titres du Rock'n'roll Trio. Certes l'on reconnaît à coups sûr le style de Grady sur certains titres, mais n'y avait-il pas deux guitares sur d'autres... La grosse machine promotionnelle est lancée, passages-télé dans les shows les plus cotés, tournée avec Carl Perkins et Gene Vincent, mais la mécanique s'enraye, les disques ne se vendent pas... plus grave la brouille survient entre les deux frères, Dorsey ne supporte pas l'appellation Johnny Burnette Trio, il quitte le groupe, quelques titres seront encore enregistrés avec Grady Martin mais début 1957 Coral ( qui drive aussi Buddy Holly ) ne renouvelle pas le contrat... le groupe se rabibochera, le succès ne sera pas au rendez-vous. Johnny se débrouille pour rencontrer Ricky Nelson qui tombe en admiration devant son talent de songwriter... Ricky et Roy Brown interprètent quelques titres qui trouveront leur public, les essais des Burnette, notamment chez Imperial, sont loin de faire le buzz... Johnny finit par atterrir chez Liberty ( dans les studios duquel Eddie Cochran... le monde du rock made in USA est relativement étroit... ), Dreamin' sera disque d'or, You're sixteen suivra le même chemin, mais Johnny a mis beaucoup d'eau dans son rock... les années 60 ne seront pas fastes, tournée en Australie, en Angleterre, quelques titres qui ne lui apportent pas la gloire... passe chez Chancellor, Reprise, puis chez Capitol, finit par fonder son label Sahara qui deviendra Magic Land... en août 64 le bateau de pêche sur lequel était Johnny est heurté par un hors-bord, sous la violence du choc, Johnny tombe à l'eau et se noie... Encore quelques disques de Johnny, et Franco n'élude pas la question qui fâche, le Burnette que nous aimons est celui du Rock 'n' roll Trio, qui était totalement passé à l'as de pique à l'époque... La suite reste de qualité mai, à part quelques pépites, Johnny met la pédale douce... il faut manger et payer ses factures...
Une histoire assez triste quand on y songe, malgré l'aura légendaire qui l'entoure les débuts du rock'n'roll in the United States, ne furent pas une sinécure pour ses principaux héros...
Cet épisode dure dix-huit minutes et quelques secondes, j'ai occulté nombre de détails, il est très bien raconté sobrement et intelligemment mis en images. Que voulez-vous les rockers ont leurs petits chaperons rock à eux.
Damie Chad.
VI
ROCKAMBOLESQUES
LES DOSSIERS SECRETS DU SSR
( Services secrets du rock 'n' rOll )
L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS
Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.
Lecteurs, ne posez pas de questions,
Voici quelques précisions
19
Molossa et son protégé se glissèrent sans encombre entre les barreaux de la grille. Pour ma part je l'escaladai avec prestesse. Nous passâmes sans bruit derrière la villa. Un des contrevents présentait quelques faiblesses. Quelques instants plus tard nous étions à l'intérieur. Molossa ne manifestait aucune inquiétude. Molossito frétillait de la queue, cette escapade nocturne l'enchantait. De ma lampe torche j'éclairais le moindre recoin. Nous visitions le rez-de-chaussée que je n'avais fait qu'entrevoir lorsque Thérèse nous avait entraîné au sous-sol. Nous ne l'avons pas encore emménagé avait-telle dit et ne s'étaient offertes à ma vue que que deux pièces vides. Elles l'étaient encore. Elles sentaient le renfermé. Cette odeur ne m'avait pas frappé. Nous montâmes à l'étage. Totalement vide, une couche de poussière sur les planchers, tout individu qui l'aurait arpenté aurait laissé l'empreinte de ses pas. Nous descendîmes à la cave. Dépourvue de ses rayonnages elle paraissait immense. Les murs de pierre étaient noirs de crasse. On avait dû en des temps plus anciens y entreposer du charbon. Molossito courait partout, la truffe au ras du sol, il semblait s'amuser follement. Molossa s'était posée sur son séant au milieu de la pièce dans la pose du philosophe détaché des contingences bassement matérielles. L'endroit paraissait abandonné depuis si longtemps qu'une personne à qui l'on aurait raconté que quelques heures auparavant il présentait l'aspect cossu d'une bibliothèque ne l'aurait jamais cru. Je ne me suis pas avoué vaincu. J'ai examiné au moins vingt fois chaque mètre carré. J'ai même été visiter le grenier. Bas de charpente et désespérément vide. Les chiens m'attendaient sagement au bas des crampons, un véritable mur d'escalade, qui permettaient d'y accéder. Lorsque je donnais le signal du départ Molossito qui commençait à s'ennuyer se précipita dans les escaliers, il n'avait pas descendu la moitié des marches qu'il remonta. Il tenait dans sa bouche un morceau de papier blanc qu'il déposa à mes pieds. C'était un morceau de sucre.
20
Le Chef sifflotait gaiement, lorsque nous pénétrâmes dans le local. Il avait étalé sur son bureau tout un régiment de Coronados sur lesquels il braquait son regard. Il m'écouta distraitement lorsque je lui détaillais la visite de la villa. Il félicita vivement Molossito pour la découverte du sucre.
-
Ah, nous sommes sur la piste, cependant agent Chad vous me décevez, j'attendais une boîte à sucre, et vous me rapportez un misérable morceau de sucre ! Je pense qu'il était dans la boîte qui nous préoccupe. Si je comprends bien, d'ici la fin de l'année à ce train-là, vous aurez reconstitué le contenu de ladite boite, ce qui est très dommage, car ce qui m'intéresse, c'est la boite ! Je sens que cette affaire vous dépasse. Je m'en chargerai donc moi-même. Je serai absent durant trois jours, d'ici-là vous expédierez les affaires courantes.
Le Chef continua durant une bonne heure à contempler ses Coronados, il se résolut enfin comme à regret, de les ranger avec d'infinies précautions dans une valise qu'il referma avec un soin extrême avant de la rouvrir précipitamment.
-
Agent Chad, avez-vous remarqué comment un GSH, Génie Supérieur de l'Humanité peut lui aussi avoir ses moments de distraction, j'allais partir sans prendre un Coronado pour descendre les escaliers, et un deuxième dans ma poche pour parer à tout événement, lesquels vais-je emporter, sa main hésita longtemps avant qu'il ne se saisisse de deux spécimens, l'un qu'il porta à ses lèvres, et l'autre qu'il fourra négligemment dans une de ses poches. Parfait, prenez la valise, pas comme une brute, et conduisez-moi à la gare.
21
Le Chef refusa d'emprunter une voiture. Un peu de marche à pieds ne nous fera pas de mal, avait-il déclaré. Nous marchions sans nous presser. Les chiens batifolaient autour de nous. Molossa frotta son museau sur mon jarret. Nous étions suivis. Le Chef s'extasiait devant une vitrine au milieu de laquelle trônait un aquarium de poissons rouges. Agent Chad avez-vous remarqué comme l'eau de ces cypriens est glauque. Nous retournâmes tous deux d'un seul geste, et fîmes feu sur les trois hommes en noir de l'autre côté du trottoir. Nous ne leur avons pas laissé le temps de réagir. Une nappe de sang se déversait dans la rigole.
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Des réplicants, Chef !
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Pas du tout, agent Chad, des hommes de l'Elysée, je les connais, ces gens-là détestent le rock'n'roll !
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Attention Chef, il en arrive trois autres !
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Parfois je me dis que la vie devient monotone soupira le Chef ! Rangez votre arme, Agent Chad, je pressens qu'ils ont un message à nous transmettre !
22
C'était vrai, mais ce n'était pas très agréable, d'autant plus que leur mine décidée et les trois fusils mitrailleurs qu'ils braquaient sur nous n'incitaient pas à l'optimisme.
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Désolés, mais en haut lieu, l'on a décidé de liquider le SSR dé-fi-ni-ti-ve-ment ! Ne vous inquiétez pas, ce sera vite fait, et nous ne toucherons pas aux chiens, nous ne sommes pas des voyous.
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Je vous en remercie déclara le Chef, toutefois si votre magnanimité me permettait d'exécuter ma dernière volonté, trois fois rien, juste mourir après avoir exhalé une dernière bouffée de Coronado !
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Une bouffée, mais pas une de plus, je me ferai un plaisir de craquer l'allumette de votre ultime Coronado !
Les trois hommes se rapprochèrent, le Chef sortit son Coronado de sa poche, en face celui qui devait être le chef craqua une allumette, il n'était plus qu'à quelques centimètres, le bout du cigare s'embrasa, le Chef ferma les yeux et il tira sur son cigare, longuement, longuement, longuement...
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Dépêche-toi maintenant, sinon je tire !
Le Chef exhala un gros nuage de fumée en direction des trois hommes, vous pouvez tirer maintenant ordonna-t-il, mais ils ne l'écoutèrent pas, ils étaient déjà morts.
-
Agent Chad, j'ai mis des mois à mettre au point cette arme meurtrière, le Coronado au curare, el Cobracito, manipulation dangereuse, d'abord vous remplissez votre cavité buccale de poison en faisant bien attention que la fumée ne touche en nul endroit une quelconque parcelle de votre chair, il faut être un excellent fumeur pour cela, et ensuite vous le recrachez à la gueule de vos ennemis qui le respirent et incontinent expirent. Le pire c'est que tout à l'heure au service je n'arrivais pas à le reconnaître ! Bon, je file prendre mon train, retournez au local et soyez prudents, je vous le répète.
23
La porte du service s'est ouverte, Molossa et Molossito se précipitèrent, j'exhalais une bouffée de Coronado :
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Agent Chef, j'espère que vous m'apportez cette sacrée boîte à sucre, trois jours que je vous attends !
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Agent Chad, quittez immédiatement ce bureau, et cessez de puiser dans ma réserve à Coronado quand je ne suis pas là ! J'espère que vous n'avez pas perdu votre temps durant mon absence !
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Pas du tout, Chef, j'ai pris une décision importante pour le devenir de l'humanité, j'ai changé le titre de mes mémoires, finies Les Mémoires d'un agent du SSR, désormais elles s'appellent : Mémoires d'un GSH !
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Première fois de votre vie que vous prenez une décision intelligente, agent Chad ! Et à son ton je compris qu'il ne plaisantait pas.
( A suivre... )
28/10/2020
KR'TNT ! 482 : JUDEE SILL / KEVIN AYERS / CHUC BAWOL / METAL 77 + HELENE CROCHET + BULLRUN / ROCKAMBOLESQUES
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME
LIVRAISON 482
A ROCKLIT PRODUCTION
FB : KR'TNT KR'TNT
29 / 10 / 20
JUDEE SILL / KEVIN AYERS / CHUC BAWOL METAL 77 + HELENE CROCHET + BULLRUN ROCKAMBOLESQUES |
TEXTES + PHOTOS SUR : http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/
Sill n’en reste qu’une
Pas de meilleur titre pour Judee : Sill n’en reste qu’une, ce sera Judee Sill. Johnnie Johnstone la surnomme the original beatnik outlaw. Judee fait même la couve d’un numéro de Shinding!, c’est dire si Sill est culte. Alors autant prévenir tout de suite les bonnes sœurs et les pères la-morale : passez votre chemin, car l’histoire de Judee Sill est un fabuleux pied de nez aux convenances de la bien-pensance. Comme Steve Jones, elle cumule les fonctions : talent, sexe, délinquance et dope à gogo.
Johnnie Johnstone titre son hommage «Lopin’ through the cosmos», ce qui peut vouloir dire bondir dans le cosmos. Judee racontait jadis à un journaliste qu’elle portait un flingue sur elle, un 38 mm et qu’elle s’entraînait à braquer devant son miroir : «Mains en l’air !». Elle voulait avoir l’air dangereux - Okay mothesticker, this is a fuck-up - Elle foutait d’autant plus la trouille qu’elle travaillait le rôle du braqueur hystérique qui perd son sang-froid. Voilà comment elle se présentait au journaliste de Rolling Stone en 1972. Évidemment le journaliste croyait qu’elle blaguait. Pas du tout. Elle montait au braquo pour de vrai.
Rassurez-vous, des gens ont eu l’idée de faire un film pour raconter son histoire. Ça nous évitera de perdre du temps à lire des livres. Ils ont même déjà trouvé le titre : Judee Sill - How To Give My Heart Away, un titre qui reprend celui de son deuxième et dernier album paru en 1973.
Judee comprend très tôt qu’elle ne va pas pouvoir mener une vie normale. Elle grandit à Los Angeles à la fin des années 40 dans le bar que tiennent ses parents, mais c’est un bar de cloches où les gens se foutent sur la gueule et gerbent un peu partout. Ses parent picolent aussi, forcément. On est dans Vuillemin. Elle a 7 ans quand son père casse sa pipe en bois. On est donc aussi dans Zola. Sa mère se remarie avec un alcoolique qui a le sang chaud et la prune facile. Alors Judee entre en guerre contre les adultes qui lui pourrissent la vie. Il n’y a rien d’autre à faire. Se battre ou mourir. Dans ce bordel sans nom, mieux vaut se battre. Les altercations sont tellement violentes que la police et les journalistes débarquent régulièrement. Sa mère finit par la foutre en pension et c’est là qu’elle se met à fumer de l’herbe. Elle commence à fuguer et se marie à 17 ans. Elle raconte que son premier mari Larry s’est tué en faisant du rubber raft dans les rapides de la Kern River, alors qu’il était sous LSD - He was a Scorpio and a real adventurous. He died as he lived - Elle traîne ensuite avec l’ami de Larry, un nommé Spencer qui est trafiquant d’armes, he was extremeley psychopathic, il n’a peur de rien, he didn’t care about anything et ça fascine Judee. Ils commencent à pratiquer le petit sport du vol à main armée, ils braquent des stations services et des liquor stores. «Mains en l’air, mothersticker !». Alors évidemment quand elle raconte toute cette histoire, le journaliste se marre, jusqu’au moment où il s’arrête car il voit que Judee est sérieuse. Dead serious. Elle raconte ensuite qu’elle finit par se faire poirer. Elle atterrit dans une maison de correction pour filles. Une thérapeute l’encourage à développer sa conscience, mais Judee est loin du compte. C’est quoi la conscience ? Elle n’en a pas la moindre idée. Comme Spencer, elle se fout absolument de tout. Elle apprend néanmoins à jouer de l’orgue pour la messe du dimanche et neuf mois plus tard, on la relâche pour bonne conduite.
En 1963, elle bosse un peu, mais elle découvre surtout le LSD qui était encore légal à l’époque. Elle était d’autant plus partante que le LSD l’aidait à échapper à cette réalité qui lui faisait horreur. Elle s’installe avec son dealer qui joue aussi de la basse dans un groupe de jazz. Et comme les Texans du 13th Floor, elle prend de l’acide chaque jour, tellement elle trouve ça bien. Elle commence à perdre pied avec la réalité, ce qui est le but de l’opération. Elle rencontre ensuite Jim Pons, le bassiste des Leaves, un groupe que connaissent bien les garagistes. C’est Pons qui lui mettra le pied à l’étrier. Elle rencontre aussi un certain Bob Harris qui va devenir son second mari. Grâce à Bob, elle fait une autre rencontre déterminante : l’héroïne. Ils dépensent tous les deux 150 $ par jour d’héro, alors forcément, il faut fournir. Ils commencent par arnaquer des gens, puis Judee fait la pute, ça rapporte plus. Judee et Bob font pas mal de séjours au ballon. Un jour à Tijuana, de l’autre côté de la frontière mexicaine, Bob échange sa bagnole contre une dose d’héro tellement impure que les jambes de Judee s’infectent et gonflent comme des ballons. Quand elle finit par overdoser, les condés l’arrêtent pour escroqueries et usage de drogues. Direct au ballon. Personne ne veut payer sa caution. Elle appelle son frère Dennis à l’aide, mais il est mort d’un cancer du foie le jour où elle a overdosé. Zola n’aurait jamais pu imaginer une telle descente aux enfers. Mais le pire, c’est qu’elle doit subir le manque en taule, le fameux Cold Turkey : trois jours à vomir et à hurler de douleur, la hantise de tous les junkies - The worst fear I’d ever felt, dit-elle en frissonnant. Et c’est là pendant son séjour au ballon qu’elle décide de devenir songwriter. Dès qu’on la relâche, elle se tient à sa décision et se découvre une facilité à écrire des chansons. Comme elle n’a pas un rond et personne pour l’héberger, elle vit dans une bagnole avec 5 personnes qui se relayent pour dormir. Mais comme elle dit, c’est l’été et l’air conditionné marche encore dans la bagnole. Pour continuer de s’accrocher à son rêve, elle se met à lire et s’intéresse à l’occultisme, à la philosophie et à l’histoire des religions. Comme tous les gens qui ont morflé, elle cherche surtout à comprendre le sens de la vie. Elle pense qu’il doit en exister un. Et comme sa vie commence à changer, elle se met à y croire. Elle va même jusqu’à dire qu’une fleur de lotus peut éclore dans la boue. Sa seule carte, c’est Jim Pons. Elle le retrouve. Il fait alors partie des Turtles. Elle lui joue la chanson qu’elle a composée, «Dead Time Bummer Blues». Pons trouve ça balèze et lui dit de continuer. Judee revient avec une chanson encore meilleure, «The Circle Song». Pons la prend alors au sérieux. Un copain permet à Judee de travailler dans le studio de Pat Boone et avec un peu de peyote, elle se sent parfaitement à l’aise, les chansons coulent de source. C’est là qu’elle met au point ces merveilles que sont «Lady O» et «Crayon Angels», dont on va reparler plus loin. Puis Pons lui propose 65 $ par semaine pour composer des chansons, plus 500 $ cash d’avance et une guitare toute neuve. Les Turtles enregistrent «Lady O». C’est un hit ! Judee peut enfin louer un appart à San Fernando Valley et s’acheter une petite Austin. Puis Pons la met en cheville avec David Geffen qui vient de lancer son label Asylum. Contrat et premier album.
On comprend quand on l’écoute que ce premier album soit recherché. Il s’y passe des choses extraordinaires, comme chez Joni Mitchell ou Karen Dalton, des choses qui relèvent du folk-rock de damaged baby in the canyon. Elle y va franco de port à coups d’arpèges. Elle met ses arpèges au service du feeling. Elle gratte sa gratte dans l’herbe et pousse le bouchon de son délire, comme si elle voulait balayer tous les vieux genres. Son «Phantom Cowboy» est entraînant, mais ça reste très folky folkah. Elle chante au coin du feu, mais on la sent un peu barrée quand même. Elle gratte son «Archetypal Man» à l’envers du remugle et impose sa présence. Et soudain ça explose au grand jour avec «The Lamb Ran Away With The Crown». Elle chante son Americana avec ferveur, à la petite cavalcade, c’est à la fois très beau et très concassé. Et puis voilà un cut trop beau pour être vrai : «Lady O». Une merveille absolue, du niveau de «Pale Blue Eyes». Judee a un truc, un goût de la perfection et un son dément. Elle chante par monts et par vaux, elle épouse toutes les courbes. Elle termine cette A faramineuse avec «Jesus Was A Cross Maker», qu’elle chante avec la ferveur d’une Gospel Sister. Elle travaille son cut au corps et s’accroche à sa ferveur. Elle fait aussi du heavy blues avec «Ridge Rider». Elle semble baigner dans la grâce. Elle cultive la magie du songwrirer system à voix nue. Sa présence vaut bien celle de Carole King, même profondeur et même chaleur de ton. On peut même parler de fantastique présence. Elle nous embarque avec «Enchanted Sky Machines» dans la silly fantasy - If I told you some secret/ I’d told you I’m unreal - Le piano groove dans l’oss de l’ass et cette reine de la dope chante parmi les bouquets de cuivres. Elle termine avec un «Abracadabra» suprêmement orchestré.
Quand un album fascine autant, on guette les célébrations et les rééditions, car elles sont souvent accompagnées de bonus. On l’a vu avec Skip Spence, avec Jimi Hendrix ou Mansun : les bonus dépassent souvent l’entendement. C’est aussi le cas avec Judee Sill. Les bonus qui accompagnent la réédition de son premier album valent tout l’or du monde. On l’entend chanter en public et c’est inespéré. Un mec la présente : «A fine songwriter, Miss Judee Sill !». Elle chante son «Vigilante» à la glotte effarouchée. Elle assure comme une bête puis elle entre dans sa magie personnelle avec «O Lady». Les gens applaudissent. Hank you. Elle annonce «Enchanted Sky Machines» - About flying saucers - C’est pianoté à la force du poignet. On est frappé par la force de sa présence. Elle prend «The Archetypal Man» au petit arpège et ramène sa fraise avec la constance d’une reine de Judée. Elle chante à la pointe de sa délicatesse. Elle prend «Crayon Angels» au chant pur. Elle illumine son folk et gratte de l’arpège au kilomètre - From the train to astral plane - Elle chante libre comme l’air. On comprend qu’elle soit l’une des héroïnes de Shindig!. Elle rappelle ensuite que l’agneau s’est barré avec la couronne d’épines. Il a eu raison. Les gens de Boston ont dû l’adorer car elle a quelque chose de magique. Elle termine sur l’injonction christique de «Jesus Was A Cross Maker». Judee reine de Judée, silly Sill. Grâce à cette reine de la dope, Jésus retrouve sa crédibilité, car elle n’en finit plus de vanter son charisme christique.
Justement, parlons du live. JD Souther se souvient de l’avoir découverte sur scène devant 6 personnes et il parle de fascination. Judee n’était pas à l’aise sur scène, elle aurait préféré se tirer une balle dans la tête plutôt que de monter sur scène. Mais rapidement, elle s’adapte et fait des premières parties pour Jimmy Webb, Van Morrison, Tom Paxton et Crosby Stills & Nash.
Mais l’album ne se vend pas si bien que ça. Au même moment paraissent sur Asylum les premiers albums de Linda Ronstadt et des Eagles. La pauvre Judee passe à l’as. C’est à cette époque qu’elle donne ces fameuses interviews qui ont tant choqué les journalistes. Elle était à la fois franche, philosophe et drôle, et elle tranchait nettement avec la réputation des gens pour lesquels elle faisait des premières parties. Elle voulait réussir, bien sûr, mais pas à n’importe quel prix. D’où les tensions avec Geffen. Et très vite, la relation avec Geffen se détériore, car pour compliquer les choses, elle commençait à se faire des idées romantiques en louchant sur le beau David. À la suite de cette déconvenue, elle se met en ménage avec un poète nommé David Omer Bearden et compose des chansons qui par leur raw purity et leur emotional depth rivalisent avec celles de Sister Lovers, de The Velvet Underground et de Blood On The Tracks. Elle réussit à obtenir le concours de la crème de la crème des musiciens, Chris Ethridge, Spooner Oldham, Doug Dillard et Jim Gordon.
Son deuxième album s’appelle Heart Food et paraît en 1973. Disons qu’il est moins intense que le premier. S’il faut retenir un cut, ce sera «Down Where The Valleys Are Low», une sorte de heavy groove d’orgue. Elle drive ça à la perfection, avec un sens aigu de la puissance inexorable. Elle chante à l’unisson du saucisson et bat tous les records de véracité avec ses relances. Absolument génial ! C’est sur cet album qu’on trouve «The Vigilante» qu’elle chantait à Boston devant un public médusé. Elle est miraculeuse d’excellence. Elle chauffe chacun de ses accents montants avec une voix de petite hippie girl toxicomane, une voix dont on n’a pas idée. «The Kiss» bénéficie aussi d’une belle ampleur contextuelle. Si d’aventure tu croises Judee au paradigme, tu ne seras pas déçu. Elle pratique l’intensité comme d’autres pratiquent l’art de la guerre. Elle s’élève dans les strates du culte. En B, elle passe au groove de pop avec «Soldier Of The Heart». Elle récupère du son, du piano et des cuivres. Franchement, elle est gâtée. Judee Sill restera aux yeux du monde un insondable mystère : comment cette camée a pu composer des chansons aussi parfaites ? Elle termine avec «The Donor», the crepuscular labyrinthine requiem, un cut plus expérimental, une sorte de heavy groove à la dérive - So sad and so true/ That even shadows come and hum - C’est assez cohérent avec son histoire. On y entend délirer la drug babe, mais elle le fait à l’harmonie vocale.
Incroyable mais vrai : l’album ne se vend pas et Geffen la vire. Allez hop, à dégager ! Les chansons qu’elle avait prévu d’enregistrer pour son troisième album se trouvent sur Dreams Come True/ Hi I Love You Tight Heartily. Ces chansons n’apparaîtront que beaucoup plus tard, sous la firme d’un mini-coffret deux disques. Sur le disk des New Songs, elle cavale son «I’m Over». Elle n’a pas le temps, alors elle file, mais à fière allure. Cette fantastique nénette bouscule tout au passage et chante comme une égérie. Elle passe à la pop joyeuse avec «Things Are Looking Up», elle soigne sa réputation. Bon d’accord, on voit bien qu’elle cherche sa voie, mais elle le fait avec un réel swagger, celui des coudées franches. Elle sait partir en roue libre, elle jazze même un peu des hanches. Elle est à la fois parfaite et juteuse. Avec «Til Dream Come True», elle entre dans le rêve à sa façon, comme si elle s’armait de courage. Elle pianote dans l’air du temps mais chante avec beaucoup de tenue et de suite dans les idées. Elle montre des dispositions au génie, mais pour des prunes puisque l’album ne sortira pas. On tombe vers la fin sur une démo de «Living End» assez puissante qu’elle aplatit sous le vent. C’est beau comme un ciel dégagé, elle chante à la Sill. L’autre disk propose les Lost Songs. On retrouve le «Dead Time Bummer Blues», sa première compo qu’elle avait jouée à Jim Pons, un véritable ragtime de barrelhouse. Elle s’implique plus loin dans «Emerald River Dance», une mélopée arpeggiée avec soin. Elle groove toute seule comme une grande et reste désespérante de beauté. Mais c’est «Waterfall» qui rafle la mise. Elle joue la carte de la seulâbre avec une sacrée maestria. Elle épouse le caoutchouc de sa mélodie chant. Bon c’est du folk, mais cette dope Queen chante sa vie de patachonne mieux qu’aucune autre, avec une sincérité troublante. Elle fait aussi du blues de cabane branlante avec «The Wreck Of The FFV (Fast Flying Vestibule)». Elle utilise les mêmes arguments que les vieux blacks édentés en salopettes, c’est-à-dire qu’elle chante à la relance pour dire les choses, alors ça devient une œuvre d’art qui n’intéressera que les étudiants en sociologie. C’est alarmant de faiblesse. Sa voix est si faible qu’on craint pour sa santé.
Puis elle reprend son petit bonhomme de smack et traîne avec Brendan Mullen et la faune punk du Masque Club à Los Angeles. Elle fait des séjours fréquents à l’hosto suite à des accidents de voiture. Comme Karen Dalton, elle finit son parcours dans une caravane. C’est là qu’elle finit par overdoser.
Signé : Cazengler, Judy Shit
Judee Sill. Judee Sill. Asylum Records 1971
Judee Sill. Heart Food. Asylum Records 1973
Judee Sill. Dreams Come True: Hi • I Love You Right Heartily Here • New Songs. Water 2005
Johnstone : Lopin’ Johnnie through the cosmos. Shindig # 104 - June 2020
Va voir Ayers si j’y suis
David Wells raconte qu’en 1977, Kevin Ayers était à Berlin pour un concert au terme duquel il rencontra Iggy et Bowie qui séjournaient alors dans un immeuble gothique du quartier de Schöneberg. Ils achetèrent ensemble un bag de coke et pour le snif snaf, Kevin sortit de sa poche sa seule fortune, un billet 500 Deutchmarks. Il le roula et les trois snifèrent leur rail tour à tour. Bowie fut le troisième et il empocha le billet. En vrai dandy qui se respecte, Kevin Ayers ne moufta pas. Wells ajoute que là où Bowie et Bryan Ferry étaient déterminés à vaincre, Kevin Ayers penchait plutôt pour la bohème et après avoir revendu sa basse à Noel Redding, il mit les voiles et partit s’installer à Ibiza. Le biz ? Fuck that !
En 2019, Galen Ayers a décidé de rassembler quelques témoignages, quelques photos et les paroles de chansons de son père pour publier Shooting At The Moon, une sorte d’anti-livre. Galen s’en explique fort bien : son père lui indiqua un jour que toute sa vie était dans les paroles de ses chansons - Galen I don’t know anything of value, all the best of me, I’ve given to my songs. You’re better off listening to them than to me - Elle a donc pris ça au pied de la lettre et le premier ouvrage consacré à Kevin Ayers est donc un recueil de paroles de chansons. On ne pouvait imaginer hommage plus pertinent. Dans un texte de présentation, John Payne qualifie Kev de psychedelic innovator, de pop-choo-crooning sexpot et de moody-blue acoustic singer-songwriter. En fait toutes les possibilités sont admises, libre à chacun d’apporter les siennes. Robert Wyatt se fend aussi d’un petit texte magique : «His tunes as natural as aged-in-barrel folk-songs, but spiced with his great affection for Caribbean music and Charlie Byrd’s acoustic guitar playing. And his lyrics were always unpretentiously witty and wise - especially when delivered in his deep, authoritative bass range.» (Ses chansons semblaient avoir vieilli en fût de chêne comme de vraies folk-songs qu’il épiçait d’influences aussi diverses que la musique des Caraïbes et le son du guitariste Charlie Byrd. Ses paroles étaient toujours d’une sagesse impressionnante, d’autant plus impressionnante qu’il disposait d’une voix profonde de baryton). Et dans les dernières pages, parmi les hommages de gens célèbres se trouve celui de Nick Kent : «Kevin Ayers and Syd Barrett were the two most important people in British pop music. Everything that came after came from them.» Amen. Comme on dit dans ces cas là, la messe est dite.
Kev fait ses premiers pas dans les Wilde Flowers. Dans la compile parue en 2015, on peut l’entendre faire une cover de «Parchman Farm», mais il va à l’opposé de Cactus et de Georgie Fame, il la prend en mode décadent. Robert Wyatt bat ça jazz et ça devient une cover Dada pure. Nos deux larrons créent l’événement. C’est aussi Kevin Ayers qui chante «She’s Gone».
Selon Julian Clover, Kev est à l’époque des Wilde Flowers un séducteur en herbe, «the original denim shirt and medaillion man, absolutely gorgeous». Lors de ses années passées en Malaisie, Kev a développé un goût pour l’insouciance qu’il va ensuite cultiver pour devenir dandy dans l’âme. Quand il quitte les Wilde Flowers, c’est pour aller rejoindre Daevid Allen à Majorque. Il développe alors une manie : se volatiliser quand il ne faut pas.
On le retrouve néanmoins sur le premier album de Soft Machine. En 1968, il est le bassiste du groupe. Il chante aussi un peu vers la fin de l’album, notamment «Plus Belle Qu’une Poubelle», une glorieuse chanterelle impérialiste jetée dans le ciel d’Angleterre. Kev règne en maître dans cette foutaise digne de Foujita. On le retrouve dans «Why Are We Sleeping», où il s’endort sur les lauriers de Maldoror. Comme Mike Jeffery s’occupe à la fois de Jimi Hendrix et de Soft Machine, il envoie tout ce beau monde en tournée aux États-Unis. Robert Wyatt et Kev s’y livrent à tous les excès : booze and girls. Kev baise à la chaîne - So I was drunk every night with enormous quantities of girls at my disposal - Quand Soft fait sa deuxième tournée américaine, Kev arrête les excès pour passer à ce qu’il appelle the strict macrobiotic diet. Il ne supporte plus les excès de la vie sur la route et se planque dans sa chambre d’hôtel, comme le fait d’ailleurs Mike Ratledge qui lui lit des livres. Puis quand il voit que Soft pousse pour aller sur un son plus sophistiqué, Kev préfère disparaître de la circulation. Comme Robert, il préfère les mélodies - I didn’t like the free form things as much as the others did. I was much more into melody and nice sexy rhythms - Adios amigos.
Comme il ne se sent pas fait pour la vie de groupe, il entame en 69 (année érotique) une carrière solo avec Joy Of A Toy. Ce qui ne l’empêche pas de demander aux Soft de l’accompagner sur certains cuts comme par exemple «Song For The Insane Times», un balladif d’une infinie délicatesse. Robert Wyatt bat ça jazz. On a là l’un des sommets du rock anglais, la dynamique du drumbeat bat tous les records de dynamique. On l’entend aussi battre le beat de «Town Feeling», un balladif entreprenant de heavy dandy. Oui, car c’est la notion de dandysme qui ressort de cet album, comme elle ressort des deux albums solo de Syd Barrett. Dans «The Clarietta Rag», Kev couronne l’up-tempo de lauriers - She’s the queen of the mountain - et «Girl On A Swing» sonne comme une merveilleuse lullaby. On trouvera deux cuts hypno en B, «Stop This Train», battu en brèche par Rob Tait, et un «Oleh Oleh Bjandu Bandong» digne de Can et chanté en malaisien. On le sait, Kev a vécu une partie de son enfance en Malaisie. Encore une petite leçon de dandysme avec «The Lady Rachel» : «Now nothing can/ Harm her/ At least/ Not very much.»
C’est sur Shooting At The Moon paru l’année suivante qu’on trouve «May I», un balladif doux et tendre qui reste son hit le plus connu - May I sit and stare at you/ For a while/ I like the company/ of your smile - C’est un enchantement. Sur «Lunatics Lament», Kev vire rock, épaulé par Mick Fincher au beurre et Mike Oldfield à la guitare. Oldfield sait tirer sa note et pendouiller dans le tourbillon. Ça shoote sec at the moon. L’album est hélas coulé par des zones expérimentales assez imbuvables et non avenues comme «The Oyster & The Flying Fish», mais on observe un retour à la magie ayerienne avec «Red Green And You Blue». Kev est un être unique au monde, il swingue son goût pour la douceur de vivre et sa voix réchauffe le cœur. C’est avec le morceau titre en bout de B qu’il rafle la mise. Voilà un thème de jazz très élancé, joué à la Coxhill, très ayerien, un brin oriental, captivé au vent d’Ouest avec un brin de démesure à la Soft et une pression terrible du beat. Chacun joue avec assiduité, le côté baroque renvoie au Magic Band avec quelque chose de plus fin encore, de plus jazzy et de plus dandy. «Shooting At The Moon» illustre la toute puissance de l’underground britannique.
Paru l’année suivante, Whatevershebringswesing provoqua une légère déception. Kev fait un peu de prog en A avec son copain Malherbe de Gong et il faut attendre le morceau titre en B pour retrouver un peu de la magie des albums précédents. Robert Wyatt vient y faire des harmonies vocales, histoire de recréer les conditions d’une merveilleuse douceur de ton. Mais le reste n’est pas bon, pas même le «Stranger In Blue Suede Shoes». Dommage, car la pochette très Alice au Pays des Merveilles laissait présager de bonnes augures.
Le grand album classique de Kev est bien sûr Bananamour paru en 1973. Ouvre le gatefold et tu verras ce que le mot dandy veut dire en Angleterre. Ça ne s’invente pas. On l’est ou on ne l’est pas. Deux cuts mythiques se nichent en B, à commencer par «Decadence», certainement l’un des plus beaux hits de tous les temps, avec le «Domino» de Syd Barrett. C’est amené par une langue de son - Watch her out there on display - Aussi pur qu’un Lou Reed au temps de «Pale Blue Eyes - She lies in waterfalls of dreams/ And doesn’t question what it means - Le cut se berce d’illusion. Ce coup de génie vaut bien «Walk On The Wild Side», d’autant que Kev porte un toast à Marlene - Drink it to Marlene - Puis il rend hommage à Syd Barrett avec «Oh What A Dream» - You are the most extraordinary person/ You write the most peculiar kind of tunes - Puis Robert Wyatt revient faire des voix derrière Kev dans «Hymn». On trouve aussi deux merveilles en A : «Don’t Let Get You Down» et «Shouting In A Bucket Blues». On retrouve Doris Troy dans les backing vocals. Le Don’t Let est monté en neige aux chœurs et aux cuivres. Nous voici au sommet d’un certain art londonien qui est celui de la chanson parfaite. C’est Steve Hillage qui joue lead sur Bucket Blues, une nouvelle merveille de dilettantisme. Aw comme Kev chante bien - I’m sorry for myself/ I’m sorry for you too/ So I sing for everyone/ Who feels threre’s no way/ Out / Maybe if you all shout/ Someone will hear you.
En 1974, Kev débarque sur Island et c’est avec The Confessions Of Dr. Dream And Other Stories qu’il crée un team de rêve avec Ollie Halsall. Nick Kent qualifia même cet album de «most formidable recorded work to date». Doris Troy fait aussi partie de l’aventure. Ce sont les chœurs qui font le charme du «Day By Day» d’ouverture. Puis Ollie fait des siennes dans «Didn’t Feel Lonely Till I Thought Of You». Kev shoote un petit coup de «Why Are You Sleepling» dans «It Began With A Blessing», et ça donne un groove de rêve éveillé. Nico ramène une atmosphère particulière dans «Irreversible Neural Damage», quelque chose de très ancien qui remonte aux chevaliers teutoniques. Kev tente d’adoucir l’ambiance avec sa chaleur naturelle, mais ce n’est pas facile. Puis il tente le coup de Babaluma avec «The One Chance Dance». Mike Giles et Ray Cooper fourbissent un background de belle allure.
De la façon dont on mise sur un cheval, Island mit le paquet sur Kev. Comment ? En lui attribuant une face entière sur l’album live enregistré au Rainbow le 1er juin 1974, avec John Cale, Eno et Nico. Sur la pochette, on les voit tous les quatre, dûment agglutinés. Pour la petite histoire, il faut savoir que Kev baisa la femme de John Cale la vielle du concert et John Cale le vécut si mal qu’il en fit une chanson, «Gut», sur Slow Dazzle, où il évoque the bugger in the short sleeves. Bon, l’A du live n’est pas terrible, Eno fait son cirque avec «Driving Me Backwards» et «Baby’s On Fire». Il s’en donne à cœur joie et il connaît toutes les ficelles de caleçon. Mais on n’est pas là pour entendre ses conneries, et encore moins celles de John Cale qui vient nous pomper l’air avec son maudit «Heartbreak Hotel». Ça empire encore avec Nico et son harmonium : elle massacre «The End» des Doors. On retourne vite fait la galette de Pont-Aven et le soleil revient avec «May I». Avec Kevin de table, tout redevient normal. Grosse bouffée d’air - I like your company and your smile - Ce mec a bien failli devenir une superstar. Mais il n’a pas voulu - That was Island’s attempt to make me a star - Son groove est une merveille de distanciation, un réconfort après le n’importe quoi des trois autres. Ollie Halsall joue le jeu à merveille. C’est l’un des grands guitaristes anglais. Pas surprenant qu’il soit avec Kev. Fuck, écoute Ollie jouer ! C’est une fête pour la cervelle. L’association Ollie/Kev est l’une des grandes réussites de l’histoire associative, comme Bowie/Ronson ou encore Hell/Quine - fatigué et mal au cul - Kev chante en français, il est indécent de classe liquide et naturelle. Quel power ! On retrouve ce team déterminant dans «Shouting In A Bucket Blues». Ils y vont de si bon cœur, no place to go. Ollie va se percher au sommet de son art et se paye des descentes de jazz. Idéal pour un groover génial comme Kev. Il enveloppe sa pop dans un son très personnel, très chaud et très fouillé. Ollie vole le show avec un demented de bon allant et le voilà qui part en roue libre ! L’air de rien, Kevin Ayers semble ramener la sainte parole du Christ dans le monde moderne. On ne peut pas s’empêcher de penser que le Christ avait la même voix, une voix qui inspire la paix profonde. Et le public du Rainbow se met à claquer des mains dans «Stranger In Blue Suede Shoes». C’est adroit et joué à la cloche de bois.
En 1975, John Reid, manager d’Elton John et de Queen, prend le destin de Kev en charge et met les bouchées doubles pour la promotion de Sweet Deceiver. Reid essaye de vendre Kev comme le pretty boy de service et vise le big time. Mais c’est mal connaître le dandy qui se sent mal dans ce climat de business. Il voit bien qu’on essaye de le transformer en pop star - It just wasn’t me. I didn’t fit the picture - Même réaction que Syd Barrett face à la goinfrerie du biz. Kev se sent comme un jouet dans les pattes de Reid qui est devenu un homme très riche - And he proceeded to totally destroy my career. On ne trouve effectivement pas de hit sur Sweet Deceiver, mais pas mal de bonnes chansons. Ollie visite «Observations» à coups de vent d’Ouest, mais de vieilles tendances proggy reprennent le dessus. Puis avec «Guru Banana», Kev s’installe dans le confort de la pop anglaise désinhibée. Il nous fait aussi la grâce d’un heavy balladif avec «Toujours La Voyage», typical Kev, doucement illuminé par le jeu subtil d’Ollie. On note qu’Elton John joue du piano sur ce cut et c’est donc forcément de haut niveau. Le morceau titre qui ouvre le bal de la B semble plus décidé. Ollie épouse bien le chant et joue son va-tout en permanence. Kev chante comme un dieu grec. Encore une merveille de balladif éclairé avec «Dimished But Not Finished». Ollie le gratte à coups d’acou - Hey babe nothing to say but words/ And I could just play with words all day - «Circular Letter» renvoie au Dada d’antan et avec «One Upon An Ocean», Kev va sur le Blue Beat. Mais attention, ce n’est pas fini, car Ollie vire Brazil avec «Farewell Again (Another Dawn)». Il joue comme un dieu des îles. Finalement, on a là un album assez extraordinaire. Le team Ollie/Kev gagne à tous les coups.
Kev s’installe à Majorque et resigne avec Harvest en 1976 pour enregistrer Yes We Have No Mananas. C’est là qu’on trouve sa version d’une chanson de Marlene Dietrich, «Falling In Love Again». Il chante ça au baryton légèrement Brazil, avec un peu de May I. C’est d’une nonchalance extraordinaire - Girls flutter to me like moths around a flame/And if they get their wings burnt/ I am not to blame - Et il a raison. Ollie et là, avec Rob Townsend et Charlie McCracken de Taste pour jouer «Stars», une pop qui accroche bien. Kev finit son «Mr Cool» avec du bana banana en souvenir de l’âge d’or de Soft. BJ Cole vient jouer une belle partie de slide dans «The Owl», chef-d’œuvre de soft pop à la Kev - Oh what a beautiful owl you are - Il reste dans la pop fraîche comme de l’eau de roche avec «Love’s Gonna Turn You Round». Avec un mec comme Kev, ça coule tout le temps de source. C’est une bénédiction, sa pop sent bon la liberté et les choix de vie bien assumés. La B pêche un peu par manque de répondant, même si Ollie joue du banjo demented dans «Ballad Of Mr Snake». Kev termine ce bon album avec «Blue», un cut encore une fois doté de chœurs célestes et de wild guitar à la Ollie.
Bel album que ce Rainbow Takeaway paru en 1978. Kev était déjà passé de mode, mais ses fans le suivaient. Il a du beau monde derrière lui : Ollie, of couse, l’ex-Taste Charlie McCracken on bass et l’ex-Family Rob Townsend on drums. L’album se met à groover dès «Blaming It All On Love». Ce dandy décoloré entre dans la danse de sa samba of no excuse. Fabuleuse profondeur de champ ou de chant, c’est comme on veut. On a là tout ce qu’on peut attendre d’une samba décadente. C’est même terrifiant de pureté évangélique. L’impression d’entrer dans un grand album se confirme avec «Ballad Of A Salesman Who Sold Himself». Kev est comme Robert Wyatt un artiste profond dans lequel il fait bon se plonger. Comme certains lagons, ils regorgent tous les deux de perles. Le cut se termine en heavy drive de jazz. Il embraye avec le gros beat désargenté d’«A View From The Mountain» et remet la gomme avec le morceau titre, une espèce de faux-country romp with Ollie Halsall’s guitar heroics. Avec un artiste aussi complet que Kev, il faut rester sur le qui-vive. Il peut ramener dans sa pop des cuivres introvertis. C’est encore une fois du stuff de dandy. Rien d’aussi puissant dans l’exercice de la fonction. On reste dans le dandysme patent avec «Waltz For You», une dérive organique chantée au croon de baryton kevinien. Même le heavy beat reggae de «Beware Of The Dog» passionne, le dandy sait driver son beat dans la vulve du son avec un tact qui laisse songeur. Il rattrape tous les coups au son de sa voix. Il transforme n’importe quelle «Strange Song» en merveille de top of the hill. Il chante cette eccentric little vignette fabuleusement déliée au violon d’une manière qu’il faut bien qualifier d’exemplaire. Puis il fait comme les Beatles, il nous souhaite à tous Goodnigh sleep tight. Malgré d’indéniables qualités, l’album ne marche pas. Eh oui, c’est le temps d’Anarchy In The UK et le pauvre Kev est passé de mode - The best of punk rock is great. I was rather out of context. I kept working but obviously it wasn’t working. I mean, another generation had just clocked in, you know ?
Deux ans plus tard, il revient en Angleterre enregistrer son ultime album Harvest, That’s What You Get Babe. L’album semble mal barré avec le morceau titre : trop de synthés. On est à la limite du joke. Il faudra attendre «Miss Hanaga» pour retrouver le croon et sa façon unique de gérer le groove sans avenir. C’est là qu’il sait se rendre indispensable. «When Do The Stars End» sonne aussi comme un dream come true. Extraordinaire merveille de late nite. C’est une pop inévitable, le sommet de l’art du so far from home - Far/ From/ Home/ Why am I feeling so far from home ? - Il enroule son so far à la magie chaude du shooting at the moon - Love is that stranger/ Who comes looking at your door - Il est aussi capable de petits cuts ineptes comme «Where Do I Go From Here» où il perd son aura et il atteint des sommets de la connerie avec «You Never Outrun Your Heart», indigne du dandysme de Canterbury. Il revient pourtant incidemment à son art profond avec cet enchantement qu’est «Given And Taken». Il enrobe son chant dans l’excellence d’un groove de taken. C’est mélodiquement très puissant, ça sonne comme une belle échappée belle bien nappée d’orgue. Il reste dans le groove avec «Super Salesman» et le swingue à sa mode. Il parle d’expansive trash et de big mustache. Il se fout du showbiz, don’t worry about your money, et au fond du cut, on entend Ollie jouer les virtuoses à l’ongle sec. Tiens on parlait de money, alors voilà «Money Money Money». On se croirait chez les Pogues avec le stomp de pub et le banjo, idéal pour un dandy on the loose comme Kev. «I’m So Tired» dégouline de son bizarre, mais notre dandy préféré s’en accommode à l’expectative. C’est un chef-d’œuvre de dandysme décadent - I’m losing contact with my head - Il chante au meilleur calling day.
En 1983, Kev est si pauvre qu’il accepte d’enregistrer un album en Espagne aux conditions du commanditaire : ses musiciens et son producteur. L’album s’appelle Diamond Jake And The Queen of Pain. Il ne fait qu’un seul commentaire : «I was very poor at the time, so I had to do it. And that’s really all there is to it.» Comme il dit, pas grand chose à ajouter. Ollie fait partie de l’aventure. Kev rend un étrange hommage à Dylan avec «Lay Lady Lay» et fait ensuite son vieux gator au fond d’un cut inepte qui s’intitule «Who’s Still Crazy». Malgré la prod désastreuse, Kev parvient à garder son cap mélodique avec «You Are A Big Girl», une merveille de good time music des Baléares et «Stepping Out» en B. Mais le reste ne va pas bien du tout.
Déjà… Vu fait partie des albums de la période espagnole. Disons qu’il s’agit d’un album exotique. Avec «Champagne And Valium», Kev fait du heavy blues de Mallorca avec Joan Bibiloni à la guitarra, mais il se pourrait bien que ce soit lui, le Kev, qui joue le leada guitarra de la cabana. On retrouve ce grain de voix parfait qui fait de lui l’un des crooners suprêmes d’Angleterre. Il y a du son, sur cet album, car Ollie est là, c’est même lui qui fait tout, la baterra, le bajo, les coros, la guitarra sur «My Speeding Heart». Par contre, la version de «Lay Lady Lay» est un peu pénible. On l’écoute uniquement parce que Kev la chante. Avec «Take It Easy», Kev fait son petit cours de philo - Run run you get nowhere - alors just take it easy. Joli solo de Jorge Pardo, un Pardo qui ne pardonne pas. Beau final aux chœurs de run run run you’re running nowhere et de sax. Kev est un peu comme Mitch Ryder, il travaille sa matière au corps, c’est en tous les cas ce que montre «Stop Playing Wth My Heart». Sur ce doux délire de mambo majorquais, il crée une sorte de sensation anglaise. C’est très impressionnant. Il termine cet album inclassable avec «Be Aware Of The Dog», une sorte de mambo rocky à la Kev assez bien balancé, typical Kev scum. C’est chanté, très anglais dans l’esprit. Belle ambiance de farniente méditerranéen, sa spécialité, en fait. Une façon de vivre qui ressemble souvent à une leçon de maintien. Kev cultiva sa vie durant un art de vivre et comme il le dit si bien à sa fille qui voulait l’interviewer : tout est dans les chansons.
Sur As Close As You Think paru en 1986 se trouve une merveille décadente intitulée «Too Old To Die Young». Kev fait basculer un heavy blues dans la décadence. Le solo d’Ollie Hallsall vaut pour une merveille dévorante. Il claque ses notes avec un gusto infernal, il joue un solo baroque d’une grandeur tutélaire. L’abnégation d’Ollie donne tout le sel au poivre et Kev reprend la main avec expertise. On sent l’Ollie dès «Stepping Out». Il illumine le vieux balladif twangy. Pas de problème, va voir Ollie si j’y suis, c’est pareil qu’Ayers. Ils montent leurs coups ensemble, comme de vieux complices. Cet album est enregistré à Londres chez Boz Borrer et l’ex-Family Poli Palmer bat le beurre. Avec «Fool After Midnight», le dandy reprend la main. Il dit en gros qu’il devient con après minuit. «Only Heaven Knows» correspond exactement à ce qu’on peut attendre d’un vieux dandy : il swingue son game dans son coin, mais il est important de l’écouter, car il entre dans la caste des légendes vivantes. Il termine cet album mi-figue mi-raisin avec des cuts synthétiques assez indigestes, pour ne pas dire ignobles. Mais il calme le jeu avec le «Budget Tour (Pt 2)» gratté à coups d’acou - Carry me away ! - Il demande qu’on l’embarque. Vieux truc de dandy qui ne répond plus de rien. Les pulsions s’y révèlent latérales et même unilatérales.
Une bonne surprise attend l’ayerien transi sur Falling Up paru en 1988 : une confession de foi qui s’intitule «Am I Really Marcel». Kez s’y définit - I’ve got no ambition/ Guess I’m out of place/ Cos I’d rather go fishing/ Than run the race - Et il ajoute, la bouche en cœur : «For what we call progress/ We’re selling our soul.» Ollie arrive à point nommé. C’est une ode à la liberté. Nous devrions tous en prendre de la graine - Just working fir money/ Working for pays/ All seems so pointless/ Day afer day - L’autre merveille se trouve aussi en B : «Do You Believe», monté sur un bassmatic de dub joué par rafales sporadiques. Idéal pour un groover génial comme Kev. Ollie rôde au fond du son comme une âme en peine. Le chant sert uniquement de prétexte à groover - Got to believe/ Got to Beleive/ In something - L’album est enregistré an Espagne avec Ollie in tow. Encore de la belle pop bien foutue avec «The Best We Have». Dommage que la prod soit si pourrie. Kev nous propose ensuite «Antother Rolling Stone», l’un des ces balladifs irrésistibles dont il a le secret. C’est là qu’il fait la différence, avec une chaleur de ton et une façon de faire sonner son heart full of moonshine. Fameux chanteur et Ollie claque l’un de ces petits solos d’orfèvre dont il a le secret. Ils pompent le «Night Clubbing» d’Iggy pour «Night Fighter», mais c’est surtout pour Ollie une belle occasion de s’exprimer. Il sort toute sa collection de riffs.
Si on écoute le Still Life With Guitar de 1992, c’est probablement pour la version superbe d’«Irene Good Night», hommage que rend Kev à Lead Belly. Hommage d’un géant à un autre géant. Il faut aussi le voir chanter «When Your Parents Go To Sleep» comme un vieux renard du désert. On est là au mieux des conditions climaxiques. Ça groove au maximum des possibilités, comme si on se trouvait dans le studio des Stones. On croirait entendre Jagger et sa ragged company. Kev fait son petit shout à la Dead Roses. Il chante aussi «M16» de l’intérieur du menton, comme seul sait le faire un Soft Machinist et avec «Don’t Blame Them», il part en mode jazz-band. Bien vu ! Robert Wyatt serait fier d’y participer. On se sent bien dans cet album et ce, dès «Feeling This Way». Kev sait jiver son vieux London gut. Il n’a rien perdu de sa main verte, just don’t know. C’est excellent, il garde la main sur ce London groove digne de Syd Barrett. S’ensuit un «Something In Between» très laid-back, pianoté dans l’âme et qui inspire un respect infini. Il chante «Thank You Very Much» du fond de son baryton. C’est fantastique de chaleur humaine, magic nation, il n’y a que lui pour chanter un truc aussi balèze que magic nation. Il passe au Cajun avec «There Goes Johnny». Il jette tout son gut dans la balance, l’accordéon rageur est l’indicateur d’un bon vouloir. Avec Kev, il faut toujours s’attendre à de bonnes surprises. Il gratte ensuite sa vieille gratte pour lancer son «Ghost Train» et le faire entrer dans sa gare. Kev est l’un des songwriters les plus puissants de l’empire britannique. Il gratte l’«I Don’t Depend On You» jusqu’au bout du drinking wine/ Wont you please tell me why qui rime si richement. On trouve trois bonus tracks à la sortie du magasin, dont l’excellent «Running In The Human Race». C’est la récompense du renard qui gratte sa vieille gratte dans les tempêtes du désert.
L’ultime album de Kevin Ayers paraît en 2007 et s’appelle The Unfairground. Pas d’Ollie à bord, car Ollie est mort. Ça grouille de coups de génie, à commencer par le dernier cut de l’album, «Run Run Run», fantastique clameur de fin de non-recevoir qui se termine en apothéose de clap-hands et de chœurs, alors qu’une bassline traverse tout ça comme si de rien n’était. Même chose avec le morceau titre qui sonne comme de la vieille grenaille de vieille garde. C’est le groove du dandy. Pas de meilleure expression du dandysme moderne que celle-ci, c’est une merveille de chaloupage balancé, you step outside of me, il sait de quoi il parle, let’s try another take, encore une expression de la béatitude, il revient toujours à son bottom baby et le bottomera jusqu’à la fin. Les descentes sont vertigineuses. Il démarre cet album faramineux avec «Only Heaven Knows» qu’il joue au gratté qui va et qui vient entre les reins d’un groove salué aux trompettes mariachi. Terrific ! The last dandy on earth ? Si Peter Perrett n’était plus de ce monde on dirait que ouiche, the last dandy on earth. Il chante «Cold Shoulder» au baryton des jours anciens. C’est même jugulé dans le juju du sableur et la trompette traîne la savate à la parade. Comme cette trompette lèche bien la prunicule du son ! Énorme ! Il chante son «Baby Come Home» de tout son cœur. C’est chaud et admirable, baby won’t you please come home, la trompette le suit à la trace, au fin du fin de la décadence sentimentale, baby won’t you please come home/ To/ Me. Fantastique allure que celle de «Wide Awake». Beaucoup de monde derrière et des chœurs sublimes. C’est d’un niveau si infiniment supérieur, une pop géniale et éclatante de bonne santé. Après tout ce temps, Kev aligne encore des hits, tiens, comme ce «Walk On Water» - But you know it’s only a show - Il sait de quoi il parle. Il donne une belle leçon de tenue avec cet énorme hit de funny face. Et ça continue avec «Friends And Strangers» - Funny how situations change - Il raconte ses souvenirs avec une telle abnégation ! On nous parle beaucoup de songwriters ici et là, mais ce sont des gens comme Kev qui font le sel de la terre. Une guitare jazz l’accompagne au long de ce big atmospherix. Cet album scintille comme un phare dans la nuit.
Le petit conseil qu’on pourrait donner aux ayerophiles serait d’écouter deux ou trois compiles, car il s’y trouve des préciosités qui valent leur pesant de cacahuètes en or, tiens par exemple Odd Ditties, un Harvest bourré d’outtakes paru en 1975 qui présente l’avantage de ne pas faire double emploi. Bien sûr on y croise le fatigué et mal au cul de «Puis-je», mais le «Stranger In Blue Suede Shoes» sonne vraiment comme un hit du Velvet. Ce sont effectivement les accords de «Waiting For The Man». On retrouve la fraîcheur de Kev dès «Soon Soon Soon», un cut prévu pour Joy Of A Toy et éjecté. On est en 1969. Encore un éjecté, «Singing A Song In The Morning», chanté à plusieurs voix d’hommes. Admirable. «Gemini Child» aurait dû atterrir sur Shooting At The Moon et on se demande bien pourquoi il atterrit ici. C’est excellent, on sent nettement la fierté du son et la clarté des intentions. Tous ces exclus sont des petites merveilles. En B, il duette avec Bridget St John sur «Jolie Madame» et il fait de l’exotica avec «Fake Mexican Tourist Blues». Fantastique sens de la dérision, il n’hésite pas à sortir son plus beau wanita banana. Et voilà un «Don’t Sing No More Sad Songs» viré de Bananamour, on se demande bien pourquoi. Dommage, car ça sent bon la décadence. Il boucle cette merveille lancinante au shoo be doo wah. Quel bel univers de pop anglaise.
Pour finir en beauté, on peut s’offrir un petit shoot d’élégance avec Singing The Bruise. BBC Sessions 1970-72, un compile parue en 1996. Ne serait-ce que pour y retrouver deux cuts de Soft, «We Did It Again» et «Why Are We Sleeping». Robert fait partie de l’aventure et Kev chante comme on le sait, à la perfection sensorielle. Dans «Gemini Suite», on entend Mike Oldfield on killer bass fuzz. Avec la décadence orale de Kev par dessus, ça donne un cocktail infiniment capiteux. «Oyster And The Flying Fish» est nettement plus calme. Archie Legget accompagne Kev qui gratte la guitarra a la playa. Et dans «Butterfly Dance», on le sent très retiré du monde. C’est un plaisir irradiant que de retrouver «Whatevershebringswesing», car c’est la chanson parfaite, d’autant plus parfaite que Kev la chante à la perfection. Merveille absolue, il n’existe rien de plus pur au plan mélodique - You ! You-ouh/ I’m talking to you/ Just for somthing to do - C’est d’une classe qui n’en finit plus de nous appeler à kel point Kev est un king. Il aura chanté toutes ses chansons pour de vrai. Et dans les BBC sessions, il se sent encore plus libre, alors c’est encore plus pour de vrai.
Signé : Cazengler, Kevain dieu la belle église !
Wilde Flowers. ST. Floating World Records 2015
Soft Machine. The Soft Machine. Probe 1968
Kevin Ayers. Joy Of A Toy. Harvest 1969
Kevin Ayers. Shooting At The Moon. Harvest 1970
Kevin Ayers. Whatevershebringswesing. Harvest 1971
Kevin Ayers. Bananamour. Harvest 1973
Kevin Ayers, John Cale, Eno, Nico. June 1, 1974. Island Records 1974
Kevin Ayers. The Confessions Of Dr. Dream And Other Stories. Island Records 1974
Kevin Ayers. Sweet Deceiver. Island Records 1975
Kevin Ayers. Yes We Have No Mananas. Harvest 1976
Kevin Ayers. Rainbow Takeaway. Harvest 1978
Kevin Ayers. That’s What You Get Babe. Harvest 1980
Kevin Ayers. Diamond Jake And The Queen of Pain. Charly 1983
Kevin Ayers. Déjà… Vu. Blau 1984
Kevin Ayers. As Close As You Think. Illuminated 1986
Kevin Ayers. Falling Up. Virgin 1988
Kevin Ayers. Still Life With Guitar. FNAC 1992
Kevin Ayers. The Unfairground. Lo-Max 2007
Kevin Ayers. Odd Ditties. Harvest 1975
Kevin Ayers. Singing The Bruise. BBC Sessions 1970-72. Band Of Joy 1996
Shooting At The Moon. The Collected Lyrics Of Kevin Ayers. Faber Music 2019
HOLLOW
BAWOL CHUC
Un groupe peut en cacher un autre. Les êtres humains possèdent plusieurs facettes. Certaines s'interpénètrent. Ainsi Chuc Bawol bassiste de Trash Heaven. Pour lui c'est facile de s'en rendre compte. Les pochettes des deux CD's de Trash Heaven, lui sont créditées. Musicien certes, mais aussi graphiste. Pas besoin d'une longue enquête pour dénicher son FB : Chuc Bawol Art.
Il existe deux sortes de créateurs ceux qui projettent leur monde intérieur sur le monde objectivé et ceux qui se laissent assaillir par l'extérieur du monde. Nous classerions les premiers parmi les contemplatifs et les second parmi les réacteurs. Ou s'imposer ou réagir. Nietzsche parlait d'apolliniens et de dionysiaques mais il se situait à un niveau d'appréhension métaphysique beaucoup plus élevé. Il est évident qu'il n'existe point de formes pures et donc ni de réalisations oeuvrales parfaites de ces deux postulations.
LES OBJETS FINIS DE CHUC BAWOL
Ou dépassés. Ou ajoutés, pour plagier l'expression réalité augmentée. La première photo permettra au lecteur de mieux comprendre. Une machine à laver transformée en boîte à livres. Nous sommes dans le réel le plus immédiat. En plein dans la mode du recyclage. Une idée généreuse semble-t-il, j'offre à qui le voudra ces bouquins qui ne m'intéressent plus, qui exprime la face sombre d'une réalité culturelle d'une société qui lit de moins en moins, lecture en voie de désaffection, le livre n'est plus un vecteur qui attire, l'on s'en débarrasse car l'on a encore – plus pour longtemps - honte de le jeter à la poubelle. Les objets nous trahissent en tant que moments d'espèce sociale, beaucoup plus que nous ne les améliorons...
Chuc Bawol me dément aussitôt à l'image suivante, l'a enjolivé des enjoliveurs de voiture. Retrouve en peignant d'adorables chiots l'art des bonbonnières cher aux dix-huitième siècle, quand le mignon rejoint le mignard. Descend de quelques siècles, jusqu'à taper dans l'antique en transformant des robots de cuisine en colonnes doriques, la cuisine est un temple où de vivants piliers... dixiset Baudelaire... Chuc Bawol est un intervenart, travaille pour le plaisir et à la commande, sur tous supports en utilisant de nombreuses techniques.
Chuc Bawol serait-il un adepte de l'art populaire au sens le plus noble de ce terme, il a même peint la girafe, plus l'éléphant, le lion, le tigre et le singe... non pas ceux du zoo de Vincennes, mais les éléments de ces manèges d'enfants de l'ancien temps sur lesquels vous avez peut-être usé vos couches-culottes. Nous avons oublié l'importance de l'art forain, aux moments de la déchristianisation du peuple il a établi la passation de pouvoir entre l'art didactiquement religieux des églises, proposant de premières icônes rutilantes d'un exotisme barbare ou de la modernité mécanique, à ce qui deviendra le dessin et la peinture publicitaires. Il existe une similitude entre le gospel qui sort des églises noires pour devenir blues, jazz, rhythm'n'blues et le rock'n'roll qui se répand en notre pays par l'entremise des fêtes foraines. Chuc Bawol s'adonne avec autant de plaisir aux images des premières voitures du siècle qu'aux festons, diadèmes, et médaillons qui ornent les attractions et les baraques à friandises, et comme le serpent de l'art se mord souvent la queue, ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi les baraques à gaufres sont toutes estampillées du nom de leur soit-disant propriétaire Mignon. N'avez-vous jamais dressé la généalogie qui nous mène des tableaux de Boucher aux représentations – Chuc Bawol n'y manque pas - des pin-up kallipyges. Vous vous en doutez Chuc Bawol customise aussi les instruments de musique : guitares, batteries...
L'OBJET INFINI DE CHUC BAWOL
Attention, un troisième train peut survenir après un deuxième. Chuc Bawol ne se contente pas de tenir la basse dans Trash Heaven. L'a son propre projet musical. L'a déjà confectionné la pochette du futur opus. L'enregistrement n'est pas terminé. Le confinement lui a interdit l'accès au studio... Sur son compte personnel sur Y.T. ChuckyDozArt sont entreposées deux vidéos.
D'abord la coupure. Ce n'est pas une œuvre de Chuc Bawol, c'est Chuc Bawol qui présente Hollow. Il est des titres qui sont comme des échos, entre Bawol et Hollow il existe une sonore correspondance. Je suis Hollow et je ne le suis pas. To be and not to be. Quand on se souvient que hollow signifie creux, la complexité se creuse. Le trou qui n'est pas existe-t-il, le néant est-il ?
L'imagerie nous aide-t-elle ? Une forme se dresse sur un rivage de fin du monde. Blanche et humaine. Ce que les anciens nommaient une ombre. Possède toutefois deux tentacules élancés. Telle la statue de la liberté elle lève la main. Démunie de torche. Au premier abord j'ai cru qu'elle tenait un œuf, c'était juste le contraire, la forme ovoïde est celle d'un crâne humain. Et puis cet œil rouge, ce large hublot au milieu de la poitrine, qui n'est pas sans rappeler celui de 2001 Odyssée de l'espace... Serions-nous donc après. Après notre propre présence.
Le titre en lettres blanches n'est pas d'un grand secours. The infinite cycle, qu'est-ce qu'un cycle qui serait infini, qui ne se terminerait jamais, mériterait-il le nom de cycle, ou alors ce singulier est-il une métaphore du pluriel, que le cycle s'achève et recommence sans fin. Inscrivant la présence de son imperfection dans l'absence de sa conclusion définitive.
SHADOWS ON THE WALL
Premier titre achevé de Hollow. Lyric Video. Pas du tout un dessin animé. Juste la pochette qui tremblotte, l'œil rouge qui vous suit du regard et qui ne dit rien comme s'il n'en pensait pas moins. Démarre par un clapotis de guitare précédé de lointain grondements métalliques, mais au bout d'une minute la musique devient plus forte, hard and rock, l'on devine que plus rien ne l'arrêtera, et une voix colérique et prophétique retentit comme si elle chuchotait très fort de terribles prophéties dans votre oreille. Le message est clair. Nous sommes en péril. Seule une minorité se sauvera. N'ayez pas peur, ceux qui commandent nous terrorisent en lâchant sur nous de terribles monstres. Ce ne sont que des ombres sur un mur. Nous voici en pleine allégorie de la caverne platonicienne. Rythmique de mastodonte qui avance lentement écrasant tout sous son passage, mais dessous la batterie galope et la guitare flambe.
INFINITE CYCLE
( Full Demo 1018 )
Shadows on the wall : voir plus haut. Crawling my way out : celui-ci est superbe, violent, avec un surprenant travail sur le vocal, une orchestration ultra-puissante qui sur-multiplie les effets obtenus dans le précédent. Il n'est pas facile de rompre le sortilège de ses propres peurs. Never too late : espoir et réussite, orchestration plantureuse, toujours ce vocal d'autant plus percussif que doucereux en sa profondeur. Musique de fête et de délivrance, idéale pour une scène de banquet dans un film qui se déroulerait aux lointaines époques médiévales. Infinite cycle : urgence et terreur. Il ne faut pas vendre la peau de l'ours sauvage après l'avoir tué, l'on a cru être tiré d'affaire et l'oppression se referme sur nous, batterie tapageuse, voix grognante, cymbales cinglantes, les mauvaises images s'insinuent en vous, vous trouvez toujours un mauvais prétexte pour les recevoir... et quand c'est terminé tout recommence. A l'infini. Très beau. Witness : sur le rivage, regarder le déferlement incessant des vagues, savoir que l'on peut échapper à la perpétuité, juste être un témoin, un guetteur qui sait que l'issue existe, même s'il faudra accepter de revoir les fausses images pour s'en défaire, pour ne leur accorder aucune importance. Musique qui s'amplifie tout en se calmant. Acceptation n'est pas soumission.
L'ensemble est colossal. Fonctionne un peu comme un opéra avec des thèmes qui reviennent et s'entremêlent, la voix de Chuc Bawol devient à elle seule un leitmotive au même titre que les parties musicales. Ne reste plus qu'à attendre que l'artwork se matérialise !
Damie Chad.
METAL 77 ( I )
EGOUTMETAL
Contrairement à la majorité silencieuse je pense que les goûts et les dégoûts se discutent très bien. Ne me suis pas rendu au concert de Pogo Car Crash Control à l'Empreinte de Savigny Le Temple, le 09 / 10 / 2020 car les conditions ( assis sagement et masque obligatoire, j'aime les gestes-barrières surtout quand elles sont levées ) me paraissaient peu appropriées à la tornadique musique des P3C. N'y aurait-il pas quelque part sur le net quelques mots qui traîneraient sur cette soirée, ce devait être ce que les Romains appelaient un jour faste, en quelques secondes je tombe sur ce que je cherchais. Non pas tout à fait. Beaucoup plus qu'un compte-rendu. Un filon d'or pur qui se pare du titre d'egoutmetal. Un blogue, mais avec un petit plus : une plume de celles qui volent au vent de l'abîme dans le coup de dés de Mallarmé, tenue fermement dans le poing serré d'une certaine Hellfist. Définit rapidement son projet, son projectile, sur-titré Chronique de concert de mauvais goût, une proclamation d'indépendance, qui rajoute deux poings sur le o de boxe, ne vise aucune objectivité, juste ce qu'elle a aimé ou détesté. Au résultat, des reports enjoués et jouissifs sur nombre de metal lives, que je vous engage à parcourir. Si vous voulez être convaincus commencez par exemple par la chro sur le concert de Sepultura. Les groupes du 77 ne sont pas oubliés, à tel point que certaines prestations se retrouvent répertoriées et sur égoutmetal et in kr'tnt ! Visions parallèles de groupes illustres !
LES APEROS METAL DU 77
Facile de savoir qui ne se cache pas derrière Hellfist, Hélène James Crochet (mon capitaine ), fan de metal et organisatrice de Les Apéros Metal du 77. Une idée simple, les fans de metal se retrouvent une fois par mois depuis février 2018 devant un verre ( ou plusieurs ) au Chaudron, les kr'tntreaders connaissent cette MJC du Mée-sur-Seine, près de Melun, qui dispose d'une salle de concerts où nous les avons traînés à maintes reprises. Le programme de ces soirées s'est vite diversifié, les simples papotages ont été agrémentés d'expositions photos, de jam-sessions, de projections en avant-première de clips tous chauds et autres gourmandises. C'est ce mercredi 14 octobre que s'est tenue la vingt-deuxième édition, dernière soirée avant confinement, consacrée à la release party de Hate and Fire le clip de BullRun, en présence des musiciens et de l'équipe de tournage, nous n' y étions pas, ce qui ne nous enlève pas le droit de le regarder. Et d'écouter. ( Voir plus loin ).
LE CHAMOIS SHOW
FEAT HELENE CROCHET
( 12 / 10 / 2020 )
C'est fou tout ce que l'on trouve de restaurants qui se nomment Le Chamois, mais LeChamois dont j'ignorais jusqu'à l'existence jusqu'à ce jour pourrait se définir en tant qu'artiste, vidéaste, humoriste, blogueur. Il a tout dernièrement lancé sur You Tube Le Chamois Show dans lequel il discute à bâtons rompus avec un invité. Pour sa deuxième émission, le hasard est parfois un allié surprenant et obstiné, Hélène Crochet était soumis à un feu de questions roulantes. Non pas du tout, une discussion sympathique sans indiscrétion fureteuse, au coin non pas d'un feu automnal mais de Skype and Twitch Que voulez-vous, comme disait Heidegger, quand l'homme ne maîtrise pas la technique, c'est la technique qui s'empare de l'Homme.
Premier sujet abordé - vous connaissez un peu – Les Apéros Métal du 77 initiés par Hélène, fan de Metal venue de Paris s'installer en Seine & Marne, sa surprise de comprendre que les amateurs ne se connaissent pas vraiment entre eux, se rencontrent dans le bruit et la fureur des concerts, puis bye-bye au revoir et au prochain. Petit aparté sur le concert des Pogo, cinquante personnes assises sur des chaises, baillons sur la bouche... Historique des Apéros jusqu'à trouver un lieu parfaitement adéquat, Le Chaudron, et le programme futur, BullRun de Nemours qui officient dans un mix Metallica / Stoner, la soirée Halloween de novembre, un petit topo sur les groupes de Provins peu aidés par la municipalité et loin de tout, nouvelle bière au Chaudron, passons...
Beaucoup plus intéressant, l'écriture des chroniques, Helene tient à garder sa liberté, elle a refusé d'écrire pour certains webzines qui désiraient qu'elle adoucisse son ton, ironie et impertinence sont les deux mamelles de la liberté, la conversation dévie sur les jeunes groupes, qui progressent très vite les deux premières années mais qui ne parviennent pas à s'imposer hors de leur milieu local, car gommant leur originalité, devenant conformistes... d'un autre côté la technique permet de sortir des productions de bon niveau assez rapidement, d'où un nombre impressionnant de groupes, se ressemblant un peu trop, et que l'on n'a pas le temps chronométrique d'écouter... danger des algorithmes qui te proposent ce que tu aimes et qui te cadenassent en toi-même... autre problématique chanter en français voir les groupes étrangers (indiens, mongols, japonais... ) qui utilisent leur idiomes maternels avec intégration leur culture nationale, évocation de Camion Blanc ( grandeurs et misères ) et des Editions de La Flamme Noire beaucoup plus qualiteuses, essais de définitions comparées du gore et du trash, passerelles entre rock et rap, rappeurs définis en tant que punks, prééminence des paroles rap, rap bling-bling, rap politique, rap social, fin de l'idolâtrie des groupes de rock façon Mötley Crüe, sex drugs and rock'n'roll idéal de vie un peu dépassé, retour au journalisme rock gonzo, rapports livres-cinéma, Kubrick, regards sur l'impact révolutionnaire et fondateur sur des créations ( films, disques ) qui paraissent aujourd'hui bien vieillottes, charmes du son-cassette pourri, collectionite... plutôt une conversation entre deux connaissances ravies de se rencontrer qu'une interview soigneusement préparée. Beaucoup de noms échangés mais l'ensemble est à écouter en tant que représentation d'une certaine sensibilité générationnelle d'aujourd'hui.
Damie Chad.
METAL 77 ( II )
BULLRUN
FIRE AND HATE
Clip : Julien Metternich
( Acteurs : Sylvain Pierre / Azi Liz Le Guern )
Méchamment bien fait. Tout repose sur les acteurs. Soyons précis sur les visages. Pas grand-chose, pas de grimaces, pas de rictus démoniaques, juste de la haine pure sur les méplats. Derrière vous avez toutes les flammes de l'enfer, l'agent orange des effets spéciaux. Mais vous n'y apportez aucune attention, il est des feux intérieurs qui brûlent bien plus fort que les flammes les plus hautes. Devant ça canarde pas mal. Normalement à la fin, vous devriez aligner trente cercueils, même pas besoin d'une simple caisse de sapin. Nos deux héros encaissent les coups – tous calibres – sans sourciller, ne sont pas immortels. Juste un homme et une femme. Cela ne change rien à l'affaire. Les armes sont fausses, les balles indolores. Paint ball ! Du faux-semblant. Du trucage. Aucune surprise finale. En moins de vingt secondes vous avez compris, que c'est du bluff, qu'ils ne vont pas s'entretuer, ni s'étriper devant vous. Spectateurs vampires vous n'aurez pas votre pinte de sang frais.
Factice. Mais c'est de même pour toute image de film. La réalité présentée est un mensonge. Poncif. Bavardage. Ou alors vous regardez autrement. Ce que cette vidéo montre c'est l'ambiguïté des sentiments. Qu'en une seconde tout peut changer. L'amour et la haine se disputent notre âme professait déjà Empédocle d'Agrigente, voici plus de 2500 années. L'arme la plus dangereuse réside en nous, le désir n'a pas de limite, il est tour à tour l'innocence du gentil petit chaperon rouge plein d'amour pour sa mère-grand et le loup cruel qui la bouffe toute crue...
Dispute de couple, chamaillerie d'amoureux, western érotique, tout ce que vous voudrez, avec le happy end final. Gros bisous. Palot ventouse. Romantisme rose à la fleur bleue pour la reine ou le roi de Prusse. Ils auront beaucoup d'enfants. C'est nous qui l'ajoutons. Peut-être oui. Sûrement que non. On s'en fout ce n'est pas cela qui brûle et nous cuit à feux doux.
Bien sûr il y a de la musique. Clip musical. Bande-son ( voir plus bas ) obligatoire. La preuve : vous voyez les musiciens jouer. Illustration imagée de Fire and hate, ou les ravages des feux de l'amour. Qui poussent au crime. Symbolique. Ou de sang. Toute cette violence que nous portons en nous, et que le rock'n'roll traduit à sa juste démesure, Julien Metternich et son équipe ont su le rendre visible et palpable. Regardez ce clip et vous aurez l'impression qu'autour de vous les gens s'agitent dans leur vie pour essayer de le parodier, avec moins de force incisive. Parfois l'Homme imite l'Art. En moins bien, ajouterait Baudelaire.
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BullRun a déjà sorti deux EP, very extended puisque de six titres chacun. Il est temps de les écouter. Rémy Gohard : vocal, bass / Gaël Berton : guitars / Marc Dezafit : drums.
DARK AMBER
( Avril 2017 )
Le titre de ce mini album pousse au rêve comme le poignard incite au crime. Certains ne voyant pas plus profond que la capacité jerrycanesque de leur estomac songeront à une bière sombrement ambrée. Nous préférons évoquer cette ambre anthracite que rejettent les cachalots sur les rivages nordiques. Déjà se profile dans nos imaginations la silhouette cauchemardesque du capitaine Achab guettant au milieu des tempête Moby Dick la maudite. Ou alors pour changer de bestiole, ces scorpions et ces araignées prisonniers invisibles de l'opacité de ces sombres ambres résineuses, dont les scientifiques espèrent extraire l'ADN afin de prochainement redonner vie à ces bêtes préhistoriques qui nous ont précédés sur cette planète. Bestiaire fascinant qui sied comme un gant à l'imaginaire Metal. La pochette est bien loin de nos imaginations. Un côté très western, américana, n'avancez pas, derrière ces barbelés, au bout de terres stériles et de landes incultes, vous ne distinguerez au fond de l'horizon ocre brûlé de soleil que les bâtiments délabrés du ranch de la désolation perfide. Il est vrai que ce premier opus de BullRun s'approche davantage des patterns hard rock'n'roll que des architectures hérissées du Metal extrême.
The Devil in me : sèche ta gratte, la grosse vague arrive dans quinze secondes, mais pas que, surtout la voix qui ronronne tel un diésel survitaminé. Le diable a pris les commandes, l'écrase le champignon et les passants sur la route. Ralentissement, freinage en douceur, la batterie éclate et les guitares prennent le devant. Bullrun dozer ! She 's coming : n'y a pas pire qu'une fille pour vous prendre la tête, le taureau qui fait la course en tête, en perd joliment les pédales, se lance, le morceau progresse par arrêts subits, genre crise cardiaque à cahots, mais non le muscle reprend, et bientôt il pompe à toute allure, titre bâti à la manière du précédent, hormis la structure en hachis parmentier qui n'oublie pas d'envoyer la purée, ne sont que trois mais le festin est partagé en parts égales. Faster than light : le bon vieux riff balancé en binaire, rien de surprenant, mais qui met le monde entier d'accord, petit délice supplémentaire la voix fraîche qui gambade par dessus, à la manière de la flamme sur le cordon de dynamite, un peu d'emphase dans les chœurs mais pas trop car quand on va plus vite que la lumière l'on n'a pas le temps de s'arrêter, même qu'ils accélèrent comme des tarés sur la fin. Genre de truc qui tue les mouches à chaque fois. Les éléphants et les fans ailés aussi. Highway glory : ces gars n'ont pas le hard ardu, plutôt hardi, c'est sur ce morceau que l'on s'aperçoit qu'ils poussent à chaque titre la machine un peu plus loin. Rémy force sur sa voix pour mieux taper dans l'aigu tout de suite après, Gaël en profite pour carboniser sa guitare, et Marc vous passe très fort le café de sa batterie qui semble exploser. Burn : facture typique, deux pistes de guitares qui se répondent et un vocal qui s'en vient cavaler à toute blinde par-dessus. Pouvez lâcher le troupeau de chèvres sur la plantation, elles vont vous la ratiboiser en moins de deux. Ne pas saisir avec les doigts. Brûlant. En plus, ils réussissent toujours particulièrement le dernier tiers du morceau. Dark amber : jettent toute la gomme du rock'n'roll, démontrent à l'envi qu'ils connaissent tous les plans et qu'ils tirent toutes les ficelles avec lesquelles ils vous ligotent. Sont balèzes sur le passage obligé du pont, vous en transforment la traversée en petite épopée.
Au total rien d' extrêmement novateur, mais l'on sent que le taureau aiguise ses cornes. Se prépare à tous les combats et à toutes les corridas. Evitez de l'énerver, bête nerveuse et vive. Un premier EP plus que prometteur.
WILDERNESS
( Mai 2020 )
BullRun aime nous contrarier. Ce qui revient à nous surprendre. Le paysage désolé de Dark Amber se prêterait mieux à cette Wilderness. Mais nous sommes loin des étendues naturelles, plongés en milieu urbain, aux tons froids et peu accueillants, au bord d'une navette ferroviaire futuriste qui fonce vers le no future.
Downtown : évident le groupe a gagné en puissance, l'a gardé toutes ses qualités, l'on ne sait ni pourquoi ni comment, mais ils abordent des zones moins ensoleillées, plus ombreuses, flotte une espèce de menace insidieuse, ce grondement de fond qui s'enfourne dans une vis sans fin comme le passage d'un siphon dangereux, la voix plus sourde, la batterie davantage catapultée et une guitare qui rampe telle un serpent et mord telle un fauve. Wilderness : viennent de loin, vont plus loin encore, force brute, compacte et ramassée, du mal à suivre, faut arrêter la piste et la remettre au début, le diable se niche dans les détails, z'ont des trouvailles qu'ils entassent dans une vitrine à bibelots précieux, trop nombreux pour que vous puissiez admirer. Sont devenus inventifs. Une qualité qui fait la différence. Z'ont affiné leur style, respectent le canevas originel, mais ils le cousent avec des fils d'or électriques. Passages instrumentaux luxurieux qui atteignent la densité d'une jungle impénétrable. Superbissimo. Fire and hate : le morceau choisi pour le clip, parfaitement équilibré et découpé, entre vocal et ground instrumental, une ponctuation parfaite pour une mise en images. Davantage dans la veine du premier EP, car ils ont misé sur l'efficacité et n'ont pas recherché à singulariser leur musique, bien envoyé et séquences distribuées avec sagesse. Redemption day : généralement l'on nous dit que les jours de rédemption ne sont pas prêts d'arriver, BullRun a fait le pari d'avancer la date qui recule sans cesse. Maintenant et tout de suite. Pas le temps d'attendre. Une batterie qui bat le beurre à toutes burnes tant qu'il est chaud, et c'est parti pour la grande accélération, vous avez un vocal légèrement growlé qui vous sonne la cloche de l'imminence exigée. Musique démonique. Roll your dice : sur une pente fatale, celle du devenir, la guitare se précipite, la batterie essaie de ralentir le mouvement, rien n'y fait, quand le vin du destin est tiré il faut le boire jusqu'à la lie. Jusqu'à la vie. Un sacré chamboulement, un ange n'y retrouverait pas ses ailes, le groupe se laisse aller et atteint une plénitude grandiose. Peut-être le meilleur titre du disque. Dust and sand : la voix devant qui mène la charge. Et la cavalerie derrière qui écrase tout sur son passage. Z'ont le pessimisme actif et tonitruant. Délicieuse partie de basse. Le morceau explose littéralement la sensation d'être pris dans une tempête de sable, un dust bowl qui vous engloutira. Impressionnant.
Ce deuxième EP tient les promesses du premier, il les réalise et les dépasse même. Heavy BullRun peut garder la tête haute. L'est sorti victorieux de ses premières courses. L'on attend le prochain avec impatience.
Damie Chad.
ROCKAMBOLESQUES
LES DOSSIERS SECRETS DU SSR
( Services secrets du rock 'n' rOll )
L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS
Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.
Lecteurs, ne posez pas de questions,
Voici quelques précisions
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Comment le Chef avait-il pu connaître l'auteur de L'homme à deux bras ! Il alluma un Coronado avant de me répondre.
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Elémentaire mon cher Chadson, devant l'imminence du danger qui guette le SSR, j'ai tenu à alerter quelques activistes rock dans le pays, il n'y a pas de raison qu'ils soient épargnés eux non plus, peut-être auraient-ils remarqué quelques faits suspects. Chou-fleur blanc en Bretagne, Sergio Kazh de Rockabilly Generation, un sacré fouineur, mais non il m'a affirmé que le calme plat régnait au pays des dolmens. Toutefois il a promis d'ouvrir l'œil, bon sang ne saurait menhir ! Pas la même musique sur la côte d'azur, j'ai discuté plus d'une heure avec Vince Rogers, je le félicite de sa long-box, mais il me dit qu'il lui manque une pièce essentielle pour finir son Rocking Move Project, le fameux L'homme à deux bras qu'Eddie Crescendo a écrit et dont aucune trace n'a été retrouvée dans son logement, alors que sa secrétaire est affirmative : le matin de sa disparition il en avait reçu dix exemplaires pour les services de presse...
Nous n'eûmes pas le temps d'épiloguer, le téléphone sonna, je décrochai, c'était Thérèse complètement affolée : Venez vite la maison a été cambriolée !
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Nous n'eûmes même pas besoin de pousser la grille du jardin pour être atterrés. Le sol avait été comme labouré, sur une profondeur d'au moins un mètre. Méthodiquement l'on avait creusé au pied de la dizaine d'arbres rachitiques de larges trous qui laissaient à nu leurs racines. Thérèse en larmes nous attendait au haut du perron. Le Chef en oublia d'allumer un Coronado. Un fouillis indescriptible, l'on avait vidé tous les meubles et jeté leur contenu par terre, je subis un choc en entrant dans la chambre, ils avaient emporté le cercueil d'Alfred. Mais Thérèse nous détrompa :
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Ce sont ses parents, ils sont venus le récupérer, ils ont toujours dit que je n'étais pas une fille assez bien pour leur fils, snif ! snif ! Et les voleurs ils ont même renversé la boîte à sucre !
Ce mince détail – les psychologues nous apprennent que lors d'évènements graves l'esprit retient de minuscules incidents – la fit sangloter de plus belle, elle défaillit et je me précipitais pour l'allonger sur le matelas qui gisait fort opportunément sur le plancher. Le Chef s'éloigna discrètement, les chiens flaireraient peut-être une piste dans le jardin annonça-t-il...
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Ouf je me sens mieux ! Déclara Thérèse, tout ce que je peux dire c'est que les voleurs n'aimaient pas lire, ils n'ont pas touché à la bibliothèque !
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Je n'ai pas vu un seul livre dans l'appartement !
Alors Thérèse me conduisit à la cave, l'antre d'Alfred, précisa-telle, un grand lecteur, en effet, le vaste espace avait été refait à neuf, les murs supportaient de larges et longs rayonnages, des milliers de livres soigneusement classés par collections, Alfred ne lisait que des romans policiers, un maniaque dit Thérèse, il ne supportait pas qu'ils soient dérangés, il les classait par ordre de parution, je feignis de m'extasier, lorsque je localisais les Séries Noires, l'air de rien je m'approchais de l'étagère, il y avait un vide entre les volumes 2036 et 2038 !
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Nous étions repartis, dans la voiture le chef semblait songeur. Il n'avait pas encore allumé un Coronado, je lui en fis la remarque. Sa réponse me stupéfia.
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Agent Chad, je pense vous imiter, je crois que vais suivre votre régime, un plateau de douze éclairs au chocolat ne saurait repousser un honnête homme, si vous êtes capable de nous ramener à la pâtisserie L'homme à deux mains, j'offre ma tournée ! Entre nous agent Chad, je vous trouve tout pâle, cette petite Thérèse vous épuise, vous avez besoin de réconfort !
Sur la banquette arrière les deux chiens remuèrent la queue ravis. Mais nous n'étions pas au bout de nos surprises. Au 12 rue François Premier, la pâtisserie avait disparu, remplacée par une modeste friterie. Je commandais deux hot dogs pour les fauves qui les dédaignèrent. Le patron se vexa : depuis quinze ans qu'il était installé à cet endroit, jamais un client et encore moins un chien affamé n'avait tiré une mine si dégoûtée à l'encontre de ses saucisses chaudes.
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Pas grave s'exclama le Chef tout réjoui, Thérèse nous préparera un petit encas ! Je l'entendis pousser un soupir de satisfaction lorsque de sa bouche s'exhala une première bouffée de Coronado.
La grille était cadenassée par une grosse chaîne rouillée. Un pancarte défraîchie indiquait que la maison était à vendre. Les marches du perron étaient recouvert de mousse. Des toiles d'araignées pendaient au contrevents. Une espèce de lichen jaunâtre recouvrait le jardin plat comme une limande... Une vieille femme promenait un westie centenaire, il frotta son museau sur celui de Molissito, nous renseigna, elle n'habitait pas loin, la villa attendait un acheteur depuis quinze ans...
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Le Chef était assis à son bureau. J'exprimais mon désarroi. Il alluma un Coronado et sourit :
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Agent Chad, c'est très simple, vous en savez autant que moi, mais vous ne réussissez pas à disposer les éléments en votre possession en perspective. Vous avez visionné le film de Vince Rogers sur les aventures d'Eddie Crescendo, contre qui se bat-il dans son sous-sol labyrinthique ?
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Des réplicants ! Vous insinuez que...
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Que nous avons été victimes d'une sombre machination. Crescendo est mort en 1997, nous sommes en 2020, la technique des réplicants a dû beaucoup évoluer durant ce laps de temps. Au siècle dernier, de grosses brutasses au langage de trisomiques attardés, aujourd'hui vous avez pu vous rendre compte qu'entre une jolie fille et une jeune réplicante, un être humain est incapable de faire la différence, vous avez fait l'amour avec L'Eve future de Villiers de l'Isle Adam !
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Est-ce possible Chef !
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J'irais plus loin, les tueurs de hier soir, des réplicants, la patronne et son mari, des réplicants, le facteur, un réplicant ! Une farce, une mise en scène calculée à la seconde près, je ne pense pas que l'on voulait vous tuer, il y a des manières bien plus expéditives et moins onéreuses pour éliminer un gêneur de petite envergure comme vous, agent Chad !
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Ils voulaient nous faire peur, Chef !
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Pas du tout, ils voulaient nous montrer qu'ils sont beaucoup plus forts que nous, qu'ils possèdent des moyens bien au-dessus des nôtres, ils espéraient que nous abandonnerions la lutte !
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Comment vous en êtes vous aperçu Chef ?
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Nous avons laissé neuf cadavres derrière nous hier soir, et pas une ligne dans les merdia aujourd'hui, et quand j'ai tapé Chez l'homme à deux mains sur mon ordi, je suis tombé sur Error 404 !
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Chef je suis abasourdi !
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Agent Chad, prenez vos cabots, demain matin au rapport, avec une véritable piste !
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Mais que dois-je chercher, Chef !
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Mais ça tombe sous le sens, la boîte à sucre !
( A suivre... )
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