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26/05/2021

KR'TNT ! 512 : TROGGS / EDGAR BROUGHTON BAND / IDLES / PAIGE ANDERSON & THE FEARLESS KIN / ROCKAMBOLESQUES XXXV

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

LIVRAISON 512

A ROCKLIT PRODUCTION

SINCE 2009

FB : KR'TNT KR'TNT

27 / 05 / 2021

 

TROGGS / EDGAR BROUGHTON BAND / IDLES

PAIGE ANDERSON

AND THE FEARLESS KIN

ROCKAMBOLESQUES

TEXTES + PHOTOS :  http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/

Sex & Troggs & rock’n’roll

 

Ah tiens, maintenant les bassistes s’autobiotent ? Celui-là s’appelle Pete Staples et il fut le bassman des Troggs. Ceux qui ont une mémoire d’éléphant se souviennent de son nom. Mais les gens pour la plupart ne se souviennent que du nom de Reg Presley et éventuellement de celui de Chris Britton qui à l’époque où il avait encore des cheveux pouvait rivaliser de frangisme avec Brian Jones.

Bon alors attention, Wild Thing - A Rocky Road n’est pas un classique littéraire. Pete Staples écrit un peu avec les pieds mais c’est peut-être ça qui fait le charme de son book. Ça nous repose des grands auteurs. C’est une sorte de bouffée d’air frais qu’on peut lire au printemps, histoire de rester en osmose avec le cosmos. Très important, l’osmose. Le problème aujourd’hui, c’est que l’osmose a subi une transformation radicale, comme si elle avait changé de sexe. On n’entre plus en osmose avec le cosmos mais en osmose avec la médiocrité. Alors merci Pete Staples de nous tirer de ce mauvais pas et de nous ramener aux Troggs.

Le book étant léger (180 pages), il s’avale d’un trait. Pete Staples nous raconte dans le détail la vie quotidienne des kids d’Andover, un bled paumé situé à 40 km au-dessus de Southampton, dans le Sud de l’Angleterre. Mais comme dans tous les bleds paumés d’Angleterre, les kids écoutent la radio et montent des groupes. Deux groupes d’Andover entrent en rivalité : les Emeralds dans lesquels Ronnie Bullis bat le beurre et les Ten Feet Five dans lesquels jouent Pete Staples et Chris Britton. C’est Ginger Mansfield, le lead guitar des ex-Emeralds qui embauche Reg Ball on bass et qui raconte comment est arrivé le nom des Troggs : une nuit sur l’A30, ils roulent en van et ramassent deux auto-stoppeuses. Les filles sont guillerettes, et voyant les amplis et les instruments, demandent comment s’appelle le groupe qui à ce moment-là n’a plus de nom. Alors elles proposent the Grotty Troggs à cause de l’ambiance caverneuse et ça passe mal, fuck off we’re not grotty et pouf, ils virent les deux filles. Mais ils gardent le nom de Troggs - Apparently it’s a short for trogglodyte - Les Troggs commencent à tourner et leur réputation grossit assez vite, un nommé Stan Phillips finance leur matériel et les met en contact avec Larry Page, l’ex-manager des Kinks, qui cherche de nouveaux poulains à plumer. C’est là que Ginger Mansfield quitte les Troggs qui du coup se retrouvent à deux : Reg Ball et Ronnie Bullis. Il leur faut un guitariste et un chanteur. De leur côté les Ten Feet Five se déplument, Pete Staples et Chris Britton se retrouvent eux aussi le bec dans l’eau. Et c’est là que se fait la fusion. Reg Ball passe au chant, Pete Staples prend la basse, Chris Britton gratte ses poux et Ronnie Bullis bat le beurre. Mais il faut aller à Londres, car en 1965, c’est là que se joue le destin du monde.

Larry Page va littéralement façonner les Troggs. Page fait ce que font tous les affairistes londoniens à l’époque, Mickie Most, Don Arden, Simon Napier-Bell et tous les autres, il flaire le jack-pot et prépare ses poulains comme des sportifs. Page monte Page One Records avec Dick James, le music publisher des Beatles. Page est donc à la fois manager et label des Troggs. Il empoche tout. Les Troggs n’ont pas grand chose à proposer, juste une pop song qui s’appelle «Lost Girl». Ils l’enregistrent à Londres et bien sûr, le single floppe. Alors Page fait ce que font tous les affairistes londoniens à l’époque : il va faire du shopping en Amérique. Il emmène son directeur musical Colin Fretcher et ils rencontrent Chip Taylor, un auteur renommé qui justement vient de pondre un truc qui s’appelle «Wild Thing», déjà enregistré en 1965 par les Wild Ones et qui n’a pas marché. Snarfff, snarfff, Page flaire le hit et de retour à Londres, il le file aux Troggs qui retroussent leurs manches. Gros boulot les gars, trois accords, La, Ré, Mi et le solo d’ocarina. Ils entrent en studio sur Regent Street et enregistrent deux trucs en trois quarts d’heure : «Wild Thing» et «With A Girl Like You». Une fois les deux cuts enregistrés, les Troggs rangent leur matériel dans leur van pour rentrer à Andover. Ils sont assez fatalistes et savent qu’ils doivent reprendre leurs boulots respectifs : Reg et Ronnie sur des chantiers de bâtiment, Pete comme électricien et Chris comme arpète dans un atelier de litho. Larry Page leur dit au revoir. On reste en contact, les gars, ne vous inquiétez pas ! Ouais c’est ça.

Larry Page grenouille sec dans le milieu et «Wild Thing» sort sur Fontana, le label des Pretties. Et soudain tout explose : en 1966, «Wild Thing» is number one in America et «With A Girl Like You» number one in the UK, at the same time précise Pete Staples avec un sourire malicieux. Et il ajoute qu’alors tout s’est accéléré - Things started to move very quickly - Les expressions de Pete Staples sont d’une justesse qui n’a d’égale que la simplicité de leur formulation. Il écrit comme s’il racontait l’histoire accoudé au bar, devant une pinte. C’est là très précisément que Larry Page façonne l’image médiatique des Troggs, soucieux de la façon dont ils vont apparaître dans la presse et à la télé. D’abord les pseudos, il rebaptise Reg Ball Reg Presley et Ronnie Bullis Ronnie Bond, puis il les envoie acheter leurs fameux striped suits chez Take 6, sur Carnaby Street, des costards couleur crème avec des rayures bleues et jaunes, oui, ceux qu’on voit sur les pochettes. Puis c’est le bal maudit des tournées. Les Troggs ne ramassent que 35 £ par semaine. Ils ne sont pas complètement cons et se disent qu’il y a un problème. Où passe le blé ? Ils en glissent un mot à leur protecteur d’Andover, Stan Phillips qui lui aussi soupçonne Larry Page et Dick James de se goinfrer sur le dos des Troggs. D’ailleurs Phillips surnomme Page et James Hookum and Crookum. Ah la rigolade ! Le problème c’est qu’Hookum and Crookum contrôlent tous les revenus des Troggs : ventes de disques et recettes de concerts - They had complete control over everything we earned and recorded - C’est là que les Troggs décident de casser leur contrat.

Au temps de leur gloire, les Troggs font une tournée avec les Walker Brothers et Dave Dee Dozy Beaky Mick & Titch. Les Troggs s’entendent bien avec John Maus et Gary Leeds, mais Scott Walker voyage à part et boit de l’eau de Vichy. Il passe pour un frimeur, mais on leur explique qu’il est en réalité très timide et très réservé. Dommage que Pete Staples ne s’étende pas sur les détails de cette tournée qui fut certainement historique.

Lorsqu’ils sont en tournée aux États-Unis, Marty Machat rentre en contact avec eux. Machat est un avocat de renom qui représente Phil Spector, Sam Cooke et les Stones. Il veut proposer un contrat aux Troggs. Lorsqu’ils entrent dans la pièce, il trouvent Machat les pieds sur son bureau. Il porte des cow-boy boots et un holster avec un vrai gun. Il leur propose de casser leur contrat et de les prendre sous son aile. Mais les Troggs ont la trouille de ce genre de mec et Stan Phillips les fait sortir du pays en douce, car évidemment, Machat les cherche partout. Les Troggs rentrent à Andover en bateau. Du pur Rouletabille !

Paru en 1966, From Nowhere porte un autre nom aux États-Unis : Wild Thing. C’est en gros la même pochette, avec une track-list différente, va savoir pourquoi. Quand on tient cet album dans les pattes, c’est un peu comme si on tenait le Swinging London, you make my heart sing/ You make everything groovy. Dès leur premier album, les Troggs atteignaient leur sommet. Bien sûr, les compos de Reg n’étaient pas aussi brillantes que celle de Chip Taylor, mais elles ne manquaient pas de charme, et Chris Britton ne ratait pas une occasion de passer un solo de fuzz guitar, comme dans l’excellent «From Home». Les Troggs veillaient alors à bien rester dans leur son trogglo. Mais ils dérapaient parfois dans la petite pop, comme avec «Hi Hi Hazel». C’est dingue ce qu’on a pu détester cette B-side d’EP à l’époque, une époque où forcément on attendait des miracles des Troggs. «Lost Girl» tenait bien la route, frénétique, avec son chant rampant, ses idées de son et Chris Britton y passait l’un de ces fulgurants killer solos flash dont il allait se faire une spécialité et devenir du même coup l’un de nos guitaristes préférés. Ils attaquaient leur bal de B avec cet excellent hit de Reg, «With A Girl Like You» et tout allait bien, l’oriflamme des Silver Sixties claquait au vent. En fait, Reg composait quasiment tout, comme encore ce «Our Love Will Still Be There» assez accrocheur. Ils tapaient plus loin «Your Love» au heavy gaga et on croyait entendre les Kinks de «You Really Got Me». Ils finissaient en apothéose avec l’un des sommets de l’art gaga et du proto-punk, l’imparable «I Want You». Même ambiance que «Wild Thing» mais en plus menaçant. Pur jus de proto-punk. Reg chante ça à la petite délinquance boutonneuse et le grand Chris Britton fait son entrée en lice, grand claqueur de killer solos flash devant l’éternel. S’il faut emmener un cut des Troggs sur l’île déserte, c’est «I Want You». Britton atteint à la perfection immanente.

Paru la même année, leur deuxième album s’appelle Trogglodynamite. Joli nom. On y trouve deux modèles du proto-punk : «I Can Only Give You Everything» et «I Want You To Come Into My Life». C’est le summum du fuzz system, les Them avaient testé le premier mais les Troggs tapent en plein dans le mille du gaga boom. Reg & Brit, Brit & Reg, ils sont la figure de proue du fuzz system britannique. «I Want You To Come Into My Life» ouvre le bal de la B et c’est à nouveau le vrai truc, ce que les Anglais appellent the real deal. Reg chante ça à l’insistance patentée, la la la, avec du regain d’intérêt plein la bouche en fin de couplet, cause it blows my mind ! On aime bien cet album car les Troggs adressent un beau clin d’œil à Bo avec «Mona», mais ce n’est pas Reg qui chante. On note aussi que Pete Staples ne figure pas sur la pochette. Mauvais cadre ? Va savoir. C’est là sur cet album que Reg commence à déconner avec sa petite pop inepte («Oh No» et «No 10 Downing Street»). Ah si les Troggs n’existaient pas, il faudrait les inventer ! Leur version de «Little Queenie» n’est pas bonne.

On se souvient de Cellophane comme d’une atroce déception. Ramené de Londres comme un trophée, la première écoute se solda par un moment de stupeur. Cellophane faillit bien passer par la fenêtre, mais heureusement, il n’y avait pas de fenêtre dans cette cave. À la réécoute et en creusant un peu, on trouvait du cro-magnon dans «Too Much Of A Good Thing», un cut darky et donc troggy. Reg tentait de sauver les meubles du bal d’A avec «All Of The Time», in the nasal way, à grands renforts d’échos de «With A Girl Like You». En B, ils tentaient de reprendre le contrôle de l’Angleterre avec «Her Emotion». Reg y sortait pour l’occasion son plus beau snarl et Chris Britton ses plus beaux nah nah nah, mais ça ne marche pas à tous les coups. À défaut d’être psychédélique, «When Will The Rain Come» était assez psychologique. Les Troggs tentaient le diable, mais le diable se refusait à eux, et donc cet album se refusait à nous, comme une fiancée frigide. On trouvait au bout le la B leur dernier grand hit des sixties, «Love Is All Around».

En 1968, les Troggs sont en perte de vitesse. Ils survivent dans les charts avec «Love Is All Around». Reg compose un «Little Girl» qui peine à grimper, et après c’est fini. Plus de hits. Tout va désormais reposer sur les recettes de concerts.

Par contre, les labels ne perdent pas le Nord, et on voit apparaître en 1968 Love Is All Around, un pressage américain sur Fontana. Incompréhensible. En fait, c’est une sorte de compile qui rassemble des merveilles dispersées sur les 45 tours, comme par exemple l’excellent «Gonna Make You», pur jus de Diddley beat, la petite pop raffinée d’«Anyway That You Want Me» et en B, l’autre monster smash des Troggs, «I Can’t Control Myself», ooooh no, l’hymne des wild kids du CEG Lemière, le bah bah bah bah bah bah qu’on scandait sur le perron avant de rentrer en classe. On se régalait aussi de «Give It To Me (All Your Love)», pure trogglodynamite et de «66 54321» et son claqué de basse derrière le snarl de Reg.

Comme l’indique son nom, Mixed Bag paru sur le Page One de Larry Page est un drôle de mélange. Ça va du pire au meilleur, le meilleur étant «Heads Or Tails» (ça cogne dans la mad psyché et du coup ça inespère), le pire étant «Say Darlin’» (où Chris Britton se prend pour un auteur, mais c’est pas beau, les Troggs singent Max la Menace et sont d’un ridicule qui en dit long sur leur manque de vision). Dommage, car ils font une belle ouverture de bal d’A avec «Surprise Surprise», un vieux run-up trogglodyte. Reg chante comme le roi des bricklayers d’Andover. On retrouve le troggly-trogglah dans «Purple Shades», ils jouent bien leur carte, c’est très spécial et cette espèce de freakbeat sert principalement à faire dresser l’oreille. Le pauvre Peter Staples apporte sa contribution avec «Marbles & Some Gum», mais son comedy act n’est pas beau. Ils ouvrent leur bal de B avec la petite pop d’«Hip Hip Hooray». Alors Reg sort son petit sucre de sa braguette de bricklayer, mais même quand il déconne et qu’il sonne comme Gérard Lenormand, lah nah nah, on l’adore quand même. Il fait le même genre de daube mais Gawd c’est les Troggs ! Lah nah nah, vas-y mon vieux Reginald, prends nous bien pour des cons. C’est avec «We Waited For Someone» qu’on retrouve le heavy drive des Trogglos. Aw, c’est plutôt heavy in the mortar, on retrouve ce mélange capiteux de petite pop stupide et de heavy trogglo tartiné à la truelle. C’est un mélange unique en Angleterre et Larry Page les fait sonner, for sure !

Comme Larry Page voit les ventes chuter, il incite Ronnie, Reg et Chris à enregistrer des albums solo. Pour Pete, c’est la fin des haricots. Mais il n’est pas au bout de ses surprises : un jour il est convoqué à une réunion chez Larry Page, sur Oxford Street. Ils y vont tous les quatre. À côté de Page se tient un conseiller qui prend la parole pour s’adresser à Pete : «Pete, the boys don’t want you in the group anymore.» Pete est scié. Bouche ouverte. Speechless, précise-t-il. Non seulement il ne s’y attendait pas, mais il ne comprend pas que ses vieux potos puissent le virer comme un chien. Les autres bien sûr ne disent rien. Le coup était préparé d’avance. Le pauvre Pete n’aura l’explication que quatre ans plus tard, quand un certain Mr Stark, le comptable des Troggs, qui continue à le voir chaque année pour l’audit des comptes, lui raconte que pendant qu’il était en voyage de noces, ses trois copains ont fait entrer en studio un certain Tony Murray pour jouer sur l’album Mixed Bag. Tony Murray jouait dans Vanity Fair, un groupe dont s’occupait aussi Larry Page. C’est là que le sort de Pete fut scellé, dans son dos, sans rien lui dire. C’est par Mr Stark que Pete apprend que Chris Britton a lui aussi quitté le groupe en 1972 pour aller monter un bar au Portugal. Et comme le dit si bien Pete, le groupe avait perdu en même temps deux de ses membres originaux et un son unique. Bon alors après tout ça, la suite de l’histoire des Troggs va prendre une nouvelle tournure.

On les retrouve en 1975 sur la fameux label de Larry Page, Penny Farthing, avec un album sans titre, The Troggs. Pourquoi fameux, au fait ? Parce que c’est sur Penny Farthing qu’est sorti le premier single des Hammersmith Gorillas, «You Really Got Me». The Troggs est un pur album de covers, certaines sont réussies, d’autres pas. Parmi les réussites, on trouve «I Got Love If You Want It», «Satisfaction» (joué à la heavyness avec un Reg au poil qui ramène tout son bazar des cavernes, le snarl, le snif et le schnouf), et en B, «Peggy Sue» (version bien teigneuse, Reg est excellent dans son rôle de Reg en rogne) et «Memphis Tennessee» (on sent bien que Reg aime le rock). Par contre ils font une version trogglodyte de «Good Vibrations», Reg chante ça à la rampante insidieuse et il ose y passer un solo d’ocarina. Ils font aussi une version punkoïde de «No Particular To Go». Reg continue de faire son proto-punk, longtemps après que les poètes aient disparu. On entend Peter Green faire des merveilles à l’acou sur «Summertime», et bon an mal an, l’album se tient plutôt bien.

L’année suivante, The Troggs Tapes paraît aussi sur Penny Farthing. À ne pas confondre avec l’autres Troggs Tapes qui est l’album des conversations. C’est maintenant Richard Moore qui joue de la guitare et il fait des merveilles sur «Down South To Georgia». Back to the basics avec «Gonna Make You», ce vieux shoot de Diddley beat. Vraiment impeccable, all mine. Colin Fletcher et Richaed Moore jouent tous les deux comme des cakes. Comme membres originaux, il ne reste plus que Reg et Ronnie dans les Troggs de 1976. Ils font un joli coup de trogglo sound sous le boisseau avec «We Rode Through The Night», et une balle basse s’en vient rôder au devant du mix. En B, ils reviennent à ce curieux mélange de trogglo et de sucre avec «Supergirl». Moore chante cette petite pop et Ronnie Bond chante le «Rolling Stone» qui arrive un peu plus loin. Les guitares restent délicieusement présentes et la basse vient lécher le cul du cut qui adore ça. Ils terminent avec une belle cover de «Walking The Dog». Reg ramène toute sa hargne trogglo, c’est bien en place, ils sifflent au coin des rues et Reg n’a jamais été aussi à l’aise dans son rôle de délinquant/bricklayer d’Andover.

En 1981, année de l’élection de François Mitterrand, les Troggs débarquent chez New Rose avec Black Bottom. Ils piquent une jolie petite crise de proto-punk avec «Strange Movies». Belle descente aux enfers du trogglo sound, Reg sait y faire, il reste dans l’esprit du ooooh noo de Can’t Control Myself. Avec «Bass For My Birthday», ils se tapent une jolie partie de chœurs trogglo, avec, comme on dit, un accent à couper au couteau. Puis ils virent glam avec «Little Pretty Thing», mais c’est du glam trogglo avec les accords de Marc Bolan. C’est très amusant et très réussi. En B, Reg s’en va faire du Cockney Rebel avec «I Don’t», il perd son côté trogglo et c’est moins rigolo. Puis il se fait une entorse à la cervelle en composant «Widge You», le plus numb des rocks trogglo. On note au passage que Chris Britton est de retour parmi les siens.

Leur deuxième album New Rose paraît huit ans plus tard et s’appelle Au, symbole chimique de l’or. Au dos, Chris Britton a bonne mine, mais Reg est un peu bouffi. Ils refont une version de «Strange Movies» et le vieux Reg ahane pour avoir du foin. Ils continuent leur besogne de recyclage avec «I Can’t Control Myself» et en B, avec «Wild Thing», «Walking The Dog», «Love Is All Around» et «With A Girl Like You». Du coup, l’album nous met mal à l’aise, car on voit bien que les Troggs n’ont plus rien dans la culotte. Ils sauvent leur destin avec «Maximum Overdrive», un big shoot de guitar slinging des cavernes. Chris Britton sait partir à point nommé, comme dirait Jean de La Fontaine.

L’histoire des Troggs s’achève en 1992 avec Athens Andover, un album mi-figue mi-raisin. En fait c’est un coup monté par Larry Page qu’on voit au dos avec les Troggs et qui sur la pochette intérieure raconte l’histoire du projet. Ce n’est pas l’Athens de la Grèce mais celle de la Georgia, aux États-Unis. Larry Page avait remarqué que REM reprenait «Love Is All Around» sur scène et il s’est dit que ce serait bien de rapprocher les deux groupes. Les Troggs sont donc allés enregistrer à Athens, Georgia, avec REM (sauf le chanteur). Quelle drôle d’idée ! Comment le plus provincial des groupes anglais peut-il espérer trouver chaussure à son pied dans ce genre de partenariat ? C’est absurde. L’album s’en ressent. Comme on le craignait, ils font du poppy des popettes. REM n’a jamais trempé dans le proto-punk. Si Larry Page avait contacté Blue Cheer ou les Stooges, on comprendrait mieux, mais REM ! Une fois de plus, c’est Chris Britton qui sauve les meubles sur des cuts comme «Turned Into Love». Reg fait ce qu’il peut, mais la teneur compositale est extrêmement faible. On perd complètement la trogglo. Il faut attendre la B pour trouver un peu de viande avec «I’m In Control», un cut signé Peter Holsapple. Reg est content quand on lui donne une bonne chanson à moudre, il peut alors retrouver sa vieille rogne. Mais il rechute aussitôt après avec «Don’t You Know», petite pop sucrée très sixties, comme si le romantisme n’allait pas bien aux cro-magnons. Reg nous fait le coup du joli chant du cygne trogglo avec «What’s Your Game» et ils terminent d’une façon éblouissante avec «Hot Stuff» qui n’est celui des Stones, mais une compo de Larry Page. Chris Britton claque ses merveilleux power chords comme en 1965 et Reg rampe dans la caverne. Ils sont géniaux quand ils sont dans leur élément.

Autant le dire franchement, les Troggs étaient avant toute chose LE groupe des grands singles. On trouve sur Repertoire un triple CD, The Singles A & Bs, qui en rassemble la quasi-intégralité et ce petit objet fait plus de dégâts que n’en firent les deux bombes atomiques américaines. Larry Page ne se gourait pas en inventant le mot Trogglodynamite. Par sa densité, ce triple CD balaye tous les albums des Troggs. «Lost Girl» sonne comme une apparition de la Vierge, «Wild Thing» reste intemporel, «From Home» est tiré à quatre épingles et «With A Girl Like You» n’a rien perdu de son aura mythique. «I Want You» revient nous sonner les cloches, ah comme on vénère cette mélasse gluante d’I can’t stand alone on my own, chaque note là-dedans est parfaite, tout le proto-punk anglais se trouve dans ce solo claqué avec une violence irréelle. Alors bien sûr on se gargarise une fois de plus d’«I Can’t Control Myself», you got me so that/ My nerves/ Are... breaking, vas-y, bats-moi ça ! C’est impossible. Et puis ça repart en mode Diddley beat, baby, avec «Gonna Make You», all mine. S’ensuit un «When Will The Rain Come», assez invasif, culte à 100%, pur jus de psyché anglais. Ils font aussi l’«Evil Woman» que fait Spooky Tooth sur Spooky Two. Alors là bravo ! Sur le disk 2, «Jingle Jangle» va te ramener dans Carnaby Street vite fait. Le souffle du temps passé... Ah comme c’est déjà loin. La nostalgie te pince comme un crabe. Et puis il y a ces hits proto-punk monstrueux qui ne sont même pas sur les albums, et c’est surtout pour ça qu’il faut rapatrier cette mini-box. Premier exemple avec «Lover» - Make me understand - Quelle allure ! C’est violemment bon, en plein dans cet esprit purement british du proto-punk, les Troggs savent créer les conditions, c’est gratté dans la douleur et chanté à l’insidieuse menaçante, celle qui te fout la trouille. On reste dans le heavy trogglodynamisme avec «Come Now», because you’re mine, c’est d’une rare violence dégueulasse, avec une basse qui pouette dans le gras du son. Quel groupe fascinant ! Ils développent des puissances insoupçonnables. Tiens encore un truc qui va te faire tomber de ta chaise : «Feels Like A Woman», heavy blast de proto-punk des enfers trogglo, joué au stomp avec des claqués de disto, et toujours cette morve infâme de move me but now you’re driving me wild, l’ambiance est sous la braise, t’as qu’à voir. On retrouve plus loin l’incroyable «Strange Movies», d’une violence inespérée, et cette violence inespérée, c’est la grandeur des Troggs, Reg ahane la bite à l’air, il est éperdu de délinquance, la violence flirte avec le génie, le cut est ravagé par la faucheuse des Troggs. On retrouve à la suite les covers baroques de 1975, «Good Vibrations», «Summertime», «Satisfaction» (bien gratté au sec de trogglo), «Memphis Tennessee» (just perfect) et l’infernal «Peggy Sue». Ça patine un peu sur le disk 3, même si «Gonna Make You» rallume le flambeau du Diddley beat, même si «Get You Tonight» développe une énorme énergie trogglo avec sa guitare en liberté, même si «Just A Little Too Much» en bouche un coin avec son killer solo flash et l’imparabilité de sa haute voltige, même si «Fast Train» reste d’une vigueur exemplaire et «Every Little Thing» d’une candeur toxique. La pop de Reg quand elle est bien foutue n’est pas à prendre à la légère. Tout se termine avec d’incroyables singles solo de Reg, comme par exemple sa version de «Wichita Lineman». Reg se tape un coup de Jimmy Webb. Il est magique avec sa truelle. Quel mélange ! Reg est un vieux gamin qui aime les bonbons. Avec «Young & Beautiful», il continue de charcler son vieux rock trogglo, c’est excellent. Reg la joue serré. Et ça continue avec «‘S Down To You Marianne». Quel immense privilège que de pouvoir écouter ces singles ! Et ça se termine avec «Hey Little Girl». La voix de Reg reste l’une des plus distinctives du Swinging London. On est fier d’avoir adoré ce vieux bricklayer et sa petite pop de mains calleuses.

Et comme c’est l’usage, l’arnaque dont furent victimes les Troggs a fini dans les pattes d’un juge qui en 1985, leur accorda la somme royale de 70 000 £ en guise de dédommagement. Mais Dick James cassa sa pipe au moment du verdict et les Troggs durent encore poireauter un an avant de palper les billets. Mais attention, tout le monde n’a pas palpé pareil. Reg a emplâtré 43 000 £, 11 000 £ sont allés aux avocats et les trois autres ont récupéré un peu moins de 5 000 £ chacun. Pete Staples demanda alors à Reg de faire un effort en souvenir du bon vieux temps. Ah bah non, Reg n’a pas voulu partager. Va te faire cuire un œuf. Bienvenue au royaume magique des Troggs !

Signé : Cazengler, Trogg de bique

Troggs. From Nowhere. Fontana 1966

Troggs. Trogglodynamite. Fontana 1966

Troggs. Cellophane. Page One 1967

Troggs. Love Is All Around. Fontana 1968

Troggs. Mixed Bag. Page One 1968

Troggs. The Troggs. Penny Farthing 1975

Troggs. The Troggs Tapes. Penny Farthing 1976

Troggs. Black Bottom. New Rose Records 1981

Troggs. Au. New Rose Records 1989

Troggs. Athens Andover. Essential 1992

Troggs. The Singles A & Bs. Repertoire

Pete Staples. Wild Thing. A Rocky Road. New Haven Publishing Ltd 2017

 

EDGAR DU NORD

Voici cinquante ans, the Edgar Broughton Band enflamma quelques imaginaires, notamment ceux d’une poignée de lycéens affamés de proto-punk. Rien qu’à voir les frères Broughton en photo, on frétillait comme des gardons. Avec Third World War, les Pretties et les Deviants, ils étaient le fer de lance de la délivrance, l’emblème de la pouille, l’apanage du freakout des alpages. Ils n’avaient même pas besoin de chanter pour devenir légendaires, on se donnait à eux corps et âmes, comme des folles en chaleur. Mais dès qu’ils drop-outaient leur Beefheart Blues, on entrait en osmose avec des syncopes subliminales, pas besoin de fumer ta fucking résine de cour de récré, les frères Broughton t’amenaient le pandémonium sur un plateau - Out Demons out - Ils trimballaient une réputation d’anars à l’Anglaise, working-class des Midlands, hairy triumvirate, les deux frères Broughton accompagnés du copain d’enfance Arthur Grant à la basse étaient de tous les coups, notamment les free festivals organisés par les Hell’s Angels. Ils entrèrent aussi en contact avec la Fraction Armée Rouge, lors d’une tournée en Allemagne.

Mojo leur octroie princièrement six pages, mais pas la couve, qui revient à Robert Smith. Smith vend mieux, on connaît la chanson. Dans la double d’ouverture, ils posent tous les quatre avec Victor Unitt, un guitariste qu’ils partageaient avec les Pretties. C’est Vic qu’on entend dans Parachute. Adrian Boot plonge dans les racines de frères Broughton et déterre histoires marrantes. Dans le HLM de Warwick où ils ont grandi, tout le monde gueulait, ça politisait à outrance, avec un dad socialiste et une mum activiste communiste qui organisait des coups, ah les veinards, et c’est pas fini, car chez les Broughton, c’était table ouverte, tous les kids de l’immeuble traînaient dans l’appart, a kind of club for kids, et dad collectionnait les disques de blues. Jusqu’au jour où il ramène à la maison deux 78 tours de Little Richard - Listen to these, boys ! - Et pouf c’est parti pour les super-veinards. Des parents coco qui écoutent Little Richard, ça fait rêver. Et ça change la mise. Steve Broughton raconte que ce jour-là, son père s’est mis à danser en secouant ses cheveux. Charles Perrault n’aurait pu imaginer plan plus féérique.

À dix ans, Edgar reçoit un ukulele pour son annive. Et quand son frère Steve demande deux ans plus tard un truc un peu plus bruyant qu’un ukulele, ses parents lui offrent une caisse claire d’occase. Pas étonnant qu’ils finissent par monter un groupe. Edgar écrit même des chansons, t’as qu’à voir. Tony And The Talons deviennent The Edgar Broughton Band, avec mum & dad en road crew et c’est là où leur histoire devient géniale. Dad Broughton s’occupe de la batterie et du light show, mum conduit le van et s’occupe du booking. Elle n’a qu’un seul regret : d’être née trop tôt, car elle aurait voulu jouer dans le groupe - I should have been with you lot.

Le groupe commence par taper des covers de Wolf, mais Edgar se dit très influencé par ce qu’il entend chez John Peel, notamment John Fahey et Captain Beefheart - Lumpy dirty blues and surreal lyrics. I liked the madness - Comme quoi, les bonnes influences, ça ne pardonne pas. Mais aussi les Fugs de Tenderness Junction qui sont la source d’Out Demons Out. On s’en souvient, les Fugs avaient entrepris de chanter Out Demons Out devant le Pentagone pour le faire léviter et débarrasser l’Amérique de ce chancre étatique.

Quand ils s’installent à Londres, Edgar, Steve et Arthur choisissent bien évidemment Ladbroke Grove. Ils signent avec Blackhill Enterprises, l’agence de Peter Jenner qui s’occupe déjà du Pink Flyod. C’est lui Jenner qui les envoie chez Harvest. Quand l’Edgar Broughton Band commence à jouer à Londres, ils attirent aussitôt les Hell’s Angels, qui vont suivre tous leurs concerts, et même en organiser. Okay les gars, disent mum and dad, mais vous déposez les armes avant. Un service d’ordre, oui, mais sans baston.

La copie de Wasa Wasa qui est ici vient du Rock On stall de Soho Market. Le gros vendeur bourru qui devait être Roger Armstrong nous reprenait lorsqu’on prononçait mal le nom de Broughton. No, disait-il, Brrrooohhh. Dénicher la pochette à la chandelle de Wasa Wasa fut l’un de ces grands moments magiques que Rock On vous permettait de vivre. Sur le stall on côtoyait des Teds en edwardian drapesuit bleu clair, chemise à jabot, des bagues plein des doigts et des pompadours oh so flashy. Wow comme ces mecs savaient s’habiller ! Les Teds des early seventies avaient quelque chose de spectaculaire, au cœur de Londres. Certains pouvaient rivaliser de beauté avec Vince Taylor. Wasa Wasa n’a rien à voir avec les London Teds, mais si on y réfléchit cinq minutes, on finit par comprendre que ce n’est pas un hasard si tout est concentré au même endroit : Broughton, Rock On, les London Teds et les singles Sun : on est au cœur du noyau magique de l’Underground, et tous les gens qui sont là viennent s’approvisionner au même endroit. Wasa Wasa c’est la même chose qu’un single Sun, un Graal. L’objet d’une quête. Rentré au bercail, c’est encore pire : dès «Death Of An Electric Citizen», on entre en religion. Edgar fait son Beefheart qui est déjà ici une sorte de dieu païen. Edgar et les deux autres s’ancrent dans la réalité de leur son. Arthur Grant gratte son bassmatic avec une maladresse qui fend le cœur. C’est dingue ce qu’on a pu adorer ces trois pouilleux. Avec «Why Can’t Somebody Love Me», ils élevaient le proto-punk au rang d’art majeur. Edgar grattait ses poux et chantait à l’arrache de cro-magnon. Comme chez Wolf, le diable et tous ses démons rôdaient dans l’ombre d’«Evil». Sur ce premier album, Arthur était très présent dans le son. Sur le «Cryin’» d’ouverture du bal de B, il bassmatiquait à l’anglaise, classique et bavard à la fois, multipliant les figures de style sur la hauteur du manche, il descendait et remontait en rythmant ses syncopes. Et puis avec «Love In the Rain», le géant Victor Broughton s’adressait à l’océan du haut d’un rocher de Guernesey. Fan-tas-tique shouter !

Leur deuxième album nommé Sing Brother Sing était plus expérimental. Edgar nous embarquait pour Cythère dès «There’s No Vibration But Wait». Seuls les Anglais pouvaient bricoler un groove aussi ensorcelant - Negative/ negative/ Negative - Puis ils recréaient l’apanage du proto-punk avec «Momma’s Reward», un cut abrasif et définitif, beefheartien en diable, qui les projetait au sommet d’un art si ingrat. Et puis en B, on voyait Edgar chanter «Old Gopher» par dessus les toits de la vieille Angleterre, claquant à la revoyure un solo juteux maintenu en balancement. C’est le groove des ours. Ou le groove patibulaire, si tu préfères.

Et puis les choses allaient commencer à se détériorer. On attendait monts et merveilles de leur troisième album sans titre paru l’année suivante et qu’on appelle aussi l’album de la barbaque, à cause des quartiers de viande accrochés sur la pochette. Le son évolue avec Victor Unitt qui a rejoint le trio. Back to the proto-punk avec «The Birth» : âpreté du chant et beat tribal, avec Art en contre-bas de la caverne. C’est vrai qu’avec Victor dans le son, ils sont à l’abri du besoin. Ils adorent la heavyness, comme le montre encore «Don’t I Even Know Which Day It Is». Victor ramène son son spacey dans la soupe aux choux. C’est en B que se joue le destin de la barbaque, et ce dès «House Of Turnabout» bien secoué des castagnettes. C’est lardé de beat, ils sonnent comme une vraie fratrie des cavernes. Ils rééditent l’exploit du Negative/Negative avec «Manhatter» et Victor transperce le cœur du mystère d’un solo de désaille pure. Ils partent en dérive orbito-groovytale. Et puis avec «Getting Hard», Edgar montre qu’il peut rivaliser de puissance avec le James Brown d’«It’s A Man’s Man’s World». Ce fantastique mélopif est plein de revienzy.

Mais la tournure que prennent les choses ne plait pas aux frères Broughton. Peter Jenner est trop showbiz pour eux. En plus, ils aimeraient bien aller jouer aux États-Unis mais Jenner n’a pas les contacts. Alors ils arrêtent les frais et vont chez World Wide Artists, un agence qui s’occupe de Sabbath, de Stray, des Groundhogs... et des Hollywood Brats. Mais les frères Broughton comprennent très vite qu’ils font une énorme connerie, car l’agence est gérée par le mob londonien. C’est le célèbre Wilf Pine dont parle Andrew Matheson dans ses mémoires qui fait office de bodyguard et de producteur.

C’est donc pendant la sombre période World Wide qu’ils enregistrent In Side Out. On y retrouve un peu de proto-punk («I Got Mad»), way back to the cro-magnon protocole. Même chose avec «The Rake» : back to the big Brrrrohhh sound. On les voit ramer comme des galériens pour remonter la pente dans «Gone Blue», mais ce n’est pas simple. Ils ramènent pourtant du son, mais on est loin de Wasa Wasa. Ils font autre chose, ils compensent, comme tous les has-been. Et puis soudain le miracle se produit avec «If It’s Not You». Ils savent allumer la gueule d’un cut, pas de problème. Ils renouent avec le balancement du big Brrrohhh System, ce ressac antique que les autres groupes anglais n’ont pas, Edgar ressort sa voix incroyablement abrasive dans le balancement du groove, Victor Unitt joue dans la couenne du son, il larde le lard de Brrrohh, c’est une pulsation antique et païenne à la fois, du heavy growl, sombre et caverneux. Edgar mélange Beefheart et Wolf, c’est un véritable coup de génie, et derrière, les autres font I wanna go home...

Dans la foulée, ils enregistrent l’excellent Oora, un Harvest qui s’arrache aujourd’hui à prix d’or. Edgar et ses amis virent plus prog, comme le montre l’«Hurricane Man» d’ouverture de bal d’A, mais on sent des tendances considérables et sur le tard, Vic Unitt pique une crise mémorable. Ce mec est capable de coups d’éclat sans précédent, alors qu’Edgar se contente de maintenir les sens en éveil. Comme entrée en matière, c’est très convenable. Cet album pourrait bien être celui de Vic car il devient fascinant dans «Eviction». Il ne joue que des notes très pertinentes et Edgar fait son Beefheart. On se régale. Vic fait encore des siennes dans «Roccococooler», en jouant des arpèges à la surface d’une nappe de fuzz. Tout est délicieusement étrange sur cet album et c’est exactement ce qu’on attend des Broughton Bros. Ils sont capables de belle pop, comme le montre «Oh You Crazy Boy», une belle pop qui se laisse désirer, primitive et victorienne à la fois. Edgar ramène sa niaque dans «Things On My Mind» et revient à la pop pour «Exhibition From A New Museum». Pop, oui, mais quelle allure ! Edgar drive son monde avec classe, et derrière les filles font pah pah pah, et pas n’importe quelles filles puisqu’il s’agit de Doris Troy et de Madeline Bell. C’est en B que se dénoue l’énigme d’Oora, avec cette suite impérieuse en quatre temps, «Face From A Window/Pretty/Hi-Jack Boogie/Slow Down» : back to the Unitt System, c’est plein d’esprit avec du Broughton en veux-tu en voilà. High energy ! Leur Hi-Jack est du pur proto-punk de Ladbroke Grove, cette fantastique clameur des cavernes et ça dégringole dans le Slow Down, ah il faut écouter ces mecs, car ils sont tellement puissants. Oora, on se souviendra de toa.

Les Broughton finissent par se débarrasser de World Wide en les poursuivant devant un tribunal et retrouvent leur indépendance.

Sur la pochette de Bandages, on voit la terre enveloppée dans des pansements. Vic n’est plus là et ça s’entend. Un certain John Thomas le remplace. Pour le reste qu’on se rassure, les quatre Broughton Band sont toujours aussi barbus et chevelus. Mais l’album s’annonce mal, avec ce «Get A Rise» privé de toute crédibilité. C’est un gospel de pouilleux que chante Lei Aloah Mei. Puis on les voit faire du bucolique ridicule («Speak Down The Wires»), du chant des baleines («The Whale») et il faut attendre «Love Gang» pour retrouver enfin la caverne. Edgar retrouve enfin sa démesure de cro-magnon, le heavy power, l’outrance de la prestance poilue, c’est réconfortant, mais triste en même temps, car tout l’album devrait sonner ainsi. Ils repartent aussitôt après en mode petite pop décalée, on croirait entendre les Three Dog Night, et leurs tentatives folk-pop sont absolument désastreuses. C’est incompréhensible, de la part de gens aussi doués. Ça bascule dans l’hippie-doom avec «Fruhling Flowers», on perd l’Edgar anar, ils font n’importe quoi et ça se termine en eau de boudin avec «I Want To Lie».

En 1979, on avait laissé tomber l’Edgar Broughton Band. Ce n’est que bien plus tard, en croisant Parlez vous English? dans un bac que la curiosité l’emporta sur l’avarice. Quelle ne fut pas notre surprise de voir ce groupe jadis si caverneux faire de la petite pop ! Pourtant, les deux photos, celle du dos et celle de l’intérieur du gatefold, nous montrent un Broughton Band barbu, chevelu et en cuir noir, c’est-à-dire fidèle à sa réputation. Peter Tolson (orthographié Tolsen) a remplacé Victor Unitt. Il faut se souvenir qu’il existe un lien très fort entre les Pretties et l’Edgar Broughton Band : ils se prêtent leurs guitaristes. Victor Unitt joue sur Parachute et Peter Tolson sur les trois albums Swan Song des Pretties. Le seul cut sauvable du bal d’A s’appelle «Megaglamster» et c’est en B qu’on voit le proto-punk refaire son apparition avec «Revelations One». Mais il arrive après la bataille, alors appelons ça du dada des cavernes. Ils bafouent ces lois de la raison que le cœur ignore. On croirait entendre Pere Ubu, les gars ! Ils font avec «Rentasong» une espèce de boogie rock élastique, presque rockab et retrouvent enfin des couleurs avec «Young Boys», typique du rock des Pretties à la même époque : assez classique mais pertinent, sans doute le cut le plus intéressant de cet album étrange. Ils terminent avec «All I Want To Be», un balladif de romantica un peu larmoyant, with you. De toute évidence, il veut être avec elle.

Il faut être sacrément fan pour aller écouter ce Superchip paru en 1982. L’Edgar Broughton Band des années 80 ? Ils n’échappent pas à la règle de la prod pourrie, même si Edgar ramène son singalong beefheartien dans la java de «Metal Sunday». C’est assez convaincu d’avance, mais il y a deux problèmes : un, on entend des chœurs festifs à la Queen et des synthés, et deux, ils ont tous les trois le cheveux courts et le menton rasé. Ils ressemblent à des garçons coiffeurs. On voit Edgar barrer en vrille à la fin de «We Only Fade Away», puis se fourvoyer dans des horreurs cucul la praline («Outrageous Behaviour»). Il tâtent même de la décadence avec «Nighthogs». Ils ramènent du son dans «Innocent Birthday», le cut est bizarre mais l’intention prévaut. Ils chantent «Pratfall» à plusieurs pour un résultat admirable et terminent en beauté avec une merveille titrée «Goodbye Ancient Homeland», et là oui, ils renouent avec une espèce de pop jouissive digne des grands jukes, alors on les salue pour ce joli rebondissement.

Les fans de Brrroohhh ont tous fait main basse sur ce Keep Them Freaks A Rollin’. Live At Abbey Road 1969 paru en 2004. On y entend des choses qui ne sont pas sur les albums comme par exemple cette version stupéfiante de «Smokestack Lightning». Ce démon d’Edgar en a les moyens, pas de problème, il a tout ce qu’il faut à la cave. Il fait son Wolf dans la nuit, sans répit, il gratte tout le saint-frusquin sur sa Strato, c’est un vrai gars du weird. Il tient dix minutes et vire un peu glam. Ils reprennent aussi l’excellent «Refugee» tiré de Sing Brother Sing. Un peu funèbre, mais bon, c’est Bro. Il fait son gospel des cavernes, il ramène tout le groove de la mort qui rôde. S’ensuit un hommage à Beefheart avec «Dropout Boogie». Edgar barbouille le mythe de gras, il le fait plus au chant qu’à la guitare, c’est dire son degré d’implication. Back to the proto-punk avec «Momma’s Reward». Il n’existe rien de plus proto-punk sur cette terre que cette énormité rampante. Toute la folie du genre est là, c’est heavy et provoquant à la fois. Il chante à la chaudière ardente avec du solo de gras double. Et ça se termine avec l’imparable «Out Demons Out», qui ne figure sur aucun album, c’est seulement un single sous une pochette rouge. Belle intro tribale et Edgar lance son gospel batch de doo dada doo alrite. Les fidèles claquent des mains et reprennent l’incantation en chœur. Jusqu’au moment où la machine Broughton se met en route, c’est l’infernal power des cavernes, et Edgar balance son gras double, il descend dans l’arène à la note sanglante, on voit bien qu’ils sont dépassés par leur grandeur.

Il existe une autre compile marrante de la BBC, Demons At The Beeb. On y trouve une version bien dégringolée de «Why Can’t Somebody Love Me», c’est même une avalanche de proto-punk, Edgar éructe au son cru, il gueule dans la plaine comme un Attila qui aurait perdu son armée. Il se situe à l’apogée de la purée, il brûle tous les ponts et claque du solo exacerbé, et derrière lui, cette bête de Grant joue un bassmatic de Gévaudan. Belle version malveillante de «Call Me A Liar» un peu plus loin et retour au big biz avec «The Rake». Ils sont là pour fendre des crânes alors ils fendent des crânes. C’est une atroce démonstration de force. Avec «I Get Mad», ils vont sur l’essentiel. C’est le réflexe des loups et c’est exactement ce qu’on entend, une meute qui fonce sur sa proie. Et bien sûr, on retrouve l’excellent «Out Demons Out» que Steve bat à la diable. Dommage que la version soit flinguée par le chant de la pluie qu’entonnèrent les hippies à Woodstock. C’est n’importe quoi.

Tous les ceusses qui n’ont pas vu l’Edgar Broughton Band sur scène ont de la chance : hormis YouTube, il existe deux DVD dans le commerce, l’un qui remonte à leurs débuts et l’autre qui nous les montre en 2006, en fin de parcours. Le premier qui n’a pas de titre remonte donc aux early seventies, c’est filmé en Allemagne, avec toute l’efficacité colorimétrique du Beat Club, mais ces abrutis collent des paroles sur les visages pendant «American Soldier Boy». Avec ses yeux au ciel, Steve Broughton ressemble au Christ et Art porte une croix de Malte. Ils commencent à chauffer avec «Love In The Rain», Edgar joue à la sature extrême et Steve bat à coups redoublés, comme Carmine Appice. C’est le sommet du lard fumé. Ils sont l’un des plus puissants power trios de l’époque, d’autant qu’Edgar chante face à l’océan. Dans ses pattes, la Strato a l’air d’un jouet. Il joue à la tripe fumante, il craque ses coques de notes comme des noix. Ils adressent un gros clin d’œil au Captain avec un shoot de «Dropout Boogie» puis Edgar chausse ses lunettes noires pour ramoner le heavy boogie de «Silver Needle». C’est une bonheur pour l’œil que de voir Edgar claquer son solo de distorse exacerbé. Ces trois mecs tiennent leur rang caverneux. Victor Unitt rejoint le trio sur scène pour «Poppy». Edgar est habillé en judoka. Bon enfin bref.

Le Live At Rockpalast vaut aussi le déplacement. Le groupe s’est reformé et étoffé avec Luke, le fils d’Edgar, aux keys, et Andrew Taylor à la guitare. Bon les trois cro-magnons ont rasé leurs barbes et pris un sacré coup de vieux, but after all, ce sont les Broughton. Ils jouent des cuts de toutes les époques et ça devient sérieux avec «The Moth» tiré de Sing Brother Sing. Edgar installe l’ambiance et ça continue avec «Why Can’t Somebody Love Me». Edgar retrouve sa grandeur d’antan. Le vieux cro-magnon sait encore pulser un killer solo. Back to the proto-punk avec l’imparable «Momma’s Reward» - Rock a bit now ! - Edgar le bouffe tout cru - croutch croutch - c’est infesté de solos rampants, il chante à la caverneuse abasourdie. Il introduit «American Boy Soldier» en déclarant que Blair est un fucking bastard. Comme beaucoup d’Anglais, Edgar a voté pour lui car il avait fait des promesses à la classe ouvrière, et tout le monde s’est fait baiser la gueule. On ne baise pas la gueule d’Egar Broughton, fucking bastard. Puis le DVD prend feu avec «Love In The Rain» - from the very beginning of Wasa Wasa, as a three piece, précise-t-il, prononçant Wasa Wasa wassa wassa - Ils retrouvent tous les trois la vieille niaque des cavernes et c’est dingue comme ce groupe pouvait être bon. C’est tendu à se rompre, Edgar chante at the top of his lungs, il redevient hugolien et tout bascule dans un freakout de tiguili et de cymbalum. Extraordinaire véracité de la rocaille. Ils font une version modernisée d’«Out Demons Out», on y entend les accords boogie de Spirit In The Sky et Andrew Taylor, qui joue sur une Strato bleue, vire carrément Hendrixien. Mais ce n’est pas tout : on trouve un seul bonus, une interview dans le backstage, après le concert. Edgar crache encore à la gueule de Blair et dit que le biz est worse than ever. Mais il est fier de son proto-punk et du tout ce qu’ils ont accompli tous les trois, so far, ajoute Steve. C’est extrêmement émouvant. Art ne dit pas un mot. Ces mecs sont des héros du rock anglais et ils ne la ramènent pas. Pas la moindre petite trace de frime. On espère que les autres en prendront de la graine.

La fin de l’article de Mojo est assez marrante. À 73 ans, Edgar admet qu’il n’a plus assez de jus pour relancer le groupe. Il indique en outre que Steve a des problèmes de dos, et donc il ne peut pas jouer plus d’une demi-heure. Quant à Arthur, son arthrose rend le bassmatic quasiment impossible. Alors il leur écrit une lettre à tous les deux pour leur dire qu’il n’a pas quitté le groupe et qu’ils ne sont pas virés non plus, mais en même temps, il avoue qu’il ne va pas chercher à réparer cette vieille machine. C’est un clin d’œil à sa jeunesse : quand sa mère piquait une crise, elle cassait tout dans la cuisine et Edgar passait le restant de la nuit à réparer ce qui pouvait l’être.

Signé : Cazengler, Edgar Proto-prout

Edgar Broughton Band. Wasa Wasa. Harvest 1969

Edgar Broughton Band. Sing Brother Sing. Harvest 1970

Edgar Broughton Band. The Edgar Broughton Band. Harvest 1971

Edgar Broughton Band. In Side Out. Harvest 1972

Edgar Broughton Band. Oora. Harvest 1973

Edgar Broughton Band. Bandages. NEMS 1975

Edgar Broughton Band. Parlez vous English? Babylon 1979

Edgar Broughton Band. Superchip. Telex Records & Tapes 1982

Edgar Broughton Band. Demons At The Beeb. Hux Records 2000

Edgar Broughton Band. Keep Them Freaks A Rollin’. Live At Abbey Road 1969. Harvest 2004

Edgar Broughton Band. DVD Voiceprint

Edgar Broughton Band. Live At Rockpalast. DVD MIG 2018

Adrian Boot : Super Freaks. Mojo # 328 - March 2021

 

 

L’avenir du rock - Idles des jeunes - Part Two

 

C’est tout bêtement parce qu’on a eu la chance de voir les Idles sur scène qu’on les prend au sérieux. Leur mélange de punk power, de mad frenzy, d’ultra-présence et d’ambition compositale fait d’eux l’une des nouvelles locomotives du rock anglais. Avec une telle locomotion, l’avenir de rock a encore de beaux jours devant lui. C’est même trop beau pour être vrai. Oh bien sûr, on pourrait objecter qu’ils ne font aucun effort de look et qu’ils ne sont sexy que vu d’avion, que Joe Talbot n’est pas aussi beau que Lux Interior et que Mark Bowen ne joue pas comme Johnny Thunders, mais les Idles ont un truc que n’ont pas les autres : le power de l’absolue brutalité. Sur scène, ils développent l’énergie d’une machine de guerre moyenâgeuse, telle qu’on peut en voir dans les bons films de reconstitution historique, ces tours qu’on fait avancer à la force des bras, avec des roues qui grincent horriblement et qui, pour les défenseurs qui les voient approcher des remparts, signifient une mort prochaine. Car les lourdes trappes vont s’abattre sur les créneaux et les tours vont vomir des nuées de diables armés de haches de combat. Prier Dieu ne servira plus à rien.

Les Idles réussissent là où les groupes de hardcore ont échoué : le power de l’absolue brutalité n’a strictement rien à voir avec la violence décervelée du hardcore qui, faut-il vraiment le rappeler, reste un épiphénomène purement américain, l’expression d’un rock de gens qui ne vont pas bien. Les Idles s’élancent à la conquête des remparts, mais ces remparts sont ceux de notre imaginaire, et même si on résiste un moment en disant, non, c’est pas mon son, c’est trop post-punk, non ça mord le trait, ça sort du cadre, c’est bon pour les cochons, on finit par se faire avoir. Car ces mecs sont brillants et puissants. On ne compte pas beaucoup de groupes capables d’être à la fois brillants et puissants.

Ça tombe bien, leur troisième album vient de paraître. Il s’appelle Ultra Mono. Comme pour les précédents, le graphiste a opté pour un visuel énigmatique : un mec reçoit un gros ballon rose en pleine gueule, mais ça n’est rien en comparaison du visuel qui se trouve au dos : une armoire montée sur une double rangée de simili-parpaings. Comme il le fait sur scène, Joe Talbot nous harangue avec un petit texte élégiaque en forme de déclaration d’intention - We will rock hard and work honestly. Ultra Mono is joy’s engine and it goes - et il ajoute ça qui est pas mal : «It is meant to fill you with the violence, love and the rhythm of now. You are now. You are all.» Dommage qu’il ait oublié Brothers & Sisters. Et pouf, premier shoot d’Idles blast avec «War». Il lance son Watch out comme un cri de guerre. L’effet est immédiat. C’est un peu comme si tu mettais les doigts dans la prise. C’est d’une brutalité incommensurable, shhh shhh, tu es balayé par des vents de génie sonique, ils te jettent dans le mur, c’est un son tellement gonflé à l’extrême que les veines s’enturluttent au coin du cou, ils gravent leur son dans les falaises de marbre, c’est bien de cela dont il s’agit, d’un shoot pour toutes les éternités, même celles auxquelles tu ne penseras jamais. Avec «Mr Motivator», ils cherchent la petite bête du repeat after me. Ils cherchent surtout le passage vers les plaines sauvages, et pouf, ils te remontent les bretelles, ils dégagent du Lavoisier à l’anglaise, voilà, c’est ça, l’Angleterre, ça casse du fuck off au coin du brick lane, et là, alors là oui, ils sont out of their minds, ils laissent traîner leur blow et des solos de fookin’ Sadie, ça pue la sueur et le beat des reins, et soudain des frelons attaquent le convoi. C’est la première fois qu’on voit un son se faire violer. On entend parfois des basses métalliques sur cet album, de quoi rebuter les fans des Stooges et des Dolls, mais si on surmonte ce petit écueil, c’est un monde qui s’offre, il s’y passe de vrais trucs du genre satisfaction garanteed, une belle shoute d’Anxiety, ces mecs travaillent la vérole du trou de Bigorre, leur menu fretin fredonne dans les annales de la fistule. Ils se payent le luxe d’un beat des forges du Creusot avec «Kill Them With Kindness». C’est leur façon de gérer leur trop-plein de power. Ils développent des locomotives - Kindness - avec cette énergie des reins qu’on aime tant, mais vraiment tant, vas-y, percute-moi la bulbette, baby, c’est fait pour. Voilà donc le nouvel apanage des alpages, le feu dans la plaine, la forge devenue folle, c’est ramoné à la savoyarde. Cet album est une aventure, il est donc destiné aux esprits aventureux. Voilà l’archétype du cut bien entraîné, «Model Village», les courroies s’auto-claquent dans les carters, c’est puissant, mais d’une puissance qui te réapprend le sens du mot. Joe Talbot joue avec son Village, ce mec chante bien et derrière crépite le brasero des deux guitares, avec en prime une section rythmique qui ravage tous les rivages, cet album a les atours sexy d’une bombe atomique. Ils nous plongent avec «Ne Touche Pas Moi» dans cette espèce de furie incertaine dont on parle à mots couverts, un rock physique qu’on aborde avec précaution, peut-être parce qu’il sent la sueur et les mauvais tatouages. Mais leur énergie est purement sexuelle, au sens de la régénérescence de la terre, comme si Georges Rouquier filmait un champ de bites en rut au printemps du Rouergue. Bon, c’est vrai, il faut entrer dans chaque cut, c’est du boulot, tu n’écoutes pas les Idles comme ça, au coin du bar, entre deux bavasseries qui ne servent à rien. Non, il faut fournir un petit effort et entrer dans leur monde ingrat. Tout n’est pas bon, mais ce qui est bon indique bien la direction, celle de l’avenir du rock et avec les Idles, cette direction est un vrai boulevard, ces dingoïdes d’Idles s’y jettent comme on se jette dans une balance, sans talent ni qualité, avec ta sueur, tes tatouages et tes réflexes de survie, tu te jettes avec eux dans la vieille balance du rock, et tu vois ces mecs créer leur monde, et si tu avais un chapeau tu pourrais le lever et dire : «Chapeau !». Ces mecs ne reculent devant aucune âpreté. Avec «Reigns», ils labourent leur champ à l’aube avec des mains gercées, la bête qui peine, l’outil usé, la terre austère, ce post-punk de la poste que détestait tant Gildas, fuck Millet !, mais il faut de l’énergie pour labourer un chant gelé avec une lame de charrue usée, alors comme ces mangeurs de patates que peignit jadis Vincent Van Gogh, ils tapent du poing sur la table, et quand on voit la violence du coup, on se dit qu’il vaut mieux que ce soit sur la table que dans sa gueule. Dans Vive le Rock, Duncan Clark ne parle pas de post-punk mais d’anthemic brand of rough and jarring post-punk, mais la formule est encore trop réductrice, car les Idles vont bien au-delà des genres.

Mark Bowen rappelle dans l’interview que l’album fut torché en deux semaines et mixé en six mois, avec un mastering clandestin à cause du lockdown in Los Angeles. Ultra Mono parce qu’ils jouent tous la même chose - Ultra Mono, which means Idles distilled down to its most singular form - Notons au passage que les explosions qui émaillent les cuts sont identiques à celles qu’ils génèrent sur scène. Chez les Idles, c’est l’envie d’en découdre à plate couture qui prédomine à chaque instant. Ils ont tellement de teigne qu’ils se grattent la nuit en dormant.

Signé : Cazengler, l’idlo du village

Idles. Ultra Mono. Partisan Records 2020

Kill Them With Kindness. Vive Le Rock # 78 - 2020

 

PAIGE ANDERSON

AND THE FEARLESS KIN

 

Ceux-là j'ai grandi avec eux. Non ce n'est pas tout-à-fait exact, c'est juste le contraire, ce sont eux qui ont grandi avec moi. Surtout avec leurs parents d'ailleurs. Je les ai croisés il y a longtemps un peu par hasard. J'ignorais jusqu'à leur existence. C'était en octobre 2009, à défaut de posséder le coffret Bear Family Life like poetry ( titre merveilleux, c'est ainsi que chacun de nous devrait vivre sa vie ) de Lefty Frizzel je farfouillais sur You Tube à la recherche de ses morceaux, selon mon habitude je naviguais, c'est ainsi que l'on fait des découvertes, en suivant les artistes ( nombreux ) qui ont repris ses titres, jusqu'à ce jour de 2009 où juste après avoir visionné pour la trente-sept mille huit cent quarante deuxième fois la version Long Black Veil de Johnny Cash et Joni Mitchell ( l'incomparable ) au bas de l'écran s'est affiché un titre qui me semblait de la même veine mélodramatique que Long Black Veil, jugez-en par par vous-mêmes, You'll never leave Harlan alive de Darell Scott, séduit par les assonances j'ai cliqué, une belle ballade country, j'imaginais une histoire de cowboys, style Les bras en croix à la Hallyday, mais non une chanson sociale sans espoir, l'ouest terne des mines de charbon, les fatidiques raisins de la misère, j'écoutais lorsque je remarquais le même titre crédité à Anderson Family Bluegrass, trois gaminos sur fond d'un beau paysage agreste, un coin d'Amérique où vous n'avez jamais mis les pieds mais que vous reconnaissez comme l'Arcadie de Poussin.

YOU 'LL NEVER LEAVE HARLAN ALIVE

( Août 2009 )

C'est la grande sœur qui chante, les deux petits se contentent de sourire, pratiquement a cappella, égrenant quelques notes sur sa guitare, la complainte n'est pas facile, aucun effet dramatique, longue, monocorde et monotone, l'on ne peut compter que sur l'intensité que l'on accorde aux vocables, les minots soutiennent la grande sur le refrain, après quoi le boy égrène de sa mandoline une pluie de gouttelettes de nostalgie, elle chante toujours et vous avez peur pour elle, la route est interminable, et elle est seule, mais elle persévère, maintenant la sœurette se saisit de son violon qu'elle tenait serrée dans ses bras contre son cœur comme une poupée, l'on passe les arches du pont qui traverse les contrées de la désolation, la revoici dans le silence, à voix nue, elle n'est plus chanteuse, mais une récitante titubante dans une tragédie grecque, l'émotion vous saisit, tous au refrain, et l'on passe le deuxième pont celui de la tristesse, elle chantonne et moane, le violon pleure, elle pose les mots avec délicatesse comme si elle poussait des cris, et c'est la fin. ( Août 2009 )

Ce n'est pas l'interprétation du siècle, mais celle de l'éternel présent, cet instant miraculeux durant lequel il ne se passe rien mais où quelque chose a lieu. Difficile de ne pas succomber sous leur charme et à remonter tous les épisodes précédents et à guetter les nouveaux. Trop jeune pour avoir connu les aventures de la Carter Family, j'avais trouvé une espèce de produit de substitution, la mythologie c'est très bien, la lire, l'entendre raconter ce n'est pas mal, mais y assister en direct c'est encore mieux... Je ne savais pas où cela me mènerait et je ne le sais pas encore même si j'ai l'impression d'être arrivé au bout de la piste... Mais reprenons au début !

THE ANDERSON FAMILY BLUEGRASS

Au début, Papa et Maman, ils résident à Grass Valley ( Californie ), ont planté quatre petites graines qui ont donné quatre beaux enfants blonds comme les blés. Mark le père né dans une famille de musiciens, émigra du Vernon en Californie, pratiqua plusieurs instruments, lorsque sa fille Paige s'empara de sa guitare il passa au banjo. L'était pilote d'hélicoptère lorsqu'il rencontra Christy originaire d'Arizona, son mari l'initia au bluegrass et elle se mit à la contrebasse en 2005. Le conte de fées traditionnel se poursuit à la virgule près, les enfants se succèdent et à l'instar de leurs parents, ils choisissent leur instrument préféré ce qui ne les empêche pas d'en pratiquer d'autres, Paige naît en 1994, Aimee en 1996, Ethan en 1999 et la petite dernière Daisy en 2001.

Chez les Anderson, l'on vous jette à l'eau avant que vous sachiez nager, il existe une flopée de vidéos sur lesquelles l'on peut voir Daisy grandir. Sur la première, doit avoir trois quatre ans, elle ne fait rien, elle est debout sur scène, devant, toute la famille resserrée sur quatre mètres carrés, et en avant la musique, elle se contente d'être-là, toute belle – les trois filles Anderson peuvent dire merci à leur mère – toute simple, le dernier poussin de la couvée et l'on sent qu'elle n'est en rien le vilain petit canard. Sur les vidéos suivantes, elle vous époustoufle, que peut faire ce bout de chou au milieu de ses frères et sœurs, elle n'a même pas un instrument en main. Que voulez-vous qu'elle fît ? Qu'elle chantât ! Alors elle se glisse au micro, l'on s'attend à un miaulement de chaton malade, ben non, elle gonfle sa voix qui gronde et vous mène le groupe tambour battant.

L'Anderson Family Bluegrass sortira son premier EP éponyme en juin 2008, un split EP cinq titres dont trois de Chuck Ragan en février 2011, et son premier album Live from Grass Valley en juin 2011.

Les gamins se débrouillent, alors les parents n'insistent pas, ils laissent la bride sur le cou à leurs poulains, ils réapparaissent de temps en temps mais ils s'effacent, et bientôt l'Anderson Family Bluegrass laisse la place à Paige Anderson et l'intrépide nichée :

PAIGE ANDERSON

AND THE FEARLESS KIN

Paige est l'aînée, elle tient les rôles conjoints du centurion et du porte enseigne de la Légion pendant les batailles, en même temps au premier rang et le point de ralliement, quoi qu'il se passe elle est là, imperturbable, un aspect grande sœur responsable à qui l'on peut faire confiance, simplicité et beauté, puis sa voix très légèrement voilée, avec cette infime once de nasillement qui lui confère un air d'authenticité indéniable, un jeu de guitare ensorcelant, un tantinet monotone mais une fois que l'on s'est laissé happé par sa rythmique vous naviguez entre les musiques répétitives de l'Inde et les compositions enjouées de la Renaissance, Aimee est son fidèle lieutenant, son violon prend la relève, elle a aussi un beau brin de voix et le petit frère Ethan– un petit garçon sage, l'on devine que sa mère le tient à l'œil, qu'elle a veillé à la correction de sa coiffure – entre ses deux grandes sœurs il ne la ramène pas trop, mais on sent qu'il met un point d'honneur à ne jamais faillir, à chacune de ses interventions quel que soit son instrument il y met tout son punch. Daisy ne chante plus, elle a trouvé son instrument, le dobro, guitare à résonateur qu'elle joue assise et quelle tient à plat, une écolière, rêvasse un peu entre deux interventions, perd peu à peu son air de petite fille studieuse, les années passant elle acquiert une extrême vivacité, parfois on a un peu peur pour ces quatre gosses, paraissent un peu minuscules sur une scène et le public pas très motivé, mais ils assurent, et toujours entre eux cette complicité respectueuse, ce désir inné de ne pas tirer la couverture à soi. Tantôt tout à leur instrument ou chantant à une ou plusieurs voix.

Entre 2005 et 2013, ce ne sont pas les progrès évidents de ces gamins qui nous émeuvent, c'est la vie qui s'écoule, l'enfance et l'adolescence qui passent et s'enfuient et pour les deux aînées la jeunesse qui pointe le bout de son nez... descendons l'éphéméride...

WILD RABBIT

( 2012 )

Premier EP six titres composés par Paige. La rencontre de Chuck Ragan, une espèce de touche-à-tout qui s'est exercé à tous les styles de la musique populaire américaine du gospel au punk, a été décisive, il a donné à Paige l'élan qui lui a permis de grandir de ne plus être ni l'enfant exceptionnellement douée de la famille, ni la monitrice en chef de la couvée, et de devenir ce qu'elle se devait d'être.

La pochette reste fidèle à l'esprit des vidéos, Daisy n'est plus là, ce qui ne l'empêchera pas de s'adjoindre aux trois aînés lors de leurs prestations scéniques, paysage pleine nature agreste, Paige au centre tout devant, Aimee et Ethan un peu en retrait, un topic country des plus purs. Le titre de l'EP sera à mettre en correspondance avec celui de l'album qui suivra. L'avant-dernier morceau nous aide à en décrypter le sens, le temps fuit tel un lapin blanc qui court sans fin.

Hourglass : l'on est surpris, certes par ces trois voix unies qui surgissent mais surtout par la tonalité sombre de ce premier marteau, le sablier de la vie qui s'écoule n'est pas un thème joyeux, la voix de Paige s'étire sur les mots comme si elle voulait retenir le temps qui passe même si la rythmique est relativement alerte, la fin s'éparpille en notes de guitare qui palpitent puis s'éteignent... Ballad of the red rivers : duo avec Chuck Ragan, une ballade des plus classiques, l'amour est parti comme la rivière qui s'enfuit, l'on ne sait trop pourquoi mais c'est la loi des choses et des êtres vivants, si les voix de Paige et de Chuck se répondent dans leur solitude, il en est de même dans le dialogue qui s'instaure entre le long violon d'Aimee et la guitare mourante de Paige, se mêlent et se séparent tour à tour, s'approchent exhalent leur plainte, ne sont plus qu'un même cri de souffrance et puis se désunissent dans l'impermanence de ces instants de vie emportés par un flux irrésistible. Hollow bones of white swans : autant dans le morceau précédent Paige avait adopté une voix harmonieuse autant ici l'on retrouve sa manière si particulière de monter très haut et de laisser le silence s'établir entre deux mots pour reprendre de l'altitude au suivant, le morceau est superbe, ces notes basses égrenées par Ethan, la lenteur du rythme et le violon d'Aimee qui grince et s'envole telle une vielle à roue qui tourne dans le néant du monde, tout concourt à faire de ce titre un chef-d'œuvre. Follow me to the south : inhabituel un harmonica celui d'Homer Wills – on devinera comment il est venu souffler son shuffle diabolique quand on aura appris qu'il est un habitant de Grass Valley - s'adjuge la première place, encore une face inconnue des possibilités vocales de Paige, celle de se fondre dans une orchestration galopante et de mener le bal des ardents, un country qui flirte méchamment avec le blues, Ethan se fend d'un solo majeur qui nous aide à comprendre comment au début du vingtième siècle la guitare est parvenue à prendre non sans difficulté la place de la mandoline, l'on remarque aussi combien le jeu de guitare de Paige ressemble à son chant, dans cette façon de laisser un maximum d'espace entre deux vibrations. Wild Rabbit : inro mandoline agreste, le chant est beaucoup plus joyeux que les lyrics, Paige mène la ronde à une vitesse folle, la course échevelée se calme sur le pont, mais la ronde infernale reprend aussi rapide, le temps s'enfuit-il plus vite que prévu, sans doute est-il plus sage à l'instigation des poëtes du seizième siècle de ne pas laisser échapper le bonheur qui passe à portée de main. Where did you go : méditation dépouillée, Aimee en sourdine, Paige a composé ce morceau après avoir vu lors d'un concert une personne s'effondrer, pleurs de la mandoline d'Ethan, Paige chante le mystère et l'incompréhension, d'être vivante alors que sur la mystérieuse rive d'en face erre la mort.

L'on ne s'attend pas une telle gravité chez une toute jeune fille, Paige a dix-sept ans lorsqu'elle l'enregistre.

LONG BLACK VEIL

( vidéo Février 2013 )

Depuis l'enregistrement de la vidéo You'll never live Harlan alive en 2009 les année ont passée, celle-ci date de 2013, apparemment rien n'a changé, l'on a gardé un décor similaire, posent devant un arbre à chandelier, une nature à ravir William Thoreau et Jean-Jacques Rousseau, nos quatre enfants ont grandi. Paige a maintenant dix-neuf ans et Daisy douze années à son compteur. Ce ne sont plus des inconnus, Paige est devenue la représentante officielle de la nouvelle génération bluegrass, elle est sponsorisée par les guitares Schenk, ses vidéos de démonstration sont à écouter, ne cherche pas à vous en mettre plein la vue, tape direct au cœur, elle compose attirée par les sujets dramatiques ( par exemple Where did you go ? ), le groupe écume les festivals bluegrass, aussi fragile qu'un coquelicot perdu dans l'océan illimité d'un champ de blé, une île de beauté dans la tourmente indifférenciée de la monotonie utilitariste du monde.

Le crin-crin d'Aimée ouvre le bal funèbre - Long Black Veil n'est pas une chanson particulièrement joyeuse, des mémoires d'outre-tombe ultra romantiques - l'orange vif du sweat d'Aimee et le bleu plus soutenu du chemisier de Paige focalisent les regards, la caméra enserre maintenant les deux jeunes filles, Paige est à la rythmique aussitôt qu'elle entrouvre les lèvres l'on oublie l'accompagnement, un chant très roots, sans aucune fioriture, l'on dirait qu'elle impose la voix pour que saigne encore davantage votre âme à l'inverse de ceux qui se servent de leurs mains pour atténuer les souffrances, elle chante à cru, les mots comme des flèches qui ne ratent pas leurs cibles, malgré ses blonds cheveux qui torrentisent sur son buste, elle évoque avec ses pommettes avancées de squaw quelque chose de primordial, de sauvage, d'indien, magnifiquement belle, fière et souveraine. Rien pour cajoler l'auditeur, elle déroule son vocal dans sa plus grande simplicité, les mots tombent comme des cailloux, ils étincellent tels des silex, l'on aurait envie de les noter sous forme de neumes médiévaux pour leur attribuer non pas une place sur une portée mais pour les qualifier selon la force de leur impact dans le déploiement récitatif. Ne fait même pas l'effort d'un silence pour mettre en exergue l'arrivée du refrain, Aimee l'a rejoint au chant mais elle reste dans l'ombre du vocal de sa grande sœur, Ethan qui harmonise le morceau des notes profondes de sa contrebasse apporte l'ourlet de son timbre, chuchotant pratiquement en catimini, le choral se tait, les notes suavement aigrelettes du résonateur de Daisy prennent le relais, marchent sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller davantage le cadavre qui raconte son histoire, même si le temps n'est plus aux regrets, l'amour est une flamme éteinte qui brûle encore les chairs vives, maintenant Aimee et Paige chantent à l'unisson, l'une répand le baume de la douceur et l'autre enfonce des couteaux cruels, Aimee tient son violon pointé vers nous comme si elle s'appliquait un poignard sur la gorge, s'en exhalent deux longs oriflammes de tristesse qui ondoient dans le vent amer du recueillement, dernier adieu, répété deux fois, les yeux fermés de Paige, une tombe aeurescente qu'elle entrouvre à volonté, luminescence d'une éclaircie de sourire passager. Une dernière fois la voix de Paige surgit des abysses et tout rentre dans l'ordre du silence avec ce mouvement des chats qui se couchent en rond sur eux-mêmes pour mourir. Bouleversant.

STELLA JANE

( Vidéo Red Chair Records / Avril 2013 )

Une nouvelle vidéo, doit y en avoir une bonne centaine facilement accessible, celle-ci suit de quelques mois Long black veil, nous la choisissons parce qu'elle s'inclut dans la logique démonstrative des deux précédentes, le même genre de décor, un bosquet idyllique - ici l'on a privilégié un chemin quelque peu sableux pour correspondre au deuxième titre Desert Whahes – ces bois sacrés que l'on retrouve dans les toiles des peintres de la Renaissance, preuve que les intuitions de la culture populaire rejoignent les représentations de la culture dite savante, elle-même dépendante de l'apport antique.

Cette vidéo est partagée en deux parties, l'interprétation de la chanson proprement dite suivie de l'interview de Paige Anderson entrecoupée d'extraits du second morceau, Paige présente son groupe et se raconte un peu. Un clip promotionnel. Le titre Stella Jane se retrouvera sur l'album en préparation qui sortira à la fin de l'année suivante. Ethan a poussé, présente le profil d'un adolescent monté en graine, Aimee a pris de l'assurance elle est devenue ce que dans l'ancien temps l'on nommait une vraie jeune fille, la caméra se focalise surtout sur Paige, fini la longue chevelure blonde à la Iseult, l'est remplacée par une queue de cheval, un justaucorps mauve dévoile ses bras nus, une poinçon couleur d'améthyste, marque le lobe de son oreille, ce changement total de look lui confère l'allure d'une jeune femme moderne, à l'aise dans sa peau, prête à imposer au monde l'épanouissement de son talent, les gros plans, et de ses mains, de son visage trahissent sa virtuosité instrumentale et l'implication êtrale de son chant.

FOXES IN JUNE

( Sortie décembre 2014 )

L'album sort en décembre, sa concrétisation est le résultat de deux ans d'effort. Il n'aura pas la diffusion escomptée. Une pochette moins innocente et naïve qu'elle peut apparaître. Le goupil est un animal discret, mais c'est au mois de juin que l'on peut l'entendre glapir, c'est la saison des amours. Paige atteint ses vingt ans, elle n'est plus une enfant, ni une frêle jeune fille...

Rebel's run : une merveille d'équilibre, l'on ne sait par quel bout prendre ce morceau, quel progrès depuis White Rabbit, Aimee aussi a grandi, le violon est partout même quand il ne joue pas serait-on tenté d'affirmer, c'est elle qui bâtit la structure transparente, la guitare de Paige n'a jamais encore atteint une telle rondeur, chaque note acquiert l'étendue et la force d'un riff, le vocal trotte et glisse, colle si parfaitement à l'instrumentation qu'il semblerait que c'est la voix qui tire l'archet et l'exhausse en avant, allègre et funèbre en même temps. Appeal to heaven : changement de climat, un chant de stress, des notes éperdues, une voix qui monte et descend telle une aile d'ange cassée, cris de violons violents, et l'on reprend un ton en-dessous, une rythmique qui rase la terre, l'on est loin du bluegrass et de toute autre chose, juste une urgence vers on ne sait quoi au juste, très musical et en même temps si proche de noise, car ce n'est pas le bruit qui fait le noise mais les icebergs des tensions intérieures qui se fracassent les uns contre les autres. Fièvres et tourments. Foxes in june : retour au calme, à quelque chose de plus classique, à une voix qui chante et conte, des chœurs de sirènes qui vous emportent sur des nuages de rêve, l'âme d'Aimee qui festonne dans son violon, Paige vous prend par la main et vous mène jusqu'au bout du chemin, tout semble facile, même si l'on traverse le marécage des hésitations, et c'est le violon d'Aimee qui imite le vocal de Paige, pour vous contraindre à avancer. La voix de Paige en profite pour devenir tumulte. Greed and lust : sonorités moyenâgeuses, avez-vous déjà entrevu à quoi peut penser la dame à la licorne devant son harmonium, Paige vous révèle l'agitation de l'attente qui la tente, sa voix est de soufre, de rêve et de sel, Aime pointe son archet telle la corne de la licorne unicorne, rythmique oppressante, parfois il vaudrait mieux ne pas savoir ce que l'on cache au fond de soi. Sink or swim : notes claires et paroles incisives, un morceau en montagnes russes, la nostalgie des feux de camp, very bluegrass, et des concrétions d'angoisses comme des boules de frousse qui vous obstruent la gorge, l'on croit céder au vertige intérieur, se laisser couler et l'on reprend pied l'on ne sait pas trop comment ni pourquoi, very darkgrass. Montées de lave. Lumière d'Aimee. Beautiful poisons : chanson douce et noire, une guitare et deux voix, et le violon s'enflamme au silex des souvenirs, Paige sur la crête du bonheur, la musique se perd et se tait, comment avec si peu de moyens peut-on produire de tels désordres, plus on avance dans l'album chaque morceau se couvre de chausse-trappes, l'on ne sait plus où mettre l'oreille, labyrinthe sonore sans équivalent. To the home : enfin une direction claire, nette et précise, une belle sonorité et des voix à l'unisson, est-ce que c'est parce que c'est si simple et sans ambiguïté que le morceau est si court. Stella Jane : introduction apaisée suivie de bercements de violon, mais la voix de Paige n'a jamais été si ironique, elle conte l'histoire de Stella Jane et lui adresse la parole peut-être parce qu'elle lui ressemble comme son double d'ombre, ce qui explique pourquoi le violon d'Aimee est si tendre. Flying rocks : le picking de Paige et les aurores boréales d'Aimee, n'est-ce pas suffisant pour s'envoler, tomber et repartir encore plus haut. Le morceau le plus lumineux de l'album. Se jouent des difficultés. Enable : cette fin d'album s'éclaire, parfois le violon se traîne et la voix cahote, les difficultés s'entassent mais le refrain les écarte, l'énergie intérieure est de retour, optimisme tous azimuts. Paige chante comme le hérault qui va au-devant de l'ennemi pour lui déclarer la guerre. Entraînant et victorieux. Les deux sœurs au taquet. Sonoran moonrise : guitare venue d'ailleurs, d'Inde ou de Chine, une musique savante, pour fêter le lever de la lune, car c'est l'heure où les renards appellent, moins de deux minutes pour s'apercevoir que Paige toute seule tient le monde entre ses doigts et les cordes de sa guitare.

Un très bel album, trop moderne pour satisfaire un public bluegrass traditionnel cantonné entre les standards mille fois répétés, et un public rock, ou simplement jeune, inaccoutumé à cette instrumentation pour ainsi dire périmée. Sur d'anciens cordages Paige Anderson a créé des chants nouveaux et de nouvelles ambiances, si étrangement décalés que ceux qui les auront écoutés n'en auront pas compris la portée inouïe. Une artiste au sens noble du mot, qui possède une sensibilité et un monde intérieur qui n'appartiennent qu'à elle.

YOSEMITE MUSIC FESTIVAL ( 2015 )

Californie, à la hauteur de Sacramento, un peu en dessous, dans la Sierra Nevada, d'ailleurs l'état du Nevada n'est pas loin, Yosemite est un de ces parcs nationaux dont les Américains sont si fiers, idéal si vous aimez la nature et la montagne, la cité la plus proche se nomme Mariposa, dépasse tout juste les deux mille habitants, connue pour son environnement et son parc d'attractions, c'est là que nous retrouvons les Fearless Kin. Sur scène. Mois de juillet. Chaleur écrasante. Les gens se sont réfugiés à l'ombre des arbres. Pas la grande foule, mais le public est attentif.

Le petit Ethan s'est étendu, ce grand gaillard culmine à deux têtes au-dessus des autres, Daisy a presque rattrapé ses deux sœurs, se bouche toujours l'oreille quand elle chante avec elles, Ethan toujours attentif sur sa contrebasse, Daisy résonateur retenu à plat par sa bandoulière mais debout, Paige n'est plus seule, Aimee fait jeu égal avec elle, l'on avait remarqué sa présence dans l'enregistrement de Foxes in June, elle en apporte la preuve, elle a perdu sa retenue qui la caractérisait les années précédentes, seconde souvent sa soeur au micro, une voix plus unie et son violon n'est plus un contrepoint, joue pour ainsi dire pour lui, sur sa propre ligne mélodique ce qui donne beaucoup plus d'épaisseur et de poids à l'ensemble, Paige égale à elle-même, sa voix magnifique dompte la mer des mots, monte comme une vague et puis s'abaisse aussitôt suivie de la suivante qui enfle, terriblement à l'aise Paige, mène le jeu avec une facilité déconcertante, autant dire que la formation filoche grand vent...

Doit y avoir quatre vidéos ( deux passages ) mais je n'en ai vu que trois, cette prestation me semble l'acmé du groupe.

ROAD TO PAIGE

Le groupe continue à tourner, l'on peut le suivre sur son facebook Fearless Kin, 2015 et 2016 semblent bien remplies, ( superbes photos, que l'Amérique est un beau pays ! ) en 2017 ne reste plus que Paige et Aimee, et tout s'arrête au mois de mai sans explication. Faudra attendre deux ans, le 25 novembre 2019, pour que Paige donne des nouvelles. Oui elle est la seule de la famille à poursuivre la route, les autres ont d'autres occupations, Anderson Family Bluegrass et Paige Anderson & The Fearless Kin appartiennent au passé, des moments inoubliables.

Elle le dit à mots couverts, mais ça n'a pas été toujours facile pour elle... En 2018 elle a effectué une tournée ( USA, Canada, Allemagne ) avec le groupe Family of the Year dans lequel elle tenait la basse. La même année on la retrouve sur scène avec Z Berg and Friends, dans un style beaucoup plus pop, même si Berg et elle interprètent une de ses chansons l'on aimerait que ce soit Paige qui mène la barque... Mais elle annonce une nouvelle importante : elle vient de monter un nouveau groupe Foxymoore avec Davia Pratschner, Sam Gallagher aux drums, Drew Beck à la guitare, Ian Shipp à la basse et donne rendez-vous sur le FB Foxymoore. Le FB Foxymoore débute le 25 novembre 2019 et se termine sans préavis le 7 mai 2020... Paige et Davia si l'on en croit l'iconographie semblent en être les figures de proue, il est vrai qu'elles sont ravissantes.

Lorsque l'on accède sur son Instagram, les photos témoignent que Paige est heureuse, qu'elle s'adonne à la moto, qu'elle joue du banjo, qu'elle profite simplement de la vie... le 16 mars 2021 Paige ouvre un nouveau FB Two Runner en l'honneur de son nouveau band et annonce la sortie imminente de son nouveau disque depuis six ans, un single, Burn It To The Ground, la vidéo est sur You tube...

BURN IT TO THE GROUND

( TWO RUNNER )

( Paige Anderson / Emilie Rose / Sam Gallagher / Brew Beck )

Question angoissante, est-ce du bluegrass ? non c'est du Paige Anderson, et c'est beaucoup mieux. Un morceau qui explique toutes ces années de silence, à mots découverts sans rien livrer d'intime, la voici en robe blanche d'innocence revendiquée, la beauté de la nature, autour d'elle est à couper le souffle mais elle n'est que l'écrin de la perle la plus pure, la plus translucide, la plus lucide. Paige a grandi, elle garde en elle la luminosité de l'enfance, les notes de son banjo roulent telles les eaux claires qui descendent des montagnes, une musique qui semble naître d'elle-même telle la route de l'existence toujours renaissante à chaque tour de roue qui dessine ce chemin qui ne mène nulle part hormis en nous-même.

L'on n'attend plus qu'un CD !

Un dernier mot avant de quitter Paige, lorsque j'ai commencé cette chronique, je ne savais pas qu'elle venait de sortir ce morceau. Certains parleront de hasard, je peux le penser mais je n'y crois pas. J'évoquerais plutôt les mystérieuses correspondances poétiques chères à Charles Baudelaire.

Damie Chad.

 

XXXV

ROCKAMBOLESQUES

LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

( Services secrets du rock 'n' rOll )

L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

Lecteurs, ne posez pas de questions,

Voici quelques précisions

 

146

Chacun a fini de donner sa recette de la crêpe au Nutella, je suis sûr que les lecteurs préfèreraient que j'interrompe ici le récit de cette terrible aventure afin que je leur livrasse in-extenso les préférences secrètes de nos personnages, mais non, d'abord la marque Nutella a refusé de nous sponsoriser, ensuite je me permettrais de faire remarquer que l'heure est grave, que le rock'n'roll court de graves dangers et que si nous échouons je ne donne pas cher de sa survie, en plus Vince et Brunette ont à nous présenter des documents de la plus haute importance. Ecoutons-les.

Vince a pris la parole d'une voix grave :

    • Cette longue enquête menée par le SSR a connu bien des vicissitudes...

    • Excuse-moi Vince, le coupe Le Chef, juste le temps d'allumer un Coronado, je sens que nous allons vers des révélations extraordinaires, oui Vince u as raison, nous avons vécu de multiples péripéties, toutefois il y a comme un hiatus entre les différentes séquences de nos investigations, les pièces du puzzle ont du mal à s'imbriquer les unes dans les autres, je résume...

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Chers lecteurs, c'est à mon tour de couper la parole au Chef, si vous tenez vraiment à écouter le topo du Chef, je vous conseillerai plutôt de relire les 34 épisodes précédents. Ah, j'oubliais, la semaine dernière nous nous sommes quittés alors que je ressentais comme un chatouillement à la hauteur de ma fesse gauche, j'étais en effet resté debout alors que tous les autres avaient trouvé place en de confortables fauteuils autour d'une grande table, mais le Chef ayant décidé qu'il était de mon ressort de '' conduire'' le porte-avions, il était donc de mon devoir de parer promptement à toute éventualité. Nous avons reçu près de cents lettres de lecteurs à l'intelligence, osons l'adjectif primesautière pour la qualifier, qui se gaussaient de moi et même de l'ensemble du personnel du SSR, sous prétexte que c'était simplement mon téléphone portable qui vibrait dans la poche-arrière de mon jean ! Il est sûr que chacun juge du monde depuis son poste d'observation. Il n'est pas étonnant qu'un lecteur engoncé dans sa médiocre existence de citoyen lambda, et qui n'a comme échappée et dérivatif que la lecture hebdomadaire des épisodes des Rockambolesques, en vienne à énoncer des suppositions qui correspondent à sa misérable quotidien, c'est en effet, pour les hommes unidimensionnels ainsi que les surnomme le philosophe Marcuse, un événement exceptionnel lorsqu'ils ressentent sur la gauche de leur postérieur une sensation anormale, et ils en repèrent très vite le coupable, leur téléphone qu'ils avaient glissé dans leur poche sans y penser.

C'est déjà oublier qu'un agent secret, surtout s'il est du SR, ne possède pas de portable, précaution élémentaire qui permet d'éviter d'être tracé ! Et surtout comment expliqueraient-ils maintenant qu'une deuxième sensation de gêne se manifeste sur ma fesse droite, alors que non seulement je n'ai pas de portable, mais qu'en plus, ou plutôt qu'en moins, je ne possède pas de deuxième poche arrière !

Dans tous les cas, un agent secret, surtout s'il est du SSR, se doit de trouver la solution adéquate à toute problématique nouvelle. Principe de base que je me dépêchai d'appliquer. Un bon point toutefois pour le lecteur qui a pensé que d'un geste malencontreux le Chef avait mis le feu à mon pantalon avec son Coronado. Que le lecteur retienne bien cet axiome : le Chef ne fait jamais de geste malencontreux.

Je sens que l'impatience grimpe dans notre lectorat, je me hâte donc de vous dévoiler la manière par laquelle j'ai mis fin à ce profond mystère qui défie l'intelligence humaine. J'ai agi selon la méthode césarienne, la fameuse devise Veni, vidi, vici – je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu, que j'ai adaptée aux circonstances présentes : je me suis retourné, j'ai constaté, j'ai réparé. Molossito debout sur ses pattes arrières me grattait la fesse gauche, à droite c'était Molossa qui me poussait de son museau. Non, avec ce qu'ils avaient dévoré ce matin à l'hôtel et dans la voiture, ils ne réclamaient pas leur pitance. Quand je pense que c'est grâce à mes vastes connaissances de la psychologie canine que nous avons pu terminer promptement cette affaire, en toute modestie j'avoue que je n'en suis pas peu fier.

Les chiens aiment à fureter, pendant que Vince et Brunette présentaient les documents ultra-secrets, ils avaient exploré la pièce de commandement, mais ils avaient remarqué les consoles aux boutons clignotants, et avaient envie de les regarder de près, hélas elles étaient trop hautes... Je compris aussitôt, pour satisfaire leur curiosité je les soulevai et les posai avec prudence sur les tableaux de commandement, ne touchez à rien, et soyez sages. Ils acquiescèrent de la tête.

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Brunette était en train de conclure :

    • Ces documents sont authentiques, ils émanent du Chef de l'Etat en personne et ont été rédigés par ses collaborateurs les plus proches. Maintenant nous savons :

1° : Le Président est entré en contact avec les extra-terrestres

2° : Il leur a permis d'implanter des usines à Réplicants sur le territoire national

3° : En échange de quoi ceux-ci étaient chargés de le débarrasser définitivement du SSR

Il y eut un silence dans la salle. Le Chef en profita pour allumer un Coronado... Nous étions suspendus à ses lèvres...

149

    • Agent Chad, dans tout ce fouillis de manomètres, auriez-vous repéré une connexion internet et une imprimante ?

    • Oui Chef, ici !

    • Bien Brunette, puisque vous êtes journaliste vous devez connaître quelques confrères et quelques médias qui se feront un plaisir de diffuser illico ces précieux documents.

Déjà Brunette pianotait sur le clavier...

    • C'est égal, murmura Vince j'aimerais bien voir la mine du Président quand il apprendra la nouvelle de sa destitution !

    • Facile, répondit le Chef, il nous a nargués en nous apprenant qu'il partait pour la Côte d'Azur, Agent Chad, veuillez mener notre Porte-Avions direction toute, Fort de Brégançon !

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J'ai honte, je suis confus, j'espère que mes adorables lectrices ne m'en voudront pas, mais je n'ai pas réussi à accomplir l'ordre du Chef, j'ai fait de mon mieux, je me suis précipité vers le micro et j'ai hurlé : Direction Fort de Brégançon ! Bien monsieur, tout de suite, m'a-t-on répondu et une trentaine de secondes plus tard, nous y sommes, cinq sur cinq monsieur !

L'on n'est jamais arrivé devant le Fort de Brégançon, je n'y suis pour rien, Molossa et Molossito ont commencé une course-poursuite entres les cadrans et les boutons, ils ont dû en pousser un, celui qu'il ne fallait pas, trente secondes plus tard une voix résonna : missile Tomahawk envoyé, objectif atteint, pas de survivant !

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Le Chef prit le temps de rallumer un Coronado, nous ne nous attardâmes pas, nous regagnâmes fissa le yacht d'Hector qui nous déposa subrepticement dans le port de Sète. Le porte-avions se dépêcha de piquer vers le large. Etrangement nous ne fûmes pas inquiétés, le Président avait pactisé avait l'ennemi... Sa disparition brutale, l'on parla d'une explosion de la chaudière à gaz, arrangeait beaucoup de monde. Des élections furent organisées et un nouveau président fut élu. Lorsque nous vîmes son visage apparaître à la TV, nous étions seuls au service, les parents de Charlotte et Charline leur avaient interdit de continuer à nous fréquenter, Vince et Brunette menaient avec opiniâtreté leur enquête sur la disparition d'Eddie Crescendo, depuis leur panière Molossito et Molossa dressèrent les oreilles pour écouter le Chef :

    • Agent Chad, croyez-en ma vieille expérience, celui-ci ne me paraît pas mieux que le précédent, ne perdons pas de temps à regarder cette stupide émission, le rock'n'roll a besoin de nous, il est temps que j'allume un Coronado...

Fin de l'épisode.

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