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18/04/2016

KR'TNT ! ¤ 278 : CLARENCE REID / ONE DOLLAR QUARTET / LIZARD QUEEN / HALLYDAY + MALLORY

KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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LIVRAISON 278
A ROCKLIT PRODUCTION
LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM
21 / 04 / 2016

 

CLARENCE REID

ONE DOLLAR QUARTET / LIZARD QUEEN
HALLYDAY + MALLORY

 

AVIS A LA POPULATION KR'TNTIQUE


Cette 278 ° livraison de KR'TNT ! arrive avec trois jours d'avance.

La 279 ° sera mise en ligne le jeudi 28 avril
Peut-être même le vendredi 30, tout cela dépendra du
retour de Damie Chad en partance pour d'obscures

visées rock and rolliennes
en ses lointaines contrées ariégeoises natales.


Keep Rockin' Till Next Time !

 

REID MORT

Clarence Reid est retourné sur la planète dont il venait, après avoir fait le con sur terre pendant 75 ans. Au moins, en voilà un qui s’est bien poilé. Les amateurs de bon r’n’b le connaissent sous le nom de Clarence Reid et les amateurs de pastiches rap/funk/disco gras et festifs le connaissent sous le nom de Blowlfy, charmant surnom dont l’équivalent gaulois est mouche à merde. Ça tombe bien, car sa spécialité c’est justement la gauloiserie black, l’apologie du fuck, de la bitch et surtout de la dick.

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Blowfly fut l’anti-superman. Il apparaissait affublé d’une combinaison noire marquée BF sur la poitrine et d’un gros slibard blanc. Le ridicule de sa tenue frappait d’autant qu’il était gaulé comme une pompe à vélo et qu’il s’entourait de blackettes exagérément vulgaires, surtout si elles posaient les seins à l’air. Ça sentait bon le trash.
Au temps du big daddy catalog, Crypt vantait tellement bien les mérites de Blowfly qu’on a commencé à rapatrier des albums. Quelle rigolade ! Blowfly déconnait au moins autant que Screamin’ Jay Hawkins ou Hasil Adkins. Chacun de ses albums sonnait comme une petite fête entre amis. Blowfly se présentait et on applaudissait. Il enchaînait ses morceaux sur toute une face et assurait les transitions avec des petits hommages comiques à ses idoles. L’ambiance nous plaisait. Allez faire la fête chez Blowlfy, vous allez bien vous amuser et surtout vous entendrez de la bonne musique.

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Le premier album rapatrié fut «Oldies But Goodies». Au dos de la pochette Super-loser Blowfly est assis sur le capot d’une caisse mal en point et garée dans la zone, évidemment. Il reçoit dignement ses invités - Hello cocksuckers - et il attaque avec un pastiche de Bill Haley, «Fuck Around The Clock» - Suck suck till broad daylight ! - Puis il rend hommage à Little Richard en accusant Lucille de lui avoir refilé des morpions - Don’t you gave me the craps/ But I love you stiiill - Son hommage à Elvis avec «All Fucked Up» restera dans les annales. Le pire, c’est qu’à chaque fois, Blowfly sort la bonne voix et donc il impressionne. Il rend des hommages tordants aux Moonglows, à Fats Domino - Blueberry Hill/ Is where my dick is in love - à Buddy Holly - Hey Peggy Sue you smell like a cow that’s comin’ through - Et en B, ça repart de plus belle avec les Coasters - Gonna fuck her/ Gonna fuck her - I’m gonna ram my dick up your ass - et même le super-hit des Flamingoes, «I Only have Eyes For You» - My dick must be some kind of a blind dick - et ça se barre dans la mélodie - ‘Cause it only gets hard for you bitch - et il va même jusqu’à pasticher Jerry Lee - C’mon over baby there’s a whole lotta fuck goin’ on - Oh, cette fois, il n’a pas besoin d’en rajouter, c’était déjà chaudard avec Jerry Lee.

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Une autre merveilleuse collection de pastiches se trouve sur l’album «The Weird World Of Blowly». On retrouve la fantastique ambiance de fête et Blowfly revient entre chaque morceau avec un leitmotiv - A weird world/ For weird people/ Everything is strange and weird in here - Ce qui qualifie tout l’art de Blowfly. On pense bien sûr à Sun Ra qui de son côté avait aussi su créer un monde délirant, lui aussi avec des musiciens pointus. On est là dans le même genre de configuration. C’est avec une réelle excitation qu’on entre dans la fête et Blowfly attaque avec un pastiche du «Raindrops Falling On My Head» qui devient «My Baby Keeps Farting On My Face». Tout le monde se marre dans l’assemblée, pendant que Blowfly décrit dans le détail de quelle façon sa poule lui pète dans la gueule. S’ensuit un hommage fabuleux à Sam & Dave avec «Hole Man». Il atteint des sommets avec le pastiche d’Otis, «Shitting On The Dock Of The Bay» - Shittin’ in the morning sun/ Watchin’ my bits falling - Il rivalise de cacalogie avec Screamin’ Jay - Il fait un fantastique pastiche de James Brown et on sent que son groupe est une machine de guerre, car ils passent du r’n’b au funk avec une aisance déconcertante. Le fameux « Rainy Night In Georgia » devient « Spermy Night In Georgia » - Swinging a hard dick all over the world - et le hit de James Brown « It’s A Man’s Man’s World » devient « It’s A Faggot’s World ». Il atteint des sommets en rendant hommage à un autre king, B.B. King, avec «The Sperm Is Gone» - The sperm is gone, babe/ It’s gone away from me - On ne peut pas résister à une prestation aussi hilarante.

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Alors évidemment, on se précipite sur les autres albums. Le seul problème, c’est que Blowfly produit énormément de disques. Dur pour les finances. Ce sont le plus souvent des disques à thème. C’est un peu comme Tintin, on suit une série d’aventures de Blowfly. Ah le voilà qui s’intéresse à l’astrologie ! Sur a pochette de «Zodiac Blowfly», il s’accouple avec une blackette pour représenter tous les symboles du zodiaque, un par un. Sur le disque, il va encore plus loin et il nous souhaite la bienvenue avec un gimmick funky assez infernal qu’on va entendre dans toutes les transitions - You chinese chicks/ You like to suck big dicks/ You nigger females/ Your ass always smell - Il attaque avec Aries (bêlier) et il fait son Screamin’ Jay pour lécher une chatte - If you’re wrong I don’t want to be right - et il leste ce slow super-frotteur d’un « a hard dick in your asshole ! ». Il rend hommage aux Gemini women - Gemini woman are the best dick suckers/ C’mon - et chaque fois il revient à son infernal gimmick funky avec des paroles dignes des grands rappers américains - You nigger dudes/They say you fuck real rude - Avec Cancer, il tape dans James Brown, et pour Virgo (Vierge) il tape dans les Miracles - She sucks always the dust - Il va même reprendre «My Girl» pour Pisces (Poissons), mais là, ce n’est pas talkin’ about my girl, mais talkin’ about my dick, bien sûr. Encore plus tordant, c’est Scorpio et la clean-up bitch, la nettoyeuse - The clean-up bitch/ She cleaned that dick of mine - Une fois qu’on entre dans ses albums, on s’y amuse. Et c’est toujours solide, au plan musical. Clarence Reid chante comme un dieu. Il sait TOUT faire, comme Screamin’ Jay Hawkins.

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Il reviendra au Zodiac trois ans plus tard avec «Zodiac Party» - Hi hi eh eh ha ha - Il rit toujours comme un démon de fête foraine, avec plein de pussies movin’ around. Il n’en finit plus d’évoquer l’abondance des pussies et de dicks - Here I am in this disco room - C’est son leitmotiv, sur cet album. Il revient au lion, and your pussy smells like a lion. Et dans Vego, il se plaint de la petitesse du pussy - It’s so small my dick will not fit ! - Il faut voir comme il se marre - Baby that’s it ! Cum & shit yeah !

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On est forcément attiré par la pochette d’«On Tour», comme par celle de «Blowfly On TV» : Blowfly y pose avec des blackettes rigolardes qui ont les seins à l’air. Pur trash ! En guise d’intro d’On Tour, on entend Blowlfy pisser et tirer la chasse d’eau. Et après le petit gimmick infernal - Mirror mirror on the wall - il tape directement dans la meilleure funky motion du monde, celle de James Brown - Screw her on the beat/ Hey c’mon now ! - Il fait étape à New York, à Chicago, où il tape dans «Shaft» - Cause Shaft is the guy who suck the pussy dry - Puis à la Nouvelle Orleans avec Ben E. King et Penis Harbour - There’s a whore in Spanish Harlem/ She’s a pastor’s daughter - Il passe ensuite à Marvin - Oh my dick is drippin’ drip drip all the time, ouuuuuh - et il revient à Ben E. King pour fracasser son plus grand hit - No no no don’t suck it no more/ My dick is slightly wrecked. Dans «Blowfly On TV», notre héros se fout de la gueule des émissions de télé et il démarre avec l’Ed Sullivan Show. Il s’en prend à «Along Came John» qu’Henri Salvador allait transformer en «Zorro Est Arrivé». Il organise ensuite un jeu, «Sesame Street» et les candidats doivent dire un mot pour une lettre de l’alphabet. Par exemple, il dit O, et les autres répondent Oversized pussy ! Il dit S et les autres font Stinky pussy ! U vaut pour Used pussy, W pour Wild motherfucker et Z pour Zombie pussy. Il faut les entendre se marrer. Dans «Bat Man», on retrouve Bat Man et Robin, comme chez Link Wray. Et bien sûr, Bat Man finit par enfiler Robin.

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Notre héros fait aussi le Tom Jones Show et là on ne rigole plus car sa version de «It’s Not Unusual» est absolument démente. Wow ! La grandeur de Clarence ! - I will never fuck you again ! - Il fait plus loin un pastiche de «When A Man Loves A Woman» qui devient : When a man eats a woman/ He must take his best breath - On assiste au retour de Bat Man qui dit à Robin : Robin, you need an operation ! Blowfly finit avec «One Less Dick» et évoque les pub coca-cola - Taking that pepsi bottle/and ram it in her ass !

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On reste dans la même ambiance avec «At The Movies». Il rend des hommages terribles à Curtis Mayfield - Yeahhh mother child - et il continue avec «Superfly» - I’m your pusher man/ I’m your pussy man - et il éclate un falsetto à la Curtis ! Il tape aussi dans l’inévitable «Me And Mrs Jones» de Billy Paul - Me and Mrs Jones/ We have a thing going on/ She sucks on my dick/ She has to be extra careful - C’est diabolique - She sucks my joint/ To the boooone/ I don’t think I could carry on - Et on retrouve ces leitmotiv de fins de cut qui rendent les albums de Blowfly si attachants - Hey girl, you got class/ Gimme some ass/ You got soul/ Gimme some dirty hole - Il rend aussi un hommage fulgurant à Stevie Wonder avec «Superstition» et à Sly Stone avec «Family Affair» qui devient «Faggot Affair». Et il ramène son fantastique leitmotiv de fin de cut - The best thing in the whole world/ Is the pussy of a woman or girl - Il tape dans les Temptations et tourne le «My Daddy Was A Rolling Stone» en «My Daddy Got The Biggest Dick» - It was a day in september - Blowfly s’arrange pour que ses disques deviennent mythiques. Il tape ensuite dans l’universalisme de Marvin Gaye avec «Trouble Man» - My dick is thin/ I got no pussy/ I got trouble trouble - Et il enchaîne ça avec une version absolument démente du «Shaft» d’Isaac Hayes - Shaft is the guy who sucks the pussy dry - C’est imparable et Blowfly a derrière lui les meilleurs funkster d’Amérique.

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Avec « On Tour 86 », il passe au rap. Il n’empêche qu’on l’écoute avec la même passion car musicalement ça reste édifiant. On entend tirer des coups de feu. C’est «Blowfly In The Army» - Blowfly in the motherfuckin’ army ? Get me out of there ! - Et ils se met à sonner comme Public Enemy. On a l’équivalent de Tintin au Congo avec «Blowfly In Africa». Il part sur des rythmes africains et ça vire rap, il délire et rigole comme Screamin’ Jay - Idi Amin Mau Mau Too Too ha ha ha ha ! - De l’autre côté, il rend des hommages à Michael Jackson, Lou Rawls and all of these guys - I started to masturbate outside your door - Il reprend des cuts de soul de charme - Lady this dick shining rubber is gonna fuck you bitch ah ah - et après avoir resalué Lou Rawls, il reprend l’un de ses hits - You’ll nerver find a dick as big as mine - S’ensuit un «Blowfly In the Outerspace» complet avec un décollage de fusée et un Blowfly qui se demande ce qu’il fout dans la fusée - I thought what the fuck are we doin’ there ?

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Sur la pochette d’«Electronic Banana», Clarence Reid n’apparaît pas masqué. C’est un bel album de rap. Blowfly rappe comme une bête - Gonna fuck the night away - et avec «Gimme That Old 69», il fait son Count Basie accompagné au big band bash. De l’autre côté, il rencontre le diable dans «Fuck The Devil» - Who the fuck are you ? - et Blowfly répond : I’m Blowfly ! - Il fait une fantastique reprise de Sugar Hill Gang avec «Blowfly Rides Again» et tape dans la meilleure soul électro pour «Rotten Fish». Encore un solide album au palmarès de ce diable.

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Il faut se faire une raison : tous les albums de Blowfly sont excellents. On l’admire d’autant plus qu’il ne se prend jamais au sérieux. Les pochettes de «Blowfly In The Temple Of Doom» et de «Blowfly’s Freak Party» sont dessinées dans un style qui colle bien au personnage. Il attaque Doom avec du rap à la Public Enemy. Blowfly y évoque a supersonic dick. C’est là dessus que se niche «She’d Make a Hell Of A Man», un véritable hit de soul brillamment orchestré - She has pussy knowledge/ You better change your plans - On trouve aussi sur cet album un épisode de «The First Black President» - President Blowfly in the Black House - Il rit comme Screamin’ Jay et donne une conférence de presse - Mister President Sir, have you fucked everyone in the universe ? - Et il répond : Not quite !

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Avec l’album Freak Party, il passe à la disco et on tombe très vite sur une nouvelle énormité, «Fuck & Suck Train» - All aboard please ! - On a là une fantastique ambiance de disco dansante et il rit comme un autre diable, Clarence Carter. Il fait un petit coup de voodoo au tambour haïtien avec «Fuck Like A Zombie» et en B, il délire avec le groove latino et «Latin Pussy Slam» - Hey baby what’s your name ? Mari-ahhh ? - Et tout ce qui suit tient admirablement bien la route, «Safari» avec son africanisation des choses, et «Cum Of ALifetime», un pastiche de slow super-frotteur - I’ll keep you cunt flowing like a stream/ I’ll make you have the cum of a lifetime.

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Belle pochette que celle de «Fresh Juice» : une main de femme noire presse une demi-orange, mais ce n’est pas du jus d’orange qui coule mais du sperme, évidemment. On tombe sur un hit disco à la Earth Wind & Fire appelé «Too Fat To Fuck» - Too much ass to ride - et le Président Blowfly refait une apparition. On l’entend sniffer une grosse ligne de coke et quand Miss Click lui dit qu’elle a de l’herpès, il pousse un hurlement et veut démissionner. S’ensuit une soul de charme intitulée «I’ve Got To Be Free» - Stop control this dick - La face B est bourrée de hits énormes, à commencer par «Business Deal», un rap discoïde d’une santé extravagante, suivi de «The Vampire That Ate Miami», véritable hit de disco boogaloo. Retour à la funky motion avec «She’s Bad». C’est joué par les meilleurs funksters d’Amérique - She starts a traffic jam everywhere she goes - et il boucle avec un funk à la Stevie Wondrer, «More Than One Pussy» - Even you suck or you don’t/ Even you will or you won’t.

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«The Twisted World Of Blowfly» est une sorte de compile qui permet de retrouver le funk endiablé de «Shake Your Ass», le «Nasty Rap», la fantastique reprise de Sam& Dave, «I’m A Hole Man» et tout le Zodiac. On tombe aussi sur une merveille romantique, «Please Let Me Cum In Your Mouth», traitée à la good time music de plaisir hédoniste. Plus loin, Blowfly revient au funk de combat avec «Blowfly Fucks The Fat Off» - You get your big fat ass on the floor, bich ! - Il explique comment on saute les femmes obèses. Blowfly ne recule devant aucune extrémité. Avec «My Farts Don’t Smell Right», il se demande ce qu’il a bouffé la veille. C’est du trash à la Choron.

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Allez tiens, un autre au hasard : «Butterfly». On y retrouve le fabuleux «Rap Dirty» et le non moins fabuleux «Suck Train» qui s’appelle ailleurs «Fuck Train». Il reprend le générique de l’émission célèbre et en fait un hit planétaire - Get on the fuck train ! - Il reprend le hit de Bob Marley le plus connu pour en faire «Juice It Up», mais le hit définitif de l’album est «Fart Contest», c’est-à-dire le concours de pets, qu’il attaque à la funky motion extraordinaire. Il explique tout ce qu’il faut bouffer pour que ça pue quand on pète - Fish, beans, ok motherfucker - Il passe toute la bouffe en revue, on est au championnat du monde des péteurs - Aw God, he could fart a hundred times - on imagine le désastre. Le pétomane à la française aurait beaucoup amusé notre héros Blowfly.

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Sur «Rappin’ Dancin’ & Laughin’», on trouve un très beau hit disco, «The World Game». Blowfly danse le groove du disco-funk et c’est incroyablement bon. Ça pulse du beat disco à gogo. La disco de Blowfly ne craint pas, car c’est la disco d’un sorcier du funk qui est aussi un héros. L’autre merveille de ce disque, c’est «Crika», un groove de night-club - yes my name is Blowfly - Un mec lui parle en Espagnol et Blowfly lui répond qu’il doit parler Anglais. Il profite de ce cut pour nous raconter tout ce qui se passe à l’entrée de la boîte. Il tâte un peu de funk dans «The Incredible Fulk» - I am the result of an experiment - De toute manière, dès qu’il ouvre la bouche, c’est pour balancer une connerie et on rigole. Il raconte l’histoire d’un scientist et danse sur la funky motion, l’une des meilleures qui soient.

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Attention au track-listing sur «Blowfly For President». C’est n’importe quoi ! Mais qu’est-ce qu’on danse ! - Good morning Mr President sir ! - Et il répond : «What you want stupid bitch !» On l’entend sniffer une ligne, avec le coup de renifle final et la petite toux d’usage, puis on passe aux choses sérieuses avec «Hung Prick», une merveille de discö funk de soul d’une qualité irréprochable, on est dans la black, la belle, la pure et Blowfly chante comme un dieu. On le retrouve plus loin dans l’effarant «Fuck Wars», une reprise d’Edwin Starr au funky pussy, il évoque toutes les pussy, la muddy pussy, l’oversized pussy, il enchaîne avec une reprise de «Mustang Sally», une merveille de sexe coulant et file groover on my baby afternoon. Il explose «Lip Smaking Love» et passe au get on down d’énormité maximale avec «Pop The Cherry». Tout est joyeusement bon sur cet album.

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L’amateur de discö-funk se régale avec «Sex Odissey» et ce dès «Cum For Me» - It’s hard to find your slit ! - C’est un hit planétaire, Blowfly ne pense qu’à sa bite, il en fait le personnage central de toutes ses histoires, il demande à une fille to make it cum for me. Comme on est en 2001, il tape dans YMCA, le vieux hit discö de New York et il tente de le redresser, puis il se fait passer pour un pédagogue dans «Another One Learns To Fuck» - You are a very bad girl oh yes you are/ I’ll tell your mama and your great grand mama - Et il part en explosion discoïde avec un éclat de rire qui résonne à travers toute la galaxie du Weird World. On retrouve cette énergie surréaliste sur tout l’album et comme Martin Rev, on réalise que la discö est le prolongement logique du r’n’b, surtout celle de Blowfly qui trempe dans un jus de funk. Il part en rap quand il veut - I know a place where the nights are hot - Et il revient au discö beat avec «Fuck Is Love» et quel son. Blowfly est le roi de la piste, une sorte de Travolta diabolique et il termine en se foutant de la gueule de Queen avec «We Will Fuck You».

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«Porno Freak» est certainement l’un de ses meilleurs disques. Il attaque avec «To Fuck The Boss», le rap de la jungle, c’est joué aux tambours togolais - You got to fuck the boss yeah ! - Quelle énergie ! S’il veut, il peut déclencher une émeute. Il chauffe son beat de rap. S’ensuit un «Moricon» à l’espagnole. Il s’amuse et fait danser tout le monde. Chacun de ses disques est une party où tout le monde d’amuse. Il revient là à la discö pure, avec du booty plein le beat et une pointe de magie. C’est extraordinaire. Blowfly fait bien le con - Hiro de la puta ! - Il rigole comme oune diablo. Avec Blowfly, tout se finit sur la piste. Avec le morceau titre, il revient au rap funky, le funk du fuck. Voilà qu’éclate la voix de rêve du MC dans «The Girls Wants To Fuck». Il chante ça avec une voix de satin jaune - Her pussy is hot - Il s’y connaît, l’animal. C’est un groove de charme à tomber dans la baignoire. Il summerise Donna, on se ramasse une pure giclée de discö dans l’œil hi hi eh eh ha ha !

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Oh la la, encore un album énorme avec «Disco». Pas compliqué, «Shake Your Ass» c’est du pur jus de funk à la James Brown - C’mon shake your ass - C’est admirable de funky motion. On sent que Clarence est un super-fan. Il tape ensuite dans l’un des plus grands hits disco de tous les temps, «What A Difference», eh oui, Blowfly fait sa Esther Phillips - My prick was so rusty/ And your cunt is so tight dear - Fantastique cover, avec un solo de guitare en prime. Il prend tout ça à la rigolade, bien sûr, mais la voix est là. Il chante «Bad Fuck» en Soul Brother number one. Blowfly ne pense qu’à faire swinguer les auréoles sous les aisselles. Avec «Suck It», il tape dans les meilleurs hits disco de la planète black - Take my prick in your mouth/ Don’t you stop/ Just keep on doin’/ What you do !/ Suck it ! Suck it ! - Qu’est-ce qu’on se marre, car en plus Blowfly amène toutes les intonations du mec en transe qui gueule après une fille qui suce mal - eh oui, ça arrive - I tell you bitch/ Take your lips around my dick ! - Il finit bien sûr par pousser un cri - Ahhhh ! I’m satisfied - comme Screamin’ Jay Hawkins à la fin de «Conspitation Blues». On est dans le même genre d’humour dévastateur. On imagine aussi la gueule des mecs du KKK qui écoutent ça. Ils doivent se tordre de douleur. Encore une pure énormité avec «Freak Out», retour du funky stomp, pur génie, une horreur, je vous le dis, le pire beat de l’univers, en plus c’est vrai. Voilà le génie de Blowfly, il revient danser sur ce pire beat de l’univers, avec un riff de basse à se damner pour la vieille éternité. Blowlfy est une bête de funk car il revient conclure avec «Kiss It All Around», il danse penché sur le beat, et ça move. Il s’énerve sur ce funk de rêve complètement désossé, limité à une basse qui broute.

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On l’a vu, Bowlfy est aussi l’un des cakes du rap. Même si on n’aime pas le rap, on s’extasie à l’écoute de «Super Blowfly», car il chante le rap comme il chante le funk, avec un feeling hallucinant. Avec «My Dick’s In The Movie», il délire sur l’apparition de sa queue à l’écran. Cut génial que ce «Good Pussy Of The Fifties», il pousse des hans qui en disent long sur le chevauchement du beat dans le rap. Blowfly ramène du fucking génie dans son rave de rap - You know what I mean yeah yeah - On se régale encore plus de «I Been There» - Check this sound - Il reprend les vieux gimmicks et les compresse dans le techno beat pour que ça gicle. Il fait son Edwin Starr - Check this out ! - Avec «Niggarogative II», il shoote de la discö dans le cul du rap. Incroyable mais vrai ! Et pas, il revient à Elvis dans «Voting Turd» - Suck me tender/ Suck me dry - Et il remercie Elvis et plus loin, il rend hommage à Sam Cooke en décrivant les bagnards qui s’enculent au bagne. Ahh ! Han ! That’s the sound of the men butt fucking on the chain gang ahh han !

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Vers la fin, Blowfly s’est retrouvé sur Alternative Tentacles pour une série d’albums dont le fringuant «Fahrenheit 69». Oh bien sûr, il recycle tous ses vieux coups et nous fait parfois la surprise d’une sacré énormité, comme ce «The Booty Bus» qui vaut tous les classiques funk de James Brown. Avec «Your Precious Cunt», il revient à sa douce obsession pour le pussy, et ça vire trash-punk, car un guitariste punk accompagne notre héros. Ça tourne à la dérive extrême. On retrouve du trash dans «You Got Your Dick On Backwards». On dirait que Blowfly rivalise avec Blaine. Et puis il rigole comme Clarence Carter, he he he ! Plus loin il prend l’onctueux «I Believe My Dick Can Fly» sur fond d’orgue d’église. Encore un fantastique détournement.

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L’autre énormité sur Alternative Tentacles, c’est «Punk Rock Party» et dès «Punk Cock Is Rock» on est bluffé par Blowfly qui chante le punk avec la même bestialité que le funk, il glisse même des pussy dans l’enfer du riffage. Il tape dans les Clash avec «Should I Fuck That Big Fat Ho», il fait une version discö du «Holiday In Cambodia» de l’ami Jello, il revient sur le «Suck Anf Fuck Train» d’antho à Toto, puis on tombe sur une sorte de coup de génie à la Blowfly : une pure stoogerie avec «I Wanna Fuck Your Dog». Il est complètement submergé par le riffage, il veut baiser le chien, c’maw ! C’est une version démente recommandée à tous les fans des Stooges et aux amis de bêtes. Il tape dans les Deadboys avec «I Wanna Be A Sex Toy» et dans les Ramones avec «I Wanna Be Fellated». Mais attention, ce pas fini. Plus loin, il tape dans Rocket From The Crypt avec «Fucked With A Didlo», Blowly ne recule devant aucune horreur, c’est monté en épingle de façon hallucinante et puis, on s’y attend un peu, il tape dans Billy Idol avec «Playing With Myself» - She gave me an erection and I’m playing with myself/ And I like it ! - Le sommet du disk est probablement l’hommage à Turbonegro avec «Drenched In Cum». Blowlfy plonge dans l’univers opaque d’Hank Von Helevette et on a des guitares grandioses - Cum in your mouth/ Cum in your hair/ Cum everywhere - Blowlfy et ses amis atteignent des sommets du pastiche, il se montre digne d’un empereur romain. C’est un artiste complètement extravagant, et franchement, on se félicite d’avoir croisé son chemin.

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Son dernier album serait donc le fameux «Black In The Sack», certainement l’album le plus chaudement recommandable car Blowfly y commet quatre coups de Trafalgar, à commencer par une reprise de Black Sabbath tirée du premier album. Eh oui, ce mec va partout, avec un égal succès. Les guitares sont au rendez-vous et Blowfly yeah-yeahte comme un démon. «Dirty Chicken» sonne comme un classique de soul funk et Blowfly fout le paquet dans le feu de l’action. Il vaut tout le Stax et tout le Pickett du monde. Puis avec le morceau titre, notre héros screame comme un hérétique au beau milieu d’une fantastique pièce de soul rap montée sur un gigantesque pounding. Ça hurle tellement dans le son qu’on en reste baba. Avec «Girlies In The Morning», il revient sur sa créature préférée, sa queue. Alors il la décrit, telle qu’elle apparaît le matin, hard, long and big. Il revient aussi sur l’excellent «Spermy Night In Georgia» et sur «The Sound» où il évoque Sam Cooke, a good friend of mine. Il transforme le classique de Sam Cooke en séance de baise au bagne - That’s the sound of the men butt fucking on the chain gang ah ouh ahhh - Blowfly est le seul qui ait osé.
Ah mais attention, Blowfly c’est aussi Clarence Reid, un soul man exceptionnel dont les quatre albums méritent de figurer sur l’étagère supérieure.

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Pour la pochette de «Nobody But You Baby» paru en 1969, on a photographié Clarence sur la lune, évidemment. Et l’animal attaque avec le morceau titre qui n’est autre qu’une pure énormité pourrie de dynamiques internes, aw my gode, c’est à se damner pour la bonne vieille énormité. Ce mec est un géant de Soul City by night. Il hurle et l’orchestre se met en branle. C’est du jamais vu. «Let The Soul Sound Play» vaut tous les hits de r’n’b du monde - Listen Mr DJ - Il donne des conseils au DJ et il chante comme Sam & Dave. Il chauffe avec la même aisance carabinée. Il pénètre ses couplets à grands coups de reins - Ha ! Ha ! - et il chante comme James Brown a-risin’. «Along Came A Woman» sonne comme un vieux coup de r’n’b pompé sur Rufus Thomas. Clarence en fait un sacré chef-d’œuvre. On est au cœur de l’empire. Il faut voir avec quel groove est amené «Good Lovin’ My Middle Name» ! Il chante avec une classe infernale et il lance à la fille : So come start my flame ! C’est monté au groove de r’n’b gras et fatal - Ah daddy I want you to have it - et il fait son Clarence, ah !

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On retrouve l’extraordinaire «Nobody But You Babe» sur «Dancin’ With Nobody But You Babe» paru la même année. Il reprend sa soul au jingle d’orgue avec un souci constant de la dance motion. On a là une pure magie de soul sortie d’on ne sait où. Ce mec a une sorte de génie noueux et ambitieux, il gère bien son truc, avec une intelligence du chant de la soul qui ne doit rien à personne. Appelons ça de la soul sauvage et mal élevée. Il sait aussi driver le r’n’b comme on le voit avec «Twenty Five Miles», c’est même shufflé aux guitares wha-wha. La soul de Clarence est d’une incroyable véracité, mouvante, dansante, événementielle, ça claque des mains et ça funke le booty. Il fait une reprise bizarre du «Get Back» des Beatles et nous embarque dans le sucré de Curtis Mayfield avec «I’ve Been Trying». Il fait sa soul de dragueur, et il rote certaine syllabes, comme pour bâiller d’aise. Mais on le préfère cent fois dans la soul rageuse, comme c’est le cas avec «Tear You A New Heart», un cut co-écrit avec Brad Shapiro qui allait devenir le chaperon de Millie Jackson. Alors voilà encore une pièce de grosse soul funky et agressive, d’une incroyable modernité, et là il se met à hurler comme James Brown. Il monte sa chantilly aux cris de belette. Franchement, on ne peut pas rêver mieux. Et voilà qu’il tape dans «Shop Around» de Smokey Robinson & the Miracles. Clarence en fait une version magique et dynamique. Eh oui, voilà encore une preuve de l’existence de Dieu. Et sa reprise de «Polk Salad Annie» vaut aussi le détour, il en fait un truc incroyablement dansant, il évoque le gator et le chain-gang, un vrai délire, le tout sur fond de chœurs féminins et de wha-wha. Le pire, c’est qu’il prend ça à la manière d’un shouter de r’n’b ! C’mon Joey ! Et le guitariste part en vrille. Il finit par présenter son équipe, the polk salad men ! Quel déconneur !

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«Running Water» paru quatre ans plus tard pourrait bien être un album culte, ne serait-ce que pour le titre d’ouverture, «Living Together Is Keeping Us Apart». Il tape directement dans une sorte de soul nerveuse d’une rare puissance, mais il vise le très haut niveau. Il a un son unique, il fait une sorte de prog de soul évolutive, fascinante et orchestrée à outrance. Avec «New York City» il se fond dans le moule du groove de charme et il prend «If It Was Good Enough For Today» à la voix de Shaft. On reste dans la mouvance des Tempts. On tombe plus loin sur «The Truth» farci de coups de flûte violente. Sacré Clarence, il se fout dans des situations de groove compliquées - Some people say that truth is the light - et il s’en va faire son loup des steppes, ouuuh ouuuuh ! Avec «Ruby», on voit sa soul à la mode prendre de l’ampleur et exploser. Clarence Reid adore dériver dans la grandeur, voilà son péché mignon. Avec «Love Who You Can», il tape dans la meilleure good time music qui soit ici bas et il finit avec l’exceptionnel «Like Running Water» qui donne son titre à l’album et qui s’élève comme une pièce de soul atmosphérique, alors évidement on crie au loup.

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Avec «On The Job», Clarence va plus sur la disco. Et ce dès «The Best Part Of A Man» - na na na - Il y va un peu fort, mais c’est lui le winner de la piste, taille de guêpe et classe insolente. Il plaît aux femmes, les noires comme les blanches - The best part of a man is his woman - Il se fend d’un fantastique hit de charme avec «Come On With Me». Le voilà revenu dans le très haut de gamme où le beat martelé finit par l’emporter. Ce mec a du génie, ne l’oublions pas. S’ensuit «The Only Time She Loves Me», une pop de soul extrêmement présente. Une fois entré dans cet album, on s’y sent extrêmement bien. Sa disco finit par accrocher sérieusement, car c’est du Clarence Reid. Il faut entendre «Baptize Me» et son beat vainqueur. Encore un coup de Jarnac avec «Caution Love Around», une belle pièce de soul exacerbée et sexuée à outrance. C’est de la disco des dragues d’antan - Use caution baby/ Love ahead - Il règne dans ce cut un vieux parfum de bonheur de vivre, car les nuits disco se résumaient à ça. Clarence revient à sa vieille funky motion avec «Down Where The Love Is», on croit entendre exploser les Famous Flames ! Et ce démon des pistes finit son album en beauté avec un mambo rigolo et une histoire de cowboy et de coups de feu. Ne perdez pas Clarence Reid de vue.

Signé : Cazengler, Blogfly


Clarence Reid. Disparu le 17 janvier 2016
Clarence Reid. Nobody But You Baby. Tay-Ser 1969
Clarence Reid. Dancin’ With Nobody But You Babe. Atco Records 1969
Clarence Reid. Running Water. Atco Records 1973
Clarence Reid. On The Job. Alston Records 1976
Blowfly. The Weird World Of Blowly. Weird World 1973
Blowfly. On Tour. Weird World 1974
Blowfly. Blowfly On TV. Weird World 1974
Blowfly. Zodiac Blowfly. Weird World 1975
Blowfly. Oldies But Goodies. Weird World 1976
Blowfly. Butterfly. Weird World 1976
Blowfly. At The Movies. Weird World 1976
Blowfly. Disco. Weird World 1977
Blowfly. Zodiac Party. Weird World 1978

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Blowfly. Blowfly’s Disco Party. Weird World 1980
Blowfly. Rappin’ Dancin’ And Laughin’. Weird World 1980
Blowfly. Porno Freak. Weird World 1983
Blowfly. Fresh Juice. Oops Records 1983
Blowfly. Blowfly In The Temple Of Doom. Oops Records 1984
Blowfly. Electronic Banana. Oops Records 1984
Blowfly. On Tour 86. Oops Records 1984
Blowfly. Blowfly’s Freak Party. Oops Records 1987
Blowfly. Blowfly For President. BCM Records 1988
Blowfly. The Twisted World of Blowfly. Oops Records 1991
Blowfly. 2001 A Sex Odissey. Hot Productions 1997
Blowfly. Fahrenheit 69. Alternative Tentacles 2005
Blowfly. Blowfly’s Punk Rock Party. Alternative Tentacles 2006
Blowfly. Superblowfly. Henry Music Store 2007
Blowfly. Black In The Sack. Patac Records 2014  

LA GRANDE PAROISSE08 / 04 / 2016
Salle des Fêtes


ONE DOLLAR QUARTET

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Je me méfie, je suis un drôle de paroissien, un mécréant, un athée, un impie, un blasphémateur, un païen, mais rock'n'roll oblige, la teuf-teuf fonce vers la Grande Paroisse sans état d'âme, son moteur rugissant comme les lions affamés dans les arènes du divin Néron. Le village est situé sur le contrefort du confluent Yonne / Seine, tout près de Montereau. Ne vais pas tarder à avoir la réponse qui roule dans ma tête depuis une semaine. Comment se fait-il que dans cette bourgade de Brie profonde l'on se soit permis d'inviter the One Dollar Quartet, un des combos les plus foutrement rock and roll de la région ?
La réponse nous sera donnée par l'orga, c'est à cause de l'enfant du village, le fils prodigue ( et prodigieux ) qui s'en est allé sur les routes cahoteuses du rock and roll, bien connu des lecteurs de KR'TNT ! puisqu'il s'agit de Tom, le guitariste ( entre autres ) des Jallies. Z'ont organisé une chasse à l'homme de plus d'un an pour enfin coincer une date avec les One Dollar Quartet.
Les choses en grand : le maire à l'accueil qui vous serre la paluche, le reçu de l'entrée ( six euros ) directement calligraphié sur le carnet des recettes officielles, et puis une délicate attention, que je n'avais encore jamais vue. Pour une somme ridicule vous pouvez emporter un plateau de charcuterie – très économique avec les restes vous nourrissez le chien pendant trois jours. Mais ce n'est pas tout : l'assiette se révèle être un vénérable vinyl plastifié avec au centre la photo des One Dollar Quartet, ce qui à ma connaissance s'avère être le seul trente-trois tours à pastille centrale rectangulaire. Enfin à l'intérieur de la grande salle des fêtes, négligemment posé sur les immenses tables rondes vous retrouvez en une et quatre de couve la photo de One Dollar Quartet, sur le carton qui détaille les possibilités du menu. Un collector dont je m'empresse d'enrichir ma collection personnelle.
Une hirondelle ne fait pas le printemps, dixit Aristote ( chapitre 6 du Livre 1 de l'Ethique à Nicomaque ), oui mais là c'est l'oiseau rare et fabuleux qui apparaît, c'est Ady en personne – trois ans qu'elle a quitté les Jallies pour vivre sous les somptueuses dorures des châteaux de Touraine, rock and roll queen oblige – venue saluer les amis.
Y avait la vaste scène au fond de la salle pour les représentations théâtrales, mais les services municipaux ont préféré leur agencer un podium plus adéquat, à proximité du public, que voulez-vous lorsque l'on possède un seul dollar en poche, l'on aime le surveiller de près et l'on n'éprouve guère le besoin de le le mettre à l'abri au Panama.

75 CENTS QUARTET


Manque une part au quatre quarts, ne sont que trois : Tom à l'électrique, Alex à l'acoustique et au chant, Cross à la big Mama. Mini set de trois morceaux dédié à Johnny Cash. Cry, cry, cry, ben non l'on ne pleure pas devant cet hors d'oeuvre, cette mise en bouche apéritive de bon aloi. Silence respectueux des convives qui interrompent leurs conversations et qui écoutent sans bruit. Mais plouf ! C'est déjà fini.

ONE DOLLAR QUARTET

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A la Grande Paroisse, vous n'avez pas besoin de cogner longtemps à la porte du paradis des rockers quand les One Dollar Quartet sont sur scène. Deux minutes pas plus, le temps qu'Alex passe derrière la batterie et que Mykeul s'empare du micro. C'est tout le rock and roll qui déboule sur vous, Elvis, Gene, Petitou Richardou, Carl, Jerry Lou, Chuck, Eddie, et consorts rappliquent tous au galop, et c'est la fête. Que des classiques. Attention le Quartet n'émarge pas au syndicat des croque-morts, ni à l'amicale des embaumeurs spécialisés en naphtaline. Ont intuité le truc : le rock and roll c'est de l'énergie renouvelable. Instrumentation rudimentaire : contrebasse de Cross survoltée, kit minimal de batterie d'Alex, voix nue de Mykeul, et guitare de Tom. Les trois premiers pourraient de visu passer pour un groupe de rockabilly, mais Tom hâte trop sa guitare pour que l'on puisse y croire. Sont définitivement rock and roll. Certains assurent que le rockab c'est plus roots, d'autres que c'est plus raw, ce qui est sûr c'est que le rock and roll c'est plus électrique. Alors Tom arrache les fils de sa guitare à vous électrocuter l'assistance. File plus vite que son ombre. Ces notes fendent l'air à la vitesse de ces abeilles artefactiques qui foncent sur le héros d'Héliopolis d'Ernst Jünger. C'est à Alex de se débrouiller avec ce qui arrive sur lui. L'angoisse du joueur de tennis derrière le filet qui attend la balle canon qui azimute vers lui vitesse grand-V- alligator-affamé, ne connaît pas. Joue fairplay, aucun signe d'énervement, adopte le style du gars désoeuvré qui n'a pas grand chose à faire et qui d'un geste las, mais imparable, nous fait le coup du return to the sender, renvoi de tampon et hop la boule de billard ricoche sur les quatre bandes du rythme. Cette flexibilité démentielle de la voix de Presley qui chavire au moment exact où elle devrait se redresser pour justement, dans cet affaissement même, subjuguer de bien plus haut la vague qui devait l'engloutir, Axel l'a adapté à son jeu de baguettes. Pénardos, un millième de seconde de retard pour que la frappe en plein dans le mille n'en paraisse que plus radicale. Une certaine coquetterie théorisante, vous savez le secret du rock binaire réside dans l'indécision ternaire du tempo du grand bleu boueux des eaux du Mississippi qui coule en tant que rivière souterraine au fond du rock. Une fois que vous avez compris cela, Mikeul sous sa casquette blanche de mitron, il peut y aller franchement. Monter descendre, fuiter à gauche ou enjamber à tribord, l'est un rocker libre. Des vocalises plein le gosier tant qu'il veut, moi bat-man je ponctue en temps voulu. Et le Mykeul, il ne s'en prive pas. L'a une belle voix, celle qui attire les filles comme la langue du lézard les insectes. Peut les caresser avec les vicieuses intonations elvisienne, les écarteler tout menu avec le hachoir richardien, les envoûter avec le feulement taylorien, les mordre avec les incisives berryennes. Mais ne nous étendons pas davantage sur les sujettes. Surtout qu'il reste l'indispensable quatrième roue du carrocksse, Cross très teigneux, vous bourre sa mama ( that's all right ) de coups de poings jaloux, se penche sur elle si violemment qu'il en devient bossu, il la cabosse et la mate, dans le quatuor, ce soir c'est lui qui a le rôle du méchant. L'assassin qui transporte les cadavres et qui déclare la phrase rituelle : « The rock must goes on ! ».
Et il continue sur sa lancée, pour l'assistance ravie. Z'en redemandent encore et encore. En oublient de manger pour crier et applaudir. Le One Dollar Quartet en profite pour tricher et nous refiler deux faux billets : assez de reprises, nous déroulent deux originaux tout droit sortis de l'imprimerie, deux superbes compos, dans l'esprit des pionniers, ce côté tranchant et si définitif qu'il vous semble que vous ne pouvez y toucher sans que la pyramide ne s'écroule sur vous, et vous ensevelisse à jamais, mais en fait c'est tout le contraire, tordez-les dans tous les sens, faites-leur subir tous les outrages et une fois terminés ils vous apparaissent en leur immarcescible beauté intangible, en leur idéalité platonicienne, mais avec un plus, un bonus. Une récompense des dieux. Le seul défaut des hymnes premier du rock and roll, c'est leur brièveté. Vous tombent dessus comme une manchette de Bruce Lee. Un coup et vous êtes mort. Ben, le One Dollar Quartet, vous apporte les dividendes, c'est beau comme un Rip It Up de Little Richard, mais c'est plus long. Un peu comme certaines acidités des Flamin' Groovies. Evidemment, ils ne les ont pas enregistrés, s'ils continuent faudra les dénoncer.

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Pour se faire pardonner, nous offrent deux extra. Jérôme et sa trompette – vous le connaissez, vient souvent folâtrer avec les Jallies, mais là ce soir, il se surpasse. Trois solo de trompette – tous différents – sur Caldonia, du coup les Dollar se piquent au jeu et chacun y va de sa petite marotte, s'il y avait eu un ministre dans l'assistance, le peuple aurait exigé qu'ils soient tous décorés de la légion d'rhocknneur. Jérôme en premier.
Mais non ce n'est pas tout. Mykheul s'en vient jusque dans nos bras arracher Ady, et voici la diva sur scène et c'est parti pour un auroch minotaurien sur le Mojo Working de Muddy Waters, et Ady qui vous chante sa partie comme si elle était la fille de Nina Simone.
Mais non, ce n'est pas tout. Céline des Jallies monte une petite fille sur la scène, et rien que pour elle, pour ses yeux plein de rêve et sa timidité qui la paralyse, le Quartet se lance dans un Baby Please Don't Go fracassant. Standing ovation !

Diable, si ce n'est pas du rock and roll, je me demande ce que c'était !


Damie Chad.


LA PUISSANCE DU LEZARD

   - Allo !
J'ai reconnu la voix.
   - A l'eau !
Cinq secondes de blanc. A l'autre bout du fil, je ressens une crispation de respiration...
   - Allo ! C'est moi ! Qu'est-ce que tu fais ?
   -Cloc ! Cloc ! Cloc !
   -Tu arrêtes de faire la poule !
Certaines personnes sont totalement dépourvues d'imagination poétique. Va falloir que je me fade l'explication de texte
   - Ce n'est pas une poule, ce sont les clapotis de la baignoire !
Mais tu es givré, je te téléphone pour un truc hyper-important et toi tu imites le bruit de la flotte dans une baignoire, mais tu es taré !
  - Non, je me mets en situation, je m'initie à une nouvelle invention du grand physicien Damie Chad, l'hypnose consciente, une méthode d'expérimentation psychologique qui consiste à auto-ingérer une séquence préparatoire d'incubation mentale destinée à engranger à l'avance tous les paramètre de l'atmosphère particulière de la prochaine soirée à laquelle tu comptes assister. Une sorte d'osmose spirituelle si tu comprends ce que je veux dire... Pas besoin de te spécifier que ce genre de travail sensoriel est réservé aux intelligences supérieures...
   - Arrête tes idioties Damie, j'ai tout compris, ce soir tu vas à la piscine. Justement je voulais te montrer depuis longtemps mon nouveau maillot de bain, donc rendez-vous à vingt et une heure devant le stade nautique !
   - Désolé fillette, mais ce soir à vingt et une heure précises j'ai rendez-vous avec les deux plus belles filles du monde, alors ton rôle de sirène, il tombe à l'eau !
   - Ah...
Je ressens des relents excitatifs de jalousie dans ce ah ! empreint de déception.
   - Arrête tes cachoteries, je parie que tu es encore en concert ce soir ! C'est quoi ?
   - Excellente Miss Marple ! La sagacité de votre esprit m'étonnera toujours. Comment avez-vous deviné ? Toutefois je suis sidéré que vous n'ayez point reconnu le clapotement du bain enserrant de ses eaux glacées, le cadavre de Jim Morrison dans sa baignoire. Devrais-je ajouter que grâce à ma visualisation proto-hypnagogique l'esprit du Roi Lézard s'est glissé en moi, et que je suis dépositaire de sa toute puissance.
   - Hi ! Hi ! Hi ! ( avez-vous remarqué comment parfois les filles ont un rire bête ? ) En plus un truc sur les Doors, j'adôôre ! Tu passes me prendre à mon cours de Yoga !
   - OK ! À 19 heures trente tapantes devant la porte !
   - Non à vingt heures ! Le cours se termine à vingt heures !
  - Ecoute-moi bien, il n'y a pas mal de route, je t'octroie ta demi-heure mais chaque minute de retard amplifiera ma colère dinosaurienne. Le lézard est un animal à sang-froid, comme la vengeance. N'oublie pas qu'il détient les clefs de la mort !
   - Arrête ton char, Chad. A ce soir.

Evidemment, chers lecteurs, vous vous doutez bien que... Mais n'anticipons pas. Vous savez déjà l'essentiel, la toute puissance du Roi Lézard.

19 heures cinquante. La teuf-teuf mobile s'immobilise devant le gymnase. Silence absolu. Pas un décibel. Un détail inquiétant : aucune lumière n'illumine la sombre façade. D'habitude, c'est rempli de cris. Des enfants en kimono qui sortent en hurlant pour se précipiter vers les parents excédés de retrouver si vite leur insupportable géniture, le groupe de l'Association Guitare Flamenco qui vous fout un potin typiquement espagnol, un des peuples les plus bruyants de l'Europe. Les portes de voitures qui claquent, les moteurs qui toussent, bref un condensé de tous les bruits de la vie. Mais là ce jeudi, rien ! Pas un souffle. Etrange. Etonnant. Bizarre. Stupéfiant.

Mais ce soir je suis le Roi Lézard. La force du reptile est en moi. La sapience de l'Ouroboros m'habite. Je vois ce que l'homme ne saurait apercevoir. Je respire profondément et je ferme les yeux. Je laisse venir à moi, l'odeur des lieux. J'accueille ce vide innommable, ce sentiment volatile de désespérance dont je hume l'indistincte fragrance. Maintenant je sais. Je suis pénétré de l'horreur profonde. Ce que je respire porte un nom immonde. J'aimerais me tromper, mais je n'ignore pas que la terrible réalité est là et que rien ne pourra s'y opposer. Rien. Sauf ce serpent que je suis devenu. Qui se glisse sur le trottoir par la vitre entrouverte de la teuf-teuf. Je suis le dieu cobra, celui qui en des temps lointains força les portes du jardin d'Eden, et me voici accomplissant une mission encore plus difficile.

Je glisse dans le dédale des coursives obscures. L'instinct me guide. C'est là. Derrière ces deux battants. Fermés à clef de l'intérieur. Ma tête s'élève, la puanteur est terrible. Ma prunelle se rapproche du trou de la serrure. L'obscurité est profonde, mais j'y vois comme en plein jour. De toutes les manières je connais tous les détails du spectacle qui s'offrira à ma vue. Elles sont toutes là, inanimées sur leurs tapis, vingt cinq jeunes filles, hiératiques, un sourire mystérieux erre sur leurs lèvres décolorées. La grande faucheuse est passée par là. Elles sont toutes mortes. Déjà engoncées dans l'autre royaume immobile, celui dont on ne revient jamais. C'est alors que je l'aperçois, facilement reconnaissable dans ce bouquet de fleurs coupées, elle est la seule vêtue de son maillot de bain. Je suis un peu déçu, j'eusse espéré qu'elle eût choisi un monokini.

Alors – tristement, mais la majesté du Roi Lézard est-elle seulement sensible à un tel sentiment humanitaire, non - je retourne à la Teuf-teuf pour exercer ma toute puissance. Pour une entité de mon acabit la mort n'est qu'un jeu. Me revoici sur le siège avant de la teuf-teuf. Sept heures cinquante sept... Cinquante-huit... Cinquante-neuf... les secondes durent des siècles, les minutes des éternités... huit heures ! Le temps d'agir ! Ma toute puissance en action ! Par trois fois ma tête cogne le tableau de bord. Trois coups de klaxon déchirent la nuit ! L'étau de la mort est brisé. Trois fenêtres s'illuminent, des ombres s'agitent, l'on tire violemment les rideaux, des bordées d'injures fusent au travers des vitres entrouvertes. Terrible ingratitude humaine ! Une femme toute furibarde descend les escaliers du perron, et fonce sur la teuf-teuf, et s'arc-boute sur le capot «  Sauvage ! Malotru ! Vous avez saboté ma séance de relaxation ! » Ce doit être la prof. Une escouade de femelles en furie court vers la voiture. Tout devant je la reconnais. Dans sa couse échevelée le haut de son maillot s'en est allé. Elle ouvre la portière et se jette sur le siège.
Mais tu es totalement fou !
Je débraye et appuie sur l'accélérateur, les quatre roues de la teuf-teuf passent sur le corps de la professeur qui se vide comme une outre de sang. Cloc ! Cloc ! Cloc !
Tu vois, je suis le roi Lézard, I can do anything !
Oh ! Damie, tu es vraiment fou !

Je la regarde. Elle vient de perdre la deuxième pièce de son maillot. Plus tard nous arrivons à Fontainebleau.


Damie Chad.

FONTAINEBLEAU / 14 – 04 – 2016
LE GLASGOW


THE LIZARD QUEEN

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Le Glasgow, nous y avons déjà été, je ne présente plus. Vous connaissez, son exiguïté, les gens qui passent et repassent pour rejoindre la pièce du haut, les deux espaces du bas bourrés comme un oeuf à la coque. Le comptoir inatteignable. La clientèle sur les longues tables dehors dans la rue. Les groupes resserrés dans un coin de salle. Densité de musiciens au mètre carré, une des plus fortes de France, les spectateurs debout ou assis qui dans leur majorité ne voient pas grand chose mais qui ne ratent rien. Des amateurs.
The Lizard Queen, nous les avons déjà vus deux fois. Mais on ne s'en lasse point. A priori, nous serions du genre à rechigner. Des reprises des Doors. Ce ne sont pas les Doors qui nous gênent. Nous sommes des fans absolus. Les reprises. Nous préférons les créatifs. Z'oui mais parfois, y a des biscuits à l'identique qui apportent des saveurs inattendues. Inespérées. C'est comme les Chimères de Nerval, pouvez les relire mille fois, elles sont inépuisables. Renouvelées.
Sont cinq, mais ce soir d'abord vous ne voyez que la noirceur de Cindy. Oui, le Roi est une Reine. Pas de coeur. De pique. Maigre et noire. Mince comme le roseau qui plie mais ne rompt point. L'est engoncée dans une robe qui tient autant de la redingote que de la toilette de bal. Seyante, collée à la peau, rembourrée aux épaules par un trois quart de fausse peau de loutre qui souligne à merveille sa coupe de cheveux mi-longs, à la garçonne des années 1920. Revêtez n'importe qu'elle fille de cette défroque et vous la transformez en épouvantail, Cindy lui confère une classe indiscutable. L'aisance aristocratique d'une arrogance de duchesse. Oui Madame ! Bien Madame ! A vos ordres Madame ! Le style inné. L'attire tous les regards.
Faut maintenant parler de Julien, le batteur. L'est au fond. Invisible, de lui l'on ne voit que son visage triangulaire et sa barbiche méphistophélique. Mais ce n'est pas grave. Car on l'entend grave. Le son des Doors. C'est lui. Les autres, c'est tout sauf les Doors. Un peu étonnant car les Doors possédaient un batteur par acquis de conscience rock. Mais Julien il a compris, comment la musique doorsique fonctionnait. Une boucle de rythme, n'importe laquelle répétée comme les pétales de la marguerite, un peu, beaucoup, passionnément à la folie. Prenez l'option que vous voulez cela n'a strictement aucune importance. Ce qui compte c'est l'instant où ça s'arrête ( de poison ). La brisure. Pour mieux repartir ensuite. Mais l'on s'en moque, l'on sent rocke. L'important c'est la rupture. Le break. C'est avec le break que l'on casse la dialectique. Alors comme le groupe joue soit-disant la zique des Doors, il vous fracasse les breacks sans arrêt. A tel point qu'à lui tout seul il est l'incarnation des Doors.
Cindy chante. Morrison aussi chantait. Un peu statique le Jim. Une présence indéniable. Pouvait s'endormir sur le micro ou sortir les attributs de sa virilité pour faire plaisir aux demoiselles. L'avait un charme fou. Une présence formidable. Partez sur l'idée mensongère suivante : Cindy ne chante pas. Pas un mot. N'en a pas besoin. Le chant c'est une rigolade : le larynx, la colonne d'air, le ventre, la gorge. Dix pour cent du corps. Une occupation peu physique. Cindy utilise les quatre-vingt dix pour cent restants. Bouge son corps. Tortille sa chair. Elle danse. Non, elle se métamorphose. L'est tout à la fois. La sorcière et le chat de gouttière. Le serpent et le corbeau. Le renard charbonnier et le cygne noir. Elle ondule sur elle-même, s'enroule autour du micro, s'affaisse sur les retours, s'enkyste sur le plancher, elle arpente un demi-mètre carré de surface comme d'autres parcourent les couloirs de la mort, elle est la faux et le squelette, l'ombre stupéfiante et la danse de guerre. Rituel de mort et de désespoir. Morrison doit s'en retourner dans sa tombe. Prêtresse maléfique.

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Devant la cheminée il y a l'orgue. Et derrière le clavier se tient Léa. Si Cindy est la nuit, Léa est la transparence de l'aube. Sourire radieux sous le casque guerrier d'impératrice enfant de ses cheveux blonds aurait dit Mallarmé, mais c'est ce toit tranquille où palpitent les blanches colombes de ces deux seins, ces deux rondeurs valéryennes du jour glorieux qui attirent les regards. Elle est la grâce du geste et la colère orgiaque et oragique de la musique. Elle joue de deux doigts négligents, et voici la clairière heideggerienne, elle s'allonge sur les touches et la forêt s'enflamme, musicienne dans l'âme de poignard. Elle est le cygne blanc transcendé de la blancheur pallide d'un buste de Pallas. Juste au-dessus de la porte, dixit Edgar Poe.
Tristan est à ses côtés. A la basse. Les Doors ne possédaient pas de bassiste. Tristan caresse. Pas de gros son qui avance comme un tsunami qui déferle et emporte tout sur son passage. L'emmène la douceur, la profondeur, le mystère infini des vapeurs soniques qui perdurent et s'insinuent comme des idées perverses dans les consciences. Provoque le trouble et n'arrête pas de sourire. Finira par s'asseoir en tailleur sur le sol, genre hippie en méditation transcendantale, pourvoyant l'atmosphère, non pas de notes, mais d'ondes diaboliques.
Alex est aux guitares. L'a tout compris. Les Doors sont pour lui un terrain de prédilection. Fait ce qu'il veut. Expérimente sans fin. Se sent libre comme l'air, détaché de tout. Les autres font du bruit. Le couvrent. Le protègent. Se rendent-ils compte de ses interventions, de ses inventions ! Bien sûr, l'est la dernière ligne de soutien, celle qui jugule et celle qui hulule. Faudrait n'écouter que lui, l'apporte cinq idées par morceaux, le change et la solution de rechange. Démontrera tout son savoir-faire sur Spanish Caravan. Nous aurons droit à des grondements convulsifs mâtinés de sang amarante de minotaure supplicié, du plus mauvais effet. Âmes sensibles, l'on peut aussi tuer les taureaux à coups de cordes de guitares. Faut un sacré doigté. Surtout si dans le même temps vous carambolez à toute blinde sur les gymkhanas de l'indépendance.
Plus Christophe Dupeu – modestie incarnée – qui s'en viendra ajouter son harmonica sur trois morceaux. Les racines des Doors s'enfoncent dans le blues originel. L'apporte toute cette négritude et groove les morceaux. Quel talent, n'a pas accompagné Hallyday sur scène par hasard. Le taulier n'a pas l'habitude de gaver son public avec des demi-portion de frites.
L'est encore des gens qui pensent que les Doors faisaient de la musique. Quand ils étaient seuls, oui. Car avec Morrison z'étaient plutôt doués pour la poésie. Léa fournit l'écrin atmosphérique, ces nappées d'orgue qui vous tombent dessus dans les Eglises, attention Dieu vous parle. Vous dévoile son nom. Ne s'appelle pas Jésus, mais Jim.
Cindy se charge du reste. Des lyrics. Une voix à traverser les portes blindées et les murs des forteresses. Psalmodie et hurle encore plus bas et plus fort que les deux précédents concerts. Vous tire, vous pousse, vous transporte, vous emporte, vous soulève et vous laisse retomber dans les culs de basse-fosse de vos existence. Touche aux choses essentielles, au sexe, à la mort, au désir, à la folie du monde, aux gouffres insondables du mal être. Que voulez-vous les gens sont définitivement strange et tout se précipite vers sa fin. La frêle silhouette de Cindy se penche vers l'abîme, nous suivons son regard, elle nous pousse dans le gouffre, par surprise, c'est nous qui tombons, c'est elle qui crie et agonise. Elle est le cafard criard de Kafka qui expire sur son oreiller et la promesse égyptienne de l'immortalité du scarabée. Le noir se referme sur nous. Léa sourit et se rit de nous.
Une tuerie de poésie. Un oratorio pour les assassins ratés que nous sommes. Si maladroits que nous ne parvenons même pas à achever la seule victime sur laquelle nous nous acharnons depuis toujours. Notre propre égo sale qui nous oblitère le cortex. The Lizard Queen sont là pour nous rappeler que nous ne sommes point obligés de nous vanter de nos impuissances. Merveilleuse soirée qui remet les points sur les I du mot rock and roll. Un groupe, la preuve par set métaphysique.
C'est fini. Vous pouvez refermer la porte.


Damie Chad.


( Unique photo de concert : FB : Léa Worms
Laurent Touvenin Photographe )

 

JOHNNY
VINGT ANS D'AMITIE

MICHEL MALLORY

PREFACE DE JOHNNY HALLYDAY

BLACK DRAGON / ARCHIMBAUD ( 1994 )

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Beau format ( 24 / 16, 5 ), amplitude royale pour le roi du rock and roll français. L'est d'ailleurs sur son trône, indolent dans sa paire de boots qui appellent à la dépouille. A ses côtés, debout, Michel Mallory, l'a beau se donner l'air country à l'aide de sa chemise à carreaux, ses cheveux longs ondulés lui donnent l'apparence d'un minet des seventies. Z'auraient pu mettre la même en couleur, d'autant que dedans tout un cahier est rempli de délicieux kitch chromos éminemment bariolés.

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Mais ne nous conduisons pas en mauvais lecteurs qui savent pas lire et qui ne zieutent que les images dans les livres. Ce serait dommage. L'auteur n'est pas un illettré, sait écrire, raconte bien, vous scénarise les scènes à la perfection. Est même assez malin pour ne pas accumuler les anecdotes, le book est découpé en chapitres et il se débrouille pour créer une espèce de suite épisodique quasi-romancée. Ne fait que son job, écrit des chansons, en d'autres termes il pratique l'art du mini-scénario, un début, un milieu, une fin, tirées en trois rafales à bout portant. L'en a pondu pour beaucoup dans le showbiz français, durant dix ans a même été le parolier officiel de Johnny Hallyday, a composé plus d'une centaine de chansons pour lui, et certaines parmi les plus emblématiques, nous ne citerons que La Musique que j'aime dont il griffonna les paroles en moins de dix minutes.

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Revenons au début, ce petit matin blême où il s'en vient porter ses premiers lyrics pour Johnny. Faut comprendre, aujourd'hui Hallyday est une institution, en 1972 il est une légende vivante. Déjà plus de dix ans de carrière derrière lui, et il est sûr que la bête n'est pas prête à rendre l'âme. L'a beau se prendre pour un cowboy, Mallory n'en tremble pas moins dans ses bottes. Pour un peu, il repartirait chez lui. Mais au moins lui avoir serré la main une fois, l'exploit qu'il racontera à ses petits enfants ! Et tout bascule. Dans sa vie rien ne sera plus jamais comme avant. Changement de dimension. Ne crèche pas dans un deux pièces cuisine, Hallyday, un vaste appartement, de bien meilleur goût que le Graceland d'Elvis,. ( Une petite vacherie chadienne sur les ricains ne fait jamais de mal. ) le grand luxe, pas celui des nouveaux riches. N'a pas l'air de souffrir de solitude non plus, notre Jojo national, suffit d'entrevoir les splendeurs dénudées qui traversent les pièces. Ne nous laissons pas distraire, au boulot et voici Mallory obligé de chanter son adaptation, une superbe guitare prêtée par l'idole entre les mains. L'essai sera concluant. Mallory restera dix ans avec Johnny.

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Participera à l'écriture de quelques uns des meilleurs disques de l'idole : Country, Folk, Rock / Insolitudes / Rock à Memphis / La Terre Promise / Hollywood, des albums qui permettent l'échappée belle vers le retour au rock et en même temps de dresser la stature d'un personnage de romantique fatigué qui a beaucoup vécu. L'âge adulte est une catastrophe, nécessité de le gérer au mieux... Le travail de Mallory ne consiste pas à griffonner des textes sur des bouts de papier, Johnny a son droit de regard et ses remarques sont emplies d'une maîtrise certaine. Participe aussi aux enregistrements, au plus près dans les studios, moments magiques en compagnie de Sam Philips et Shelby Singleton. Un coup de chapeau à Rolling qui joue à jeu égal avec la crème des guitaristes de Memphis qui reconnaissent son talent.

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Michel Mallory est aussi présent dans les tournées, assure les premières parties, respecté par les fans qui n'ignorent rien de son implication dans le premier cercle qui gravite autour de Johnny. Fait aussi partie de l'orchestre qui l'accompagne... Mais tout cela n'est que la partie visible de l'iceberg. Johnny est increvable, alcools, filles, boîtes, nuits blanches et tourmentées se suivent sans fin. Mérite son titre de rocker. Se permet tous les abus, tous les outrages. Une certaine dureté qui n'est qu'une manière de se protéger, la sécrétion d'une carapace qui permet de vivre dans une sorte de caisson étanche, une séparation du commun des mortels. Sait mener sa barque. Loin de l'image d'imbécile ignorant que les média essaieront durant des années de lui coller à la peau. Michel Mallory nous peint un portrait de Johnny en dehors des clous, sa générosité, ses ruses, ses stratégies de survie. L'est dans l'oeil de l'ouragan existentiel que son personnage a suscité. L'a tout compris. Toujours seul.

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Mallory est devenu un intime de Johnny, part en vacances avec lui – je n'ai pas dit en camping, en standing – et son fils David. Sylvie est méchamment absente du livre. C'est un couple qui s'aime beaucoup, surtout quand l'autre n'est pas là. Johnny applique à la lettre, pardon à l'alphabet ( le chinois : trois mille signes de base ) les consignes maritales d'Hermann Hesse, une femme / deux appartements. Modestement il rajoute quelques centaines de kilomètres entre les deux chaumières du bonheur. Mallory s'empresse de colmater les brèches, compose pour le couple le célèbre duo : J'ai un problème ( je sens bien que je t'aime ), la plus célèbre phrase litotique de la littérature française.

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Le tour de Mallory viendra. Faudra dix ans. L'entourage de Johnny est un noeud de serpents aux rumeurs particulièrement venimeuses. Mallory se retirera dans sa tour d'ivoire. Les deux amis se bouderont durant sept ans. C'est vache ( qui ne rit pas ), comme on dit dans la Bible. Jean-Claude Camus – l'a organisé des tournées de Gene Vincent – les réunira à nouveau, et à l'instant copains comme cochons. Et tout recommencera comme au premier jour.

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La bibliographie sur Johnny Hallyday est immense. Plus de quinze titres l'année dernière ! Ces Vingt Ans d'Amitié s'inscrit dans la suite des premiers témoins inaugurée en 1986 par Long Chris avec Johnny à la Cour du Roi, les fans connaissent déjà par coeur. Les autres feront la grimace. Ce n'est pas une des moindre qualités d'Hallyday de partager encore après plus de cinquante années de carrière le public rock français. Le rock n'est pas une musique consensuelle.


Damie Chad.

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