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02/09/2015

KR'TNT ! ¤ 245 : REVEREND HORTON HEAT / LAZY BUDDIES / RICHARD RAY FARRELL BAND / LEON NEWARS AND THE GHOST BAND / SANDRA HALL / HOBO JUNGLE / CLIFF GALLUP

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

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LIVRAISON 245

A ROCK LIT PRODUCTION

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

03 / 09 / 2015

REVEREND HORTON HEAT / LAZY BUDDIES /

RICHARD RAY FARRELL BAND /

LEON NEWARS AND THE GHOST BAND

SANDRA HALL / HOBO JUNGLE

CLIFF GALLUP ( + TONY MARLOW )

 

 

TRABENDO / PARIS XIX / 05 – 07 – 2015

REVEREND HORTON HEAT

Un Reverend au Heat parade

 

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On reproche généralement au Reverend Horton Heat d’avoir le cul entre deux chaises. C’est une façon de voir les choses. Mais on pourrait aussi reprocher aux deux chaises de se trouver sous son cul. Du coup, le cul du Reverend se met hors de cause. Ça va même beaucoup plus loin car il n’est pas besoin d’être cartésien pour comprendre que le cul ne peut pas se trouver assis sur le vide qui sépare les deux chaises.

 

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Que le Reverend Horton Heat ne figure jamais en tête d’affiche des festivals rockab, ça ne pose aucun problème. Qu’il ne soit pas considéré par les puristes comme un géant, ce n’est pas grave non plus. C’est même plutôt un avantage, car il reste libre de ses choix et il peut se livrer à toutes ses fantaisies. Le Reverend aurait probablement bien voulu être sur Sun, mais il s’est retrouvé sur Sub Pop, le label des chevelus en chemises à carreaux. Justement, c’est sur Sub Pop qu’il a enregistré l’un de ses meilleurs albums, «The Full-Custom Gospel Sounds Of», un album extravagant, enregistré à Memphis, mais pas au studio Sun, au studio Ardent, ce qui revient à peu près au même.

 

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L’essentiel étant d’enregistrer à Memphis. Ce fantastique album date déjà de vingt-cinq ans et il reste incroyablement frais. Ça part en trombe avec «Wiggle Stick» - I got a wiggle stick mama - et on est aussitôt frappé par le génie du bon Reverend. Il sort là le rockab le plus violent de la congrégation œcuménique. Ce serviteur de Dieu a d’autant plus de mérite qu’il est possédé par le diable. Car avec sa Grestch orange, il lève tout simplement l’enfer sur la terre. Et c’est généralement ce qu’on attend du rockab. Si bien sûr on préfère le rockab qui se roule par terre avec de la bave aux lèvres à celui que distillent les ensembles bien peignés et chargés d’animer les salons de thé. Le Reverend est de la caste de ceux qui se roulent par terre et tous les cuts de cet album sont là pour le rappeler. Même s’il bouscule les chapelles avec «400 Bucks», on s’en fout, car il blaste pour de bon, dans une crise de génie d’anticipation explosive. Il ne respecte rien, surtout pas les oreilles, car il beugle comme un prêcheur fou. Il opère un fracassant retour au rockab avec «The Devil’s Chasing Me». Ça slappe sec et pouf, il vire jazz sans crier gare, il passe des accords de huitième pénultième repris à la volée par ses ouailles Taz et Jimbo. Il sort un festival de la manche de son chasuble et asperge la sainte trinité d’une giclée de sueur iconoclaste. L’autre bombe de ce disque est «Livin’ On The Edge (Of Houston)», un cut infernal de vitesse et de précision. Le Reverend bat tous les records de virtuosité, et au cœur de la tourmente, il claque un solo clarifié. En face B, «Big Little Baby» est aussi l’œuvre d’un wild cat issu des enfers. Il n’oublie pas les lecteurs de La Vie Du Rail, car il leur propose une belle rythmique ferroviaire avec «Lonesome Train Whistl

 

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Son premier album pour Sub Pop n’était heureusement pas aussi dense. Avec «Smoke ‘Em If You Got ‘Em», il proposait une modeste énormité nommée «Bad Reputation», inscrite dans la lisibilité rockab car montée sur le bon beat sauvage d’usage. Son «Psychobilly Freakout» blastait avec humilité et il faisait swinguer les cierges avec «Baby You Know Who», doté d’une vrai pulsation rockab modernisée. Avec ce cut, le Reverend ralliait à lui toutes les conditions de la victoire des forces du mal. Il allait là où les autres n’allaient pas, dans l’azur aveuglant du mythe, au cœur de l’atome du beat, porté par des idées vengeresses d’ange déchu - It’s you ! Yeah you !

 

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C’est Al Jourgensen - le diable cornu de Ministry - qui produisit «Liquor In The Front» en 1994. Très bel album illuminé par une somptueuse reprise de «Jezebel». Ne confiez jamais un cut auquel vous tenez au Reverend. Pourquoi ? Parce qu’il va le bouffer tout cru devant vous, de la même façon que Dupontel bouffe tout crus les canaris du gardien de l’immeuble pour lui faire avouer le secret de sa naissance (Dans «Bernie», Dupontel apprend qu’il a été jeté à sa naissance dans un vide-ordure, un soir de Noël, et retrouvé dans la poubelle par le gardien le lendemain matin). Le Reverend avale ce vieux classique rococo d’un coup et place un solo de reverb historique. Avec «Baddest Of The Bad», il avoue sincèrement qu’il est l’homme le plus mauvais de l’évêché et il envoie ses passades d’arpèges à la revoyure confraternelle. On le voit plumer vifs les couplets de «One Time For Me». Il sait combiner les combinaisons et monter les petites fièvres épidermiques en épingle. Il sait même tirer un corbillard de l’ornière où il s’est enlisé. Quelle énergie ! Avec «Five-O Ford», il se livre à une fantastique excavation de mirobilisme. Le Reverend bat absolument tous les records de virtuosité. Il fait tournoyer ses gimmicks jusqu’au vertige. Et il passe des palanquées d’accords pour «Yeah Right», il joue là une espèce de rock brûlant de destruction massive. Avec lui, on est même obligé de raisonner en termes de puissance de feu, car on se retrouve face à une sorte de heavy doom de stoner défenestré noyé dans une sauce de solo liquidifié. C’est là, à cet instant précis qu’on voit se dessiner l’ombre cornue d’Al Jourgensen, grand prêtre de toutes les Apocalypses. L’une des grandes spécialités du bon Reverend, c’est aussi la good-time music avinée. Bel exemple avec «Liquor Beer & Wine» - Everybody knows me down in the local bar - Voilà une bien belle booze-song swinguée à la stand-up qu’il pigmente d’un beau solo country à la queue de cerise.

 

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On trouve une belle paire de cuts sur «It’s Martini Time» : tout d’abord le morceau titre, joli coup de swing-along pour l’apéro, magnifique de révérendisme, bien jivé sous le manteau, et puis «Now Right Now», sucré à la violence garage, puissant comme une colonne de blindés, un vrai bombast de haut rang. Le bon Reverend y sort le riff dont rêvent tous les garagistes. Au dos de la pochette, on les voit tous les trois au bar, comme figés dans le temps ou peints par Edward Hopper. Quand il chante «Big Red Rocket Of Love», le bon Reverend parle bien sûr d’une sainte bite. Le «Slow» qui suit est en réalité une belle boppin’ beast. Il flirte à nouveau avec le garage en prenant «Generation Why» au beat de scream à la clé de sol. Voilà où se niche le talent évangélique du bon Reverend : non pas dans l’armoire du presbytère comme certains pourraient le penser, mais dans ces petits cuts solides et patinés comme les outils d’un charpentier de marine. On constate à l’écoute de «Time To Pray» qu’il a le don du hit de cut cloué, le don du riff rivé, un don d’assembleur hors d’âge capable de sortir une cisaille de sa manche au moment opportun.

 

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«Space Heater» figure aussi parmi les grands disques du Reverend. Il restera dans l’histoire du rock pour au moins un titre, «Texas Rock & Billy Rebel», tapé direct au slap. Le Reverend y allume un foyer d’insurrection calviniste et on l’entend négocier dans le groove du slap. C’est unique au monde. Curieusement, ce disque roule pépère pendant sept ou huit cuts et soudain, ça explose dans tous les coins de la nef avec «For Never More», une magnifique monstruosité digne du cabinet des curiosités d’Honoré d’Urfé. Le Reverend lève de gigantesques vagues de son. Il déclenche un raz-de-marée stompique d’envergure biblique et il tortille tout ça à coups de prêche soloïque. C’est dans ce genre d’oraison que se niche le saint génie du Reverend Horton Heat. Il établit ce fameux cross between rock and rockab avec toutes les dynamiques enviables. S’ensuit «The Prophet Song», un instro luminescent et terrifiant de dentellerie théologique. Mais tout ceci n’est rien en comparaison de «Couch Surfin’», cette merveilleuse virée dans l’extrême pulsation monothéiste. Une fois encore, le Reverend se montre intraitable, il affiche une détermination monastique, ses fins de couplets tombent comme la peste sur les ports de l’Adriatique et les deux autres font des chœurs à la Dolls. On assiste même à une accélération de fin de cut terrible. Il enchaîne avec un «Cinco De Mayo» tapé au heavy d’une rare violence. Le Reverend s’y montre incroyable de mauvaiseté et de coups de tête dans le mur. La violence du riff dépasse tout ce qu’on connaît. Voilà le cut le plus torride et le plus dévastateur de cet album es-spiritus-sanctumémique. L’histoire des religions ne vous sera d’aucun secours.

 

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Au fil des albums, on s’aperçoit qu’ils sont tous aussi hérétiques les uns que les autres. Avec «Spend A Night In The Box» paru en l’an 2000, le Reverend met résolument le cap sur le swing. On le sent dès le morceau titre qui fait l’ouverture. On y entend l’Arsène Lupin du swing, le lapin blanc d’Alice, le grand commandeur de la légion du swing, l’impénitent par excellence, un fabuleux twisteur de genoux, le grand jerkeur de Gretsch, l’immense Zébulon complètement swingué du ciboulot - Oh yeah ! Avec «Big D Boogie Woogie», le Reverend monte au slap comme d’autres montent au Golgotha. Il s’en vient rumbler son boogie et se montre une fois de plus terrifiant d’inventivité. Il se pourrait bien que les Wise Guyz se soient nourris spirituellement du swing révérentiel. La seconde mamelle du Reverend, c’est l’humour. Dans «Sue Jack Daniels», il menace de traîner Jack en justice - I’m gonna sue Jack Daniels/ For what he did to my face last night - et il nous agrémente cette farce d’un solo virtuose. Avec «It Hurts You Baddly Bad», il nous propose un magnifique espace horizontal, une espèce de pont de la rivière Kwai lancé au dessus des flammes de l’enfer et dont les poutrelles se tordraient par l’effet de la chaleur. Le Reverend nourrit pour son cut tellement d’ambition qu’il multiplie les amorces d’envolées caractérielles. Son «King» se veut magnifique de retenue rockab. Il le tient bien en laisse et balance une envolée de solo surnaturelle. Le bon Reverend est certainement l’un des artistes les plus complets de sa génération. À la fois lutin et défroqué, il swingue à la tortillette et hallucine ses dévots. Il finit cet album somptueux avec «The Party In Your Head». Il fait rougir son rockab sous la cendre. Il part en solo jazz et se met en croix pour le salut du genre humain.

 

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C’est sur «Lucky 7» qu’on trouve «Galaxy 500». Le hit du siècle ? Allez savoir - I got a Galaxy five hundred - On assiste là à une fantastique explosion d’énergie sous couvert de fusion mélodique et vrillée en plein milieu par un solo de virtuose qui bat tous les records de virtuosité. Cet album est un véritable repaire de monstruosités. Le Reverend annonce la couleur dès «Loco Gringos». Il sort le gros son. On croit y être préparé, mais non, le son dévore les idées préconçues. Il est évident que le bon Reverend écrase tout le rockab moderne sous le rouleau compresseur de son génie. Qui pourrait se mesurer à lui ? Nouvelle démonstration de force avec «Like A Rocket» qu’il embarque à fond de train et qu’il vrille d’un solo dévastateur. That’s rock’n’roll, conclut-il modestement. Même chose pour «Reverend Horton Heat Big Blue Car» qu’il embarque à la vitesse maximale. Pure folie. Il tape là au cœur de ce qu’on appelle the rockab madness. Retour de l’enfer sur la terre avec «Go With Your Friends». Pour lui, c’est un jeu d’enfant que d’allumer des brasiers. Il part en killer solo sur fond de slap sourd. Il faut avoir entendu ça au moins une fois dans sa vie. Et il va enchaîner quatre titres qu’il faut bien qualifier de démentoïdes : «Ain’t Gonna Happen», «Suicide Doors», «Remember Me» et «Show Pony». Le bon Reverend joue comme un démon, son Gonna Happen est claqué aux dérives de Gretsch et il hurle dans le feedback de fin. Il embarque son Suicide Doors dans une escalade de la violence d’explosivité. Il donne ainsi une preuve de l’existence de Dieu. Il revient à son cher enfer avec «Remember Me». Il y grommelle ses syllabes comme le plus sauvage des péquenots de Meteor. Avec «Remember Me», on se trouve au cœur de la pire madness qui ait existé ici bas. Show Pony sonne comme une cavalcade infernale. Le bon Reverend gratte sa Gretsch à la folie. Il joue des ribambelles de guirlandes étourdissantes et lorsque ça s’arrête, on connaît enfin la paix.

 

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On trouve deux ou trois bombes sur «Revival» paru en 2004. C’est même assez banal que de dire une chose pareille. Sur cet album se niche «Indigo Friends», cut sublime monté sur un gimmick punk et emmené à une vitesse inexorable. Il nous livre avec «Indigo Friends» une furibarderie de type jusque-là inconnu. Tel un ouragan, le Reverend balaye tout. Il réussit à marier les genres, à l’endroit exact où Jack Rabbit Slim a échoué. L’autre grosse pièce de l’album, c’est le morceau titre, un cut taillé pour tracer. Le Reverend y fait claquer ses merveilleuses ribambelles de notes claires. S’ensuit un «Callin’ In Twisted» emmené au beat battant. Une fois encore, le bon Reverend nous montre comment transformer un coucou classique en événement spectaculaire. Ça pulse dans tous les coins et dans tous les recoins. Il nous shoote là la plus belle dose de rockab moderne du continent américain. Encore une effarence de l’immanence avec «If I Ain’t Got Rhythm». Il joue ça serré, au meilleur de sa vélocité. Il est aussi solide qu’un percheron lancé au triple galop sur les archers anglais. Avec «Party Mad», le Reverend bascule dans le grand angle du mad tempo - Breaking the waves yeah yeah yeah - Il part en solo et toute l’assemblée danse, c’est de la folie, les gens s’amusent comme des fous et oh ! il fait un deuxième tour de solo - Baby if you leave, don’t come back - C’est un géant, l’un des dieux de l’Olympe Rockab. Il faut aussi se jeter sur «Rumble Strip», pur jus de jive rockab.

 

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Dans la version CD de cet album, on trouve un DVD qui propose trois titres filmés sur scène («Galaxy 500», «Like A Rocket» et «Party In Your Head») et un documentaire filmé à Dallas où l’on voit le bon Reverend montrer l’endroit où il a débuté. Il nous présente même le type qui le baptisa un jour Reverend Horton Heat. Ce petit DVD n’a l’air de rien comme ça, mais ce sont justement les petits DVD qui font les grandes rivières.

 

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Comme Phil Spector et Galdys Knight avant lui, le bon Reverend s’est plu à célébrer Noël et la naissance du divin enfant sur les deux faces d’un LP intitulé «We Three Kings». Il va bien sûr passer tous les chants de Noël à la moulinette et même le puissant «Santa Claus Is Coming To Town» - You better watch out ! - Il osera même rouler «What Child Is This» dans la farine d’une vieux rockab tatapoum de western spaghetti. Le seul cut sauvable de l’album est la reprise de «Run Rudolph Run» tapi au fond de la face B, sacrément bien montée au beat et slappée d’un air vengeur par le brave Jimbo.

 

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On se régalera tout particulièrement du «Death Metal Guys» qui se trouve sur «Laughin’ & Cryin’ With The Reverend Horton Heat». Le Reverend se moque. Il a raison - They’re kind of medieval, those death metal guys - Puis il réserve un couplet à Jerry lee - Jerry lee Lewis shot his bass player down/ Down to the ground with a 38 round/ But death metal guys would have eaten his brains/ And people call Jerry Lee Lewis insane ! - Hilarant. On retrouve la grosse épaisseur riffique du bon Reverend dans «Oh God Doesn’t Work In Vegas». C’est bien drivé au beat et claqué à l’esprit du vif argent rockab des bar-rooms du midwest. Voilà un cut terrible, bourré d’énergie sauvage, joué au riff de caballero mentalement dérangé. Deux cuts rendront les amateurs de swing fous de bonheur : ««Drinkin’ And Smokin’ Cigarettes», cut d’ouverture à l’élégance princière et «Beer Holder», vieux romp de swing - My beer holder gets bigger everyday - dans lequel le Reverend avoue publiquement ses inavouables exploits pilier de bar.

 

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Son dernier album s’appelle «Rev». Un graphiste s’est amusé à dessiner des chars d’assaut et un bombardier sur la pochette. Le bon Reverend y commente tous ses cuts. Il raconte qu’il a connu une fille à l’école qui aimait l’odeur du fuel. Il trouvait ça provoquant, à l’époque et ça lui donna plus tard l’idée d’une chanson, «Smell Of Gasoline» - She was only seventeen/ She likes the smell of gasoline aw-oooh-oooh - La première bombe de l’album s’appelle «Never Gonna Stop It». Il parle de rock’n’roll comme d’un dernier espace de freedom in the new world order and phony globalism. Plus loin, il raconte dans «Spooky Boots» l’histoire extraordinaire du biker tombé amoureux d’une fille surnommée Spooky Boots. Un beau jour elle disparut sans explication et le bon Reverend raconte que le pauvre biker alla chaque samedi s’asseoir au square municipal de Santa Fe dans l’espoir de la voir passer. Cette routine désespérante commença en 1969 et se termina two years ago, avec sa mort - This story is so sixties, ajoute-t-il placidement. Autre belle pièce de choix en face B : «Scenery Going By». Le bon Reverend n’a pas le temps de s’arrêter à Haysville, Kansas. Pourquoi ? Parce qu’il est en tournée. Il adore prêcher dans les salles, mais il n’aime pas voyager. Alors il promet dans sa chanson que si un jour il devient riche, il ira visiter Haysville, Kansas. Et il sucre ça aux fraises avec un riff cinglant. Il rend avec «My Hat» un fabuleux hommage à Danny Cedrone qui fut payé 21 dollars pour jouer le solo de «Rock Around The Clock» qui est, selon le Reverend, the greatest guitar solo in history - Et il nous swingue cet hommage comme un démon échappé d’un ciboire incrusté d’émeraudes. On trouve plus loin une pure merveille de rockab patenté, «Mad Mad Heart», battue à plates coutures et tirée aux locos de chœurs aphrodisiaques. Grâce au Reverend, nous allons tous en paix.

 

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C’est donc en paix que nous nous rendîmes au parc de la Villette, la nouvelle Jérusalem, par un beau soir de canicule. Le bon Reverend y attendait les fidèles que l’horrible fléau avait épargnés. Ce noyau d’inconditionnels se prosterna jusqu’à terre lorsque parut sur scène le saint homme. Il attaqua «Victory Lap» dans une atmosphère de recueillement intense. Tout en lui sentait bon la béatification. Il distribuait des sourires de compassion à la petite assemblée et tortillait son «Rockabilly Freakout» en affichant un calme presbytérien. Il fit ses grands appels à la libération des consciences via «It’s Martini Time» et «Marijuana». Il fit sauter les loquets du confessionnal avec «400 Bucks». Les dévots pouvaient tout à loisir admirer sa technique de jeu, cette façon irréelle qu’il a de voyager sur le manche en jouant quelques milliers de notes sans forcer le moins du monde et d’en rajouter quelques kyrielles à vide. Il fit même un beau numéro de cirque avec une reprise de «Johnny B. Goode». Jimbo et lui échangèrent leurs instruments et le bon Reverend mena la bacchanale en slappant la contrebasse, pendant que Jimbo jouait les riffs de Chuck sur la Gretsch, mais avec la niaque d’un Wayne Kramer. Lorsqu’un fidèle beugla le nom de Johnny Cash, le bon Reverend obtempéra et fit une reprise de «Big River». Mais nous n’étions pas au bout de nos surprises. Le saint homme revint jouer l’infernal «Galaxy 500» en rappel et soudain, sans que nous fussions préparés à cette idée, nous eûmes droit à un solo de batterie de Scott Churilla. Le bon Reverend cherchait probablement à provoquer un schisme. Mais plutôt que de laisser ses ouailles contrites se perdre en conjectures, il revint jouer l’intégralité de ce hit universaliste qu’est «Galaxy 500» et envoya les âmes chrétiennes rejoindre le grand tourbillon de la voix lactée.

 

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Signé : Cazengler, gargouille de bénitier

Reverend Horton Heat. Trabendo. Paris XIXe. 5 juillet 2015

 

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Reverend Horton Heat. Smoke ‘Em If You Got ‘Em. Sub Pop 1990

Reverend Horton Heat. The Full-Custom Gospel Sounds Of. Sub Pop 1993

Reverend Horton Heat. Liquor In The Front. Sub Pop 1994

Reverend Horton Heat. It’s Martini Time. Interscope Records 1996

Reverend Horton Heat. Space Heater. Interscope Records 1998

Reverend Horton Heat. Spend A Night In The Box. Time Bomb Recordings 2000

Reverend Horton Heat. Lucky 7. Artemis Records 2001

Reverend Horton Heat. Revival. Yep Rock Records 2004

Reverend Horton Heat. We Three Kings. Yep Rock Records 2005

Reverend Horton Heat. Laughin’ & Cryin’ With The Reverend HortonHeat. Yep Rock Records 2009

Reverend Horton Heat. 25 To Life. Yep Rock Records 2005

Reverend Horton Heat. Rev. Victory Records 2014

08 / 07 / 15 - SEM ( 09 )

BLUES IN SEM

LAZY BUDDIES / RICHARD RAY FARRELL BAND

LEON NEWARS AND THE GHOST BAND

SANDRA HALL

Qui Sem le blues récolte la tempête. Au café, nous sommes pliés de rire en deux. Deux clans se dessinent, Les précautionneux qui tiennent compte du communiqué météo d’alerte rouge passé à la radio le matin même : pluies diluviennes sur l’Ariège. Comme si une catastrophe naturelle pouvait nous empêcher de nous rendre à un concert ! Je poétise, ce n’est rien, ce sont les larmes du blues ! Au final nous ne serons que quatre - intrépides héros - à nous lancer dans l’aventure. L’est vrai que ce ne fut pas une partie de plaisir. Sauf pour Eric le chauffeur qui peut conduire les yeux fermés sans regrets. De toutes les manières l’on y voit rien, ni devant, ni derrière, ni sur les côtés. L’on se croirait dans le bathyscaphe du Commandant Piccard par huit mille mètres de fond. A Tarascon, con ! ça se gâte, la route s’étroitise et l’on franchit les trois derniers ronds-points au pas. Surtout ne pas rater les deux embranchements successifs pour Sem, sinon vous êtes définitivement perdu dans la montagne. Certes Sem ce n’est pas le Tibet, mais au niveau densité de la population on est très proche du Sahara. Le village compte vingt-huit habitants, dont vingt tricheurs qui n’y reviennent que pour les vacances. N’y a que huit résidents à temps plein dont mes deux charmantes voisines se plaisent à m’épeler noms et prénoms sur le bout mignon de leurs doigts gironds.

Malheur a du bon. Pour une fois l’orga a compris que lorsque tout est en place, il était important d’ouvrir les portes avant l’heure officielle, la maigreur du troupeau des fans détrempés a dû les effrayer, pas question de perdre un seul de ses éléments, pourront consommer et renflouer la caisse en écoutant la balance. La première personne sur qui je tombe au premier rang c’est Daniel Giraud, le bluesman poëte descendu de ses montagnes ( confer KR’TNT ! 05 et 81 des 05/ 11 / 09 et 19 / 01 / 12 ). Ne tarit pas d’éloges sur Sandra Hall dont il vient d’assister au sound check.

Pour le moment c’est Lazy Buddies qui s’y colle. Débarquent à l’instant de la Creuse, retardés par une pluie calamiteuse ils règlent leurs instruments juste avant le show. J’ai bien dit « ils » car « elle » se tient debout tranquille, les mains dans les poches arrière de son jean, monitrice de colo scout qui surveille d’un œil débonnaire la mise en place du campement, tandis que les garçons s’affairent à qui mieux mieux. Nous demandent trois minutes de patience, le temps de revêtir leur costume de scène.

LAZY BUDDIES

 

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Les revoici ! Soazig en robe et une fleur rouge piquée dans les cheveux. Très fifty vintage, ce qui s’accorde à la perfection avec leur répertoire principalement accès sur les années cinquante et soixante. Du swing au twist. Vaste programme. Vingt ans de fun et d’amusement. Cinq garçons dans le vent d’avant, et une jeune fille qui n’a pas froid au gosier. Un vieux standard pour commencer All She Wants To Do - je vous laisse deviner ce qu’elle veut - jazzy en diable, de bons musicos puisqu’ils arrivent avec leur formation rétro-rockab - contrebasse, batterie, harmonica et guitares - à donner l’illusion d’un grand orchestre. Side by Side, Which Part of Me, même pour ceux dépourvus d’imagination le sujet se précise.

 

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Ne sont pas typiquement cent pour cent blues, même avec les envolées caracolantes de Dominique sur son trousse babines. Mais c’est d’une fraîcheur qui vous réconforte. Tout repose un peu sur Soazig dont le jeu de scène virevoltant emporte votre adhésion à votre corps très peu défendant. Fallin’, Checkin’ On My Babe, My Baby Won’t Be Back, les titres s’accélèrent et s’enchaînent sans faiblir. De l’aplomb et de la joie de vivre, les paresseux compagnons sont le groupe parfait d’ouverture. Vous réveillent, vous titillent, vous incitent à danser, vous mettent en condition pour les heures qui viennent. Une gestuelle parfaitement établie, une joie communicative, de l’entrain, de l’allant. Les applaudissements chaleureux saluent leur sortie de scène. Flip Flop Fly, Make It Faster, que demanderiez-vous de plus, s’il existait, au bon dieu ?

RICHARD RAY FARRELL BAND

 

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Mama mia ! Ah ! Les amerloques, rien à dire ce sont des maîtres ! Soyons franc, le band de la Grande Ruta est salement mâtiné d’espagnols. Jesus au clavier, Angel à la basse et un hijo de puta aux tambours. Même que Richard Ray Farrell originaire de New York s’est baladé au travers de toute l’Europe durant deux décennies avant de se fixer depuis quinze ans en terre ibérique, une espèce de saltimbanque du blues sans cesse en vadrouille, l’a joué partout et avec les meilleurs, du métro parisien à R. L. Burnside, pour vous donner une idée rapide du parcours.

 

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Sick and Tired d’entrée de jeu. Surtout ne pas les croire, sont en pleine forme. Farrell est au centre au micro et à la guitare, mais dans un premier temps, c’est le petit Jesus qui attire notre attention. Terramonte y tempetuoso. Un géant à gueule d’orang-dégoûtant. Lorsque les spots s’attardent sur sa simiesque dentition, elle se teinte d’effrayants reflets bleus responsables de toutes les fausses couches du département. Des paluches à vous refiler la coqueluche. C’est un modeste, se contente d’un clavier minuscule avec lequel il fait joujou. L’en couvre tous les octaves avec les doigts d’une seule main, la droite de préférence, la gauche il se contente la plupart du temps de la lever bien haut en une démentielle crispation extatique. Ne venez plus m’embêter avec des arias de Bach et ses partitions pour orgues à curetons coincés du cul, el Jesus vous joue d’une seule de ses menottes une musique célestielle, un ruissellement de foutre dionysiaque continu. Une musique spermique, du pur sang d’alligator, un cri édénique de tyranosus en chasse.

 

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Là-dessus le fils maudit de la péripapétitienne vous tambourine sans discontinuer. L’on se demande s’il s’est aperçu qu’il n’était pas tout seul. Toujours en mesure, mais terriblement perso. Farrell avouera qu’ils se connaissent depuis dix-neuf ans, par cœur. Ne se préoccupent plus l’un de l’autre, se retrouvent à tous les coups au coin des sentiers des plus grandes perditions. Quant à Angel Face - oui mes oiselles c’est le plus jeune et le plus beau - il laisse filer ses lignes de basse pénardos, genre petite pêche au bord du ruisseau, le dimanche après-midi. Mais spécialisé dans la chasse aux requins méchants. Les achève au marteau pilon. Vous avez compris, un boucan de tous les diables. You can’t Judge a Book, hello Mister Bo, ce qui suit ne sera pas forcément très beau. Mais au combien palpitant !

 

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Richard Ray Farrell à la guitare et de temps en temps à l’harmonica. N’oubliez que nous sommes au pays du blues. Un style que je qualifierai d’électrique flegmatique. L’électricité c’est pour la guitare, le flegme c’est pour Farrell, vous envoie de ces décharges électrocutantes avec la placidité du mec qui lit son journal en savourant son croissant. S’amuse, même si vous n’entravez que couic à l’anglais vous vous tordez de rire lorsqu’il entonne son Shoe Shoppin’ Woman, tout est dans les inflexions mimétiques de la voix, la donzelle qui essaie ses paires de chaussures et votre carte bleue qui vire au cramoisi, une véritable scène de mœurs de la vie moderne à la Balzac.

 

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Du blues brut. Tout droit issu des eaux boueuses de Morganfield. Nous ne sommes pas à la moitié du set que tout s’accélère sous prétexte de rendre hommage à B.B. King, The Thrill is gone ( un véritable mensonge car l’on prend un pied inimaginable ) suivi d’un Every Day I have the blues à vous donner la patate pour le reste de votre vie. Ah, cette guitare qui vous écorche tout du long, que c’est bon ! Suivront de véritables merveilles, un I Was Alone à pleurer comme une madeleine proustienne, un Dollar for Dollar à bramer comme un cerf en rut, une Fallin’Rain à vous faire dégouliner la sève de l’âme par le trou de vos narines et quelques autres trésors tirés du coffre des derniers pirates de l’île bleue.

La meilleure prestation de la soirée, Richard Ray Farrell et son Band nous ont joué le blues naturel, celui que l’on sort du fond de sa poche comme un mouchoir sale empli de morve verdâtre, sans prétention, en toute simplicité. Juste pour distraire l’ennemi en la tête duquel vous logez une balle de la main gauche. Celle du diable.

LEON NEWARS AND THE GHOST BAND

 

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Auraient dû occuper la deuxième position mais les rafales du littoral bordelais, les ont retardés… Un copain me souffle qu’ils auraient pu arriver à deux heures du matin, après l’extinction des feux. Je ne suis pas loin de partager cet avis. Mais ne soyons pas méchants. Sont pleins de bonne volonté et se coupent en six pour contenter tous les goûts, une entrée funky et un salmigondis indigeste de blues, de jazz, de gospel et de rhythm and blues, s’efforcent de bien faire, comme les premiers de la classe, mais l’on est comme les filles, l’on préfère les cancrelats. Un sax, un trombone qui coulisse, un clavier, une basse, guitare et batterie. Mettent les petits plats dans les grands, descendent jouer parmi les ouailles, chantent a capella, font participer l’assistance, connaissent la théorie mais c’est la pratique qui coince. Ont un show rôdé au millimètre mais il manque la bonne mesure. A côté de la plaque, sans le faire exprès. Une ligne de démarcation divise le public, ceux qui adorent ( les plus nombreux ) et les minoritaires qui s’ennuient. Des moniteurs de colo sympathiques qui rassurent les enfants sages qui n’ont jamais rien vu et qui rebutent les mauvais garçons qu’ils ne sont pas. On ne leur veut pas de mal, mais ils ne nous ont pas fait du bien.

SANDRA HALL

 

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The French Blues Explosion font monter la sauce. Deux morceaux qui paraissent interminables. Ce n’est pas de leur faute, ils jouent bien, très bien même, mais tout le monde guette l’entrée du fond de la scène, par où Sandra Hall devra nécessairement passer. Encore quelques mesures de musique du diable et la Diva paraît, là où personne ne l’attendait, dans l’allée centrale qu’elle remonte cérémonieusement avec deux organisateurs qui lui tiennent la main bien haut tout fiers de leur rôle de chevaliers servants. Moment d’incertitude lorsqu’elle aborde les quatre planches du fragile escalier qui permet d’accéder sur le plateau, les degrés plient mais ne rompent point. Et la voici toute triomphante devant nous, dans sa tunique, dans son fuseau, dans sa coiffure, toute en or lamé, rayonnante, sourire aux lèvres. Malgré ses High heel sneakers dorés elle n’est pas bien grande, et rattrape en rondeurs ce que la nature ne lui pas octroyé en hauteur. Des bas seins plantureux et des hauts reins redondants qui ont tendance pour les premiers à s’incliner et pour les seconds à se hausser géographiquement l’un vers l’autre. Une big mama miss tout droit venue d’Atlanta en Georgie, plus que du charme, du chien - du dog que l’on devine très hound - qui assume, d’un sourire naïvement enjôleur, et son âge, et son incarnation charnelle.

 

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Ne chante pas. Elle mugit. Une sirène de paquebot qui part en croisière. Prend son temps, articule les syllabes de tous les mots. Elle n’a pas le swing, mais la houle de la soul vous submerge, dès les trente première secondes. Maîtresse femme qui sait se fait faire obéir à l’œil et au doigt, que nous qualifierons de coquin. Car elle est coquine, la mutine. She’s a queen bee, et toute la ruche des spectateurs bourdonne d’applaudissements dès qu’elle laisse les petits frenchies exploser le blues en mille morceaux. Se joue des standards, un soupçon de jazz, un gramme de gospel, et un maximum de rythm and blues, face lente et face rapide, mais elle préfère se pavaner sur les sofas des tempos medium, pendant les intervalles musicaux elle esquisse de sévères pas de danse sur ses talons, du surplace qui dévore les kilomètres. Fascinante, vous ne la lâchez pas des yeux. D’ailleurs pour parfaire son emprise, elle se pose sur une chaise bariolée et nous raconte que la première fois qu’elle a entendu Otis Redding, c’était - il y a longtemps - chez sa grand-mère, et tout de suite toute l’assistance a une pensée émue pour cette sainte femme qui avait un si bon goût. Et l’on a droit à un Dock On The Bay magistral dont elle se plaît à répéter les couplets, tellement que c’est beau qu’elle pourrait la continuer des heures que l’on ne se lasserait pas d’admirer ce coucher de soleil sur la mer léthargique.

 

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Ce n’est pas le moment de s’endormir. L’a comme une manie, entre deux vers du morceau qu’elle interprète, elle passe, par un de ces hasards pas du tout aléatoire, le micro si près de son entrejambe que les pensées obscènes vous envahissent. Ce n’est pas une impression, she needs so love, qu’elle désigne les beaux jeunes hommes de l’assistance, la reine fait son choix et finit par appeler sur scène, d’un geste péremptoire auquel nul ne saurait se soustraire, un joli blondinet qu’elle trouve manifestement à son goût. Un peu gêné lorsqu’elle se colle à lui d’une manière si peu équivoque qu’il finit par s’ajuster à elle et à mimer un slow copulatif des plus hot. N’en continue pas moins à roucouler un blues torride tout en exigeant qu’il empoigne plus solidement encore ses fesses, et c’est parti pour une java - au cul du blues - infernale qui se termine en apothéose lorsqu’elle le force à fourrer sa tête entre ses deux seins desquels elle lui frictionne les joues et les oreilles sans trêve. Qui a dit que le blues était une musique machiste ? Sandra Hall affirme et sa féminité ardente et sa femellité dévastatrice, un sourire carnassier sur ses dents de louve affamée.

 

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Faut passer aux choses sérieuses. Depuis le Banquet de Platon, tout le monde sait que l’exercice érotique entrevu selon une stricte fonction pédagogique n’est qu’un prélude aux plus hautes dissertations philosophiques. Voici venir le temps des interrogations métaphysiques, How Long is the time when it’s a long time, pouvez réviser dans vos manuels les supputations de Bergson sur la durée, mais toute la salle préfère le jeu de questions-réponses institué par notre nouvelle maîtresse ( d’école ). Ne comptez pas sur moi pour vous refiler la solution. Hélas, c’est déjà l’heure de la sortie, mais lorsqu’elle a descendu les branlants gradins elle se heurte au barrage des spectateurs, tous debout, qui refusent de la laisser passer, l’orga et le Blues Explosion qui la couvent de près sont un peu dépassés, mais Sandra la perdrix bleue comprend qu’un peu de révision s’impose et elle remonte sur scène sous les hourras et les vivats de la classe enthousiaste. Jamais on aura vu une théorie de cancres ouvrir aussi grandes leurs oreilles pour écouter les deux derniers morceaux, elle en profite d’ailleurs pour faire marner les musicos qui reçoivent un vingt sur vingt pour leur accompagnement aux petits oignons frits. Plus les Lazy Buddies qui remontent pour le bœuf final. Et la Reine du blues en Sem redescend les escaliers sous une extraordinaire ovation…

 

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Daniel Giraud est d’accord avec moi, nous ne la connaissions pas ( pauvres ignorantissimi, quarante ans qu'elle est dans le métier, l’a rencontré et chanté avec tous les plus grands ) mais nous nous en souviendrons toujours… C’est cela l’amour diabolique du blues…

Damie Chad.

( Photos de Patricia G. )

« SCENES ROCK DE LA VIE DE PROVINCE»

MONTBRUN-BOCAGE09 / 08 / 2015

HOBO JUNGLE

Tout contre, mais déjà en Haute-Garonne, pays des doryphores, comme sont surnommés les étrangers limitrophes dans le département de l'Ariège. Par un chaud dimanche d'août nous lançons donc un raid sociologique et exploratoire sur ces terres lointaines en espérant atteindre la cité mythique de Montbrun-Bocage dont les rares explorateurs qui en sont revenus sains d'esprit rapportent d'incroyables merveilles.

 

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Ne nous ont pas menti. Le mythe se substitue parfois à la réalité. De loin, Montbrun-Bocage ressemble à n'importe quelle localité de la France profonde et agricole. Avec ses maisons groupées autour de l'Eglise, l'aurait pu servir de fond pour l'affiche de la campagne présidentielle de Mitterrand. Plus cul-terreux, vous n'imaginez pas. C'est lorsque vous arrivez sur la place centrale, que la téléportation commence, passé la frontière du coin de la rue vous êtes subitement transporté en 1967, en Californie, à San-Francisco. Le français moyen, baguette de pain, béret et pastaga à la terrasse des bistrots n'existe plus, chaque dimanche matin Montbrun-Bocage se retrouve transformé en village hippie.

S'abattent sur la ville comme une nuée de sauterelles sur un champ de manioc africain. La comparaison s'arrête là, car ils ne viennent pas en hordes faméliques pour se livrer à une improbable razzia sur les habitants du cru. Au contraire, ils boostent l'économie locale et rapportent à la commune en une seule matinée dominicale autant que les subventions étatiques annuelles.

Se regroupent sous et tout autour de la halle centrale. Festival de couleurs, de bruits, et de senteurs. Un must de l'économie autarcique, bouffe bio, confitures sauvages, légumes sans colorants, fromages de brebis, couteaux artisanaux, bijoux maisons, bouquineries d'occase, vendeurs de fruits d'arbres non traités, et de gâteaux goûteux... les filles sont vraiment des beautifull people, les garçons portent des dreads, des enfants nus s'arrosent sous la fontaine, sous le porche de la chapelle des fillettes radio-crochètent à qui mieux-mieux, de partout bruissent les idées alternatives, récupérations, échanges, squats, ventes à petits prix, des jeunes et des moins jeunes, toute une tribu qui a opté pour une vie naturelle, sans le stress du travail d'esclave et des existences étriquées des grandes villes. Une ruralité recomposée, déclinée comme un défi à la modernité opprimante. Giono se serait senti comme chez lui à Montbrun-Bocage. Café, thé, maté, à 1euro, larges, assiettes végétariennes à 4 euros, café associatif un peu plus loin...

 

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Les touristes apportent les rentrées fiduciaires nécessaires à la perpétuation de ce réseau de survie semi-autonome, pour les plus militants s'offre la possibilité de régler vos achats en monnaie locale, le Pyrène, qui dans l'idéal ne transite pas par les banques. Autant de moins pour les prédateurs de la finance capitalistique.

BLUES SAUVAGE26 / 07 / 2015

Grand aux cheveux longs. Discute avec une copine qui tient un étalage de bracelets et de bagues, comme moi il avise un deuxième larron qui porte une guitare. Sort de sa poche un petit harmonica en signe de reconnaissance, discutent musique durant deux minutes, se plantent au milieu de la rue, parmi le flot continu des passants, and awoke this morning, l'impro blues jaillit comme l'eau de la source. Petit groupe autour d'eux, une fille survient qui esquisse quelques pas de danse, et qui mêle son chant à la voix du long-cheveux, et puis s'en va quelques minutes plus tard. Chanteront ainsi près d'une heure, du blues yaourt et quelques morceaux alternatifs, dont un morceau rentre-dedans de Thiéfaine, qui n'est pas ma tasse de café, mais s'en sortent très bien. Plus tard je les retrouverai sur un trottoir à l'ombre d'un mur, un rasta s'est joint à eux avec ses tablas. De la musique libre, improvisée, pour le seul plaisir de jouer. Des anonymes, dans la grande tradition revisitée du Delta, dans les années vingt. Un truc qui vous réconcilie avec la beauté du monde.

HOBO JUNGLE09 / 08 / 2015

 

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L'on est revenu quinze jours plus tard. Tranquilles sur la terrasse du café, avec les chiens qui courent partout et les enfants qui aboient entre les tables. Grosse voiture s'approche. Peuvent pas rouler ailleurs. Non manifestement, ils ont quelques paquets à décharger. Divine surprise, ce sont des amplis, des vieux, à lampes. Plus des guitares et une batterie. Ne vont pas nous offrir un concert, comme cela, au débotté ! Mais si. En plus, mon instinct et leur dégaine m'avertissent, ce ne sont pas des caves. Ces quatre lascars ont dû écouter dans leur jeunesse davantage de Stones que de Mireille Mathieu.

Mettent du temps pour la balance, mais enfin c'est parti. Directement dans le répertoire english boom. L'on comprend vite pourquoi. Si le trio de base est bien de par chez nous, le chanteur est une importation de Grande-Bretagne. Ça se sent, et ça s'entend. Grand mince élancé, un micro, une voix, personnalité affirmée. Lorsqu'un quidam en tenue pseudo militaire vient lui chercher des noises, ne perd pas son flegme, le rabroue violemment avec son délicieux accent anglais en lui promettant, si perverse persévérance de sa part, un avenir immédiat peu enviable, après deux ou trois rodomontades appuyées le gars s'éloigne sans demander son reste... Pour revenir trois morceaux après s'excuser.

 

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L'a raison, car le Hobo Jungle envoie sec, du gros blues-rock qui tâche grave et qui carillonne longtemps dans votre tête, nous donnent un premier set quatre étoiles, nous en promettent un second lorsque la pluie se met à tomber, z'ont des bâches dans la voiture pour couvrir le matos en catastrophe. Petite discussion avec le bassiste qui déclare que depuis Be Bop A Lula depuis Gene Vincent l'on n'a jamais fait mieux. L'a bien raison, mais l'ondée nous chasse, nous ne savons s'ils ont pu ré-attaquer plus tard un deuxième set... L'année prochaine, nous essaierons d'en savoir plus.

Damie Chad

( Photos de Patricia G. )

CLIFF GALLUP

TONY MARLOW

( JUKEBOX N° 345 )

 

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Suis rentré chez le dépositaire pour le dernier Rock & Folk, j'en suis ressorti avec le nouveau Jukebox. N'ai pas perdu au change, Gene Vincent en sa superbe country shirt blanche en couverture. Assis à la proximale terrasse de café, m'aperçois qu'il s'agit d'un article de Tony Marlow sur Cliff Gallup, une superbe série consacrée aux plus grands guitaristes du early fifty rock. J'espère que l'un de ces jours Tony réunira le tout en un volume afin qu'un travail d'une telle qualité ne soit pas perdu pour les générations futures.

CLIFF

 

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Cliff Gallup reste une énigme du rock and roll. Peut être considéré comme l'Arthur Rimbaud du rock. L'enregistre en tant que guitariste soliste l'équivalent de trois trente-trois tours avec Gene Vincent. Puis il rentre chez lui, à la maison. Ne s'enfuit pas vers des terres inconnues à l'instar de l'enfant de Charleville. Non, rejoint son épouse, ses enfants, son boulot et les bals du samedi soir. L'en a fini avec le rock and roll comme l'auteur d'Une Saison en Enfer avec la poésie. Ne se lance pas dans le commerce, fait de la musique. En week end. Hobby et passe-temps. Sa femme l'a décrit comme un homme modeste qui avait horreur de se mettre en avant. Une humilité qui fait frémir quand l'on songe qu'il a quasiment à lui tout seul fondé la guitare rock. Sûr qu'il y en a eu d'autres, mais eux pas besoin de trente ans de solfège pour comprendre qu'ils sortent tout droit de la gangue du country. Sont catapultés par une tradition dont ils sont l'aboutissement flamboyant. Cliff c'est plus étonnant.

 

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GALLUP

 

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C'est un OVNI. Tombé de nulle part. Le grand garçon tranquille qui se retrouve piégé dans un gang de garnements. Un chanteur qui hoquette comme une tondeuse à gazon qui ne veut pas démarrer, et un ado turbulent qui hurle après sa batterie à coups de balais inquiétants comme s'il voulait lui faire la peau. Peut-être un jour faudra-t-il repenser le rôle de Dickie Harrell dans les Blue Caps à celui joué par John Bonham pour Led Zeppelin. Cliff c'est un peu l'explorateur à chapeau melon qui déboule dans une tribu de sauvages en transe, au fin fond de la forêt équatoriale. L'aurait pu s'enfuir, ou se contenter de marquer le tempo sans trop en faire, un petit accompagnement rythmique avec deux ou trois passages en picking pour montrer qu'il connaissait tout de même son métier. L'en fallait plus pour émouvoir le Cliff, pas d'affolement, entrevoit tout de suite le topo, ah bon, si vous le prenez comme cela, je vais sortir ma botte de Nevers, le truc qui vous prend par derrière les oreilles, ma clef étrangleuse perso dont je ne me sers jamais, ma prise de cat(ch) secrète.

CLIFF GALLUP

 

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Et hop, direct il la branche, sa guitare, dans la prise. Electrique. Y avait des centaines de gars qui savaient le faire, mais eux ils s'en servaient pour hausser le ton, se faire entendre au milieu du tapage des autres instruments. OK, mais Gallup, il s'alimente directement à la source, sculpte la matière première. Là où les autres jouaient de la musique, lui il distribue de l'électricité, pur jus, high voltage. Le Gallup n'est pas manchot du manche, l'a déjà médité, de Charlie Christian à Django Reinhardt, du ghetto aux gitans, l'a tout intégré, et il vous ressort la leçon, mais sous forme de condensation jamais égalée alors. Les gars foutraques autour de lui étaient pressés, alors Gallup leur montre qu'il sait galoper encore plus vite qu'eux. N'est pas particulièrement convaincu que le résultat soit bon. En fait il n'est pas bon du tout, il est génial. Le Cliff il est pour les vieilles recettes de la cuisine familiale, exemple le civet, le lapin se doit de mijoter dans son clapotis de thym et de romarin, longuement à petits feux, mais avec ces ostrogrocks qui préfèrent jeter un chat strayé tout vivant dans la marmite sur un fond de piments rouges, faut presser la combustion. Pas question pour autant de saboter le travail, le Gallup se met aux recettes exotiques, vous découpe avec un soin de maniaque le crotale vivant en tranches fines avec fritures à l'huile bouillante. Chez Gallup, chaque note compte, possède son utilité, celle-ci pour mettre le feu aux rideaux, la suivante pour foutre de votre casquette de daim bleue un coup de pied au cul au vieux monde, et la dernière pour vous dynamiter le cortex. Rien n'est plus terrible que les calmes qui s'énervent. Une fois lâchés, personne ne peut les retenir. Faut attendre qu'ils s'arrêtent d'eux-mêmes. Au bout de six mois, Cliff signa la fin de la récréation. On se calme, on reprend l'explication de texte à la ligne dix-sept. L'avait prouvé ce qu'il pouvait faire, cela lui suffisait. Cincinnatus retourne à la ferme et reprend sa charrue. N'a fait que son devoir. Le gamin hurleur désirait que ça balance, alors il l'a balancé toute la sauce. Pas besoin d'en faire une montagne. N'a jamais cru, lui la souris galopeuse, qu'il avait accouché de la montagne rock.

 

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Heureusement pour nous, la rocky road blues de Gene Vincent ne faisait que commencer.

 

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Damie Chad

 

 

 

 

 

 

 

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