20/01/2021
KR'TNT ! 494 : TONY MARLOW / SYL SYLVAIN / TIM BOGERT / VIVE LE ROCK / MOJO / ABOUT VINCE TAYLOR / UNCUT / STEPPENWOLF / ROCKAMBOLESQUES XVII
KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME
LIVRAISON 494
A ROCKLIT PRODUCTION
SINCE 2009
FB : KR'TNT KR'TNT
21 / 01 / 2021
TONY MARLOW / SYL SYLVAIN / TIM BOGERT VIVE LE ROCK / MOJO / ABOUT VINCE TAYLOR UNCUT / STEPPENWOLF ROCKAMBOLESQUES XVII |
TEXTES + PHOTOS SUR : http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/
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Sale temps pour le rock privé de salles. On aurait voulu le tuer que l'on n'aurait pas trouvé mieux. Mais c'est quand l'heure est grave que les résistants sortent de l'ombre. De la mauvaise graine ( de violence ), c'est comme le chiendent, vous en trouverez toujours pour chantonner I want to be your dent de chien. Prenons un exemple au hasard, Tony Marlow, pourrait se prélasser sur ses lauriers, l'a publié voici peu un coffret qui retrace ses quarante ans de carrière au service du rock'n'roll, c'est bien Marlou, tu peux te reposer, tu le mérites, de toutes manières, t'es privé de concert, comme tous les enfants pas sages, rentre à la maison et arrête de faire du bruit avec ta guitare, il serait peut-être temps que tu penses à faire quelque chose de sérieux dans la vie.
Faut se méfier des rockers, tous des voyous rimbaldiens dans l'âme. Pensez à votre gamin que vous avez enfermé dans sa chambre pour étudier sa leçon de géographie et qui depuis sa fenêtre a balancé un cocktail molotov sur votre voiture stationnée au bas de l'immeuble. Ben, le Marlou, il est pareil, vous lui interdisez de se produire sur scène, il ne dit rien, vous croyez qu'il se calme tout seul dans son coin, non il contacte en douce ses amis et hop le temps de deux confinements, il enregistre un disque.
FIRST RIDE
MARLOW RIDER
( Rock Paradise Records / RPRCD 52 )
On les reconnaît tout de suite sur la pochette. Sur la gauche, c'est bien Amine Leroy, je confirme, un si gentil garçon, avec ses lunettes noires et sa chemise hawaïenne rouge ( idéale pour cacher les taches de sang ) une allure de tueur de la mafia qui ne connaît ni le remords ni le regret, à droite c'est peut-être pire, Fred Kolinski, binoclardes noires et longs cheveux blanc, il aborde le sourire inquiétant de celui qui est préposé aux interrogatoires un peu spéciaux, et au centre Marlow le patron, le regard dur, énigmatique, voilé de verres noirs, tourné vers le futur sombre de ses ennemis. Trois oiseaux de proie. Fascinants, évidemment une fille les admire, nous n'entrevoyons que la roue arrière de sa motocyclette mais sur sa cuisse l'on reconnaît Alicia F à son tatouage barbelé. Vous croyez que j'exagère, que je me tourne un film, ouvrez le gatefold cartonné, une fois que vous aurez poussé un cri d'horreur en voyant la rondelle du CD, tirez le livret intérieur, évitez la photo centrale et la crise cardiaque, lisez les petites notes, l'artwork est d'Eric Martin, librement inspiré de Born Losers film ( de bikers ) de Eric Laughlin sorti en 1967.
Tony Marlow : vocal & guitar / Amine Leroy : double bass, backing vocals / Fred Kolinski : drums, percussions, backing vocal.
Alerte mauve, les deux lignes précédentes risquent d'aiguiller le lecteur distrait sur une mauvaise voie, façon de parler parce que le rockabilly est l'une des meilleures qui puissent s'offrir à un amateur de rock'n'roll, oui mais la contrebasse d'Amine Leroy vous indique une fausse piste. Tony Marlow a plus d'une corde à sa guitare. Certes il n'est pas le seul, mais là il exagère, ceci n'est pas un disque de rockabilly, point du tout. Bye-bye les années cinquante, nous voici plongé en pleine révolution électrique, en plein psyché, fuzzée objectif lune mauve, de quoi faire hurler les puritains du rock'n'roll, que voulez-vous il n'y a pas que Cliff Gallup, y'a aussi ( entre autres ) un certain Jimi...
Debout ! : si vous n'avez pas compris la guitare du Marlou vous le fait vite entendre, tout de suite des giclées de piment de Cayenne au fond de la marmite en ébullition pour relever le goût, vous arrachent la gueule illico, et Marlou vous refile une seconde surprise, l'on a beau s'y attendre vu le titre, mais c'est du français, ce n'est pas que Marlow choisit la difficulté, mais par ici quand on y pense c'est aussi naturel de chanter le rock en français qu'en anglais, en plus vous avez de ces salmigondis de gratouillis instrumentaux à déguster à grosses louches. The gypsy says : bonjour la bande de gypsis, un peu sur le thème hugolien de la Esmeralda, mais chanté en anglais, faudrait plusieurs oreilles pour se brancher dessus, le galop de la contrebasse d'Amine, lui il mène les hordes mongoles qui cavalent derrière Gengis Khan, vous fournit le métronome, rien ne les arrêtera, du coup le Kolinski en profite pour se prendre le bec avec la l'excalibur de Tony, combat de coqs, ergots, go, go, cats, sur la fin du morceau en sont au sabre-laser, et le Marlow qui mène la danse vocale ne s'en laisse pas compter, ne mettez pas les doigts dans la mécanique, vous finirez par être emportés par ces coups de laminoirs orientaux qui volent en éclats. Shut up ! : z'étaient en forme au titre précédent, là ils deviennent méchants. Au début la section rythmique casse des arbres, juste pour fabriquer des cercueils, Tony ne tarde pas à vous apprendre pour qui ils sont prévus, allongez-vous messieurs les politiciens, comme par miracle voix, guitares et chœurs deviennent doucement ironiques, parfois les moutons mangent les ours, alors ils y vont tous les trois à toute vitesse et ils enfoncent les clous avec une hargne inconcevable. C'est en anglais, oui mais vous pigerez aisément. Hey Joe : un truc à se faire des ennemis, le Marlou se paye tous les risques, et Jimi Hendrix et Johnny Hallyday dans la même voiture. En plus il conduit la bagnole les yeux fermés, vous le prend sur un tempo plus rapide, Amine et Kolinski n'arrêtent pas de jeter des chardons ardents sur l'huile du moteur. Ça roule comme les chutes du Niagara. Au final, ce n'est ni du Jimi ni du Johnny, c'est du Tony Marlow. Jute une autre chanson d'amour : calypso à la mandoline grinçante, l'on quitte Jimi, l'on est plutôt sur la face cachée, l'autre versant de Chuck Berry qui aimait autant caresser les matous grassouillets des rythmes exotiques qu'exciter les chats sauvages du rock'n'roll. Suivez la guitare, pas de trop près, elle grésille et fume à la manière d'un grille-pain tout près de déclencher un court-circuit. Among the zombies : promenade parmi les zombies, toujours agréables qu'ils soient de pacotille ou vrais, alors le trio maléfique s'en donne à cœur joie, l'est comme chez lui, ils y vont à donf, le Marlou n'est pas du genre à louper ses loopings sur les cordes raides, l'Amine envoie la marmelade plein pot, et Kolinski patauge dedans avec cette malignité du gamin barbotant dans une flaque boueuse juste pour entendre crier sa mère vexée et horrifiée qui l'emmène à la messe. Que va dire M. le Curé de cette dépravation caractérisée ? Je ne sais pas, mais vous, vous adorerez. Marlow rides again : pour les esthètes, un instrumental, le plaisir de montrer ce qu'ils savent faire, une chevauchée comme l'on n'en entend plus, un petit parfum de ces instrumentaux que l'on trouvait sur les 45 Tours de années soixante avec le passage obligé du solo de batterie, et ici même de contrebasse, tout le reste pour la guitare, certes les doigts de Marlow savent la mettre en valeur tout seuls, mais c'est comme au restaurant huppé, ce qui compte certes c'est le canapé foie gras / caviar dans votre assiette, mais il y a l'art et la manière des garçons de vous glisser l'assiette sous le coude et de remplir votre verre de champagne, faut reconnaître que l'Amine et le Fredo, ils usent et abusent d'astuces diaboliques pour servir la targui de tous ces apprêts périlleux qui la mettent en évidence. Jimi freedom : un peu de funk en intro, Jimi se dirigeait par là au moment où il a cassé son calumet de la paix, mais voici la guitare qui couine tel un goret que l'on égorge, Amine vous le larde de coups de coutelas dans le dos, et Fredo l'assomme à coups de masses grandiloquentes, ne pleurez pas l'âme du cochon monte au ciel et les anges l'accueillent avec des hosannas de triomphe. Totalement hendrixien dans l'esprit. Sur la route du temps : métaphore motarde, l'occasion pour Tony de s'amuser à tous les dérapages incontrôlés que vous pouvez vous permette sur la Harley du rock'n'roll, de temps en temps ça appuie comme dans Born to be wild mais ce qu'ils aiment ce sont les pirouettes assis sur le guidon avec la mort sur le porte-bagage. Quant aux deux mécanos, le mot frein ne fait pas partie de leur vocabulaire. Mutual appreciation : la camarde en croupe ce n'est pas mal, mais roulez de concert avec Alicia Fiorucci, c'est encore mieux. Duo d'amoureux, le moteur de Tony gronde comme s'il voulait la dévorer toute crue, l'a la Durandal qui imite les grelots du traineau du Père Noël, et la petite futée derrière avec sa voix de lance-flamme, elle ne fait rien pour qu'il se calme. Rowdy : il est terrible le Tony, dès que vous le branchez moto, c'est parti pour toute la nuit. A train d'enfer. Le problème c'est qu'il confond moto et guitare, même que parfois la guitare dépasse la moto, autant dire que le morceau déboule à la manière d'un boulet de canon. Parlez-moi de ses copains, le Leroy et le Kolin' sont sur ses talons et le poussent dans ses ultimes retranchements. Non, il a encore de la marge. Vapeur mauve : un dernier challenge, Purple Haze, en français de surcroit, à faire un sommet de l'Himalaya que ce soit une aiguille anapurnienne, le Tony il est sûr de lui, ses fidèles lieutenants à ses côtés, quand il déploie l'étamine mauve au sommet, vous n'avez plus qu'à dire respect.
Un nouveau Marlow, pas de la piquette beaujolaitte, un grand cru enivrant, un arôckme puissant. Qui détraque les pendules des habitudes pour les remettre à l'heure des explosions solaires. Un projet sur lequel il travaillait depuis plusieurs années. Ce disque est un aboutissement. Un régal. Marlow Rider scintille de mille feux. Mauve avec rayonnement ultra-violet. Radiations dangereuses.
Damie Chad.
Syl Sylvain m’était conté
- Part One
Sylvain Sylvain vient tout juste de casser sa pipe en bois et pour lui rendre hommage, nous allons exhumer des archives un texte déjà paru en 2019 dans le dernier numéro de Dig It!. On y saluait la mémoire de Johnny Thunders, via In Cold Blood, l’excellent book de Nina Antonia, et celui de Sylvain Sylvain, qui venait de paraître, arrivait en contrepoint. Fascinant contrepoint, en vérité.
Sans vouloir se vanter, Sylvain Sylvain rappelle dans There’s No Bones In Ice Cream qu’il est à l’origine des deux mots clés de la mythologie des poupées : le nom du groupe et celui de Johnny Thunders. C’est en effet Sylvain Sylvain qui embauche Johnny en lui demandant : «Hey man, me and Billy have got a band, do you wanna join ?» Johnny répond qu’il aimerait bien, mais il ne sait pas jouer :
— I can’t play anything.
— Mais si, c’est facile, I’ll show you.
Johnny commence par jouer de la basse, car c’est plus facile. Seulement quatre cordes. Dix pages plus loin, Syl évoque the business that operated across the street, la boutique d’en face et dont l’enseigne au néon allait hanter son imagination pour le restant de sa vie : «It was called the New York Dolls Hospital. It sounded soooooooo good.» Alors il en parle à ses deux potos Billy et Johnny :
— Pas mal pour un nom de groupe, hein ?
— What ? The New York Dolls Hospital ?
— No, the New York Dolls !
Vous remarquerez ça dans toutes les histoires des groupes de rock, la période de la formation reste la plus passionnante et dans la grande majorité des cas, la plus touchante. C’est la période où le groupe se bricole sa petite réalité. C’est là où les kids s’apprêtent à vivre leur rêve.
On a longtemps sous-estimé le rôle de ce kid d’origine égyptienne dans l’histoire des Dolls. Ce livre rééquilibre un peu les comptes. On y découvre un kid extrêmement créatif, bourré d’énergie, plutôt rigolo et là on touche à l’essence même des Dolls qui relevait plus du monde des comics que du caniveau dans lequel la presse voulait absolument les enraciner. Johnny Thunders qui dégueule sur les journalistes à l’aéroport, c’est du pur Vuillemin. Les Dolls secoués dans ce van qui traverse l’Angleterre en 1972, c’est du pur Muppet Show. Syl Sylvain, c’est Charlot avec une Gretsch. Le chaos tragique de Johnny Thunders, c’est Laurel & Hardy Conscrits, avec un Oliver Hardy qui meurt dans l’accident d’avion et qui se réincarne en âne. Ce que corrobore Syl dans sa magistrale introduction. Quand on lui demande de raconter l’histoire des Dolls, il pense tout de suite à Bugs Bunny et Daffy Duck. Eh oui, Bugs est déjà une star, il entre sur scène, lève les bras en l’air et le public l’acclame. Wouahhh ! Par contre, Daffy peut jongler sur scène en pédalant sur un monocycle, personne ne l’applaudit. Que dalle. Bugs revient sur scène, siffle deux notes, et la salle explose à nouveau. Alors Daffy comprend qu’il doit passer à la vitesse supérieure. Il revient sur scène, avale une grosse lampée d’essence et une bouteille de nitroglycérine, quelques bâtons de dynamite et un gros tas de poudre, il ajoute par dessus tout ça de l’uranium 238 et saute sur place pour que ça se mélange bien dans son estomac. Puis il gratte une allumette. Pour la première fois, le public fait attention à lui. Wooow... Daffy prévient les filles : «Accrochez-vous à vos copains !» Et il avale l’allumette. Boum ! Il y a des plumes partout, oui, car pour les ceusses qui ne le sauraient pas, Daffy Duck est un canard. La foule l’ovationne. Même Bugs n’en revient pas ! Il crie «Encore ! Encore !». Mais le fantôme de Daffy flotte dans l’air et murmure : «Oui, oui, je sais, c’est un great show, mais je ne peux le faire qu’une seule fois !». Et Syl ajoute : «That for me is the story of the New York Dolls.» Voilà le niveau auquel navigue ce petit mec né en Égypte. Pour lui, les Dolls ne pouvaient monter sur scène que pour exploser comme Daffy Duck. And that is all you need to know about showbiz : le public veut du sang, alors il faut lui en donner. Les gens veulent voir Daffy Duck exploser. Caligula, note-t-il, aurait adoré les Dolls, comme il aurait adoré Gene Vincent et Vince Taylor. Et en guise de chute, Syl lance : «Comme Daffy Duck, on a triomphé. We wanted to give them a killer show every night.»
Comme les Cramps un peu plus tard, les Dolls créèrent en leur temps un univers unique, une théâtralisation du rock inspirée des comics trash. À leur modeste niveau ils produisirent sans même s’en douter de l’art moderne, au sens où l’entendait Joos Swarte. Libre à nous cinquante ans plus tard d’interpréter tout ce bordel comme bon nous semble. Mais une chose est sûre : on va pouvoir se ronger l’os du genou en attendant que réapparaissent des groupes aussi révolutionnaires que les Dolls et les Cramps.
Côté influences, Syl cite Gary US Bonds, une dévotion qu’il partage avec David Johansen, et puis aussi Edith Piaf, dont il va retrouver l’expression de la douleur et le goût du scandale chez Johnny Thunders. Piaf comme égérie du chaos tragique, c’est bien vu. Syl parle de Piaf car il a vécu en France durant son adolescence, après que Nasser eût incité la communauté juive à quitter l’Égypte. Syl vit rue Cadet, puis ses parents émigrent aux États-Unis, en quête «d’une vie meilleure». Comme tous les kids de son âge, Syl prend la British Invasion en pleine gueule, à commencer par le Dave Clark Five et les Beatles, bientôt détrônés par les Stones. Mais la plus grosse influence, ce sont les Ventures, un groupe qu’on connaît mal en Europe mais qui est vital pour les New-Yorkais. Syl apprend à jouer avec l’album Play Guitar With The Ventures - That taught you everything - et quand on savait jouer leurs cuts, on pouvait tout jouer. Syl adore tellement l’énergie des Ventures qu’il fait écouter «Pipeline» à Johnny. Il lui apprend à le jouer. Vas-y, regarde, talalalalala talala et là tu montes. Wow ! Johnny l’adore. Il le jouera toute sa vie et en calera une version spectaculaire sur So Alone. Syl adore aussi les Rascals dont le batteur, Gino Danelli, reste son batteur favori, loin devant Jerry Nolan. Il cite aussi Humble Pie comme son groupe préféré.
Et comme il vit dans le Queens, il doit apprendre à se battre dans la rue. Un jour, des Portoricains plus âgés et plus baraqués le coincent et lui disent : «Tu vois le mec là-bas, c’est mon frangin. Tu vas te battre avec lui !» Le gang forme un cercle et Syl se retrouve au centre face à un autre kid. «Fight ! Fight ! Fight !» crient les autres. Les filles pleurent parce qu’elles voient bien que ce freluquet de Syl va se faire dégommer vite fait. Mais par miracle, Syl reconnaît son adversaire. Ils ont tous les deux été exclus du cours de gym parce qu’ils n’avaient pas le survêtement adéquat et en guise de punition, ils durent rester debout en slibard dans un coin jusqu’à la fin du cours. Alors ça fait marrer Syl qui lance : «Hey William !». William sourit à son tour et fait : «Hey man !», et pour satisfaire le public, il se mettent à singer les boxeurs qui se tournent autour en décrivant des cercles avec leurs petits poings nus. Le cercle mugit :«Fight ! Fight ! Fight !» Ah tu veux du sang ? Voilà qu’ils se jettent l’un sur l’autre. Non pour s’étriper, mais pour s’étreindre. C’est là nous dit Syl qu’ils deviennent les meilleurs amis du monde et s’en retournent ensemble dans leur quartier en rigolant. And that is how I met Billy Murcia. Syl et Billy vont fonder les New York Dolls. Alors vous imaginez un peu la gueule de Syl quand Billy casse bêtement sa pipe en bois à Londres lors de la première tournée anglaise des Dolls. Il ne s’en remettra jamais.
Syl admire plus Johnny qu’il ne l’aime. Avant même de devenir Johnny Thunders, Johnny se comporte comme une rock star. Syl voit cette grâce en lui mais aussi le pouvoir qu’il tire d’un ego surdimentionné. Autre détail capital : quand un jour Mercury octroie une belle somme aux Dolls pour acheter du mathos, Johnny reçoit 800 $ car il est lead et Syl seulement 300 parce qu’il est rythmique. Il est fumace ! Il doit se contenter d’une Les Paul Junior jaune, alors que Johnny se paye une Les Paul Black Beauty. Mais quand il entend le son que Syl sort sur sa Junior, il lui propose immédiatement un troc et Syl récupère la Black Beauty. Johnny va garder ce faible pour la Junior jusqu’au bout. En fait, Syl et Johnny passent leur vie à faire du troc. C’est leur mode de relation, comme dans la cour de l’école, quand on troque des calots ou des petites bagnoles de course. Eux troquent les fringues et les guitares. Un autre jour, Syl tombe amoureux d’une Gretsch White Falcon qu’il croise dans une vitrine sur le 48e rue. Elle coûte 800 $ mais il parvient à se l’offrir. Quand il arrive avec elle en répète, les autres sont impressionnés. «Holy smoke !» «Aw my God !» Évidemment Johnny la voit et la veut : «I’ll trade you for it now ! Syl, je te donne tout ce que je possède en échange !». Mine de rien, avec tous ces petits épisodes, Syl en dit plus sur Johnny que n’en rêve ta philosophie, Horatio.
Le book est déjà bien vivant quand Syl entre dans le vif du sujet, c’est-à-dire l’épopée des New York Dolls, déjà mille fois rabâchée. Mais Syl apporte des éclairages nouveaux et intéressants. Qui compose «Frankenstein» ? Lui. C’est en fait l’histoire des Dolls. Syl raconte qu’ils font tout à l’envers dès le départ. Il prend l’exemple des Stones qui ont commencé avec le best rock’n’roll, puis the best drugs et enfin the best chicks. Well guess what ? Les Dolls font la même chose, mais à l’envers : d’abord les plus belles filles, puis les meilleures drogues et enfin the best rock’n’roll. Syl a cette énergie rigolote de la dérision, mais basée sur des faits réels qui relèvent de la flamboyance. You build the legend first, and then justify it - Tu construis ta légende et tu te débrouilles pour que ça tienne la route. Dans Interview, la mythique feuille de chou d’Andy Warhol, on qualifie le rock des Dolls de Subterranean Flash Sleazoid Rock. Malgré tout ça, les Dolls ont peu de chance de réussir aux États-Unis. Syl dit que par contre les Anglais et les Français avaient tout compris. Autre petit détail éclairant : Syl voulait Bowie pour la prod du premier album, car l’Anglais avait déjà produit Lou Reed et Iggy, c’est-à-dire Transformer et Raw Power - Think about it ! - Il aurait complété la trilogie - Classic American Gutter Rock - Malheureusement, Bowie n’est pas disponible car il tourne.
Flamboyants les Dolls ? Syl est obligé de relativiser quand il entre dans le monde d’Andy Warhol, via the back-room at Max’s Kansas City. Il y voit Eric Emerson porter le jean en cuir argenté que va lui emprunter Iggy pour Raw Power. Emerson grimpe sur une table, baisse son fute et commencer à se branler devant tout le monde. Syl fréquente aussi Holly Woodlawn, l’une des superstars d’Andy Warhol qui lui explique que si les Dolls se croient flamboyants, c’est une erreur, car selon elle, ils n’ont pas encore commencé à le devenir. Syl qualifie Holly de femme intelligente, créative and what a survivor, une notion capitale dans l’histoire d’un groupe comme les Dolls. Et pourtant, le Killer Kane en tutu flirtait avec la flamboyance. Syl : «Il avait cette expression sur le visage qui semblait dire ‘j’ai mis toute mon âme dans cette note que je viens de jouer, ladies and gentlemen.’ En tutu. Quelques années plus tard, Captain Sensible fera lui aussi une fixette sur le tutu, mais je le jure devant Dieu, le Captain avait l’air d’un enfant de chœur comparé à la full Killer Kane experience.» Syl parle de cette frontière à peine visible qui sépare l’insanité de la flamboyance.
Quand le premier album des Dolls paraît en Espagne, le gouvernement de Franco interdit la pochette, mais les spanish kids l’achètent en masse. Syl est ravi de voir qu’en Europe, les kids ont compris l’humour des Dolls, leur côté excitant et toute la sexualité qui va avec. Syl pense que les Dolls auraient dû s’implanter en Europe où le public les recevait cinq sur cinq.
Et puis avec la pression, les excès arrivent : Arthur a la bloblotte parce qu’il boit comme un trou, et dès qu’il commençait à trembloter, il fallait lui donner une bière. David buvait aussi et pouvait devenir un nasty drunk as well. Johnny was Johnny et Jerry était le seul qui ne semblait pas affecté par sa consommation massive d’héro. «He’s the only person I ever met for whom heroin was the better drug», en gros c’est le seul mec qu’ait connu Syl qui s’entendait bien avec l’héro.
Par contre, le deuxième album des Dolls annonce la fin des haricots. Syl dit que ce n’est pas un album des Dolls, car Shadow Morton fait venir des musiciens de session en studio. Pour Syl il s’agit plutôt du premier album solo de David Johansen. Après cet épisode dont personne n’est content, le groupe commence à se désintégrer. Syl essaye de redonner du souffle aux Dolls en composant, car le mal vient de là, de la stagnation. Il pond «Teenage News», certain que c’est un hit. Il organise une répète, mais à part David, personne ne vient. Mercury arrête les frais, le management les lâche pour lancer Kiss et Aerosmith, les ventes chutent et les copines se barrent vers des horizons meilleurs. Tout ça se termine avec un plan délicieusement trash dans un camping de Floride. Syl ramène son lot de détails gratinés, notamment ce voisin qui passe ses journées entières assis à la porte de sa caravane : il démonte son flingue pour le nettoyer et le remonte. Puis il le redémonte et le reremonte. Et ainsi de suite. Syl évoque aussi les beaux-frères de Jerry, qui débarquent régulièrement à l’heure des repas : «Hey, vous êtes tous des pédés ? On sait que vous venez de New York, mais c’est vrai que vous êtes des pédés ?» Du pur Vuillemin.
Signé : Cazengler, Sylvain est tiré
Sylvain Sylvain. Disparu le 13 janvier 2021
Sylvain Sylvain. There’s No Bones In Ice Cream. Sylvain Sylvain’s Story Of The New York Dolls. Omnibus Press 2018
Bogert back (where you one belonged)
- Part One
Tim Bogert vient de casser sa pipe en bois, le même jour que Sylvain Sylvain. Pour rendre hommage à celui qui fut sans doute le plus grand bassman des Amériques, nous ressortons des archives un conte bien con qui célébra en son temps Cactus, le plus piquant des groupes de full blasting power.
Thor Fergüsson achève son festin. Il s’essuie les mains dans son énorme barbe rousse.
— Ah ! comme les viandes étaient grasses !
Il s’empare du pot d’étain posé devant lui et le vide d’un trait. Rrrrrrrrrrah ! En rotant, il éteint la moitié des chandeliers.
— Bon, au boulot !
Il ramène vers lui le gros téléphone rouge qui trône sur la table parmi les victuailles. Il décroche et compose religieusement l’un des numéros tatoués sur son avant-bras gauche.
— Allo ? Pourrais-je m’entretenir avec monsieur Carmine Appice ?
— Lui-même...
— Permettez-moi de me présenter. Thor Fergüsson ! Mon nom ne vous dira rien mais sachez que j’organise chaque année un concert historique en Scandinavie. J’invite les géants du rock. Les dieux par chez nous en sont très friands. Mais vous savez, les dieux font parfois des caprices, comme les enfants. Et si par malheur on ne cède pas à leurs caprices, ils en prennent ombrage... Gare aux conséquences...
— Monsieur Fergüsson, mon temps est précieux, venez-en fait, je vous prie !
— D’accord. Les dieux veulent voir Cactus... Cactus est à leurs yeux le plus grand groupe de speed-rock des seventies...
— Quoi ? C’est une blague ? Vous feriez mieux d’essayer de me vendre une cuisine, vous auriez plus de chance, hé hé hé...
Thor Fergüsson déteste qu’on le contrarie. Une rougeur terrible lui monte au front et ses yeux se plissent.
— Le cœur de Thor Fergüsson est en argent et sa parole est en or, n’oubliez jamais cela, Monsieur Appice !
Carmine ne comprend rien, mais il sent bien que l’homme ne plaisante pas.
— Restez en ligne une minute ou deux, monsieur Fergüsson, il faut que j’en glisse un mot à mon associé ! Ce ne sera pas long...
Carmine met la ligne en attente et se penche vers Tim Bogert qui est vautré dans la banquette, juste à côté.
— Hey Timmy, un espèce de cinglé me demande de remonter Cactus pour un festival en Scandinavie...
Tim qui sirotait un grande goulée de bourbon s’étrangle.
— Mais on vient de remonter notre vieux Fudge !
— Oui, mais ce n’est pas le problème ! Tu sais bien qu’on peut jouer dans les deux groupes en même temps, mon p’tit Timmy ! N’oublie pas que nous sommes à nous deux la plus grande section rythmique du monde ! Ha ha ha ha !
— La plus belle powerhouse station de tous les temps ! Ho ho ho ho !
— La plus grosse loco d’Amérique ! Hi hi hi hi !
— Le plus beau bulldozer des temps modernes ! Hé hé hé hé !
— Et dire que Jeff Beck et tous les autres se prosternaient à nos pieds ! Ha ha ha ha !
Tim et Carmine hurlent de rire et se tapent sur les cuisses.
— Bon, qu’est-ce qu’on lui dit, à l’autre allumé du bec benzène ?
Tim réfléchit un instant.
— Tu sais bien que la reformation de Cactus pose un sérieux problème... Jim McCarty serait certainement d’accord, mais Rusty est mort...
Le regard de Tim se voile instantanément. Il adorait Rusty. Carmine et lui venaient de lâcher le Vanilla Fudge après le bide du second album, The Beat Goes On. Ils montaient Cactus et cherchaient un screamer. Ils finirent par dénicher Rusty Day à Detroit. Rusty chantait dans les Amboy Dukes, l’un des groupes phares de la scène de Detroit. Il avait exactement le profil du fou hurlant que recherchaient Tim et Carmine. Avec ses cheveux longs, sa mauvaise barbe rousse, ses grosses lunettes noires, ses cris d’orfraie et son goût immodéré pour le chaos, Rusty Day allait répondre à toutes les attentes, non seulement celles de Tim et de Carmine, déjà vétérans du circuit de clubs et rois de la débauche, mais aussi celles d’un public américain lassé des groupes précautionneux et prévisibles. Cactus allait servir sur un plateau d’argent un chaos total saupoudré de la démesure qui caractérisait déjà le Vanilla Fudge. Avec leur premier album, ils allaient lâcher deux bombes au napalm : une reprise du fameux «Parchman Farm» de Mose Allison et «Let Me Swim», un boogie aussi endiablé qu’incontrôlable. On pouvait y entendre le solo de Jim McCarty courir comme le furet, Carmine multiplier les breaks acrobatiques,Tim caramboler ses notes de basse et Rusty hurler à s’en arracher les ovaires. Cactus jouait le boogie à la vie à la mort, et ce bassiste fou qu’est Tim Bogert percutait des notes atonales, des résidus de bas de manche, des trilles prohibées et des gimmicks d’une indécente virtuosité.
— Allo ? Monsieur Fergüsson ? Vous êtes toujours en ligne ?
— Oui... Alors, dites-moi... Quelle est votre décision ?
— À priori, Tim Bogert et moi-même sommes d’accord. Vous savez, nous ne vivons que pour le rock. C’est notre destin et nous l’assumons pleinement, yo ! Nous devons cependant contacter notre guitariste Jim McCarty et lui demander son avis, mais nous savons bien qu’il sera fou de joie à l’idée de rejouer dans Cactus. Vous savez, Jim n’est pas n’importe qui. Il est en quelque sorte l’inventeur du power riff. Il faut dire qu’il a eu beaucoup de chance, puisqu’il a joué dans les Detroit Wheels de Mitch Ryder, à Detroit, puis dans le Buddy Miles Express... Ça laisse des traces, comme vous pouvez l’imaginer...
Thor Fergüsson produit un raclement de gorge. Il sait tout cela, mais ne laisse rien paraître de son agacement. Il sait être en de rares occasions d’une discrétion à toute épreuve. Carmine reprend :
— Nous allons cependant nous heurter à un gros problème... Rusty Day n’est plus de ce monde...
— Ah bon ?
— Voici quelques années, Rusty se trouvait en Floride et vivait du trafic de drogue, comme l’ont toujours fait les rockers de Detroit. Il s’était mis en cheville avec le gang de Scarface et les choses ont mal tourné. Rusty, son fils et deux de ses amis séjournaient dans un motel, à la sortie de la ville. Scarface et son gang de portoricains ont débarqué un soir et ont nettoyé la chambrée à coups de mitraillette. Ta-ta-ta-ta-ta-ta ! Ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta ! Vous voyez un peu le genre ?
— Oui oui...
— Évidemment, la police n’a jamais retrouvé les coupables. Rusty était criblé de balles, comme Nate Diamond dans The Gates Of Heaven. Inutile d’ajouter que l’avenir de Cactus est compromis... Mais peut-être avez-vous une solution ?
— Que voulez-vous dire ?
— J’ai cru comprendre que vous aviez des accointances avec certaines divinités...
— Je ne vous suis pas bien...
— Bon, je vais aller droit au but, puisque vous ne semblez pas vouloir me comprendre. Pour que Cactus rejoue un jour sur scène, il faut ressusciter Rusty Day... Cactus sans Rusty Day ne sera jamais Cactus, suis-je assez clair ?
— Monsieur Appice, vous me demandez de ressusciter Rusty Day, c’est bien cela ?
— Vous m’avez parfaitement compris !
— Bon, je vous rappelle dans un heure.
Carmine raccroche en hurlant de rire. Tim enlève ses lunettes pour s’essuyer les yeux. Il en pleure. Il a suivi la conversation à l’écouteur. Il sert deux grands verres de Jack Daniels. Ils n’avaient pas ri comme ça depuis longtemps. Ils se renversent dans la banquette. Carmine lève les bras au ciel :
— Thor Fergüsson, le sorcier vaudou du walalah ! Ha ha ha ha !
— Le White Zombie du cercle polaire ! Ho ho ho ho !
— Le Vincent Price des fjords ! Hi hi hi hi !
Tim se tord de rire.
— Arrête ! J’ai mal au ventre !
— Thor Fer... Fergüsson, hi hi hi, le ressusciteur du train fantôme ! Ho ho ho ho !
— Le Fergüsson toujours deux fois ! Hé hé hé hé !
Carmine se redresse.
— Sers-m’en un autre Timmy, le rire me dessèche la gorge !
Tim se lève pour aller chercher une autre bouteille dans la cuisine.
— Tu crois qu’il va rappeler, notre ami To-Thor ?
— Ça m’étonnerait... Il doit déjà être en train de rappeler Marky Ramone pour lui proposer de remonter les Ramones avec trois zombies, ha ha ha ha !
— C’est vrai que ce serait un bonne idée de remonter Cactus... On était quand même les meilleurs. Les Ten Years After se croyaient les plus rapides avec leur fucking Goin’ Home... Comment on les a coiffés sur le poteau avec «Parchman Farm» ! Quelle rigolade !
— On devrait appeler Jim pour lui raconter cette histoire... Il va bien se marrer...
— Bonne idée !
Carmine attrape le téléphone et compose le numéro.
— Allo Jim ? Carmine à l’appareil...Tu vas bien ? Attends une seconde... Timmy tu n’as pas entendu frapper à la porte ?
— Non...
— Vas voir, il me semble qu’on a frappé... Ouais, Jim, excuse-moi, et ta femme, elle a toujours ce joli cul ? Bon. Oui, figure-toi qu’il nous est arrivé une drôle de mésaventure aujourd’hui...
Carmine lève la tête et voit Tim revenir dans le salon en titubant. Il est blanc comme un linge.
— Tim ! Qu’est-ce qui t’arrive ? Excuse-moi, Jim, attends, ne quitte pas, Tim a un problème !
Crack ! Tim s’écroule d’une pièce, face au sol. Les verres de ses lunettes se brisent.
Affolé, Carmine se met à beugler :
— Ho Tim, réveille-toi ! Qu’est-ce que c’est que ce cirque ? Ho Tim, merde, à quoi tu joues, là ?
Carmine entend des pas très lourds dans le couloir. Il lève la tête et, à la vue de l’apparition, il bondit hors du canapé, comme s’il avait reçu une énorme décharge électrique.
Rusty Day se tient dans l’encadrement de la porte du salon.
Tétanisé, Carmine commente d’une voix chevrotante :
— Oh shit, Jim... Tu ne voudras jamais me croire ! Rusty se pointe à l’instant dans le salon ! Mais si c’est vrai ! Mais c’est quoi ce bordel ?
Rusty Day semble flotter sur ses jambes. Il avance les bras ballants. Une sorte de glaise parsème ses cheveux et ses vêtements en lambeaux. La couleur de sa chair tire sur le gris vert cadavérique. Son T-shirt est criblé d’impacts de balles. Il fixe Carmine d’un regard bizarre, ouvre lentement la bouche et marmonne d’une voix d’outre-tombe :
— Hello ! Carmine... T’es toujours aussi con ?
Signé : Cazengler, Tim Boberk
Tim Bogert. Disparu le 13 janvier 2021
Le rock est (pas) mort - Vive le rock !
L’épidémie de peste noire n’épargnait rien : ni les bourgeois, ni les paysans, ni les larrons, ni les fêtes de fin d’année rituellement consacrées au renversement des réacteurs abdominaux et à l’instigation de liquides sénescences. Alors que l’épidémie faisait rage et qu’on jetait des centaines de milliers de pestiférés dans des bûchers dressés aux carrefours, Dieu eut un geste de miséricorde : il fit parvenir aux lecteurs de Vive Le Rock une petite compile compatissante.
Elle arriva par courrier séparé. L’enveloppe matelassée ne contenait que le petit objet cartonné. Pas de courrier explicatif, rien. Sur le recto, un père Noël punk brandissait une bouteille de Vive le Grog et trinquait à votre santé : Cheers ! Et il ajoutait : «Thanks for being a Vive le Rocker». Pour être tout à fait franc, nous restâmes un moment béat devant le petit objet carré, ne comprenant ni sa provenance ni sa signification. Ce n’est qu’en le retournant que la lumière se fit. Quatre lignes : «Merci d’être un VLR Subscriber et de votre aide en cette année particulièrement difficile. On espère que vous apprécierez cette petite sélection de morceaux enregistrés par des amis à nous et qu’elle va rocker votre christmas tree !». Il n’y avait aucune trace de l’existence de cette compile dans le canard lui-même, ni dans le # 77 (december) ni dans le # 78 (january). Il s’agissait d’un pur élan de générosité conviviale placé sous l’égide de la miséricorde divine.
Nous décidâmes de l’écouter aussitôt en coiffant le casque, ce qui permettait de joindre l’utile à l’agréable : les hurlements des guitares allaient enfin couvrir ceux qui provenaient de la rue, c’est-à-dire les hurlements des gens suspectés de porter les germes et qu’on jetait vivants dans les bûchers. Les pouvoirs communautaires n’y allaient pas de main morte et nul n’était censé ignorer la loi de la sélection naturelle. La raison ne faisait plus partie de ce monde.
Cette compile Cheers tombait à pic, en ce sens qu’elle tisonnait le brasier introspectif. Dès le ska beat de Neville & Sugary Stapple et le punk à l’ancienne d’un groupe nommé Noise, force fut d’admettre que Cheers s’enlisait dans le passé. Cette compile s’ingéniait à rebrousser chemin, alors que celle de Mojo indiquait clairement la direction de l’avenir. Un groupe nommé Southern Ulster s’affairait à réveiller les vieux démons de la guerre civile irlandaise en singeant le Rotten. Tous ces cuts pouvaient très bien dater de 1977, mais ils dataient de 2020. Oh bien sûr l’énergie restait intacte et c’est ainsi que Vive Le Rock affirmait sa position, en tant que bastion d’une punkitude éternelle qui de toute façon n’était pas conçue pour évoluer. Tous ces groupes jouaient au bardus maximalus cubitus, et rien n’aurait pu les détourner de leur entêtement. On tombait un peu plus loin sur quatre écumeuses qui font le buzz, Maid Of Ace, avec «Live Fast Or Die». Bien soutenues par un joli son de batterie, elles besognaient le destroy punk oh boy à l’arrache, ces harpies mettaient en charpie le gaga-punk et l’infra-basse remontait dans les jambes du pantalon. Rien de révolutionnaire, mais la pensée que des groupes pussent encore défier ainsi les règles de bienséance réchauffait le cœur. Avec son «Shadow Of Dreams», Tara Rez provoquait le même genre d’émoi : voix magnifique, présence très toxique, elle se fondait dans le moule comme une tranche de lard dans la poêle. Elle s’ingéniait plus à exploser le doom qu’à l’explorer. Mais en parallèle, la réflexion couvait : tous ces groupes ne devenaient-ils pas inutiles avec l’interdiction des concerts ? Et sous le casque, ne devenaient-ils pas doublement inutiles ? La meilleure illustration de cette petite mort de la pensée fut l’irruption des Ruts DC, avec «Dangerous Minds». Les Ruts sans Malcolm Owen, c’était un peu la même chose que les Doors sans Jimbo : une sinistre arnaque. La compile s’enfonçait ensuite dans l’obscurité avec des luninaries comme Youth, Paul-Ronney Angel, le rock festif de Ferocious Day et les Restarts. Nous dûmes convenir avec Eugene Butcher, la tête pensante de Vive Le Rock, que nous n’avions pas les mêmes goûts. Envoyés eux aussi par Dieu, deux sauveurs allaient arracher cette compile des flammes auxquelles nous la destinions : Nik Turner et Jaz Coleman. Auréolé de légende, le vieux Nik embouchait son saxophone chamanique pour jazzer «The Cracker». Il continuait d’arpenter les cercles magiques, comme au temps d’Hawkwind, il dansait au bord de l’abîme qui est aussi la fin du monde, the edge of time. Et Jaz rallumait les brasiers de «Wardance», magnifique illustration du pandémonium dans lequel nous étions tous précipités. Killing Joke fut l’un des groupes les plus extrêmes de l’histoire du rock, mais en ces temps d’apocalypse, cette version live de «Wardance» tapait en plein dans le mille car elle indiquait clairement qu’avec la raison, l’espoir avait lui aussi abandonné ce monde.
Signé : Cazengler, Vive le roquefort !
Compile Vive Le Rock - Cheers ! Thanks For Being A Vive Le Rocker - December 2020
Got my Mojo working
Crack ! Crack ! C’est le bruit que font les pipes en bois qui cassent. Deux en même temps, cette fois, Tim Bogert et Sylvain Sylvain. Deux pages d’histoire du rock se tournent d’un coup. Jusque là les défaitistes parlaient de rock de vieux, maintenant ils ne parlent plus que du rock des morts. Tous les héros se font la cerise, bientôt il ne restera plus que nous, les fans. Alors forcément l’horizon s’obscurcit, d’autant plus vite que l’épidémie de peste noire se pose comme un suaire sur la fin des haricots du rock. Que veux-tu faire ? Recommander ton âme à Dieu ? Ha ha ha ! Mais ça ne sert à rien ! Jamais la marge de manœuvre ne fut plus ténue.
En fait, on s’inquiète pour des prunes, car le rock, c’est Zorro. On le dit mort, pfffff, mais non, il surgit hors de la nuit, il court vers l’aventure. Son nom ? Il le signe à la pointe de l’épée, d’un R qui veut dire Rocko. Rocko est invincible. Bon d’accord, des héros disparaissent mais d’autres arrivent, avec leurs idées, leur énergie, leurs boots et leur fierté de porter cet héritage, sans doute le seul qui vaille, car suprêmement dématérialisé. On parle ici d’héritage culturel, d’hommages rendus avec des guitares, pour que la grande fête païenne se poursuive envers et contre tout. En ce début d’année vérolée, Mojo nous fait le plus beau des cadeaux avec sa compile Psych Ops!. Mojo lâche sa meute, quinze groupes féroces comme des loups, Rocko n’a jamais été aussi carnivore, aussi affamé de chair fraîche. Le fait qu’ils soient lâchés en même temps donne encore plus d’impact à tous ces groupes, ça les rend encore plus brutaux. Il est des compiles qui marquent l’histoire du rock au fer rouge et celle-ci pourrait bien en faire partie. Tim Bogert et Sylvain Sylvain seraient les premiers à s’en repaître. Tiens, rien que pour l’«I Need A Doctor», des Hot Snakes ! Mais oui, le groupe de John Reis qui jadis mit le feu aux poudres avec Rocket From The Crypt. On les connaît les Hots Snakes, on les a vus sur scène, ce sont des barbares. Ils ne savent faire qu’une seule chose : brutaliser les oreilles des chrétiens. Chez eux tout est tendu à se rompre, le beat, le bassmatic, le chant, wow, ce mec a besoin d’un doctor, il gueule tout ce qu’on peut gueuler dans ces cas-là, et nous on danse dans la cuisine, on savoure chaque goutte de cette merveilleuse rincette d’excellence dévastatrice. John Reis forever ! Souviens-toi de ces mecs de San Diego. Ils sont la saveur du rock. Et voilà que revient le temps des géants avec Ty Segall, John Dwyer et Sonic Boom. Mojo a choisi un cut relativement ancien de Ty Segall et Mikal Cronin tiré de Reverse Shark Attack, mais ce «Take Up Thy Stetoscope And Walk» est d’une brûlante actualité, car ils allument la gueule de Dieu qui s’approche trop près, ils jouent avec toute la violence du monde, mais une violence intentionnelle, celle qui fout la trouille, leurs explosions outrepassent celles des Who et du MC5, ils sont dans la brutalité sonique délibérée, leur rentre-dedans pourrait bien sauver l’humanité. Pourquoi ? Parce qu’on sort de là régénéré. John Dwyer tape lui aussi dans la transmutation des gènes du rock avec Thee Oh Sees et «Encrypted Bounce». Comme son pote Ty, il règne sans partage sur le vrai monde, celui qui nous intéresse, le monde du Psych Ops so far out, alors on lui colle au train, car il est à la pointe de la modernité. Dwyer nous rappelle que la sauvagerie est une valeur universelle, sans doute la plus précieuse. Quant à Sonic Boom, on en disait le plus grand bien ici même il n’y a pas si longtemps. Mojo sort «I Can See Light Bend» de son dernier album, All Things Being Equal, et le cut prend dans ce contexte une résonance particulière : il semble tiré comme Moïse tiré d’un panier sacré trouvé dans les roseaux du Nil. L’avenir appartient à ces mecs-là, Segall, Dwyer et Boom. Mais aussi aux Wooden Shjips de Ripley Johnson que Mojo qualifie de benign guitar god. C’est juste, car avec «Golden Flower», Ripley Johnson mixe le dronerock des Spacemen 3 avec le son du early San Francisco freak-out. Ce barbu est un merveilleux driver de circonvolutions, il chante au doux du menton mais il entraîne derrière lui une escadre entière pour une partie d’hypo à faire pâlir d’envie Sister Ray.
L’autre légende à roulettes s’appelle Tim Presley. Ce mec a traîné avec Ty Segall et a joué un temps dans the Fall, sur l’album Reformation Post TLC, ce qui lui vaut le respect de tout l’underground. Mais ce qui le grandit encore, c’est sa fascination pour Syd Barrett. Son groupe s’appelle White Fence et Mojo propose «Neighborhood Light». On sent chez Tim Presley une volonté de brouiller les pistes. Il fait son coup de Syd, poussant nous dit Mojo les explorations musicales de Syd dans une direction encore plus étrange. L’autre magnifique prestation est celle des Death Valley Girls, avec «Hypnagogia», tiré de leur dernier album, Under The Spell Of Joy. Mojo parle d’un mélange de sax free et de Ronettes occultes. Alors banco ! On y va les yeux fermés. Elles sont le totem, elles sortent un son puissant, explosif, d’une profondeur insondable. On croise aussi un certain David Vance. Ce mec joue dans les bois. Comment ça dans les bois ? Eh oui, il tire une très très très longue rallonge électrique pour brancher son ampli. Il gratte donc sa gratte au coin du bois et souffle des coups d’harmo. Il vise clairement le striped down et présente son cinquième album. Jouer loin des villes, c’est sa façon de dire que le rock a la peau dure. Wand restera sans doute le plus étonnant de tous ces groupes férus d’avenir : le boss s’appelle Cory Hanson, un mec qui a joué avec Ty Segall et Mikal Cronin, et son «Perfume» permet de constater qu’il en connaît en rayon en matière de freak-out. Il sort un son plein d’espoir, un composé de hardcore angelino et de pop de Brill, bien gorgé d’harmonies vocales, alors on va voir si la rose est éclose et après une fausse fin, Wand explose, les girls sonnent les cloches du cut et naviguent tout là-haut, dans les nuées de l’imparable félicité. Par contre, on a deux ou trois trucs qui ne marchent pas, comme White Denim, la Luz et cette grosse arnaque qu’est King Gizzard. On peut aussi se pencher sur le cas d’Olivia Jean qui nous dit Mojo est descendue de Detroit pour aller lancer les Black Belles à Nashville. Suivie de près par le riffing de la scierie, cette petite égérie fait son élégie. Alors qu’on lui scie les pattes, elle saisit l’esprit mais affiche un mépris total du qu’en dira-t-on. Pendant qu’elle campe son personnage, certaines phases explosent et d’autres captivent.
Signé : Cazengler, Mojobard
Psych Ops - 15 new garage rock nuggets. Mojo # 327 - February 2021
ABOUT VINCE TAYLOR
De Marc Villard nous avons déjà chroniqué dans notre livraison 49 du 22 / 10 / 2011 Sharon Tate ne verra pas Altamont et La vie d'artiste, beau polar-jazz, dans notre livraison 51 du 05 / 11 / 2011, mais ce coup-ci, c'est différent. Il s'agit d'un recueil de courtes nouvelles intitulées Bonjour, je suis ton nouvel ami. Un truc sympathique, publié chez L'Atalante en 2001, marrant, vite écrit, plein de vide et de pages blanches, vite lu, mais dont la lecture est loin d'être nécessaire pour votre survie mentale. Sauf les pages 87 – 89 sobrement intitulées Vince Taylor.
Elles dénotent dans le book. Un trou noir, dans les mésaventures désopilantes d'un cadre un peu ventripotent, de quarante ans, ce qui signifie rideau pour les filles, qui jette un regard désabusé sur sa vie d'écrivain dont il refuse d'être dupe, au moins autant que de ses existences professionnelle et familiale, mais l'on n'est pas obligé de le croire, aux prise avec l'absurdité du monde contemporain. On aime, parce que dans les flèches qu'il envoie tous azimuts, sur ses proches et ses collègues de travail, il privilégie sa propre cible. Dans la série, vaut mieux en rire pour ne pas pleurer, il ne se fait pas de cadeau.
Oui mais ces quelques lignes terribles relatent ce que l'on ne peut même pas appeler de véritables rencontres, à quinze années de distance, avec Vince Taylor, elles font froid dans le dos. Tout ce qui sépare la dèche de l'ange de la déchéance.
Damie Chad.
*
L'année dernière, pas besoin de remonter aux calendes grecques, c'était il n'y a pas longtemps, au tout début du mois de décembre, nous évoquions Klone et sa très belle version de The Spy des Doors. Dans la cronic nous en venions à parler de la Klonosphère, cette structure issue d'un collectif artistique regroupant Klone, Hacride et Trepalium, créée en 2001. Vingt ans après comme écrivait Alexandre Dumas, plus de cinquante groupes, rock ( pas mal ), metal ( beaucoup ), et pop ( un peu ), gravitent, tels des électrons libres, et à des degrés divers autour de cette structure qui leur propose aides et services. Régulièrement ils mettent quelques combos en promotion ( le mot n'est pas très bon, il sent un peu trop fort la grande distribution ), nous avons été alertés par Lewis qui présente son premier clip, oui mais dessous, il y en avait un autre avec cette inscription, Bee Blue, lorsque le mot blues s'étale devant nous il agit sur notre imaginaire comme le gruyère sur la souris prise au piège, surtout que la vidéo s'étant déclenchée toute seule, une espèce de bruit s'est fait entendre, cela ressemblait à un crissement de pattes d'alligator sur le carrelage de la cuisine. On se serait cru dans une cabane au cœur du bayou, nous n'en étions pas si loin, puisque Uncut est originaire de Poitiers, et qui dit Poitiers dit marais Poitevin. Nous avons voulu en savoir plus sur ce groupe qui se nomme Uncut.
La chance sourit aux audacieux. A peine avions-nous risqué le non d'Uncut sur l'ordi qu'il nous envoie immédiatement chez eux, dans leur local de répétition, à Poitiers, tronches intelligentes, belles étagères d'album vinyles, fauteuils confortables, on aperçoit même Jim Morrison dans sa baignoire en arrière plan, on se croirait chez soi, en trois minutes France 3 Nouvelles Aquitaine, nous file une vision du combo en entremêlant à ses images celles d'un clip du groupe, viennent se sortir leur premier EP, et l'album ne tardera pas... L'on suppose que tout cela a dû être plus ou moins malmené par le covid, mais au final, ils ont tracé leur route, sont arrivés à passer entre les gouttes... Donc on écoute
Alexy Sertillange : vocal and baritone guitar / Enzo Alfano : guitar / Pablo Fathi : drums
UNCUT
FROM BLUE
( KLONOSPHERE / 10 / 11 / 2019 )
Blue eyes lover : un texte un peu macho destroy qui se la joue romantico-ténébreux, par contre pour le bleu, vous avez plusieurs teintes, un clair au début, genre doucement les basses, on clopine grave, le bleu-blues de base, et brutalement ils le foncent à mort, les guitares se font lourdes et la voix devient enragée, vont nous refaire à plusieurs reprises le coup du ripolin à deux prunelles, et chaque fois ils rajoutent du pigment, un coup je le délaye, un coup je vous le beurre-noircise, n'arrêtent pas d'être inventifs, cinquante nuances du bleu en cinq minutes, un morceau tellement bien foutu que ça crève les yeux des amoureux, des amourocks. Belle carte de visite. Sûr, ces mec ne sont pas des bleus. Bee blues : ( + Paul Brousseau : keyboards ) : majesté du riff, la voix qui s'élève, les guitares qui s'égrènent, la batterie qui tamponote, des chœurs qui ululent, et puis la montée progressive, le riff se déploie, un incendie de forêt dans votre âme, car tout se passe dans la tête, ne suffit pas de jouer le riff le plus beau qui soit, faut encore que ceux qui l'écoutent sachent l'habiter, faut qu'il brûle dans leur imagination, qu'il se déchire aux ronces du vocal, ces coups de boutoirs de la batterie, sont-ce les dieux qui frappent à la porte de la réalité, ne vous étonnez pas des brisures, des cassures, Uncut vous refile le riff, c'est à vous de le transformer en or pur... les paroles osmosiquent la musique, elles apportent un plus, autant que chez Led Zeppe, qui lui aussi procédait du blues, de cette mythologie animale des instincts de survie primale. ( Voir le clip sur You tube ). Deandra : ( + Jean Marie Canoville du groupe Howard : vocal ) : le riff se lève sur Deandra comme le soleil sur la ville, comme le sourire sur les lèvres d'une fille sauvage. La batterie sur toutes les étagères des états de l'être, tout le reste autour, le vocal qui commence à moaner puis à bramer tel le cerf au fond du bois et les guitares qui cassent du bois. Coup de folie, ravages collatéraux, la ménagerie de verre se brise. Snake boogie : le boogie du serpent, un truc vieux comme la Bible, l'histoire du désir qui pointe et siffle. Classique, l'on en profite pour réfléchir à ces temps abrupts de silence qui essaiment dans les morceaux de Uncut, l'instant de se demander comment ils font pour ne pas rompre la force de l'avalanche sonore. Ces gars maîtrisent un max. Blue eyes lover : la preuve, vous pourriez penser qu'avec le volume vous écrasez les détails, alors ils vous refont deux morceaux en acoustique. Pas de tricherie possible. Vous pouvez suivre les pointillés de la guitare, et profiter des dénivelés. Que reste-t-il de votre ampoule lorsque vous la privez d'électricité. L'expérience d'Uncut s'avère positive, elle éclaire tout autant. Bee blues : celui-ci aussi privé de courant et en live comme le précédent. Plus près de l'early blues, peut-être plus beau, plus inquiétant, davantage ramassé tel le serpent sur lequel vous avez marché et qui s'apprête à vous mordre pour vous punir de vivre, une chose que vous savez mal faire. Murmures ululés tout doux, ou brandis tels des brandons de braise folle. Gold digger woman : leur première démo, pour plus tard, pour se rappeler d'où ils sont partis. Déjà Uncut mais pas encore eux-mêmes, trop de citations, un condensé de ce que les autres qui les ont précédés ont mis au point. Toutefois l'on pressentait que les élèves parleraient bientôt d'égal à égal avec les maîtres.
Pour ceux qui auraient bêtement cru ( j'en fis partie ) que From blue signifiait qu'ils venaient du blues, ce qui n'est pas faux, le titre de l'album qui suit, tout simplement, Blue, ouvre une autre porte, montre que le groupe possédait un coup d'avance, sortait un EP en pensant déjà qu'ils amassaient les pierres d'assise de leur prochain opus.
UNCUT
BLUE
( Novembre 2020 )
Si le feuillage dionysiaque qui couronnait la tête de nos trois riffeurs sur le premier EP nous renvoyait à une antique mythologie, la couve de l'album procède d'un autre mythos beaucoup plus récent, celui du farwest, Uncut veut-il nous signifier de faire gaffe, qu'ils sont armés, qu'ils ne sont pas uncolt...
Family blues : un riff qui rebondit comme sur un billard à douze bandes, et Sertillange qui murmure puis plante ses éclats de voix dans vos oreilles, ne suffit pas d'avoir le blues dans la vie, ce n'est qu'un début, débrouillez-vous pour en faire quelque chose, c'est comme le blues, vous l'asseyez sur une chaise électrique et il fait des étincelles à n'en plus finir. Le morceau en est la preuve évidente. Paul Brousseau et son orgue vous le soulignent au gros feutre rouge dans la cavalcade finale. Highway to Cagne : ça démarre sur les chapeaux de roue, et ça file sec, le combo a le diable au cul – on le rencontre sur toutes les highways to hell du monde – des accélérés de guitare à vous suicider pour en finir au plus vite, Alexy vous hache les mots à l'abordage, un stoner du tonnerre qui court plus vite que son ombre, sur la fin vous n'aboutissez pas, vous emboutissez la violence du rock'n'roll. Deandra : ( + Jean Marie Canoville : au vocal ) : repris de From Blue. Blue eyes lover : repris de From Blue. Bee blues : repris de From Blue. Small steps : intro barytonique et sonore, le riff s'est arrondi, écho sur les voix, celle du dessus, et celles du dessous, la beauté du morceau repose sur la splendeur des sonorités, étrangement le riff est ici moins découpé que sur les autres titres, mais la brillance de l'instrument évoque beaucoup plus le Dirigeable. Idem pour ces écartèlements de notes finales. Snake boogie : repris de From Blue. Display : blues un jour, blues toujours, Sertillange vous prend sa voix la plus cruellement incisive, l'on dirait qu'il sonde la plaie de son âme avec de gros doigts sales, les guitares pleurnichent des accords pour affirmer leur désaccords et l'on monte sur les hauts chevaux du drame, c'est le grand jeu, le drummin' rebondit sur le tronc d'un arbre plus dur que du fer, et l'on entre dans le grand tohu-bohu des passions humaines qui se déchaînent sans répit à la la manière de tronçonneuses dont vous avez perdu le contrôle. Diplodocus : quand on joue à jeu égal avec les dinosaures des ères précédentes, ne soyez pas étonnés de cette arrivée diplodocusive, musique lourde, qui écrase tout sur son passage Sertillange cornaque le monstre de sa voix, c'est sans surprise, mais quel beau spécimen de l'ère jurassique. Un fossile digne des plus grands musées. Mais attention, sur la fin vous avez des toussotements éruptifs et covidiques de saxophone initiés par Pierre Renaud... Le monstre ne serait-il pas en train de s'éveiller ? The trap : long morceau de plus de huit minutes, des larmes qui tombent bientôt recouvertes par d'autres larmes, la voix ne chante pas, elle parle, frissons de cymbales et l'on repart, pas plus fort, plus aigu, plus clairement pointu comme la souffrance qui s'insinue en l'esprit des petites filles dont le papa est mort à la guerre et dont la maman ne survivra pas, alors le murmure devient cri et le blues éclate comme une grenade à l'intérieur de votre tête et communique le feu au monde entier, gouttes de rosée lacrymale pour éteindre l'incendie, le lac débordera, l'orgue de Paul ride la surface salée de l'océan qui déferle et recouvre l'univers. Le blues gémit et se tord de douleur. L'est comme un serpent qui se hisse sur l'arbre de Dieu, l'on n'entend plus que le sifflement de ses écailles. L'on ne sait pas lequel aura tué l'autre.
Uncut fait partie des grands.
Damie Chad.
STEPPENWOLF
7
( Dunhill Records / Novembre 1970 )
La pochette est créditée à Tom Gundelfinger. L'on remarquera que le Live de 1970 offrait au dos sa couve, une fantomatique tête de mort blanchâtre perdue dans un noir absolu, dont les yeux vides vous fixaient étrangement. Etait-ce une simple vanité pour rappeler aux fans de base que nous sommes tous mortels, même les loups issus des steppes de nos désirs, nous ne savons pas, la mort qui ne dit rien interroge toujours les vivants. Un an plus tard sur la pochette de leur second live sorti en octobre 1971, le Grateful Dead nous offrira une sardonique couronne mortuaire à son effigie. Mais sur cette pochette la mise en scène est beaucoup plus grandiose. Deux gigantesques têtes de mort se regardent. L'on ne peut pas dire que tout comme les augures de l'antique Rome ne pouvaient se voir sans éclater de rire nos deux chefs de squelettes incitent à l'humour noir. La pochette est sculpturale, le paysage stérile et la mer immobile sur lesquelles elles reposent évoquent un paysage post-atomique, quant à la photographie du groupe, d'un bleu-vert cadavérique au milieu d'étranges protubérances de lichen végétatifs elle servirait très bien de jaquette au Précis de Décomposition d'Emil Cioran.
Le 7 de Steppenwolf n'eut pas le succès escompté. Le Loup était peut-être trop en avance. Cinquante ans plus tard l'on ne compte plus les disques de groupes de hard et de metal qui ont emprunté et galvaudé le thème des têtes de mort sur leurs pochettes. Quant au logo de Guns N' Roses formé par Axel Roses, il adopte la forme de la forme de couronne mortuaire du live du Grateful dead, titré Skull and Roses...
Changement de décor à l'intérieur du gatefold. L'on retrouve les membres du Loup dans les ocres sables d'un désert impitoyable qui se font face, tels deux tribus qui s'affrontent, déguisés en guerrier improbables qui évoquent autant les peaux-rouges d'Amérique que les cataphractaires perses ou les hordes préhistoriques. Mais ce n'est pas fini, au dos de la pochette, surgissent, plantées, les longues jambes d'un cowboy – une attitude qui rappelle celle de John Kay sur les photos du groupe – pas plus haut que les talons de ses bottes, à ses pieds le groupe ressemble à un peuple de liliputiens. Chacun interprètera cet artwork à sa guise, serait-ce une vision glaçante et pessimiste de l'Humanité qui depuis des millénaires passe son temps à se battre pour finir par mourir, ou alors Tom Gundelfinger qui apparaît au bout de la photographie en minuscule David opposé au géant Goliath en un duel que l'on ne saurait qualifier de mortel car il tient, non pas un revolver, non pas une fronde, mais un appareil photo, preuve que ne subsistent que ceux qu'un artiste par son art a immortalisés.
John Kay : lead vocal, rhythm guitar, harmonica / Larry Byrom : lead guitar / Goldy McJohn : organ, piano / George Biondo : bass / Jerry Edmonton : drums
Ball crusher : ce Byrom à la gratte c'est vraiment un lord. Le Loup n'a jamais été aussi au point, tiré d'équerre, rien ne dépasse et tout est plénitude. S'en sont rendu compte car sur les quatre minutes il y en a deux réservées en fin de route à l'orchestration. Tout commentaire serait superflu. Pour les paroles, cela m'étonnerait qu'à l'époque ils aient reçu les félicitation du MLF, aujourd'hui seraient cloués au pilori. Forty days and forty night : se rattrapent aux petites branches, le Kay chiale comme une madeleine puisque sa baby a fichu le camp depuis quarante jours, genre d'aventure qui est déjà arrivé à Muddy Waters, il ne faut jamais se couper de ses racines alors le Loup bleu plonge dedans comme aux grands jours de Chicago, Kay vous mord à la gueule, Jerry tapote méchant, un harmo porc-épic déchire, tout bouge dans le bouge, essayez de suivre vous deviendrez rouge de honte, car le Loup il ramone grave dans l'authenticité. Le vieux tube de Bernie Roth reprend un coup de jeune. Fat Jack : Chez le Loup on ne tire pas la gueule aux nouveaux arrivants, George Biondo ne peut pas se plaindre, non seulement il compose et il joue de la basse - l'a été embauché pour remplacer Nick Saint Nickolas - mais il se charge aussi du micro. Longue intro pour lui permettre de se lancer, l'on a mixé sa basse tout devant, et il assure, la voix un peu plus pointue que celle de Kay, mais les autres l'enveloppent comme s'ils avaient à déménager la Vénus de Milo, c'est charnu et plein jus, le fat man y perdra sa graisse de patron rondouillard, vous le font tourner en bourrique et tout le monde applaudit. On adore comme ils conduisent sans respecter les limitations de vitesse, ni les feux rouges. Renegade : un des morceaux les plus célèbres du Loup, Kay l'allemand raconte son évasion, son passage de la ligne, de l'Est vers l'Ouest. Car lui et sa mère sont des renégats qui quittent le paradis communiste pour l'enfer capitaliste ( ce qu'il y a de terrible c'est que si vous écrivez qu'ils échangent l'enfer communiste pour le paradis capitaliste, ça ne sonne pas plus rassurant ), certes il ouvre la bouche bien fort et vous découpe les vocables au chalumeau, mais il ne chante pas bien longtemps, laisse la musique parler à sa place et le Loup épouse sa colère, la fait sienne, l'endosse, les notes prennent l'ampleur des mots de Morrison et le flot orchestral devient plus puissant que celui des Doors. La voix de Kay se teinte de fiel et d'ironie. Lorsque le morceau se termine vous avez l'impression d'avoir passé la ligne, d'être un survivant à votre propre histoire. Foggy mental breakdown : retour au blues, après la claque de Renegade qui terminait la face précédente, où pourriez-vous vous retrouver sinon là. Kay et George se partagent le vocal, pas tout à fait dans le jeu originel question / réponse qui structure l'originélité du blues, mais à la manière du binôme des chevaux de tête qui s'entendent et s'entraident pour tirer la diligence encore plus vite, est-ce pour cela que l'harmonica vous colorise et vous countryse l'ambiance, toujours est-il que l'on se laisse transporter par ce tapis volant équipé d'un turbo surdimensionné. Snowblind friend : Kay ne lâche pas son combat contre les drogues dures, de Toyt Axton il avait donné une version démentielle du Pusher, texte anti-dealer, ici il évoque les ravages de l'héroïne, ce morceau ne suit pas par hasard le précédent qui évoquait le brouillard qui s'installe dans votre âme soumise à un coup dur, ce n'est pas une raison pour se laisser tenter par les enfers artificiels semble-t-il nous dire. Guitare acoustique, une ballade pour un ami mort, mais la voix qui se fait douce accuse tout autant que des cris comminatoires. L'âme country de l'Amérique dans cette berceuse qui arrive trop tard. Détone un peu dans l'album jusque là très électrique, mais résonne bien. Who needs Ya : retour à l'électricité, ça fume de tous les côtés, l'on ne quitte pas la mystique country, le gars qui se fait foutre dehors par sa chérie mais qui tient un discours sans fêlure, se mettent à deux – George et Kay - pour les invectives, le morceau roule tout seul, peut-être trop, heureusement qu'à la fin il y a ces touches de piano qui tombent comme des petits pois que vous êtes en train d'écosser et qui ricochent dans la passoire de la dureté du monde. Earschplittenloudenboomer : tradition Steppenwolf, un instrumental, Kay parle en Allemand ( le titre avec ses mots-valise collés l'un à l'autre le laissait prévoir, je ne connais pas la langue de Goethe mais en faisant court cela a l'air de signifier : super-casse-oreille ) alors que le disque n'a pas commencé. Pas vraiment génial, et ses cuivres qui s'en viennent rompre l'ambiance de l'album sont même désagréables. Hippo stomp : la chanson de l'hippopotame, trop gravement humoristique pour être un blues. Une fable sur le comportement humain. Un peu trop didactique, Kay y prend plaisir, nous un peu moins, l'impact sonore sauve le morceau qui s'améliore sur la fin. Gagne à être réécouté, l'est rempli de subtilité. Si les trois derniers morceaux de l'album sont un peu plus faibles que les précédents, le disque en son entier reste solide et vaut le détour.
Damie Chad.
XVII
ROCKAMBOLESQUES
LES DOSSIERS SECRETS DU SSR
( Services secrets du rock 'n' rOll )
L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS
Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.
Lecteurs, ne posez pas de questions,
Voici quelques précisions
78
Les filles se révélèrent d'un grand secours. Le Chef et moi-même les attendions prudemment à l'écart dans la voiture, à l'entrée ou à la sortie du village. Charline et Charlotte se chargeaient du ravitaillement dans les épiceries ou les boulangeries locales, tellement mignonnes, souriantes et polies que nul vendeur ne se méfiait d'elles et quand elles s'éloignaient les sacs débordants de victuailles personne ne songeait à leur demander d'où elles venaient, où elles allaient. Vite, elles nous rejoignaient, et je démarrais la vieille deutchole cahotante et nous reprenions notre périple par les routes secondaires et les chemins vicinaux. C'est que les nouvelles dispensées par l'auto-radio n'étaient pas bonnes. Nous étions recherchés, les reporters se rendaient sur les barrages établis par la gendarmerie dans l'espoir d'assister en direct à notre arrestation. Le Chef haussait les épaules et allumait un Coronado.
79
Nous mîmes quinze jours pour arriver près de Nice. Il était temps. Malgré nos chapeaux de paille et nos chemises hawaïennes lorsque nous croisions le citoyen de base sur la route l'on nous décochait des regards furibards. Ce n'est pas que l'on nous reconnaissait mais nos allures décontractées de vacanciers insouciants semblaient ulcérer les gens. Rien n'y faisait, même pas l'attitude pudique qu'adoptaient désormais nos deux passagères. Molossa et Molossito dument chapitrés se terraient sous les sièges, les filles avaient ramené un journal sur laquelle leur photo occupait la première page barrée de la mention '' Chiens Enragés''.
Ce n'était pas le plus grave. Le troisième jour, apparurent les premiers masques, à chaque flash d'information, l'on annonçait le nombre des morts. Le coronado-virus était devenu l'ennemi N° 1. A chaque fois pour nous remonter le moral le Chef allumait un Coronado. Et nous éclations de rire comme des tordus.
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Agent Théodule, l'on s'arrêtera à la Théoule, à la villa des Trois Pins, ordonna le Chef
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Je croyais que l'on allait à Nice s'exclama Charlotte
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Trop dangereux ma chérie, Vince Rogers nous attend, il nous a préparé une base secrète depuis laquelle le SSR lancera sa contre-attaque
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Mais comment sait-il que nous arrivons ?
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Lorsque je lui ai rendu visite au début de la sombre affaire de l'homme à deux mains, nous avions convenu d'une cache cryptique au cas où... Agent Chad, ce prénom de Théodule vous sied à merveille, qu'en pensez-vous Charline, tournez à gauche, cette bâtisse esseulée sur sa colline, klaxonnez deux fois devant le portail, pas trop fort toutefois, restons discret !
Le large vantail s'ouvrit pour nous laisser passer et se refermer aussitôt, à peine l'avions-nous franchi que les filles poussèrent des cris de joie en apercevant la vaste piscine. Molossa et Molossito entamèrent une poursuite effrénée entre les massifs du jardin. Vince Rogers nous attendait le sourire aux lèvres.
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Le repas avait été copieux mais dès que le café fut servi, le conseil de guerre commença :
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Nous avons quatre problématiques à résoudre exposa le Chef, la première est d'une facilité déconcertante. Il est clair comme de l'eau de roche que tout ce cirque médiatique autour du coronado-virus n'est qu'un prétexte pour se débarrasser définitivement du SSR. L'Elysée profite d'une manifestation épiphénoménale et habituelle d'un épisode grippal pour nous accuser. Les autres pays lui emboîtent le pas, il vaut mieux que le foyer infectieux originel soit en France que chez eux. J'aimerais maintenant que Vince Rogers nous éclaire un tant soit peu sur l'affaire Eddie Crescendo.
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J'ai beaucoup réfléchi sur le cas Eddie Crescendo. Le destin de ce malheureux, il y a perdu la vie – les filles frissonnèrent de peur – n'est que l'arbre qui cache la forêt. Celle des Réplicants – les filles blêmirent – je suis persuadé que Crescendo s'apprêtait à révéler l'existence des Réplicants, c'est pour cela qu'il a été tué.
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Les Réplicants sont très méchants l'interrompit Charline
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Pas du tout, reprit Vince Rogers, ce ne sont pas les Réplicants qui ont fait disparaître Crescendo.
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Ce sont des extraterrestres qui ont fait le coup assura Charlotte avec un tel aplomb que l'on aurait pu croire qu'elle avait assisté à la scène.
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Pas tout à fait, répartit Vince, les extraterrestres se moquent de nous, peuvent survoler notre planète de temps en temps, vous avez vu les images de mon film, d'après ce que j'ai compris, au cas où un jour, peut-être dans dix mille ans, ils auraient besoin de notre monde, ils l'ont infiltré avec des Réplicants. Les Réplicants ne sont pas des êtres vivants mais des machines fabriquées à notre ressemblance.
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Les extraterrestres ont donc ordonné aux Réplicants de faire disparaître Crescendo qui avait découvert leur présence conclut Charline qui aimait bien avoir toujours le dernier mot, c'était là son moindre défaut !
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Pendant longtemps je l'ai cru, répondit Vince, mais si vous repensez à tous les évènements qui se sont déroulés depuis le début de l'affaire, vous vous apercevez, que quand les Réplicants entrent en jeu, la police n'est jamais loin comme par hasard. Non, voici mes déductions : l'Elysée a passé un accord secret avec les Réplicants, la machine s'est enrayée deux fois, voici quelques années quand Eddie Crescendo a décidé d'avertir, preuves à l'appui, les manigances qui relèvent de la haute trahison au plus haut sommet de l'Etat, et dernièrement quand Alfred le facteur censé espionné le SSR s'est pris d'une passion immodérée pour le rock'n'roll !
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J'irai jusqu'à dire, cher Vince que tes hypothèses convergent avec les miennes – le Chef prit le temps d'allumer un Coronado – si l'Elysée veut anéantir le SSR, c'est parce qu'il connaît l'attrait d'Alfred pour le rock'n'roll, ils l'ont fait abattre croyant s'en débarrasser, mais les Réplicants sont des machines qui sont capables de s'auto-réparer. A force de vivre avec les humains, et de les imiter pour se fondre dans la masse, les Réplicants ont intégré dans leurs circuits nos habitudes, ils se sont assimilés, pensez à Thérèse la copine d'Alfred qui s'est pris d'amour pour Jean-Pierre !
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Comme c'est romantique ! s'écrièrent en même temps Charline et Charlotte.
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Sans aucun doute, mais le SSR ne peut vivre uniquement d'amour et d'eau fraîche, dès demain matin, le SSR se met en chasse, un seul but, neutraliser la tête pensante de ce micmac intolérable, une seule cible l'Elysée !
Les filles en béaient d'admiration.
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Sommes-nous assez nombreux, hasarda timidement Charlotte
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Peuf ! – un nuage de fumée s'éleva du Coronado – si je compte autour de cette table, nous sommes cinq, c'est au moins quatre de trop, déclara péremptoirement le Chef, ayez confiance en moi pour établir le plan idoine et adéquat suffisant pour éliminer ce minuscule problème !
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Super, on veut en être, s'écrièrent les filles tout excitées.
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Vous en serez, affirma Vince, mais avant il faudra en finir avec les deux tentacules les plus noirs et les plus mystérieux qui s'en prennent à nous. Mes demoiselles, la mise à néant de l'Elysée, un jeu d'enfant, du pipi de chat, de la roupie de sansonnet, mais au début du conseil nous avons signalé quatre problématiques, et il nous reste à traiter des deux plus difficiles...
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Ouah ! Ouah ! Ouah ! Ouah !, Molossa et Molossito tournaient comme des fous autour de la table en aboyant sauvagement, et en grognant si fort que l'on croyait entendre le tonnerre...
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Voilà, demoiselles – tout le monde remarqua que le Coronado du Chef s'était éteint tout seul – nos chiens féroces et fidèles en savent plus que nous sur la nature du danger...
( A suivre... ).
09:22 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tony marlow, syl sylvain, tim bogert, mojo, vive le rock, about vince taylor, uncut, steppenwolf, rockambolesques 17?
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