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08/07/2015

KR'TNT ! ¤ 243 : DUM DUM BOYS / ATOMICS / BARABBAS / KLAUSTROPHOBIA / SLIDING OF FREQUENCY / THE WAGE / SUGARFOOT GROOVEBANB / MICK JAGGER ERVIN TRAVIS NEWS

 

KR'TNT !

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

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LIVRAISON 243

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

09 / 07 / 2015

 

 

DUM DUM BOYS / ATOMICS / BARABBAS /

KLAUSTROPHOBIA / SLIDING OF FREQUENCY

THE WAGE / SUGARFOOT GROOVEBAND

MICK JAGGER

 

 

VACANCES!

 

Toute la rédaction de KR'TNT ! rejoint ses quartiers d'été. Il va falloir que vous

appreniez à vivre sans votre livraison hebdomadaire jusqu'au jeudi 27 août.

Je sais, ce sera très dur pour vous. Pour nous aussi, sur ces plages cocotières

remplies de jeunes filles dénudées et de beaux garçons dévêtus.

N'ayez pas peur, nous survivrons et nous reviendrons !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME !

 

 

 

 

ERVIN TRAVIS NEWS

Toutes nos pensées sont pour toi, Ervin, sur ton lit de souffrance.

N'oublie pas que nous avons besoin de toi.

Le rock and roll aussi !

 

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PARIS XI °13 / 06 / 2015

 

LA MECANIQUE ONDULATOIRE

 

DUM DUM BOYS

 

 

LE DOUX BAND DES DUM DUM

 

LE DOUX DOOM DES DUM DUM

 

 

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Quand on parle de rock en France, il semble qu’on oublie en peu facilement d’évoquer les Dum Dum Boys qui avec leur premier album, abattaient la carte d’un rock sous influences, et pas des moindres, puisqu’il s’agissait des Stooges et de Suicide, le tout bien nappé de fuzz, de white light, de white heat et de ramalama fa fa fa. Ils n’échappaient pas à la malédiction qui pèse sur tous les groupes de rock français qui est celle du suivisme, mais ils parvenaient à contourner l’obstacle en appliquant le précepte édicté par William Reid dans une célèbre interview au NME : «Faites appel à votre imagination !» Tout le jus des Dum Dum Boys vient des idées et de la façon dont ils recyclent leurs influences. Ils ont échappé au piège dans lequel sont tombés les dévots du Velvet ou des Spacemen 3 pour bricoler un son Dum Dum forcément stoogien dans l’essence, mais visité par des idées qu’il faut bien qualifier d’idées géniales. Dans le numéro de mars de Vive le Rock, Adrian Bateman salue la réédition chez Closer du premier album des Dum Dum : «Dum Dum Boys deliver dirty, debauched punk with bonus garage fuzz.»

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Ce premier album fut en effet un énorme révélation. On les sentait aussi stoogiens que pouvait l’être l’Eve Sweet Punk Adrien, notamment au travers de «No Man’s Land», riffé d’entrée à la manière ashetonienne et bardé d’incursions de voix déviantes. Cette façon de hanter un cut à deux voix relève d’une certaine forme de génie. On avait ça dans «The Murder Mystery» du Velvet, la volatilité des voix dans la fournaise. Un autre bon réflexe : celui des montées en puissance de la basse, dans «Fallin’ Down», qui évoque celle de John Cale à la fin de «Waitin’ For The Man». Les Dum Dum bricolent avec ce cut un joli groove autoroutier Suicidaire, superbe et inspiré, vraiment idéal pour rouler la nuit. Et on entend par intermittence la basse remonter à la surface comme un sous-marin cauchemardesque ! Autre pièce de choix : «Sound Of Confusion», plus psyché, mais doté d’un son de rêve et chanté d’une voix de rêve. On se croirait vraiment chez les Spacemen 3 et on assiste à une prodigieuse dérive au long d’un beat bien soutenu. Les Dum Dum transcendaient avec ça la notion même de crédibilité. On avait là dans les pattes l’un des meilleurs albums de rock de l’époque.

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Encore un gros disque avec «In A Cotton Candy World» paru en 1991. On assiste à un bel envol avec «Hit By A truck». Ça chante au fil d’une note tenue en laisse. Voilà qui est typique du sur-place insidieux, d’autant plus surprenant que ce vérolage de nuisances décrit le chic d’un choc. «In My Room» ne doit rien à Brian Wilson. C’est tout simplement du garage monté sur un beau beat de cœur battant. On passe aux choses très sérieuses avec un «Real World» magnifique de présence au chant. La basse remplit tout l’espace et le groupe dégage un souffle envenimé aux accents standelliens. La basse bat dans la poitrine du beat. Énorme ! En face B se niche un joli psyché terriblement évolutif, «5.35 Of Happiness». L’animal monte en puissance et rappelle l’enfer psychédélique des Spacemen 3. S’ensuit un «Losing Touch» d’envergure abyssale. Encore un psycho-psyché noyé dans la fuzz et digne des rois du genre. Jason Pierce s’y prélasserait. Le «Reverberation» qui suit n’est pas celui de Roky Erickson, mais ça reste très proche dans l’esprit. On se gave de cette mélasse de groove fuzzy, admirable d’anglicisme patenté et montée sur un beat endurci et têtu comme un âne, et comme souvent chez les Dum Dum Boys, la basse joue devant avec le son dont rêvent tous les bassistes de rock.

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Sur «Hypnovista» - Munster 1995 - se nichent deux smoking beasts : «White Jazz» et «Elevator». La première répond à une volonté hypnotique et joue la carte de la fusion, avant de nous faire ses adieux dans une fin expiatoire. «Elevator» se veut chargé de basse à ras la gueule - comme on dit chez le canonniers du Roi - Voilà encore un cut monté sur un gros doom de groove de basse et bien sûr, pour les autres, c’est du gâteau. On retrouve ce doom de groove dans l’infernal «Dreamland», traversé par des traînées de séquenceurs. Les Dum Dum Boys semblent toujours voyager dans l’espace. Leur son file comme un aéronef à travers des nuages de poussières d’étoiles psychédéliques. Avec «Rise», ils rendent une fois encore hommage au Velvet. Ce mid-tempo balladif épouse à merveille l’esprit des dérives velvetiennes d’antan - I just don’t know.

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«Electronic Pop Music Created By» sort 1998 avec Charlie Manson sur la pochette. Les machines sont de la partie, sans doute en hommage à Martin Rev. Ils passent au wild blast avec «Stereo», un cut digne de Primal Scream mais avec du mousseux niçois en plus - Sss, ti, Stirio ! - Ils allument tous les lampions avec des whaouh authentiques. On sent une fois de plus la sous-jacence d’une grosse culture rock. S’ensuit un «Sleep» monté sur une carcasse de Velvet. On a quasiment les mêmes passages d’accords que dans «White Light White Heat» et on se régale. Voilà ce qu’il faut appeler du pompage à bon escient. Ils explosent le «Lowdown» qui suit à la revoyure d’un refrain jeté dans le mur. Et dans «Lose My Cool», un solo de dingoïde télescope le claqué d’un son bardé de glissés de basse. On entend aussi William Burrough dans «Connection» et puis, back to the fuzz avec «Nervous» - I really don’t need you around - Un son de rêve, une fontaine de jouvence vomitive et ça part en solo dans la purée. Voilà un guitariste échappé de l’asile de fous qui arrose tout d’Est en Ouest. Pure Ashtonnerie. On tombe ensuite sur un énorme hit pop : «Good Times». Mais attention, la fuzz rôde au coin du bois. C’est tout simplement exceptionnel. On assiste pétrifié à une montée de basse et à une explosion de fuzz, le tout sur canapé de petite rythmique Velvet type «Waiting For The Man», avec un awite qui se perd dans l’écho du temps. Voilà encore un cut d’une classe qu’il faut bien qualifier de monstrueuse.

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On croit qu’ils vont finir par se calmer, mais non. Avec «Soul Bondage Deluxe», ils poussent le bouchon encore plus loin puisqu’ils tapent dans le funk avec «Make It Funky», un hommage au Jimmy Castor Bunch. C’est à tomber de sa chaise et en tous les cas beaucoup plus spectaculaire que les tentatives de Primal Scream dans le même domaine. Les Dum Dum rivalisent tout simplement de shake-bootisme avec James Brown, dans une quête d’osmose corporelle avec le funk et ils sont tellement à l’aise qu’ils s’aménagent des jolis temps de pause. Dès l’ouverture, on sent bien que ce disque va défoncer la rondelle des annales. Dès «Bubblegum», on sent la modernité d’un élan situationniste débridé. Avec «Welcome To The Loser Club», ils sortent un classique de pop anglaise et sonnent comme un trip d’acide. Ils revêtent l’habit mondain du vrai monde et s’abandonnent à une fantastique transposition spiroïdale. «Vicious Circle» sonnerait presque comme un hit des Seditionaries de Londres, un groupe de freakbeat mythique qui n’a jamais existé. Il n’empêche que «Vicious Circle» sonne comme une révélation blastée de réverb et maintenue artificiellement en vie par le beat. On tombe un peu plus loin sur une sorte d’hommage au Trip de Kim Fowley, «Spatio Dynamic Theme» - The Dum Dum Boys coming from planet cool - Merveille poundique absolue - Dance motherfucker dance ! - Et s’ensuit un slogan qui n’a rien de provocateur, puisqu’il colle si bien à la réalité : Let the Dum Dum Boys make you a demonstration of what rock’n’roll is all about !

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On retrouve les machines sur «Kiss Me Deadly» paru en 2003. Avec «Born Again», ils tapent dans le baladif de charme incroyablement élégant. Voilà un cut doté d’une orchestration d’ambiance, de trompettes décadentes et crooné jusqu’à la moelle des os. Avec «Disappointed», ils explosent pas mal de territoires. C’est certainement le cut le plus vénéneux de l’époque, monté sur une pulsation extrême. Ils explosent la timbale du manège et triturent la purée avec une sorte de génie machiavélique - Now C’mon baby - et derrière, des légions de démons clament des chœurs atroces. Nouveau coup de génie avec «Oh Yeah», petit glam-blast pulvérisé par des soucoupes volantes dans la fumée blanche du trash. Invraisemblable. Les Dum Dum ont de idées faramineuses et savent créer l’événement. On assiste à l’ahurissant spectacle de montées en puissance à contre-courant du torrent de trash. Terrifiant, buté au propos et ré-explosé dans la fournaise à coups de sax. Voilà un cut qui se noie dans la réinvention perpétuelle du meilleur groove d’explosivité. On prend un peu de répit avec «Sweet Smell Of Success», joué au jazz-blues des clubs de Harlem et chanté à la perfection, avec en prime une bassline fantastique. C’est beaucoup trop beau pour être vrai. Ils terminent cet album cuisant avec un nouveau coup de Trafalgar : «The New Sound», une énormité de rapping montée au turbo-compresseur de clap-hands. Voilà l’exemple d’une pure vision. C’est chanté au ping-pong des voix. Ils shootent du son dans le vieux cul flappi du rock - Aouhhh ! - Et ils relancent indéfiniment - Can you dig the new sound/ Can you dig the new sound/ Can you dig the new sound - Impossible de ne pas digger ça.

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«Flesh Thash Heat» offre de belles perspectives, notamment «Feelin’ Motown», monté sur la bassline proéminente d’Erik Fostinelli. Il tape ça au joli son caoutchouteux, le son dont rêvent tous les bassistes. Il fait rouler sa bassline musculeuse sous la peau halée et perlée de sueur du beat tendu vers l’avenir. Les Dum Dum Boys adorent le supersonisme, comme on peut le constater à l’écoute de «I Remember». Voilà une belle pièce d’urbanité nocturne rampante saisie d’une petite fièvre grondante d’arrière-plan et qu’un orgue vient subtilement contrebalancer. C’est comme on dit le groove idéal, du type de ceux que ficelaient à une époque nos amis les Swell Maps et autres Monochrome Set. Le doute n’est plus permis : c’est de très haut niveau. L’autre merveille absolue de cet album s’intitule «Five Fingers And A Brain». Ils amènent ça comme un classique du Velvet, mais avec une sorte d’arrogance, celle des seigneurs de l’an mille. C’est aussitôt surligné à la fuzz et ils se mettent à sonner comme les Mary Chain, en pulsant des vagues de son dévastatrices. Voilà une fabulouserie évanescente grillée aux margaritas de la fin du monde. La mélodie croise la distorse dans le ciel mauve du crépuscule des dieux qui pah-pah-pahtent en tombant à la renverse dans la buée du néant.

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«Alive In The Echo Chamber» est un album destiné à tous les obsédés de la fuzz, ceux qui ont grandi avec les 45 tours des Troggs et de Ronnie Bird. D’ailleurs, le premier cut de l’album s’intitule «The Fuzz». Les Dum Dum lâchent pour l’occasion une purée de son noyé d’écho de blurt maximaliste. On appelle ça une mise en bouche. On leur donne déjà le bon dieu sans confession. Chez eux, tout est travaillé à l’ancienne, c’est-à-dire aux guitares. Tu veux du gros solo killérique, baby ? Alors écoute «A Girl Like You» et sa basse montée au mix. Ces gens-là savent sortir un son. Ils ont même une facilité un peu perverse. Ils pulsent le cut comme du bon vieux Mary Chain avec quelque chose de plus novateur dans l’esprit. On s’effare pour de vrai. Ils renouent avec l’expertise des Spacemen 3 en proposant dans «What No Drugs Can Do» une sorte de merveilleuse extrapolation fuzzique d’excoriation compulsive : imparable. Le «Endless Boogie» qu’on trouve en face B plaira aussi, forcément, puisque c’est doté du meilleur son et amené avec des intentions droniques exceptionnelles. Plus loin, ils passent «Freedom Day» à la moulinette de la fuzzerie maximale. Pire encore : c’est monté sur un beat tribal digne des cavernes les plus profondes et les plus humides. Leur son est une pure merveille, on plonge dans l’eau sombre du son classique. Ils terminent cet album à fumerolles avec «You Just Don’t Understand», infesté de dégelées de fuzz fondamentales. Ça gicle de partout et ça nettoie les canalisations. Ils atteignent une espèce d’ampleur planétaire en shootant du good good good vibrations dans cet aligot fumant qu’on voit cloaquer à la surface de la marmite du diable.

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On reste dans l’excellence avec les deux albums de The Bratchman. Attention, ces deux albums naviguent à un très haut niveau. Sur «Songwriting Demos And Other Experimentations» paru en 2007, on trouve pas mal de choses influencées par le Velvet dont le cut d’ouverture, «Sweet & Dirty» qui par le son des rythmiques évoque le Velvet des origines. Idem pour le cut suivant, le reedien «Calling Mr Lou» : la guitare sonne exactement comme celle de «Pale Blue Eyes». Magnifique dans l’intention. Bratchman passe ensuite à la mad psyché avec un «Do It Once More» bien soutenu à la basse. On y entend des envolées de guitare spectaculaires. C’est super-sonic-rocket-shippé dans les règles de l’art. Le «More Explanation» qui ouvre le bal de la face B sonne aussi comme un classique du Velvet : bon timbre et bon beat. Il sait prendre un cut à l’essence du noyau. S’ensuit une autre merveille : «Want It Back». On y goûtera l’élégance des fins de couplets et le chaloupé de fuzz dans les ponts instrumentaux. Il n’existe pas de morceaux gratuits sur cet album. On sent que Bratchman observe une morale des morceaux. Il finit ce disque édifiant avec «A Day In My Life» doté de la meilleure ambiance de cave déviante.

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Son deuxième album est encore plus spectaculaire. «Too Much To Forget... So Little To Remember» est probablement l’un des meilleurs albums de rock underground jamais enregistrés en France - Tous mots bien pesés - Ce disque est tout simplement bourré d’énormités, à commencer par «Make You Come Back To Me» qui sonne comme un classique impénitent, gimmické à outrance, vicelard et fuzzy comme pas deux. Ça coule dans la manche. Ce mec a le garage dans la peau, ça crève les yeux. Il nous intronise dès le premier cut. À la question : «Qui t’accompagne sur le disque ?», il répond : «Personne. Je fais tout.» S’ensuit un «Got A Solution» qui sonne aussi comme un standard judicieux, juteux, bien tenu en laisse et illuminé par du gimmickage velvetien. Voilà encore un cut plein de panache. Bratchman chante comme un cavalier lancé au galop. Il reste dans le très haut de gamme avec «One Last Tear» mais il ralentit l’allure - Get Down - Ce qui ressort le plus de cet album ? L’élégance. Attention à «Devil’s Got Me First» car vous allez entendre le ferraillement des accords de «Waiting For The Man». Admirable car pointu sur la tendance. C’est bardé de petites giclées de fuzz et de sweet nappes d’orgue. On assiste même à un faux départ et à un retour en force. Et les petits chœurs en ouah-ouah nous réchauffent le cœur. Tout est là. Puis Bratchman démarre «I Feel Like A Ghost» comme un cut des Stooges - Awite - Des cuivres ronflent comme chez les Hypnotics. Oui, Bratchman peut aller chercher tout ça, les effets low down dignes d’Iggy, c’est du pur awite de downbeat - kiss kiss come back with me - C’mon, on rôtit à feu doux dans les nappes de cuivres brûlantes. Le festival se poursuit en face B avec un «Mesmerized» d’ouverture qui sonne comme un classique. C’est monté sur des breaks de beat à vide d’une efficacité sidérante. Une véritable bénédiction pour l’oreille en chou-fleur du garagiste patenté. On assiste à une fantastique envolées de chœurs. Tout est extrêmement soigné et bien vu sur ce disque. Belle pièce que ce «Your Love Is Like A Rodeo», classieuse comme ce n’est pas permis et dotée d’un son de guitare surnaturel. Bratchman finit ce cuisant album avec trois autres perles rares. «Crack Crack I’m Coming Back» est un mid-tempo délibéré et bien chaloupé aux anses. Il y traîne un peu de fuzz, un peu d’élégance létargique et des petits coups de machines, c’est vivant, fouillé, basique et terriblement digne des géants. Retour au Velvet sound avec «Walking Down The Lonely Street», véloce, pointu, chanté au juste timbre et harponné par un gros solo de fuzz - hey hey - Tellement bon qu’on s’en alarme. Il boucle avec «You Should Have Told Me» et une intro digne des Stones de l’époque «Gimme Shelter». Ça tourne à l’overdose d’oh c’mon c’mon, ça pullule de bongos et d’accords hymniques sortis tout droit de l’âge d’or du rock anglais. En prime, nous avons des clap-hands et une basse poussée devant dans le mix.

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On retrouve Bratch sur l’album des Groovers, une sorte de super-groupe underground puisqu’il y joue avec Dimi Dero. Ils démarrent avec deux fantastiques hommages au Velvet, «Something Else On My Mind» et «I’ve Never Realized». On est aussitôt frappé par l’énormité du son de basse. Ils jouent comme des dandies du groove et aménagent une belle suite à la légende du Velvet. Sur «I’ve Never Realized», ils jouent quasiment le riff buté de «Sister Ray» et semblent même réinventer le «Roadrunner» des Modern Lovers. Et comme à la fin de «Waiting For The Man», la basse folle de Serge Cecantti part en sucette. Le hit de l’album s’intitule «Sherry Candy Baby». Ça sonne comme un hit sixties des Searchers. Stupéfiant, car sevré de son, de guitares acou et serti d’un solo d’une élégance magistrale. La face B passe un peu à l’as, mais attention à «Worry About» ! Voilà un cut qui sonne comme un hit planétaire, doté d’une sacrée allure, plein de son et zébré d’une solo encore une fois magistral.

 

Bratch n’est pas le seul membre des Dum Dum Boys à monter des side-projects. Après avoir enregistré quelques bons albums avec sa compagne (NON!), réédité Justin Trouble et sorti le second album de Bratch sur son label Mono-Tone, Baldu a monté XYZ, un super-groupe underground. Avec qui ? Mais avec Ian Svenonius.

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Tout dans l’album de XYZ indique que l’objectif est de frapper l’inconscient collectif. Ah on peut dire qu’ils n’ont pas lésiné sur les moyens ! Ils commencent par solliciter la belle disco suicidaire - au sens Vegalien du terme - pour motiver «Where Do You Come From». Ian Svenonius pose sa voix douce et ferme sur le tapis que tisse Baldu. On sent chez Ian une volonté de sonner comme Kim Fowley et il nous plonge dans une sorte de chamanisme technoïde de haute volée. Ils reviennent avec «Bubblegum» au son des mighty Make-Up et Ian en profite pour hurler un peu. Il faut attendre «Welcome Back (To Regular Time)» pour sentir sa cervelle se dilater. On y entend en effet Ian dialoguer avec des chœurs de dératé, ceux qu’on préfère. Sa voix se pose comme la caresse d’un leitmotiv soviétique sur le cœur glacé du beat. Des chœurs dérangés saluent l’avènement d’«Hold On To Your Dream» monté sur un beat stressant. Suite à une violente montée de la tension, l’état mental de Ian se dégrade. Alors que sa voix glisse dans la tombe, les chœurs s’affolent. La peur règne dans la nuit du beat. Appeler les secours ? Aucun espoir, car ici règne l’écho du silence des machines. Des mâchoires mécaniques broient la moindre trace de vie dans d’immondes gargouillis. Avec le morceau suivant, Baldu et Ian changent de cauchemar psychomoteur comme d’autres changent de chemise. «Everybody Wants To Be Poor», c’est le poing levé. La révolution gronde dans les circuits électroniques. Ian se hisse sur un rocher face à l’océan. Il y clame sa foi en un avenir révolutionnaire. Oui, tout le monde veut être pauvre ! - Everybody ! Wants ! Yeah ! To ! Be ! Yeah ! - Il scande dans la tempête. Les rafales l’emportent, alors il s’accroche au rocher et s’arrache les ongles. L’autre grande spécialité de Ian Svenonius, c’est de faire les questions et les réponses, comme on peut le voir dans «Don’t Call Me» - You call me, I call you - Il fait le Yin et le Yang, le sucré et le salé, le doux et le pas doux, l’envers et l’endroit, le présent et l’infini, le petit comme le grand. Puis Soul Brother number two (aussitôt après James Brown) rallume les brasiers électro avec «I’m One», et met ses Famous Flames Processors en route. Il danse le jerk du boxeur et fait la toupie sur la pointe du pied. Et dire qu’il y a des gens qui vont imaginer que le rock est mort !

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La bonne nouvelle c’est qu’il est au contraire bien vivant. La preuve ? Tu n’as qu’à descendre à la cave de la Méca le soir où les Dum Dum Boys sont à l’affiche. Tu y verras tout simplement un set explosif qui s’inscrit dans la grande lignée, celle qui remonte jusqu’à Liverpool et qui passe par Wardour Street, le CBGB et le Star Club. Si tu aimes le double-concentré, c’est l’endroit idéal. Si tu lis les mémoires de Graham Nash et le passage où il évoque la Cavern, tu verras que c’est quasiment la même ambiance de cave surchauffée. Enlève ton blouson et mets-toi à l’aise, car tu sinon, tu vas crever.

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Les Dum Dum sur scène, ça vaut tous les grands concerts de rock qu’on garde en mémoire. Ils ont tout ce qu’il faut pour t’envoyer au tapis : le look, le son et les compos. Et pendant une heure, tu vas voir, ça va barder pour ton matricule. Eh oui, du concentré de concentré, ça te secoue la paillasse. Ils rajoutent de la fournaise à la fournaise, dès «Body And Soul». Ils tapent même des cuts en Français, comme «Deux Doigt Dans la Bouche» et ça passe comme une lettre à la poste. N’espère aucun moment de répit. Ils mettent une pression terrible. Chez eux, pas de filler à la mormoille. Ils n’ont que des bons cuts, du trié sur le volet. Et comme le disait Baldu avant le set, ils laissent même «Real Cool Trash» à Tav Falco. Regarde bien : s’ils font monter une saxeuse sur scène, c’est uniquement pour fissurer les atomes de la fusion, comme le fit si bien Steve McKay lors des sessions de «Fun House», au temps béni de Ron Asheton et des Stooges.

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Tu vois, le chanteur des Dum Dum s’appelle Karim. Ce screamer remplit tout l’espace et lorsqu’il étend les bras, il devient larger than life. Tu vas le voir vibrer dans le chaos sonique et enfourner son micro dans le pavillon du sax. Les Dum Dum excellent à lever des ouragans stoogico-velveto-spacemaniens avec des passages d’accords regalvanisateurs. Ils ont tellement de bons morceaux qu’ils ne font quasiment pas de reprises. Tu connais «Ann», sur le premier album des Stooges ? Ils tapent dans ce genre de blast. Tu ne verras pas beaucoup de groupes de ce niveau par ici.

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Signé : Cazengler, dumb dumb boy

 

Dum Dum Boys. La Mécanique Ondulatoire. Paris XIe. 13 juin 2015

 

Dum Dum Boys. Nothing Means Nothing. Closer Records 1988

 

Dum Dum Boys. In A Cotton Candy World. Go Get Organized 1991

 

Dum Dum Boys. Hypnovista. Season Of The Witch Records 1995

 

Dum Dum Boys. Electronic Pop Music Created By. F.F.Fascination Records 1998

 

Dum Dum Boys. Soul Bondage Deluxe. Vicious Circle 2001

 

Dum Dum Boys. Kiss Me Deadly. F.F.Fascination Records 2003

 

Dum Dum Boys. Flesh Thash Heat. Le Son Du Maquis 2011

 

Dum Dum Boys. Alive In The Echo Chamber. Mono-Tone Records 2013

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The Bratchman. Songwriting Demos And Other Experimentations. F.F.Fascination Records 2009

 

The Bratchman. Too Much To Forget... So Little To Remeber. Mono-Tone Records 2012

 

Groovers. Sophisticated Boum Boum. F.F.Fascination Records 2001

 

XYZ. XYZ. Mono-Tone Records 2014

 

TROYES / 3 B03 / 07 / 15

 

ATOMICS

 

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Vendredi soir. Premier jour des vacances. Le genre d'évènement qui se fête. En compagnie de personnes remarquables. Une denrée rare, j'ai épluché la liste de mes numéros de téléphone, je n'ai trouvé qu'un nom qui répondait exactement à ce critère de qualité extrême, le mien. Restait à définir la réalisation d'un événement exceptionnel, en dehors de toutes mes habitudes. Du jamais vu, un concert de rock and roll, par exemple. En voici une idée neuve et novatrice ! Au hasard pour changer, tiens regardons dans les contrées exotiques, l'Aube le département où le jour n'en finit pas de se lever, un lieu nouveau, du côté du 3 B, ce qui donne l'impression de jouer à la bataille navale. Parfait, les Atomics, ce soir à vingt et une heures. N'en faut pas plus pour rendre un rocker heureux. Nous sommes des pacifiques, une petite explosion atomique de temps en temps, nous n'en demandons pas plus. Nous détestons embêter nos dissemblables. D'ailleurs Béatrice, la patronne a accolé une affiche manuscrite sue la vitrine. S'excuse auprès des voisins du bruit occasionné, à cause de la chaleur, la devanture restera ouverte. En échange elle promet qu'aucun membre ( nous subodorons viril ) n'ira se soulager dans l'impasse voisine. Quand je vous dis qu'en France, les libertés se restreignent encore plus vite que la peau de chagrin de Balzac.

 

Une heure du matin. Je rejoins la teuf-teuf, le thermomètre affiche encore 28 °, petite clientèle ce soir, les rockers ont dû préférer s'enfermer dans leur frigidaire, pour écluser leur bière fraîche, z'on z'eu tort, car les Atomics furent éblouissants.

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DUDUCHE

 

Normalement ils sont trois. Mais comme les mousquetaires d'Alexandre Dumas vont vite être quatre. Duduche s'improvise clapper boy en chef. Il danse, il gesticule, il mime, il joue de la guitare avec ses mains, double Renaud à la contrebasse et montre à Pascal où il doit taper. Se colle sur Raph comme un frère siamois, s'empare du micro, fait les chœurs pousse des sifflets de locomotive à la Eddie Cochran, vagit lugubrement sur les morceaux de blues, un grand numéro. On a beau l'amener au bar pour lui changer les idées, il revient immanquablement. Ose tout ce que l'on fait chez soi, devant sa glace quand on écoute des disques. Mais si bien, qu'il nous renvoie notre propre image avec une telle exactitude que toute l'assistance décèle en son comportement exorbitant une authentique fan attitude, presque émouvante.

 

ATOMICS

 

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Ce qui n'empêcha pas les Atomics de réaliser deux sets monstrueux. Down The Line pour commencer. Tout un programme. D'une simplicité extrême. En théorie. Car en pratique, beaucoup plus difficile à réaliser. D'abord vous construisez une ligne rythmique avec la basse et la batterie. Un balancement régulier, que rien n'entrave. A part que la monotonie est interdite. Superbe boulot de Pascal, qui tient le cap, tout en brodant d'infinies variations, à coups de breaks phénoménologiques et de retours au beat initial transcendantaux, Renaud est aux aguets, infléchit le slappin à la moindre variation, je préfère ne pas être à la place de ses doigts car Pascal tape vite et fort. C'est maintenant que surgit le problème. Ne sont pas deux tout seuls à jouer, à s'entendre comme larrons en foire. Raph est à la guitare et il n'entend pas se contenter de simuler les utilités. S'incruste sur la trame des deux partenaires, mais passe son temps à la modifier. Et les deux autres ont intérêt à suivre s'ils ne veulent pas donner l'impression de partir d'eux-mêmes sur une voie de garage.

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D'où le jeu très particulier des Atomics. N'interprètent pas les morceaux à la queue-leu- eu – et un de plus que l'on peut biffer sur la set list. Non vous les fabriquent, un par un, devant vous. Comme les souffleurs de verre de Murano qui réalisent leurs plus belles pièces dans la vitrine de leur atelier. Bien sûr, ils ménagent des fenêtres de tir pour lancer le vocal. Relativement étroites. C'est Raph qui se charge d'expédier la fusée, urgence et précision. Chez les Atomics on ne remet jamais au couplet suivant ce qui peut être expédié sur le champ, sur le chant. L'on a l'impression que le vocal sert d'introduction aux parties instrumentales. Phénomène particulièrement sensible sur leurs propres compositions – annoncent si vite les titres que je n'en ai mémorisé aucun – rock ou blues, qu'importe, les deux déclinaisons ne sont que des alibis, ce qui compte ce sont ces vertigineuses parties instrumentales, où chacun éparpille ses volées de notes en une cohérence absolue. Faut voir les coups d'oeil qu'ils s'adressent avant de se lancer dans une longue et sauvage glisse, une infernale descente sans frein d'appoint. A l'arrache, mais en total contrôle. Du Johnny Cash, du Ronnie Self, du Buddy Holly, du Ricky Nelson dans le répertoire mais beaucoup de Chuck Berry. Etrangement je n'en veux pour preuve que le Good Morning Little School Girl de B.B. King. Raph ne tient pas la note, ne la fait pas chanter, ni planer haut, la traite comme une résolution de problème mathématique : mécanique des fluides, si je lui ai barré deux fois le chemin, comment va-t-elle s'en sortir. Inutile de réfléchir, ce n'est pas une compétition de jeu d'échecs, c'est juste du rock and roll et faut trouver la solution coûte que coûte, l'eau du Mississippi s'écoule toujours par où elle penche. Suffit de ne pas se tromper et de finir par croupir dans les mangroves avant de se faire avaler par les alligators. Voudrait-il prendre une seconde de réflexion que Pascal serait-là pour le bousculer. Sans pitié. Dépêche-toi, l'on n'est pas ici pour distribuer du pain aux petits oiseaux. Concentration et rapidité sont les deux mamelles du jeu de Raph. Ses mains courent sur ses cordes. Pas de quartier réservé. En haut du manche ou au plus bas des micros, deux, trois fois ses doigts se referment mais déjà s'ouvrent et se déplient comme l'aile d'un éventail qui recherche de l'air frais pour ne pas suffoquer sous l'emprise de son propre battement. Leçon de guitare. Donnée par un véritable artiste. Un de ceux qui s'interrogent et se remettent en question. Qui ne laissent pas le hasard dénouer au mieux son inspiration.

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C'est la fin. Peu de monde. Mais les applaudissements sont à la hauteur de la prestation de la soirée. Pas de super, c'est bien, on s'est bien amusés. Non simplement du respect. Tout le monde a compris que les Atomics ne se sont pas contentés de faire le job et d'assurer. Ne se sont pas moqués de nous. Ont joué le grand jeu. Ont joué le rock and roll à leur idée. Et c'était la bonne.

 

Damie Chad.

 

SAVIGNY-LE-TEMPLE

 

L'EMPREINTE05 / 07 / 15

 

BARABBAS / KLAUSTROPHOBIA

 

SLIDING OF FREQUENCY

 

THE WAGE

 

 

 

Deuxième jour des vacances. Le cerveau bouillonne à la recherche d'une idée pharamineuse. A la vitesse où les neurones s'entrechoquent, je sens se constituer une nouvelle grille de décodage qui va révolutionner notre vision de l'univers. La souris de ma matière grise est en train d'accoucher d'une montagne conceptuelle. D'ailleurs, la voici : n'y aurait-il pas un petit concert dans le coin ?

 

Banco ! A une heure de route, neuf concerts, gratuits, ouverture des portes ( les fameuses heaven's gates ) à dix huit heures et quart. Longtemps que je ne me suis pas rendu à l'Empreinte. C'est un tort, par exemple en avril dernier y passa The Love Me Not ( voir la kro du Cat Zengler in KR'TNT 235 du 16 / 04 / 15 ). Facile de trouver L'Empreinte à Savigny Le Temple, juste à côté du RER, endroit stratégique, L'Empreinte est vouée à la promotion des musiques de Seine & Marne, mais le public parisien ( jeune et fauché ) peut y accéder sans trop de difficulté.

 

Deux scènes : c'est ici que le Seigneur sépara l'ivraie de la bonne semence : hip-hop et électro dans un petit coin à gauche du bar, et le rock à sa droite, dans une véritable salle de concert pourvue de son propre comptoir boissoneux. L'enfer étant pavé de bonnes intentions, beaucoup de jeunes en mal de mauvaise poésie s'agglutinent dans le lieu des faux poëtes, pour ma part je n'y ferai que de brefs passages, préférant de tout temps voler dans les sphères célestes auprès des anges aux ailes métallisées.

 

BARABBAS

 

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Barabbas ( Doom ), font suivre leur nom de leur titre de noblesse. Auraient dû l'écrire autrement car si ce n'est pas de la balle, c'est du dum-dum. Un immense chanteur, l'en faut six comme moi pour remplir son imposante stature. Des bras tatoués et une barbe de prophète. Se surnomme Saint Rodolphe, la voix des anges. Plutôt le glapissement éraillé du serpent. Anaconda géant. La congrégation de ses trois frères en disgrâce font tout ce qu'ils peuvent pour le submerger sous un déluge apocalyptique, en vain, Saint Jean-Christophe a beau s'emballer sur des ses tambours de Sabbath, Saint Jérôme se livrer à ses plus basses instinctivations et Saint Stéphane ne cesser de signer et re-signer ses accords avec le maître du monde odieusement terrestre, l'organe de Rodolphe roule sur l'abîme et délivre son message de haine. Si vous n'avez pas lu sur le micro-crucifix en bois les doux noms de Belzébut et de ( je préfère ne pas le nommer au cas où il répondrait à l'appel ), Rodolphe accourt à votre aide, il utilise le français. Sait mettre en valeur les mots qui portent, ainsi le morceau dédié à la gent féminine éparpillée dans l'assistance s'intitule Judas. Pour être sûr qu'elles comprennent, il descend dans la salle et entoure leurs frêles épaules de moineaux effarouchés de ses bras constrictors. Les garçons plus courageux entreprennent un pogo d'enfer, pour remercier ses ouailles si combattantes Rodolphe quitte une nouvelle fois le plateau et s'en vient ondoyer ses adeptes. Les baptise à l'aide d'un gobelet de bière, d'une friction roborative sur la tête. La salle est pleine comme l'oeuf de la création du premier jour, juste avant que l'imprudent Lucifuge Rofocale – le porteur de la lumière blafarde - ne casse la coquille et ne fasse cette terrible omelette qui est devenue notre vallée de larmes à nous. Belle prestation. Toutes les lois du genre sont respectées. La musique tonitruante vous enveloppe comme un cercueil de plomb, l'éclairage somptueux vous englobe de ses couleurs les plus amères, orange avariée et vert glauque. Ne manque même pas cette touche d'humour grimaçant qui vous fait avaler le message comme l'hostie d'une messe diabolique qui vient d'être retirée du vagin d'une vierge déflorée par le bouc priapique. Saint Barabbas, priez pour nous, et continuez jusqu'à la destruction finale à jouer et à chanter pour nous vos cantiques sataniques. Ite demonia missa est.

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Une belle découverte. Viennent de (dé)Comb(re)s-La-Ville. Maudite.

 

ENTRACTE

 

C'est pour Klaustrophobia que je suis venu. Les avons déjà chroniqués lors de leur participation au Tremplin des Musiques Actuelles à Chartrettes organisée par Ady, l'ancienne guitariste des Jallies ( voir KR'TNT ! 205 du 16 / 10 / 14 ). Voulais voir ce qu'ils étaient devenus. Ces groupes lycéens évoluent très vite par nature, maturité et expérience aidant. Faut aussi supporter ses groupes locaux. C'est dans les pépinières d'aujourd'hui que se préparent les chênes de demain. Belle phrase, mais il ne faut pas oublier les rejetons sauvages qui se débrouillent sans aide municipales, départementales ou régionales. Les autorités étatiques qui tendent le bras aux artistes n'agissent pas uniquement par amour de l'art. Ce qui échappe à ton influence, essaie de le canaliser. Même les chiens de combat portent des colliers. Préférons les loups efflanqués qui meurent dans les poèmes d'Alfred de Vigny. Mais arrêtons ces pensées philosophiques d'ordre général et qui ne sont pas spécialement destinées à Klaustrophobia. Me méfie beaucoup de toutes formes d'institutionnalisation. Tout autant que la sponsorisation libérale émanant d'entreprises privées. Oser lutter, oser vaincre. Compter sur ses propres forces. N'être redevable de personne.

 

KLAUSTROPHOBIA

 

Dès les premières notes de la mise en place, l'on sent la différence entre la sonorité d'une salle des fêtes et l'ampleur sonore d'une véritable salle de spectacle branchée rock and roll. Mais n'y a pas que la technicité dans notre monde. Klaustrophobia s'est transformé. Il y a neuf mois – le temps d'une gestation – c'était un groupe adolescent. Le portrait parfait de l'ado mal dans sa peau, habillé de noir, qui reste enfermé dans sa chambre à lire des mangas et à bouffer des cacahuètes, faute de speed. Un arrière-fond d'ambiance noirâtre à pâleur gothique. Un conte d'Edgar Poe récité sous forme liturgique. Musique vénéneuse et envoûtante.

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Bonne nouvelle, ça ne s'est pas arrangé avec le temps. Ce qui pouvait être interprété comme les symptômes banal d'un malaise passager a fini par se révéler comme la manifestation d'un mal radical et inexpugnable. Le groupe est entré au cabanon et n'est pas prêt d'en ressortir. Zivan pète les plombs de sa guitare toutes les vingt secondes, le concert n'a pas débuté qu'il vous lâche des bribes de riff à vous couper en deux et les essais de voix de Yuki sont glaciaux. Une goule d'outre-tombe hurlant des anathèmes à faner les chrysanthèmes dans les cimetières.

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C'est parti. Se sont toujours réclamés du métal, mais si avant ils façonnaient le cuivre cuit et l'étain éteint, sont maintenant en train de chercher le secret de la forge de l'orichalque. L'est connu que la claustrophobie peut engendrer des réactions violentes, mais avec cette musique si agressive l'on se rend compte qu'ils ne pourront pas de si peu espérer une guérison quelconque. Leur ouïtale agressivité nous fait croire qu'ils sont aussi victimes d'un syndrome ( très prononcé ) d'agoraphobie. Faut voir Yuki, la vindicative, le pied vainqueur posé sur les retours, le bras tendu en avant, ordonnant le chaos des pogos telle la prêtresse barbare d'un culte chtonien. Notons que l'assistance soumise se plaît à suivre ses ordres avec célérité. Ah ! cette voix de hyène anubienne récurant les os des morts, vous la suivriez telle une légion de damnés jusqu'au plus profond des enfers.

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Enfermement de cette musique qui ne sort jamais d'elle-même qui progresse par tassement rythmiques successifs, comme lorsque vous tapez sur le couvercle d'un pot de peinture pour obtenir une fermeture hermétique, sans aucun passage d'air possible. Klaustrophobia porte bien son nom. Aucune ouverture, une fêlure qui se colmate d'elle-même, un voilier qui rebondit sur les vagues pour mieux toucher le fond de l'Océan. Atlantide engloutie s'envasant au plus profond des failles abyssales. Klaustrockphobia. Jusqu'où iront-ils ?

 

SLIDING OF FREQUENCY

 

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Glissement brutal vers la fréquence du plaisir goréen. Ont gagné la partie - échec et mat-urité - dès l'Intro. Redoutables. Reste encore une minorité qui pogotte comme des biscottes émiettées au fond de la salle, mais devant il y a toute une frange attentive qui écoute. Une leçon de métal. Tout ce qu'il faut faire. La maîtrise du son, du chant et des instruments. Prennent des gants mais d'acier et cloutés pour asséner la démonstration. Des tueurs, comme l'annoncent leurs titres : Hit Blood War, Earth Tremor, Take the Time, Coward, Regulus.

 

Têtes tournoyantes en rythme, mais point de cinéma. Pas de démagogie scénique. Sliding of Frequency ne donne ni dans l'esbroufe théâtralisée, ni dans le faux semblant idéologique. Essaient simplement de coller à leur musique, les corps ruisselants de sueurs – la canicule plus les projecteurs, cela doit dépasser les cinquante degré sur le plateau – se bornent simplement à mettre en scène le rock and roll dans sa nudité première, un chanteur et quatre musiciens. Point à la ligne. Ne cherchez pas plus loin, vous êtes au plus près.

 

Vinchy est aux drums, c'est lui qui construit l'architecture sonique. Dresse des pans de murs. Où que se tourneront ses acolytes, ils rencontreront toujours ses murailles d'airain du chateau-hard qu'il édifie tel un Amphion moderne. La basse de Narko vitrifie le tout. Etrangement alors qu'il devrait être à la base des fondations, c'est lui qui pose le revêtement capable d'arrêter et de réfléchir les radiations nucléaires. Et c'est dans ces arènes de béton cosmographique que William et Axel entrechoquent leurs guitares. Ne s'agit pas d'un duel fratricide. Leur seule présence repousse l'éventualité d'assaillants venus d'un ailleurs inconnu.

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Sliding of Frequency, est une sentinelle. Hostile. Seule et redoutable. Une forteresse du vertige. Qui dresse sa silhouette menaçante et comminatoire sur les frontières des terres défrichées et des planètes perdues sur les marches du kaos. Flo' a la redoutable tache d'être le hérault de la citadelle. C'est lui qui proclame et promet la foudre. Donne l'ordre aux assaillants de rebrousser chemin et de se perdre dans les marécages de l'incertain non-être.

 

Sliding of Frequency ne délivre pas une musique empesée de hiératisme. Ce n'est pas non plus du feu qui couve sous la cendre, mais une boule d'incendie dévorante en perpétuelle rotation, comme un soleil que rien ne parviendra à éteindre. Furent l'acmé parménidienne de la journée.

 

THE WAGE

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Fini le hard. Avec the Wage l'on revient à un rock beaucoup plus classique, les plaines du far-west électrifié parcouru par le fleuve bleu du Mississippi. Sont trois : guitare, basse, batterie. J'ai préféré le sound-check avec ce morceau rocky / bluesy balancé comme une horloge. Belle voix et belle guitare. Ça sent l'électricité à plein nez, ça fuzze à jets continus, et le timbre est des plus intéressants. Par la suite ce fut davantage mitigé. Des pétarades bien venus sur Noisy Youth par exemple mais l'on a l'impression que The Wage cherche à ménager le choux gras d'un grand public qui manifestement ne se déplacera jamais pour ouïr de telles anabases électriques et le maigre troupeau de chèvres des fans qui ne se nourrissent que des végétations auditives les plus épineuses. Ligne musicale un peu trop fluctuante à mes goûts de rocker. Surtout après les déluges décibelliques des trois groupes précédents. L'on aura donc droit à des charges héroïques les mieux menées entrecoupées de cavalcades grooviques peu efficaces. J'ai l'impression que les mêmes morceaux joués dans un café rempli de connaisseurs auraient donné lieu à des interprétations beaucoup plus rentre-dedans. The Wage, nous a déçu : assez au top pour séduire notre oreille droite mais trop mou du genou pour raffermir notre tympan gauche.

 

AGUELENNA

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Ne reste pratiquement plus personne pour Aguelenna. Me tirerai à la fin du deuxième morceau. Ce n'est pas que ce soit mauvais, c'est que ce n'est pas du rock and roll. De la très bonne variette oui. Trois musicos pas manchots qui ont trouvé l'aiglonne aux oeufs d'or. Une jolie jeune femme sympathique à la chevelure dorée douée d'une belle voix. Des textes écrits dans la tradition chanson française, super bien interprétés, mais après les quatre groupes précédents, que cela a l'air vieillot et inutile ! Faute de goût exemplaire dans la programmation. Le mélange des genres s'apparente davantage au jeu du casse-pipe et ne témoigne pas obligatoirement d'une ouverture d'esprit. Perso, je ne suis pas sectaire, mais je n'aime que le rock and roll. Les jolies jeunes femmes blondes, aussi.

 

Damie Chad.

 

( Photos fb : Klaustrophobia et Aguelenna ne correspondent pas aux concert )

 

 

 

BRASSERIE BIRONSAINT-OUEN

 

06 / 07 / 2015

 

SUGARFOOT GROOVEBAND

 

 

 

Troisième jour des vacances. Très longtemps que je n'ai pas vu un concert. Va falloir remédier à cette interminable attente, que dis-je cette insupportable atteinte aux Droits Humains et Fondamentaux du Rocker. Justement SugarFoot Grooveband passe à Saint-Ouen ce soir, un petit tour aux Puces l'après-midi et PiedSucré au menu de la Brasserie Biron. Un programme de roi ! J'ai commencé par me délester de mes économies chez Hichem ( boutique au Marché Dauphine ), le dernier 45 d'Hasil Adkins chez Farewell Records et le 25 cm de Ronnie Bird, En Direct, chez JBM.

 

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Début des festivités à dix-huit heures trente. Le matos des Sugar est en place, petite estrade en coin de pièce. Pas grandiose, mais fonctionnelle. Pas de l'impro, étudiée pour. Le Biron organise des concerts tous les dimanche soirs – www.brunomaurin.com - une dominante blues et une dominante rock. Bruno qui coordonne le tout est plus que sympathique, l'aime le rock ( n'y a qu'à écouter ce qui passe dans les enceintes ) et est lui-même bassiste dans Easy Top. Mais il est temps d'écouter les Sugar. Apparemment l'on aurait manqué le premier set, c'est de ma faute, je me suis attardé à collationner les disques de Gene Vincent chez Hichem.

 

REMEMORISATIONS

 

Ne dites pas que vous ne connaissez point le SugarFoot Grooveband. Reprenez toutes les chroniques de KR'TNT ! où l'on parle de Lizard Queen, des Jallies et de Draigh et vous reconnaîtrez Cid, Léa, Olivier, Axel, et Tom, dans une entité originelle. Mais vous désirez en savoir plus.

 

Moi aussi. Lorsque j'avais quinze ans ( c'était hier ) une question me turlupinait un max, pourquoi affirmait-on que les groupes anglais de la bonne époque faisait du rhythm and blues alors qu'instinctivement on les classait dans la case rock and roll. Il y avait bien une réponse évidente : parce qu'ils proviennent du blues et qu'ils ont mis un turbo au son rural venu du Delta. De toutes les manières les blacks à la Wynonie Harris avaient déjà fait le boulot à une époque où tous ces british de blanc-becs tétaient encore leurs mères. OK, d'accord, mais le Wynonie déboulait avec une cavalcade de cuivres, devant, derrière, sur les côtés, partout. Fallait-il en déduire que les Anglais avaient inventé la marmelade sans orange ? Mais avec orages. Electriques. A foudroyer les Zeppelin.

 

En fait le rhythm 'n' blues c'est comme la recette de notre pâtisserie nationale : le diplomate. Autant de pâtissiers, autant de diplomates. Utilisez tous les ingrédients qui vous tombent sous la main, mélangez, rajoutez du sucre et faites cuire. Suffit que vous appeliez votre biscuit diplomate pour qu'il en soit un. Idem pour le R'n'B, jazz, rock, blues, gospel, funk, soul, hip-hop, dance, prenez ce que vous voulez, et hop, c'est parfait. Pour la recette, n'en faites qu'à votre tête.Les SugarFoot ont marqué la denrée de base de leur Rhythm and Blues sur l'étiquette de leur pot de confiture : le groove. Un groove grave jamais en grève de grives. Mais l'est temps de jeter un coup d'oeil sur leur atelier de distillation groovique.

 

GROOVEBAND

 

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Cinq sur scène. Les deux filles, arguments de choc, de chic et de charme en première ligne, mais très impoliment nous examinerons d'abord de près les triangle masculiniste de la formation. Pour une fois Axel le batteur ne se contente pas de la portion congrue, sa Gretsch rutile tout au fond mais occupe les trois-quart de la surface. A sa gauche, Olivier, une stature et une coiffe de longs cheveux noirs qui lui tombent sur les épaules. Un visage et une allure de de chef indien, l'en a le calme, et le flegme. Semble éloigné du combat, sa silhouette un peu retirée sur la colline. Du genre, je médite en tête à tête avec le grand manitou pendant que les braves sont au combat. En réalité son regard d'aigle ne quitte pas la confuse mêlée poussiéreuse à ses pieds, et c'est lui qui impulse la force tellurique du bison aux guerriers sauvages. Immobile, tel un piton rocheux qui se dresse solitaire à l'horizon des plaines, seuls ses doigts bougent, à peine. Non, il ne joue pas de la basse, il est le lead guitar-bass, sachez entendre la différence, n'accompagne pas, il trace le chemin, décide des déclivités à suivre et des sentiers d'herbes hautes à parcourir. Mène le train, infléchit la course et désigne les points d'assaut.

 

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Sur sa gauche, Axel est l'homme-médecine, celui qui soigne là où ça fait mal en frappant encore plus fort par-dessus. Irremplaçable, sans lui la tribu serait perdue. Dispatche les ordres du chef. Pas du tout un simple transmetteur. Mais un adaptateur, l'est une sacrée connivence entre les deux, à peine Bassin' Bull a-t-il soulevé d'un demi-centimètre son auriculaire, que Drumin' Axel vous métamorphose le message en roulements apocalyptiques, avec des breaks surprenants à casser le Missouri en deux. La basse stipule, la batterie ordonne. C'est la pointe du triangle qui exécute. Crazy Tom Horse, aussi fou que son cheval, diabolique injun fender, mène la meilleure cavalerie légère du monde, pousse des raids incessants dans les rangs ennemis, partout où l'on ne l'attend pas. Faufile des giclées de notes insinuantes, des pointes de lave volcanique brûlante qui se plantent dans votre coeur comme des flèches de feu meurtrières.

 

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Bref, ça vous groove à mort, mais vous en faut davantage, satanés visages pâles et maudites tuniques bleues, pour vous impressionner. Et comme vous êtes des adeptes des stratégies custériennes, vous vous dites que tant que les mâles de la tribu sont en train de faire joujou avec la hache de guerre du groove qu'ils ont imprudemment déterrée, vous foncez avec le gros des troupes sur le village de toiles défendu uniquement par les faibles squaws. Et vous croyez prendre votre pied !

 

SUGARFOOT

 

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Vous êtes évidemment tombés dans le panneau. Pourtant c'était écrit en gros : Attention Ralentir Ruse de Sioux. Les Sugarfoot vous ont ont réservé un chien de leurs cheyennes. De loin, ça n'a rien de rien, c'est toute mince, toute frêle, presque freluquette – si vous étiez plus proche, vous verriez la détermination peinte sur son visage – elle se prénomme Cid ( pas Vicious mais assez Thunder Doll de New York pour l'énergie ), c'est elle, la grande prêtresse du groove, la voyante du bison blanc à la lune sanglante, que les balles traversent sans la blesser, la femme sorcière – même le Doc Sigmund au saloon refuse de s'en approcher – elle lève les bras, elle ouvre la bouche et se lance dans une incantation à arrêter le soleil, à faire tourner casaque aux chevaux, à ravir votre âme. Force chamanique de cette sirène wankha-takan-tonique qui vous sidère. Le cri de l'aigle en haut des nuées, le feulement du puma qui vous étripe de ses griffes acérées, le cliquètement du crotale en colère, le grondement d'un troupeau de cent mille millions de bisons qui foncent sur vous, sans même vous voir.

 

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Mais le pire est toujours certains. Princesse Léa est a ses côtés. Elle joue d'une arme diabolique, l'orgue à Winchesters, votre mort survient et aura les yeux de Léa, toute blonde – fille de colons retrouvée baby doll dans un chariot incendiée et adoptée illico – dans l'échancrure de sa robe, ses seins blancs palpitent comme des colombes ( Anthologie Palatine, Tome 13 ), penchée sur son clavier elle se livre à une terrible danse du scalp. Vous délivre des rafales de notes à décimer un régiment, un barrage de feu, ça couine dans tous les sens, ça riffe, ça riffle et ça dribble, ça sort et ça vous essore, elle est partout, prolonge un solo de Tom, ponctionne les cymbales d'Axel, remonte les basses de basalte d'Olivier Arbre de Sagesse et déroule un tapis mordoré de feuilles mortes sous les pieds de Cid. Léa, leader groove.

 

ENCORE !

 

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A ce qu'il paraît, ils font des reprises. Ce doit être vrai. Mais ça ne s'entend pas. S'approprient totalement les morceaux ( Shake em Down, Fortunate Son, Lodi, Black Jack Davey, Bad Locomotive... ), c'est comme les lois de la guerre, n'appartiennent à personne, faut les prendre et les faire siennes. Ce qui est sûr, c'est qu'ils sont bien les rois du groove ( qui leur est consubstantialtionnel ) et que le public a pris un super pied d'acier sucré. Allez les voir de confiance, vous ne serez pas déçus, quand ils entreprennent la Ghost Dance, ils ont les armes et les munitions pour passer à l'attaque. Superbe concert.

 

Damie Chad.

 

JAGGER / 50 ANS

 

FRANCOIS JOUFFA

 

MICHEL LAFFONT / 1993

 

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Parfois l'on a l'impression que l'Histoire se répète. Exactement comme précédemment, il y a deux semaines, sur le marché, devant l'étalage de Denis mon bouquiniste préféré. « J'ai quelque chose pour toi, les cinquante ans des Stones, mais cette fois axé sur Jagger. Allez hop, proposé c'est glissé dans une poche plastique, pas cher du tout, cinq euros. » Avouez que ramener un des jumeaux dorés chez soi pour une si modique somme, c'est un bon plan. Je fourre le bouquin dans mon cabas avec d'autant plus de précipitation qu'une jolie cliente demande des renseignements sur un livre que je n'ai pas lu, mais mon éducation m'a formaté, toujours intervenir quand la veuve, l'orphelin voire une sympathique demoiselle, éprouve une quelconque difficulté.

 

Pas comme les copains, très mal élevés, qui au café habituel lancent une OPA meurtrière sur mes crêpes au rhum et s'empressent de se plonger dans une lecture commentée de mon bouquin, acheté avec mon argent, à la sueur de mon front. « Oh, t'as vu ! Ce n'est pas les cinquante ans des Rolling Stones, ce sont les cinquante ans de Jagger, le livre a été écrit en 1993. Ne les a plus depuis longtemps. Tu devrais te faire rembourser ». Ah ! Les pourceaux d'Epicure ! N'y a que le ventre et l'argent qui les intéressent. Ô tempora ! Ô mora !

 

LES CINQ DOIGTS DE LA MAIN

 

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Pas tout à fait un amateur François Jouffa, l'a décliné une bonne partie de l'histoire du rock dans sa série L'Âge d'or de... qui dans les années 80 furent des rares ouvrages de référence que le public avait à sa disposition en langue française. Un peu polygraphe, pas du genre à vous faire découvrir des groupes et des chanteurs connus de leurs seuls voisins, s'est à plusieurs fois attaqués aux gros vendeurs comme Johnny Hallyday et les Rolling Stones. Avec élégance et précision, dans une prose limpide et efficace. Présentement donc, Mick Jagger.

 

 

 

Le problème c'est que Mick Jagger tout seul, n'intéresse personne. Un peu comme ses disques solo. Les fans ultimes des Stones les achètent, et c'est tout. Mick Jagger sans les Stones, c'est comme l'assassin de minuit sans poignard, ou la Grande Armée sans Napoléon. François Jouffa ne s'y est pas trompé, son Jagger, ce n'est ni plus ni moins qu'une énième Stones Story. Et comme dans la vraie vie des Rolling, le Jag a l'exclusivité du micro. Jouffa a découpé tous les interviews donnés par Jagger entre 1962 et 1992 et lui fait commenter les évènements de la carrière des Stones et s'expliquer sur ses péripéties autobiographiques. Un incorrigible bavard notre bateleur, toujours une explication à proposer. Dirait n'importe quoi pour que vous ayez satisfaction. D'un autre côté, les autres sont particulièrement taiseux. Pas des intellos non plus, vaut mieux qu'ils la ferment, qu'ils gardent le silence, cela leur permettra de ne pas laisser échapper trop de stupidités.

 

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Un quart du livre est ainsi constitué de déclaration plus ou moins impromptues, plus ou moins réfléchies de Mick. Du moins à ses débuts. Car s'il a le sens de l'humour, s'il est très capable de répondre du tact au tact, le maître chanteur prend de l'assurance, au fur et à mesure que les expériences et les années s'accumulent. Passe maître dans l'art d'esquiver les questions embêtantes, et dans l'art de mener son interlocuteur là où il le désire. En quelques années la donne change, finies les pirouettes étincelantes, et les saillies à l'emporte-pièce, la démarche se teinte d'un cynisme manipulatoire de plus en plus performant. Le monde change plus vite que les Stones, en 1962 le blues est la dernière hype, ceux qui n'en écoutent pas sont des malheureux. En 1972, la contreculture rock est partout. Les Stones en sont le parangon incontestable. En 1977 avec le punk, les Stones se font dépasser sur leur gauche. Se replient sur leur base avant. Le rock leur échappe, reviennent à leurs premières amours, la musique noire, mâtinée de dance et de reggae. Plus le temps d'avoir le blues ou de courir après des pierres brûlantes qui roulent trop vite.

 

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Les Stones ont pris un coup de vieux. Jagger en profite pour s'offrir une nouvelle jeunesse. En avant toute, les révoltés du Bounty sont désormais prêts à bouffer des barres chocolatées. Le jaguar est un animal qui a du flair. Pressent que la financiérisation de la société du spectacle a du vent dans la voile. Transforme la PME Rolling Stones, en grand groupe international. Vous voulez gagner du fric ? Très bien, Papa Mick va vous montrer la méthode. Le colonel Parker jouait vraiment petit, faisait miroiter la misérable somme d'un million de dollars à Elvis. Jagger monte les enchères, un milliard ou rien. Je ne me fatiguerai pas pour moins que ce minimum vital. Négocie les contrats, les tournées, et tous les à côtés. Le packaging complet. Toutes les parts du gâteau. Plus les miettes. Rolling Stones Industry, une affaire qui marche. Qui ne connaît pas la crise. Vous vend de la rébellion canada dry. Sans alcool, mais avec une putain d'étiquette. Du whisky frelaté mais avec le crotale en matière plastique encore plus ressemblant qu'un vrai. Vous tire la langue, en plus. Que pourriez-vous espérer de mieux ? Rien. La preuve, c'est marqué Rolling Stones dessus. Par dessus le marché. ( Sachez goûter tout le sel de cette expression.) Certes vous payez la marque, mais vous ne voudriez tout de même pas qu'on vous la refile gratis ? Soyez réaliste, les gars. Vivez à votre époque. On ne vous a jamais dit que c'était la meilleure. La grande arnaque du rock and roll, les Pistols l'ont rêvée, les Rolling Stones l'ont réalisée.

 

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Moi, je vous dis tout ça, mais j'aime bien les Stones, ce n'est pas ce qui me déplaît le plus chez eux. Non, c'est autre chose : quand François Jouffa présuppose quelque douce nuit d'amour pimentée avec David Bowie, sa tendre épouse, la fameuse Angie, et Mick Jagger, tous les trois dans la même couche. Je n'ai rien contre, mais trente ans après je me demande encore pourquoi Mick Jagger ne m'a pas téléphoné ce soir-là pour participer à la fête. L'aurait quand même pu faire un effort.

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

01/07/2015

KR'TNT ! ¤ 242 : FLAMIN'GROOVIES / LIZARD QUEEN / NO HIT MAKERS / L'ARAIGNEE AU PLAFOND / LOREANN' / ERVIN TRAVIS NEWS

 

KR'TNT !

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

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LIVRAISON 242

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

02 / 07 / 2015

 

 

FLAMIN' GROOVIES / LIZARD QUEEN

NO HIT MAKERS / L'ARAIGNEE AU PLAFOND

LORREAN' / ROCK COLLECTION

ERVIN TRAVIS NEWS

 

 

ERVIN TRAVIS NEWS

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L'état de santé d'Ervin empire, examens sur examens

et prise de sang sur prise de sang, on ne trouve pas

ce qui se passe !
Reprise d'autres traitements, oui encore! pfff
Voilà pour les nouvelles actuelles

Merci
Evelyne

( FB : Lyme – Solidarité Ervin Travis )

 

 

 

PARIS ( XIX ) / TRABENDO / 18 - 06 – 15

 

FLAMIN' GROOVIES

 

FLAMIN' GO !

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Lorsqu’il vit Cyril Jordan arriver le premier sur scène pour tester le branchement de sa Dan Armstrong, il pensa à Orphan. Orphan où es-tu, maudite phantomisation ? Silence. Le temps se vit condamné à passer à l’imparfait. Orphan ne viendrait pas.

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Quarante vertigineuses années après «Teenage Head», Cyril Jordan n’avait pas changé. Ou si peu. Lunettes à verres fumés, juste-au-corps dans les tons gris, jean noir moulant et boots Aniello. Tout cela sur ossature de rock-star. Jambes faiblement arquées. Walkin’ down the streets. Vieux parfum de protö-punkitude à demi éventé. Shake some... Huuummm, aurait ajouté Orphan.

 

Il continuait de fouiller les recoins d’ombre à la recherche d’un petite silhouette, celle d’Orphan qu’il avait déjà cru apercevoir, un soir de 2004 où Arthur Lee avait éclaboussé cette même salle de tout l’éclat de sa majesté. Ou encore un soir de 2006 où Barry Tashian avait recréé l’illusion des Remains, l’espace d’une goutte de temps tombée dans l’éternité. Cette silhouette constituait une sorte de talisman : elle transformait le plomb du Trabendo en or, comme au temps jadis où elle transformait les pages d’un magazine ordinaire en Növö Testament. Enveloppé d’une cape de mystère, Orphan le hantait, tel un Paracelse électrique ou pire encore, un Flamin’ Flamel des temps modernes. Fallait-il prier Dieu pour qu’il fisse paraître Orphan ? Ou fallait-il renoncer définitivement à l’attendre pour enfin devenir adulte ? - Half a boy and half a man/ I’m half at sea and half on land, oh my bye-bye.

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Il vit les autres arriver. Un George Alexander si fin et si vieux qu’il pouvait passer derrière une affiche Supersnazz sans la décoller. Un Chris Wilson si gros qu’il pouvait déposer sa Telecaster bleue sur le promontoire de son estomac. Et tout rentra dans l’ordre au moment où Cyril Jordan attaqua «Feel A Whole Lot Better» des Byrds.

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C’est là, en cet instant groovy très précis, qu’il prit place à bord du supersonic rocket-ship qu’on appelle aussi la machine à remonter le temps. Et dans la secousse d’une violente accélération, il fut catapulté à travers la poussière des ans jusqu’au sol humide d’un parking - Flamin’ go ! - Au cœur de la nuit, accroupi sur le parking d’une cité ouvrière, bidon et tuyau en plastique en mains - Son copain et lui n’avaient pas de quoi passer à la pompe, alors ils sifflaient dans les réservoirs de quoi alimenter la TR4 et rouler jusqu’à la côte où ils chassaient la louve chaque week-end - High flyin’ babies - Shoots d’essence et d’éther, avec pour seul bain de bouche une flasque de Ricard - Ce dandysme des pauvres avait pour bande-son l’album «Teenage Head» enregistré sur une cassette et qu’ils écoutaient en boucle pendant leurs virées délinquantes sur la côte normande. Orphan hantait à l’époque chaque recoin de son imaginaire. Il ne vivait que de Stooges et de Groovies, quand d’autres ne vivaient que d’amour et d’eau fraîche.

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Sur scène, George Alexander jouait de la basse comme s’il avait encore vingt ans. Il réactivait son antique gestuelle de toréador et offrait à Cyril son frère de sang des lignes de basse aussi ronflantes que celles de l’âge d’or, une période lointaine qu’il faut situer entre «Teenage Head» et les singles Bomp. À l’autre bout de la scène, Chris Wilson s’évertuait à chasser le fantôme de Roy Loney. Tout alla bien jusqu’au moment où, comme la grenouille de La Fontaine voyant sur la berge se présenter un bœuf, il s’enfla si vite qu’il creva - I’m a monster/ Got a revved up teenage splaaaaaaaaaaash - Orphan l’aurait prédit, ce qui pouvait à l’extrême rigueur expliquer sa désertion.

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En l’an 2000, lors d’un fabuleux interview-monologue, Orphan déclara : «J’ai fait ensuite un texte sur les Flamin’ Groovies et je n’ai plus pu écrire pendant quelques mois.»

 

Souvenez-vous, Orphan fut le premier à signaler l’existence des Groovies et il réserva cette exclusivité aux lecteurs de sa rubrique Trash.

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De la même manière qu’Orphan, il avait lui aussi - et depuis longtemps - considéré les Groovies comme le tenant d’un aboutissant. On pouvait disserter à l’infini sur Kim Fowley, Brian Wilson, les Dolls ou Jerry Lee Lewis, mais pas sur les Groovies. Cyril Jordan échappait à toutes les machinations, à toutes les tentatives de détournement de son histoire. Il restait l’une des plus brillantes incarnations du rock anglo-américain des sixties. Ça devint flagrant avec la publication de «San Francisco Beat» dans Ugly Things - «Hello - welcome to the San Francisco beat. It’s 1967 and it’s been three years since the British Invasion and things are poppin’» - Épisode après épisode, dans un langage extraordinairement swinguant - à l’image du mirobolant mini-blaster «Sneakers» - il allait nous raconter dans le détail la genèse des Groovies et de la scène de San Francisco. Dans sa musique comme dans sa prose, Cyril Jordan veillait depuis l’origine des temps à se démarquer du commun des mortels. Il disposait pour cela d’un style et du fameux scalpel du mage cité en référence par Orphan.

 

De toute évidence, il y avait en Cyril Jordan quelque chose d’irrémédiablement groovy : «J’aimais bien les Who, mais quand j’ai vu Townshend casser des Gibson ES 335 l’une après l’autre, I thought to myself, Hey ! Ne casse pas cette guitare ! Give it to me !

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En le voyant œuvrer sur scène, il comprit - comme Orphan bien longtemps avant lui - que cet homme adulte continuait de se conduire en fan de rock obsessionnel, exactement de la même façon que Greg Shaw ou Kim Fowley. Un soir, alors que les Stones étaient en transit à l’aéroport de San Francisco - ils attendaient l’avion qui devait les transporter ensuite en Australie - Cyril Jordan et ses copains réussirent à semer les membres du service d’ordre qui les poursuivaient et à entrer dans la salle d’attente pour V.I.P’s où se trouvaient les Stones - They weren’t pleased. Everyone, except Brian Jones. Brian was like that, a very friendly sort of person - C’est là que le gamin Cyril Jordan rencontra son idole - «Brian vient vers moi et me dit hello. Il aimait bien la veste en velours rouge que j’avais trouvée chez Town Squire. Lui, il portait un costume argenté avec un col Chesterfield. Je lui dis qu’il portait les fringues les plus cool de la planète !» - Wow ! Cyril Jordan ! Bien sûr, il claquait des doigts en écrivant ça ! Snap snap snap ! S’ensuivait une chute d’histoire enflammée : «Brian got the nickmane Prince Jones at the Monterey Pop Festival in 1967. He was the one that did all the networking. Just like the leader he was. He is missed every day. God bless you, Brian Jones - Anton Newcombe et Cyril Jordan : même combat ?

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Cyril Jordan jouait sur sa Dan Armstrong avec une sorte de gourmandise perverse, celle d’un voyou entré dans une bijouterie et qui se sert - Ses solos coulaient comme des rivières de diamants dans un sac de sport. Il fermait les yeux et s’absorbait dans son art. Comme dans une séquence de Tex Avery, son visage s’illumina brutalement au moment où il attaqua «Slow Death» - que des gens réclamaient - bande-son idéale, s’il faut en choisir une le jour de sa mort. Cyril Jordan n’avait rien perdu de son éclat. Ça crevait l’œil. Celui du cyclope, bien sûr. Pauvre géant ! On l’entendit s’enfuir en hurlant alors que Cyril Jordan marmonnait sous le manteau ses vieux palabres rescapés des seventies - I called the preacher/ Holy holy - Tout cela revenait exactement au même, finalement. Le serpent du temps se mordait la queue. Orphan brillait par son absence et Cyril Jordan jouait comme un dieu, mais un petit dieu d’autel de montagne sur lequel viennent parfois se recueillir quelques mystiques égarés. Ses yeux pétillaient - I saw them flashing like airplane lights - au moment où la grosse machine des Groovies reprenait son envol, propulsée par l’implacable George Alexander. Mais le groupe semblait irrémédiablement coupé en deux. Chris Wilson jouait dans son coin et les deux anciens dans l’autre, affichant publiquement leur fantastique complicité de copains d’école. Snap snap snap.

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Pendant que coulait à flot le ramshackle des Groovies, il émit secrètement une hypothèse : Cyril Jordan devait être à ce moment-là le plus heureux des hommes. Il savait pour l’avoir vécü que rien ne valait le plaisir de jouer sur scène avec ses meilleurs amis. Au hit-parade des plaisirs, ceux de la chair venaient aussitôt après. Jamais avant.

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Lorsqu’ils se livrèrent au rituel des présentations, George Alexander mit une certaine emphase sur le «my friend» qui précédait le nom de Cyril Jordan. Les deux amis tissaient leur manteau de légende depuis quarante ans, et ce modeste hommage prit une tournure particulièrement émouvante, comme lorsqu’Iggy - autre héros Orphanien - présenta un Ron Asheton rescapé de l’oubli au public du Zénith, un peu plus loin dans le même parc.

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Cyril Jordan fit une brève présentation de Frankie Lee Sims et embraya aussi sec sur le boogie magique de «Married Woman», nouvelle accélération spatio-temporelle, stomp des cités d’avant les cités, stomp des pas vers la rue des Lombards - «Sweet Punk était plutôt effondré sur le capot des voitures, rue des Lombards, en plein soleil, il avait une veste en cuir. Quand Mesrine est mort, il a remisé cette veste en cuir» - Stomp des jours sans foi ni loi, des coups d’overdrive et des objets prohibés au fond des poches - Don’t take a married woman, a honey babe - Stomp du basculement des vies dans le monde adulte - «There weren’t many of us with the velvet coats and long hair in the world at that time» (Cyril Jordan) - Stomp d’un temps filigrané par le génie d’Orphan qui honora un magazine rien qu’en lui cédant sa prose (Je chante le rock électrique - «texte quand même très scolaire au vu de l’électricité à laquelle il prétendait» - Y.A.) - Stomp d’un temps présent qu’il fallait négocier seconde après seconde avant que l’oubli ne l’avalât - Et le carrousel des Groovies s’emballa avec «Shake Some Action», l’emblème des temps révolus qui signa en 1976 la renaissance et la mort d’un groupe qu’une mauvaise réputation avait rendu célèbre dans le monde entier, de la même façon que «Bird Doggin’» avait signé la fin du règne de Gene Vincent.

 

 

 

Signé : Cazengler, flamingogo gaga

 

Flamin’ Groovies. Trabendo. Paris XIXe. 18 juin 2015

 

Ugly Things #36, 37, 38 et 39

 

L’interview d’Yves Adrien du 27 mars 2000, à la Coupole, parue dans Les Inrockuptibles

 

De gauche à droite sur l’illustration : Cyril Jordan, George Alexander, Victor Penalosa et Chris Wilson.

 

 

 

FONTAINEBLEAU

 

LE GLASGOW - 24 /05 / 2015

 

THE LIZARD QUEEN

 

On est arrivés à temps pour la balance. Il est des concerts dont on ne voudrait pas rater une miette. C'est que ce soir nous avons rendez-vous. Pas avec n'importe qui, avec Jim Morrison. And the Lizard Queen. C'était une soirée dans la Brie profonde, à la terrasse d'un café, Cindy de Sugar Foot Graceland était en train de parler de son projet, monter un groupe Tribute à Jim Morrison. Pas une idée en l'air. Les choses commençaient à se concrétiser. Cid, nous ne l'avions vue qu'une fois sur scène, trois minutes. L'avait rejoint les Jallies pour un morceau. Peu de temps, mais suffisamment pour qu'elle soit dans le collimateur, n'avait pas chanté, avait habité le morceau, de tout son être, la voix, le corps, une osmose parfaite.

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Je n'aime pas spécialement les tribute-groups, même si le rock est une perpétuelle redite d'un répertoire mille fois pillé et refourgué, si souvent en douce dans le circuit, que l'on en arrive parfois à se méfier des originaux ! Oui, mais à ce que j'avais entrevu de Cid, je faisais confiance pour un minimum d'authenticité et de fièvre bleue. Quelques mois d'attente, et voici enfin l'occasion de découvrir les miroitantes écailles du lézard.

 

THE SOFT PARADE

 

Un groupe, c'est comme un regard de fille saisi au vol. Tout est dit, conclu et consommé dans les premiers instants. Le reste n'est que le déroulement existentiel de cette rencontre qui a déjà eu lieu, avant. Les Lizard Queen ont mis toutes les chances de leur côté, deux filles en première ligne. Les Doors, ne furent pas pour rien surnommés les Rolling Stones américains. Possédaient la même chose que le groupe à Brian, une marque de fabrique qui permettait de les identifier. Un son, le son. Ne confondez pas avec le son de chez Sun, ou celui des studios Stax, ou la purée à la framboise de la Motown, ce sont là des tarifs familiaux, distribués uniformément à tous les heureux élus acceptés par le grand manitou, directeur ou l'ingé du studio. De la tambouille communautaire. La marmite de l'Armée du Salut en quelque sorte. Pas besoin d'être un musicologue averti pour entendre que chez les Doors tout reposait sur l'orgue de Manzarek. L'avait écouté les Animals et en avait conclu, qu'il ne se contenterait pas d'accompagner son chanteur pour n'intervenir que dans les trente secondes du solo autorisé. Juste le contraire, aucune envie de se mettre au service del cantaor, au poète de placer sa voix et de bourdonner comme il le pourrait au milieu de la tempête organistique. Coup de chance Jim possédait un bel organe – les mauvaises langues disent deux – qu'il hissait sans problème au-dessus du mur du son élaboré par Ray. Manzarek n'a jamais servi la soupe à Morrison, c'était ce dernier qui venait bouffer dans son râtelier. Toute blonde, toute pâle, Léa enfonce deux touches de son clavier, et le son Doors vous saute à la figure, vous arrache les yeux et les oreilles, actionne de temps en temps son Korg, et la magie envoûtante des Portes vous enveloppe de ses nappes d'arpèges ruisselantes. Remontée vers les vieux harmoniums des congrégations d'esclaves, le rock plonge une de ses racines dans le gospel. Soul Kitchen, cuisine de l'âme, difficile d'être plus explicite. Se sont partagées les rôles. Léa reproduit le son des Doors, à la perfection, sourire aux lèvres, dans le frou-frou des volants de sa tunique, l'évidence du naturel. Tribute ne signifie pas copie conforme. L'on en est même loin. Dans sa longue robe orange qui moule son corps, Cid n'est pas Morrison, trop mince, trop féminine, pour prétendre évoquer l'épaisse silhouette du créateur de Seigneur et Nouvelles Créatures. Mais un même feu émane de sa personne. L'a intériorisé toute la violence de Jim Morrison, et c'est sa voix qui la ressuscite. Elle éructe et rugit, de tout son corps, traversée de stridences incendiaires, secouée de spasmes glapissants, elle est vestale et prêtresse d'un culte qu'elle rend tout d'abord à elle-même. Impressionnante. A trente centimètres d'elle la tablée d'une douzaine de grands garçons en goguettes venus pour écluser des chopes de bière géante, feront preuve tout le long des deux sets d'un grand respect à son égard.

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«  Hello, I love you, Won't you tell me your name », l'on change de registre, l'on passe de la musique sacrificielle du premier album à la sensualité excitante du rock basique. Les Doors ne sont pas gênés pour voler le riff au You Really Got Me des Kinks. L'occasion de s'attarder sur les garçons, Tristan – coucou le revoilou, l'a fait la semaine dernière un passage éclair à la guitare sur le concert des Jallies à Dormelles – est maintenant à la basse. Rappelons pour la petite histoire que les Doors ne possédaient pas de bassiste. Sans doute le poste le moins facile, le danger de se faire manger par les sonorités pompeuses de l'orgue est grand, peut-être est-ce pour cela que Tristan cale son jeu sur celui de Jul le batteur. Face à la tonitruance de l'orgue, la basse de Tristan va amener cette sensation de ruissellement, d'eau qui court, si manifeste sur le L.A. Woman par exemple. Jul le plus mal placé, relégué faute d'espace dans un coin vers lequel les filles doivent afin de l'apercevoir se tordre le cou, n'a donc pas cette place centrale de Densmore qui consolidait tout ce que Manzarek construisait. Les Doors furent un groupe particulièrement bruyant. N'empêche qu'en dernier recours c'est sur la rythmique que notre Cid campeodora s'appuie pour cloisonner les différentes séquences des morceaux.

 

Je ne vais pas vous recopier toute la set list, un très beau Love Street, un somptueux Not To Touch, The Earth and un 20th Century Fox entre granit et argile, et un My Wild Love pratiquement à capella qui conclut le set.

 

THE END

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Non je n'ai pas oublié le guitariste. Chapeau noir planté d'une plume d'indien, la classe. Alex a assuré tout le premier round. Je me fais la remarque qu'il se débrouille mieux que bien, mais avec le second set la donne change. L'orgue n'est plus le roi de la fête. Les Doors furent aussi un grand groupe de blues, et qui dit blues sous-entend une certaine ruralité musicale. J'entends par là, un expressionnisme qui ne tend pas vers l'impudicité superfétatoire de l'orgue. Léa ne s'en roulera pas autant les pouces, mais jouera en quelque sorte en sourdine, laissant le champ libre au trio des garçons. Alex et sa guitare. Tricote méchant. Me suis rapproché pour le voir jouer. Très près de ses cordes. Enfin un guitariste qui se sert de son bigsby et pas à la petite semaine pour fleurdeliser une note toutes les quarante minutes. Prolonge le son, et joue par-dessus. La guitare miaule à qui mieux-mieux. Caresse du doigt la corde vers le haut, et puis retourne vers le bas. Relation d'amour, la porte à ses lèvres, l'embrasse comme le sexe d'une maîtresse, en extase, la cale derrière sa tête, la fait glisser le long de son dos, le tout sans ostentation, ne cherche pas le spectacle, plutôt l'intime expression kama sutrique d'une relation qui n'appartient qu'à lui et qu'à elle. Gestes, précis, sûrs et rapides. Un guitar héros, un guitar éros.

 

Break on Through en début de set comme pour accélérer la cadence. Cindy est dans l'appropriation. Visage inondé de sueur, robe collée à sa peau, et toujours cette énergie qui émane de son corps. Chaude ambiance, deux fois plus de spectateurs, deux fois plus de hurlements d'approbation à la fin de chaque morceau. Elle doit atteindre ce moment privilégié où l'on entre en transe, où l'on a l'impression qu'une force étrangère s'est installée en nous et a pris le commandement de nos actes, et que l'on assiste en un dédoublement intérieur à cet étrange phénomène de dépossession de soi pour être allé jusqu'au bout de soi. Il existe un yoga du diable et de la voix.

 

Back Door Man, le vieil hululement du loup hurleur, toute la puissance chamanique du blues. Nul besoin de féminiser les paroles. L'est des moments magiques où l'on n'est plus, ni homme, ni fille, mais simple présence animale au monde. Strange Days – le deuxième album des Doors eut cette différence radicale d'avec le premier que l'on retrouvera plus tard entre le deux et le trois de Led Zeppelin – c'est ainsi lorsque les portes sont ouvertes et que n'importe qui peut venir chez vous. Crystal Ships, vous aussi pouvez sortir de vous et entreprendre le grand voyage sur la nef des fous, la nef des folles. Prégnance de la poésie de Morrison, la poésie et le rock and roll sont des filtres qui agrandissent le monde. I looked at you,rêve d'innocence et chant d'expériences. Riders On the storm, nous nous acheminons vers la fin, la menace du monde est toujours là. Elle nous hante aussi sûrement que l'assassin qui fait de l'auto-stop pour arrêter votre vie. L. A. Woman, prenez le problème comme vous voulez, vous ne le résoudrez pas. Il n'y a de solution que finale. This is the end.

 

Etrange comme cette poésie aussi désespérée a pu engendrer tant de folie et d'enthousiasme dionysiaque. Quelques voix s'élèvent pour demander un rappel. Cindy se tourne vers le grand calicot avec lequel le grand écran qui sert à regarder les matchs de foot a été obturé. Le portrait de Jim Morisson et le titre de sa biographie en gros : Personne ne sortira d'ici vivant... Non dit-elle, il est trop tard. Et personne n'insiste.

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L'on sort dans la rue en quête de fraîcheur. Dans le bar les grands garçons rendus à leur liberté, retrouvent leur insouciance, ils forment une chaîne en scandant « Le petit poney ! Le petit poney ! ». Il faut de tout pour faire un monde. La dure loi des contrastes.

 

LIZARD QUEEN

 

La reine lézard ne nous a pas déçus. Superbe concert. Alex April – j'ai voulu en savoir un peu plus sur lui – m'apprend qu'il a un autre groupe homonyme, un binôme guitare et batterie, un petit tour sur son FB m'a confirmé qu'il s'agit de quelqu'un d'originale envergure, dont nous reparlerons un de ces jours.

 

Damie Chad.

 

 

27 / 06 / 15TROYES

 

NO HIT MAKERS

 

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Deux lignes sur le FB de Phil Fifi, No Hit Makers, ce soir à Troyes. Me renseigne sur le site municipal, wouah ! ( ce n'est pas mon chien ) soixante-dix concerts en moins de deux mois, d'accord, beaucoup de musique classique, et de tous les groupes au programme, à part les No Hit Makers, ce n'est guère pharamineux, mais nous saluons l'effort des édiles. Une heure plus tard la teuf-teuf nous dépose devant le 3B, mes prévisions étaient justes, un petit groupe de rockers finit de prendre l'apéro, et hop c'est parti pour la place de la mairie. Du coup, la patronne ferme le bar. Le rock d'abord, les affaires ensuite. Saine philosophie. Un petit coup de flip tout de même. Se serait-on trompé de date ? Trois bonnes soeurs en cornette, nous dépassent et filent droit vers la place de la mairie, puis deux autres, puis trois autres, et encore trois, tout un couvent en goguette. Serait-ce des admiratrices des No Hit Makers ? Billy résout l'énigme, il y a aussi un concert dans une église. Ouf !

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Le cours de l'Hôtel de ville est vaste, bordé de restaurant aux terrasses remplies de convives, un manège à l'ancienne style chevaux de bois, et un podium à l'autre bout où s'affairent les No Hit Makers. La balance est expédiée en moins de cinq minutes, et dès le deuxième morceau l'espace devant le podium est couvert de monde. Comme quoi, il suffit de proposer pour que le rockabilly devienne une musique populaire.

 

SOLO, ONE SET

 

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Gretsch électro-acoustique d'un bel orange pour Eric, lead singer, Gretsch cochranesque pour Vincent, Jérôme est aux drums, Larbi – particulièrement sage ce soir à la slapbass. Pas un de moins et inutile d'en avoir davantage. Les Makers annoncent la couleur tout de suite School of Rock'n'roll, de Gene Summer. Du rockabilly, mais revu et corrigé. D'abord le cliquetis incessant de la basse de Larbi, se débrouille – je ne sais comment – pour que le slap soit dans les aigus. Incessants, une perforatrice à oreilles. Jérôme se case dessus et emmène le rythme avec ses brisures et ses reprises, Vincent suit le mouvement, cordes grondantes, lâche de courtes pincées meurtrières, repart sur un tempo binaire pour à la moindre occasion dégainer et nous affaler quelques rafales bien pesées. La voix d'Eric amène une dimension lyrique, au moindre morceau. Un très beau timbre envoûtant. Un accent qui retrouve facilement les inflexions sudistes, ce léger tremblement en même temps, et nasillard, et très pur. Difficile à acquérir, abstenez-vous d'imiter le gosillement du canard pataud, tapez plutôt dans un doux roucoulement de la colombe. Terriblement sensible chez les morceaux originaux des No Hit comme The Doors of Heaven et Soldier of Peace. Envoyés en force, bondissants comme des torrents d'eau vive.

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Pas le temps de vous attarder en vaines songeries, les titres défilent, la vague vous emporte, les No Hit Makers profilent une silhouette d'avion de chasse à tout ce qu'ils touchent. A peine parti que c'est déjà l'atterrissage, Eric hausse sa guitare, lève la jambe comme s'il commençait à dérouler un kata de karaté et la merveille s'arrête illico. Applaudissements, sourires, Vincent triture un peu de friture, le temps que le reste du groupe se remette en position de catapultage et hop c'est reparti, direction les étoiles.

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Véritables montagnes russes avec le décrochement du coeur dans les descentes, Whatcha Gonna Do, The Train Kept a Rollin', You can Cry, vous avez autre chose à faire qu'à pleurer si vous avez raté le train, rattrapez-le dans votre Long Black Shiny Car, les No Hit vous promènent à toute vitesse. Z'ont gommé toute ce fond de tristesse et de nostalgie geignarde issue du country qui point son museau dans nombre de titres de pure rockabilly des origines. L'indolence rurale, l'immobilité reposante de la nature. S'est écoulé de l'eau le long des berges du Mississippi depuis ce temps-là, le rockabilly a subi les contrecoups de l'urbanisation, et de sa violence. Ce n'est pas sans raison que le groupe est souvent qualifié de néo-rockab. Une appellation passe-partout peut-être, mais à voir la chaleur avec laquelle le show est reçu par l'assistance, il est hors de doute que les No Hit Makers sont appréciés par les nombreux jeunes du public composite en tant que formation produisant une musique contemporaine et point du tout vintage. Accueil d'autant plus encourageant qu'Eric ne se prive point de faire allusion au passé prestigieux de cette musique.

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Blind and deaf – dernier morceau sorti sur la compilation Four on Fur, All I can Do is Cry, Boogie Chillen, tous les trois raftés comme sur les chutes du Niagara, et Eric annonce la fin. Deux titres en rappel, et c'est le bout de la route. Trop rapide, une heure et demie qu'ils jouent doivent retourner dare-dare à Paris pour enregistrer aux aurores... Sont assiégés par le public qui demande des disques. Notamment un touriste américain de San-Francisco qui les prenait pour des compatriotes et qui n'en revient pas que l'on puisse jouer avec autant d'authenticité une telle musique en France. Difficile de trouver un meilleur compliment.

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Damie Chad.

 

( Photos : FB de Christophe Banjac )

 

28 / 06 / 15PROVINS

 

L'ARAIGNEE AU PLAFOND

 

LOREANN'

 

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La copine débarque à midi pile à la maison ultra-pressée comme une orange. Suis passée par le centre ville, dit-elle tout essoufflée : il y a L'Araignée au Plafond et Loreann' qui passent cette après-midi, à treize heures pile. Le genre de nouvelle qui vous met en rogne, viens de regarder le site municipal et ils n'annoncent rien. Faut faire vite, avec la sauvagerie d'un guerrier samouraï pourfendant en huit tranches son ennemi je découpe un melon en douze quartiers et hâte la cuisson d'un travers de porc, la nourriture de base des bluesmen du Delta en 1923, comme personne ne l'ignore. Et après ce frugal repas sans dessert ni café, nous fonçons vers la place Honoré de Balzac. Midi cinquante, nous sommes à quatre-vingt mètres du but lorsque nous entendons la voix de Mildred. Malédiction, ils n'ont même pas respecté l'horaire. Bonjour l'organisation, ils n'ont pas mis une seule affiche sur toute la ville et ignoré internet. Question communication, l'Union des Commerçants Provinois devrait prendre quelques cours, au lieu de passer son temps à maugréer sur les grandes surfaces qui s'en viennent brouter dans le pré carré de leur clientèle. A la régie son, ils ne possèdent même pas la liste des artistes qui devraient se succéder... Dommage, ils ont aménagé une plage de sable en face de la scène avec transats et parasols, les gamins squattent la grande fontaine, d'autres hantent la structure gonflable, le soleil brille, pour les énervés du shopping, stands à babioles et bijoux de fantaisie sont sagement alignés, n'y aura pas plus de deux cents visiteurs...

 

L'ARAIGNEE AU PLAFOND

 

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L'on a raté les trois premiers morceaux, râlant. Surtout que Mildred est en forme. Dans son T-shirt Keith Richards elle arpente la scène en tout sens croisant et recroisant Bob – son heureux géniteur – qui balade un peu partout sa Vox – au format ovale revu et corrigé selon les critères du cubisme picassien – en grande forme le paternel, démangé par le démon du riff qui nous donnera dans quelques minutes un rumble démoniaque et tsunamique à ronger les racines des tilleuls de la place.

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Bad, les cuivres sonnent la charge, pas du tout en porcelaine les trois sax, Louis à l'alto, Ruben qui ténorise et Jeff qui barytonne, de l'autre côté les trompettes de Mehdi et de Iann' tempêtent sur l'océan houleux qui déferle, et Typhaine rajoute la grêle note de sa clarinette, comme le grain de sel qui donne le goût à la mixture qui bouillonne dans la marmite du diable. Je préfère leur version à celle de Jackson, trop bien léchée, ici il y a la voix de Mildred qui bouscule tout, pas du tout mauvaise la frangine, mais l'on sent le caractère affirmé.

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Il y a encore du monde derrière. On ne les voit pas, car ils sont après les deux sections à vent. Séverine, magnifique basse rutilante dans ses mains, pas besoin de remonter dans l'arbre généalogique de la famille jusqu'à la vingt-cinquième génération pour comprendre d'où provient la grâce de Mildred. Phil-Lou est à la batterie, le sens du rythme dans la peau, jamais en défaut, les gestes précis et convaincants, l'est encore jeune, attendez trois ans que ses muscles et sa force se soient affirmés et il y aura un sacré batteur sur le marché. Enlil est au piano. Discret mais indispensable. C'est le mystère de L'Araignée Au Plafond, sont assez nombreux pour créer un gros coassement cacophonique indescriptible, et l'écoute se révèle d'une extraordinaire limpidité. Aussi transparent et tranchant qu'un quatuor à cordes. Avec cette satanée aragne, l'oreille sait toujours où elle va. Un petit côté récré mais qui recrée. Comme ces filles qui s'habillent avec ce qu'elles trouvent dans le premier carton du dernier fripier des puces, qui vous endossent sans prévention un truc manifestement trop grand pour leur petite taille, et hop, tout de suite le vêtement vous prend un style inimitable - chien chic et patte folle - qui n'appartient qu'à elles.

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Just A Girl, Mildred vous le répète si fort que c'en devient un brûlot féministe. Doucement les filles, suis juste un garçon. N'y suis pour rien. Simple question d'ADN. Zut et flûte traversière, c'est déjà fini, Jumpin' Jack Flash en terminator. Bob et Mildred descendent dans le public, superbe orchestration avec les cuivres qui derrière vous coulent des colonnes de bronze alors que le père et la fille papillonnent autour du lamparock à bronzette comme des arachnides fous. Au secours, nous ont inoculé une bonne dose de noir et profond venin du rock and roll ! Comme si nous en avions besoin !

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( Photos : FB : L'Araignée Au Plafond )

 

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LOREANN'

 

Le retour ! Rappelez-vous, nous lui avons consacré une dizaine de compte-rendus de concerts dans les cafés de Provins l'année précédente et la revoici toute pimpante, sa guitare sur le dos en train de monter les marches de la scène. C'est bien la même, mais quel changement, une assurance toute nouvelle, rien que dans les quelques mots d'auto-présentation l'on sent une maîtrise qu'elle n'avait pas encore acquise en octobre dernier.

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Deuxième choc. La voix. C'est bien la même. Mais toute différente. Le même timbre, le même léger effeuillement verlainien, cette imperceptible fêlure qui fait que les gens s'arrêtent, et restent plantés devant l'estrade totalement fascinés. La même donc. Mais sortie, projetée en avant. Fallait se mettre à l'écoute et maintenant c'est elle qui vient à votre rencontre. N'a pas perdu une once de son charme ni la gamme de ses harmoniques, mais a gagné en présence. Pas de tintamarrance malvenue, pas de mégalophonie envahissante, la même eau pure mais un jet de source plus puissant.

 

Pour le répertoire c'est le même. En plus étendu. Chantera deux heures sans s'arrêter une seconde. A la sono, ils sont trop contents, jouent sur du velours et comme ils ignorent le nom de la prochaine prestation, ils sont aux anges, le genre de chanteuse qui envoûte le public. Pas de souci à se faire, n'y aura pas une seule protestation. Sur les transats sont capables de l'écouter jusqu'à la nuit tombante.

 

Dominante folk. Tape un peu dans tous les registres de Suzan Vega à Amy Winehouse. Mais tout est métamorphosé, chez Loreann' le rythme devient transitoire, il est là – et bien là – mais il ne fait que traverser le morceau, comme un pianotement adjacent qui apporte sa couleur pour mieux se teindre dans sa palette automnale. Note d'humour aussi qui transparaît davantage, portée dans la vivacité de la voix. Ce pauvre Jack de Ray Charles qui s'en va si piteusement hiter the road et se faire voir ailleurs, ce Laisse Tomber les Filles de Johnny tellement débarrassé de sa gangue yé-yé qu'il en devient tendrement ironique. Des mots susurrés si doucement que l'on n'en ressent plus l'acidité. Loreann a gagné en maturité, elle interprète, elle pose sa marque, prend un morceau et le façonne à sa volonté, plus emphatique sur El Condor Pasa de Simon and Garfunkel, surprenante sur I Put a Spell on You de Screamin' Jay Hawkins.

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C'est que depuis six mois, Loreann' n'a pas arrêté, café, bars, rues, métro, a même tourné dans des cabarets parisiens, s'est frotté à tous les milieux, partout où le vent la mène, à Montreux dans quelques jours, à St Tropez cet été, toujours la même simplicité et ce désir de progresser. Commence à travailler d'arrache-pied à ses propres compositions, en attente de ce qui viendra, déjà à la croisée de bien de chemins ouverts.

 

Annonce sa dernière chanson dès qu'elle aperçoit un groupe de jeunes auprès de la sono qui veulent faire de la break-dance. Quitte la scène sur la pointe des pieds sous un tonnerre d'applaudissements. Lorean' retrouvée.

 

SUITE ET FIN

 

L'on se réfugie sur la terrasse ombragée d'un café. Richard, Philippe, Bruno, Beatriz, et Loreann' et cette calamité de groupe local qui se nomme Mafé qui s'en vient corner si désagréablement dans nos oreilles. Qu'avons-nous fait au bon dieu pour mériter cet effondrement qualitatif ?

 

Damie Chad.

 

 

 

ROCK COLLECTION

 

1950 – 2000

 

les objets cultes du rock

 

dom kiris

 

( FETJAINE / 2011 )

 

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Le rock se penche sur son passé. Pas très bon signe. Quand on regarde en arrière c'est que l'on n'a plus trop de visibilité par devant. Ce genre de bouquin – vous avez une série similaire chaque mois dans Rolk & Folk - vous a un air suranné de brocante du dimanche matin. De quoi aviver la nostalgie du collectionneur qui se cache dans tout fan de base. Une véritable décharge publique le rock and roll, encombrée jusqu'à la gueule. Des strates empilées au-dessus des unes des autres comme la pâte du millefeuille ou les neuf Troie successives que les archéologues ont patiemment repérées et numérotées sur le site de la colline forteresse d'Hissarlik.

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Dom Kiris nous sert de guide. N'est pas un néophyte en la matière, animateur sur Ouï FM – la station qui se proclame rock mais que je qualifierai, pour le peu de fois que je l'ai entendue, de pop – nous a déjà gratifiés d'un Guitares et Guitaristes de Légende qui traîne quelque part dans ma bibliothèque et dont je vous recauserai un jour. D'ailleurs, la majorité d'objets collectés et recensés par notre cicérockne appartiennent à cette denrée de base constamment en évolution que les musicos nomment le matos.

 

Chaque chose à sa place et une place pour chaque chose. Principe organisationnel, qui semble facile à comprendre et à mettre en pratique, pourtant quand j'essaie d'appliquer cet antique proverbe teinté d'une sagesse ancestrale à mon bureau, je me retrouve en bout de course en face d'un amoncellement infâme et indéfinissable. Plaignez donc, notre pauvre Dom Kiris qui s'est chargé de faire rentrer cinquante ans d'objectivisation rock and roll en cinq misérables chapitres containers. Lorsque l'on entreprend une telle aventure, au début, l'on est tout feu tout flamme et tout semble facile. C'est après que les complications et la fatigue surviennent. La première partie est tirée au cordeau : Les années 1950, le rock and roll, rapide, clair et précis. De l'horlogerie suisse : ne manque pas une dent au moindre engrenage : Elvis, Martin Dreadnough, Gretsch, Gibson, les double bass, Sun, le revox, le wurlitzer, le shure, les bikers, le Perfecto, les Teddy Boys – présentés en leur début comme des adorateurs de Skiffle - les Cadillac, j'en passe, j'en saute, j'en oublie, c'est rangé, classé, étiqueté, comme la penderie de votre Tante Ursule. N'y a pas tout, mais l'essentiel est là.

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Je ne voudrais pas dire du mal des fifties, mais si on réfléchit rapidement – erreur fatale et stupide – n'y avait pas grand chose, à se mettre sous la dent. Surtout en Europe. La société de consommation pointait le bout du museau mais n'avait pas encore fait son nid dans l'espace public. C'est dans les années 60 que ça se corse comme on dit du côté d'Ajaccio. C'est le moment d'opérer des choix draconiens : quatre fois plus de pages que pour la décennie précédente, mais l'on ressent les impasses en lisant l'intitulé : Les Hippies et le Psychédélisme. Gibson J-45, Dylan, Stratocaster, Hendrix, Rickenbacker, amplis, pédales, Fender, Hamond, Miles Davis, Neuman U47, Teppaz, vestes à Brandebourg, badges, Vespas, Acide, Jack Daniel's ( merci, vous pouvez remplir le verre jusqu'en haut )... Tout à l'air d'être là, surtout les trous du gruyère. Côté London, ça ne swingue pas beaucoup. Arrêtons de chichiter sur le shit, comme disent les babas cool, s'est attaqué à un gros morceau, l'en a ramené des portions importantes. S'il est impossible d'emporter le Parthénon en entier, l'on prendra soin de prélever les frises.

 

Toujours plus. Les années 70 : le Hard Rock et le Glam rock. Ribambelles de guitares, farandoles d'amplis et de boîtiers divers, consoles à 16, 24, 48, 96 pistes, des pianos qui perdent de plus en plus leur queue et qui se reproduisent par hormones de synthétiseurs, les vestes à franges, les vestes US Army, les chevelus et les androgynes, et plein d'autres trucs bizarroïdes que je vous laisse réinventer. Vous ne trouvez pas qu'il manque quelque chose ? Vous refile le tuyau : zieutez la suite.

 

Les années 1980 : Le Punk et la New Wave. S'inspire du coucou, le Dom qui rit, place les oeufs du précédent dans la couvée suivante. Vous me direz qu'il faut bien remplir les tiroirs vides. Surtout quand ceux qui précèdent débordent d'effets. Pas grand chose in the no fabulous eighties, des guitares, des synthétiseurs numériques qui ont envie de remplacer nos demoiselles encordées, le walkman, des saxophones japonais, les lunettes noires, une ligne de cocaïne, une photo de Madona et une autre de Michael Jackson. L'est temps de passer à la case suivante.

 

Les années 1990 - 2000 : Le Grunge et le Trash Metal. Toujours des guitares, l'on insiste sur les électro-acoustiques, les DJ qui scratchent les vieux vinyls, la musique dématérialisée, les Converse, les skates et le zippo. L'en a marre, pressé de finir. L'a dû verser tout le reste directo à la poubelle. L'inventaire est terminé. Rien de transcendantal. Bien mis en page. Des notices explicatives rapides et pas mal tournées. Je n'ai pas mentionné la préface de Ben Harper, le touche à tout que je ne qualifierai point de génie - une mini-interview qui n'apporte aucune révélation fracassante.

 

Pas très enthousiasmant quand on y réfléchit. Une dent d'ivoire passée en collier autour de votre cou ne remplacera jamais le tigre à qui elle appartenait. Le bric à brac, la bimbeloterie des objets inanimés qui n'ont plus d'âme ressemblent à ces colifichets expiatoires que l'on trouve sur les pierres tombales des cimetières. Alfred de Musset avait raison, l'on ne sait jamais si nous marchons sur des cendres ou des semences. Espérons que cette dernière possibilité soit la plus probable.

 

Damie Chad.