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30/04/2015

KR'TNT ! ¤ 233. ROBERT BELFOUR / JOHNNY HALLYDAY / 40 ANS DE ROCK / ERVIN TRAVIS NEWS

 

KR'TNT !

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

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LIVRAISON 233

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

30 / 04 / 2015

 

 

 

ROBERT BELFOUR / JOHNNY HALLYDAY /

QUARANTE ANS DE ROCK / ERVIN NEWS

 

 

 

ERVIN TRAVIS NEWS

 

Une photo prise sur le facebook Lyme – Solidarité Ervin Travis du concert donné à Rouffiac le 18 avril dernier... aux dernières nouvelles Ervin se bat avec les bactéries qui libèrent un max de toxines pour se défendre contre le traitement. Courage Ervin, nous sommes avec toi !

 

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BELFOUR TUNE

 

 

Pour saluer les héros disparus, Record Collector propose une rubrique intitulée «Not Forgotten». On la trouve dans les dernières pages du magazine. Parmi les disparus signalés dans le numéro d’avril dernier, on trouve Steve Strange, Lesley Gore, Joe B Maudlin et... Robert Belfour. Steve Strange occupe une demi-page. Robert Belfour n’a que 16 lignes. C’est vrai, au fond, que peut-on dire d’une vieux nègre inconnu qui n’a enregistré que deux albums au soir de sa vie ? Pas grand chose.

 

Dans un monde idéal, on verrait Robert Belfour en couverture du Record Collector d’avril, à la place de Joe Stummer. Mais chacun sait que le monde idéal n’existe pas. Robert Belfour ne vaut pas plus que 16 lignes ? Pas d’accord. Mais alors pas du tout d’accord.

 

Let’s go back to the collines, amigos et amigottes ! Robert Belfour venait du même coin que tous les chantres du North Mississippi Hill Country blues. Comme RL Burnside et Junior Kimbrough, il avait développé un style de blues unique. Et ce n’est pas un hasard, Balthasar, si on trouve ses deux albums sur Fat Possum.

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D’ailleurs, Matthew Johnson et ses collègues ont un peu mordu le trait en concevant les pochettes de ces deux albums. Ils ont voulu faire passer Robert pour un gros dur, comme ils l’avaient déjà fait avec RL. Sur la pochette de «What’s Wrong With You», Robert vous lance un regard méchant à travers un cadre qu’il tient dans ses mains, du genre, quesse-t-a toi ? T’es pas content ? C’est d’autant plus décalé que Robert n’est pas un délinquant des champs, ni un délinquant des villes. Ce mec a travaillé toute sa vie dans le bâtiment à Memphis. Il a même passé toute sa vie à bosser, car daddy Belfour eut la bonne idée de casser sa pipe quand Robert était encore morpion, et dans les familles pauvres du Mississippi, si daddy die, alors on met les mômes au boulot pour nourrir la famille. C’est une famille qui vit à l’ancienne, en pleine cambrousse, dans une cabane en planches à quelques kilomètres au Sud de Holly Springs dans l’État du Mississippi. Évidemment, Robert est né dans la cabane.

 

Il a 13 ans, il doit s’occuper du potager et aller au fleuve avec la mule pour remplir les bidons d’eau. L’eau courante, ça n’existe pas dans le coin. Ni l’électricité. Il faut aussi nourrir les cochons et les volailles, il faut aller au champ cultiver la terre, semer le grain et faire la récolte quelques mois plus tard, car toute la famille dépend de cet argent pour l’huile, le sel, le savon et le sucre. Il doit aussi aller aider les voisins à faire leur récolte, comme c’est la coutume depuis plusieurs générations. Il faut aussi réparer la clôture qui ne tient pas et donner un coup de main au boucher quand il vient tuer le cochon. Il faut traire la vache et cavaler après les poules qui se sont enfuies. C’est comme ça tous les jours, de l’aube jusqu’à la nuit, et Robert n’a plus le temps d’apprendre à jouer «Crawling Kingsnake» que lui a montré May Dale sur sa guitare. C’est comme ça. Il ne se plaint pas. La vie est rude, mais au moins la famille a de quoi manger, ce qui n’est pas le cas de toutes les familles. Chez les blancs, il y a beaucoup de pères alcooliques, de dégénérés, d’obsédés sexuels et de feignasses. Il aide sa mère autant qu’il peut, avec ses petits bras et ses petites jambes de gamin de 13 ans. L’école ? Arf Arf Arf ! Robert est plié de rire. C’est un truc pour les petits culs blancs. Avant d’apprendre à écrire et à compter, il y a d’autres priorités : il faut aller ramasser les pommes sinon les corbeaux les mangent et récolter les pastèques avant que les serpents n’arrivent. Quand il s’allonge le soir sur sa paillasse, il s’endort aussitôt, ruiné de fatigue. Sa mère en profite pour récupérer sa salopette posée sur l’unique tabouret de la cabane et y coudre des pièces à la chandelle. Oh, il faut qu’elle tienne encore au moins un an. Après, Robert va grandir et il pourra porter celle de son père qui est solidement rapiécée.

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Les quelques moments de répit sont ceux qu’il passe dans les pique-niques. Il se régale de voir Otha Turner souffler dans son fifre, accompagné d’un joueur de tambour complètement excité. Ces deux-là mettent une ambiance terrible dans la petite fête de campagne. Robert est fasciné par le son et par l’énergie que dégagent les deux compères. Il se promet de trouver un jour le temps de jouer sur sa guitare, sa seule et unique distraction. Victor Hugo aurait ajouté : «... et son phare dans la nuit d’encre».

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Quand on écoute «My Baby’s Gone», le morceau d’ouverture de «What’s Wrong With You», on est immédiatement saisi par la violence du propos. Robert chante de l’intérieur du menton et derrière, c’est joué avec une réelle brutalité. C’est même incroyable de poséisme. C’est frappé sèchement et bien plus violemment que chez les Black Keys. Robert bat la campagne. On sent que Bryan Barry et lui ne sont pas là pour plaisanter. «My Baby’s Gone» est aussi fulgurant que le «Bad Man» de T-Model Ford. En fait, c’est le jeu de gratte qui fait tout. C’est une vraie merveille d’agressivité. Robert joue son truc avec une incroyable malveillance de pirate de Saint-Domingue. Il est tout bêtement fabuleux d’à-propos et de répondant. C’est Robert Belfour qu’il vous faut. Le soldat inconnu de l’arc de triomphe, c’est lui. Dans le petit texte d’accompagnement imprimé sur la pochette, Matthew Johnson salue tous les gars du coin de Holly Springs, RL Burnside, Junior Kimbrough, Mississippi Fred McDowell, Joe Callicut, Jessie Mae Hemphill, Otha Turner et bien sûr Charlie Feathers, car il fait partie de cette bande. C’est l’une des bandes les plus fatales de l’histoire du blues. Évidemment, tout passe par Otha Turner, comme tout passe par Sister Rosetta Tharpe ou Big Dix. Ce sont eux les pères et mère fondateurs du rock moderne. Les autres morceaux de l’album sont beaucoup plus traditionnels, mais on ne s’ennuie pas un seul instant car Robert joue le blues à sa façon. Dans «Done Got It», il mouille bien ses syllabes et il se montre d’une véracité stupéfiante au niveau son. Il gratte sa guitare comme un punk, ou plutôt comme un punk qui sait jouer. Il est tout seul et on sent nettement la punkitude rurale dans son jeu. Robert est une sorte de dieu du one-man-bandisme. Il reste fabuleux d’à-propos, avec son gros son agressif. À l’écoute de «Walking The Floor», on comprend qu’il a su rattraper le temps perdu dans son enfance et apprendre à jouer comme un pro. Il dit qu’il a tout appris à l’oreille et il a une façon d’accorder sa guitare unique au monde, connue de lui seul, «cross tuned Spanish tuning», comme il dit. «Norene» impressionne par la seule fluidité du jeu. Robert Belfour se balade. Il fait ce qu’il veut du blues. Il joue tout à l’ancienne, avec une sorte de virtuosité qui ne veut pas dire son nom. La fluidité de son jeu finira par subjuguer les plus récalcitrants. «Bad Luck» qui ferme la marche est une merveille absolue.

 

La pochette du second album paru sur Fat Possum est encore plus décalée. Robert ressemble à un mineur en colère qui sort du puits, ou pire encore, à un diable courroucé. Robert n’est ni un mineur, ni un diable. C’est un extraordinaire bluesman tout juste redécouvert et on se demande vraiment ce qui a pu passer par la tête des gens de Fat Possum pour aller chercher une idée de pochette pareille.

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«Pushing My Luck» n’est pas l’album du siècle ni une bombe de bastringue, comme on pourrait l’imaginer en voyant la pochette. Loin de là. C’est simplement un disque de blues très classieux. Un certain Ted Gainey bat le beurre derrière Robert. «Hill Stomp» donne le ton de l’album, avec un son qui évoque la fluidité africaine de Junior Kimbrough. On voit à quel point Robert est bon lorsqu’on écoute «Breaking My Heart». Quel guitariste accompli ! Il sort des petites séries d’attaques violentes de gimmicks et il prend le chant avec nonchalance. Il n’y a aucune urgence - woman you ain’t treat me right. Il prend le morceau titre perché au chant. On sent tout de suite le souffle de l’inspiration. Il maintient la tension d’un gros bomp-bomp-bomp en grattant au pouce les cordes basses, et de ses autres doigts, il gratouille des arpèges machiavéliques de blues harmonieux. À lui seul, il fabrique un univers coloré et rempli de climats changeants. Si on souhaite écouter un guitariste de blues inventif et charmant, alors c’est Robert Belfour qu’il faut écouter. On trouve en face B une autre merveille, «I Got My Eyes On You». Il reste sur un mid-tempo élégant et bien battu derrière par l’ami Ted. Encore une jolie pétaudière à se mettre sous la dent. Et avec la richesse de jeu de Robert, c’est l’indigestion assurée. Son jeu est beaucoup trop dense. On risque en permanence la saturation. Robert corse l’affaire en prenant un solo d’une finesse exquise. Il y a quelque chose de florentin en lui. Sous les airs frustres que veulent lui donner les gens de Fat Possum, on découvre un très grand raffinement. Il sait rester dans la mesure pendant son solo et on admire sa belle maîtrise. Ted bat le beat du train et ancre le morceau dans l’ancienne tradition des routards du blues. Ce morceau a un son classique, mais avec quelque chose en plus. Quand on écoute «Sweet Brown Sugar», on voit bien que Robert tient son blues par les sentiments. C’en est même admirable. Tous ses blues sont ardents, bien joués et richement accompagnés. Il chante «Stayed Awake» d’une voix fêlée. Encore une merveille. Il continue de jouer son petit groove de guitare. En fait, on croit que plusieurs guitaristes jouent, c’est dire la richesse de son jeu. Il réussit à maintenir une pression constante avec des finesses et des variantes. Il multiplie les variations à l’infini. Il chante comme un malheureux - I can’t sleep - Comme Mike Bloomfield, il se dit ravagé par les insomnies.

 

Quand Robert part en tournée, les gens qui le voient jouer le prennent pour un bluesman du Delta. Chaque fois, il doit rectifier le tir : ««No I don’t live in no delta. I was born right there in Red Bank, Mississippi, ain’t nothing like the delta, it’s hill country !» Oui, Robert vient des collines du Nord de l’état du Mississippi, ça n’a rien à voir, les gars.

 

Signé : Cazengler, Belfour-tout

 

Disparu le 24 février 2015

 

Robert Belfour. What’s Wrong With You. Fat Possum Records 2000

 

Robert Belfour. Pushing My Luck. Fat Possum Records 2003

 



 

DANS MES YEUX

 

 

JOHNNY HALLYDAY & AMANDA STHERS

 

 

( PLON / Février 2013 / 208 pp )

 

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Combien de livres publiés sur Hallyday chaque année ? Probablement près d’une quinzaine qui se vendent dans une indifférence polie de la part des médias. Mais celui-ci a reçu un traitement de faveur. A même été longuement commenté dans les informations des grandes radios nationales, juste après un topo sur les soubresauts de la révolution tunisienne ou les massacres de la guerre en Syrie. C’est que Dans Mes Yeux était entouré d’une prestigieuse aura de soufre. Johnny in person s’y livrait, et même s’y lâchait. N’était même pas encore sur les gondoles des librairies que l’on connaissait un florilège du scandale à venir. Johnny osait déclarer que Michel Sardou était un vieux con réac ( ce qui en soi n’est pas une révélation bouleversante ) et qu’Adeline était une enfant gâtée totalement hystérique ( même si l’on ne s’en doutait pas, l’on sait que souvent les histoires d’amour finissent sordidement ). Enfin détail des plus affriolants l’on assurait que la jeune et jolie romancière Amanda Sthers qui avait relevé et transcrit les propos d’Hallyday, aurait connu bibliquement l’objet de son étude. Je suis dans l’incapacité de certifier la véracité de telles données puisque je n’étais pas présent lors de cet hypothétique accomplissement charnel, somme toute véniel. Toutefois j’avoue qu’à leur place, l’occasion se présentant, j’en aurais fait autant. N’est-ce pas Protagoras qui affirmait que « plus on en fait, moins on en regrette » ?

 

 

ACQUISITION

 

 

Je ne me suis pas précipité ni pour l’acheter ni pour le voler ( barrez l’option qui ne vous convient pas ), le bouquin je l’ai eu cet été, sur un étal des Puces de Pamiers ( Ariège 09 ), pour cinquante centimes - pour exactement le même prix l’on pouvait encore entrer en possession de La Critique de la Raison Pure de Kant et d’A l’Ombre des Jeunes Filles en Fleur de Marcel Proust - preuve que la somme ridiculement basse exigée ne trahissait en rien de la part du vendeur une condamnation morale ou un quelconque jugement dépréciatif tant au niveau littéraire ou philosophique du contenu du volume.

 

 

MES YEUX SONT FOUS

 

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L’ai lu d’un trait ( sans toutefois rien souligner ), ce qui frappe avant tout c’est que les vacheries proférées à l’encontre de Sardou et Adeline ne s’étendent que sur quelques lignes et encore faut-il les replacer dans leur contexte pour en apprécier tout le sel. Qui s’en trouve d’ailleurs fort affadi.

 

 

Le principe du livre est simple, un homme se penche sur son passé, Johnny se parle à lui-même, sans perdre de vue, du coin de ses deux beaux yeux, la gente damoiselle qui l’invite à se livrer chaque fois davantage. Il est bien connu que le trou de la souris attire toujours le chat. C’est un jeu dont aucun des deux n’est dupe. Soyons sûr qu’à la relecture l’on a dû limer tout ce que l'on voulait cacher. L’on aura cependant laissé dépasser deux grands os ( avec un peu de viande faisandée autour ) pour que la presse trouve matière sonnante et trébuchante à monter en épingle. Ceci s'appelle l'art de la manipulation… Ou de la barbichette.

 

 

LES COUPS

 

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Etonnement. A écouter les commentateurs Johnny s’était transformé en tueur. Distribuait les rosseries avec la fougue de Bruce Lee assénant ses meurtrières manchettes dans le Jeu de la Mort. Un exterminator qui tape sur tous ceux qui l’auraient de près ou de loin croisé dans leur existence. A les en croire après le passage de sa plume le showbiz français était devenu un champ de ruines, une terre de désolation. Peut-être vais-je vos décevoir, mais il n’en est rien.

 

 

Johnny se raconte en toute simplicité en respectant l’ordre chronologique, commençant par sa naissance et terminant au Stade de France, en juin 2012. Suit évidemment les principaux évènements de sa carrière, mais rapidement. Ce n’est pas ce qui lui importe le plus. Note l’essentiel, pour la liste des musicos et les numéros de matrice vous faudra les chercher ailleurs. Le chanteur n’est pas le héros principal du livre. Grattez la star et avec un peu de chance c’est l’être humain dont l’incertaine silhouette se détachera en filigrane.

 

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Johnny parle de l’intérieur. Un homme blessé. Secret de polichinelle pour les fans, Johnny n’aura pas à tuer le père. C’est le papa qui se débarrasse de lui. Revend le lit du bébé et se casse avec le fric… Histoire sans happy end, il ne reviendra pas. Blessure ouverte à jamais. Soixante six ans plus tard, sur son lit d’hôpital alors qu’il frôle la mort, totalement inconscient il appelle son père…

 

 

De quoi vous détruire ad vitam aeternam. N’est pas le seul à traverser de telles tragédies. Les cabinets des psychiatres et les salles d’attente des psychanalystes sont pleines de ces sortes de handicapés psychologiques qui ont connu de semblables situations initiales et qui en restent fêlés de la cafetière… Ce n’est pas pour cela qu’ils deviennent Johnny.

 

 

J’AI CRIE A LA NUIT

 

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Faut colmater la plaie suintante. Un mouchoir dessus et ça suffit. A condition de le changer dès qu’il est trop plein de pus et de sang. L’affection de Desta et Lee quand on est un enfant, la bande de la Trinité une fois ado peuvent suffire. Mais ensuite ça devient plus difficile. Surtout lorsque l’on est monté un peu trop vite en graines et que l’on s’est engrangé dans le milieu du rock and roll. Plus exactement du french showbiz. L’on n’est qu’un gamin et l’on se trouve plongé dans un monde d’adultes. De requins pour employer le terme adéquat. Pour eux vous n’êtes qu’un citron dont-ils entendent tirer le maximum de jus. Tant pis s’il ne vous reste que des pépins par la suite.

 

 

Johnny n’élude pas la question. L’orphelin s’est cherché des pères de substitution. De Charles Aznavour à Bruno Coquatrix. Ensuite il a navigué à vue et à l’instinct. Porté par les évènements. Emporté par le tumulte des années rock. Comprend très vite que ceux qui ont l’illusion de forger leur destin se trompent. C’est la vie qui vous façonne. Et pas toujours à votre convenance. Fils de personne peut-être, mais surtout des circonstances.

 

 

QUE JE T’AIME

 

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N’y a pas que les papas dans la vie. Y a aussi les mamans. Pas de chance, celle de Johnny jouera à l’Arlésienne. Lourd passif du côté de la gent féminine. Tant qu’il se contentera de naviguer de fille en fille ça ne se passera pas trop mal. De l’amourette au produit jetable, la gamme est assez large et permet bien des expériences. C’est lorsque Johnny essaie de recréer le couple originel mythique qu’il a un mal de chien ( abandonné ) à tenir son rôle de père. Ne possède pas le modèle de référence. Recherche davantage l’âme forte que l’âme sœur. Lui faudra du temps pour en trouver une qui conjugue les deux facettes et qui l’accepte tel qu’il est. De toutes ses successives compagnes perso j’ai toujours eu un faible pour Nanette Workman. Ce n’est pas celle qu’il préfère. Pourtant ce fut la plus rock and roll. Comme quoi Johnny a toujours été en recherche de ce qu’il n’avait pas.

 

 

LE CHANTEUR ABANDONNE

 

 

Sur le plan professionnel Johnny déroule ses échecs et ses réussites. N’est pas plus amer des premiers que joyeux des secondes. Cinquante ans de carrière au sommet de l’échelle apprend à relativiser. Sur la durée tout s’égalise. Evoque avant tout la scène. C’est là qu’il a gagné les batailles essentielles. Celles qui redressent une courbe de popularité en berne, celles qui pulvérisent les conjurations des médiocres, celles qui obligent les soi-disant intelligentsia des commentateurs médiatiques à la mettre en sourdine devant la ferveur populaire…

 

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Qu’il soit une bête de scène chacun le concède. Qu’il ait eu l’intelligence de comprendre qu’il ne tiendrait pas en haleine pendant vingt ans le public avec un combo de quatre musiciens et un micro, qu’il ait su évoluer des Golden String au décor du Palais des Sports 67, des rayons lasers aux feux d’artifices, de la descente en hélicoptère à la boule de métal explosive, Hallyday n’a jamais lésiné sur ses spectacles.

 

 

Toujours plus et jamais moins. Inutile d’invoquer l’hybris grecque et la démesure rock and roll, de cette surenchère Hallyday n’est pas dupe, c’est la peur de se retrouver un jour seul, terriblement seul, seulement seul. La foule exulte et Johnny est au milieu d’un cocon protecteur, baigné par l’incandescence amniotique des cris de plaisir des fans. En terre d’asile.

 

 

VOYAGE AU PAYS DES VIVANTS

 

 

C’est la fin du voyage. Le drame ultime. Fin 2008, la France est aux abois, Johnny se meurt là-bas, à l’autre bout du monde, aux States, les bruits les plus fous circulent… la dernière partie du livre relate cette renaissance. Car ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Devra repartir de zéro, réapprendre à marcher, retrouver sa voix dans un gosier intubé pendant plusieurs semaines… Un calvaire, un supplice. Jusqu’à la résurrection et le retour sur scène.

 

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Comme avant. Mieux qu’avant. Un Johnny plus sûr de lui parce que plus proche des siens, son épouse, ses filles, ses enfants, de ce qui ne lui fut pas donné lors de sa venue sur notre triste planète. Bien sûr qu’il règle quelques comptes avec les faux amis et les par trop intéressés. Sans méchanceté, sans trop de rancune. La vie lui a beaucoup appris. Se méfie des hommes. Sont trop faibles pour rester toujours droits.

 

 

Lui, il a tenu le coup. En est fier tout en restant humble. Ce n’était pas donné d’avance.

 

 

Un beau livre.

 

 

Damie Chad.

 

 

JE REPRENDS LA ROUTE DEMAIN

 

 

QUARANTE ANS DE VIE EN ROCK

 

 

PATRICK EUDELINE

 

 

( Attitudes / Le Mot et Le Reste / Septembre 2013 )

 

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Profession : journaliste chez Best et chez Rock & Folk. Question boulot, il est difficile de faire mieux. A part rentier. Mais c’est beaucoup moins classe. Le rock sans scriptor c’est comme Alexandre le Grand, sans Ptolémée Plutarque et quelques autres, le souvenir du Conquérant serait effacé de nos mémoires. Vous me direz que pour le rock il reste les disques, mais ce sont des supports mille fois plus fragiles que les lourdes stèles de pierre de l’antiquité… Quant à la préservation informatique, vaut mieux ne pas penser au clic fatidique - volontaire ou aléatoire - qui effacera toutes les données d’un seul coup. Pour parodier Valéry nous dirons que la civilisation rock est mortelle. Comme toutes les autres.

 

Une seule chance, infime mais qui a fait ses preuves jusqu’à maintenant, d’échapper à l’apocalypse, la littérature. Celle-ci selon Mallarmé se trouve partout, sauf à la dernière page des journaux. Difficile gageure à laquelle au début des années soixante toute une génération de paperassiers dont Patrick Eudeline est un des plus emblématiques représentants se sont attelés à cette tache impossible : permettre à cette musique de voyous qu’était le rock and roll la possibilité de recevoir - pour parler comme notre époque de grande communication - le logo, l’Appellation d’Origine Contrôlée, le Litteratur d’Or, réservé à des produits soi-disant de plus haute teneur culturelle.

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L’est sûr que les Amerloques en ont eu l’intuition avant nous, partaient un peu en avance sur les petits frenchies. Z’ont eu Lester Bang et Creem, z’ont eu la route tracée par Kérouac et la Beat Generation. Deux branches maîtresses vachement plus solides et prophétiques que le figuier stérile Boris Vian, et puis cette filiation anglo-saxonne souterraine qui part du Portrait de l’Artiste en Jeune Chien de Dylan Thomas, à I Wanna Be Your Dog des Stooges… bon, mais l’on possédait nos armes secrètes, et l’on ne s’est pas gêné pour en user. Ce n’est pas hasard si au détour d’une phrase Patrick Eudeline se réclame de Joris-Karl Huysmans, tout un symbole de cette littérature décadente et symboliste dont les trésors enfouis n’affleurent qu'à peine à la conscience littéraire nationale…

 

ON THE ROAD AGAIN

 

Trente neuf chroniques - comme les fameuses marches - plus une introduction. Pour la conclusion, désolé vous la rédigerez vous-même. Ça s’arrête sur Walter Scott - mais qui se soucie de ce poids walter du rock and roll aujourd’hui ? Chuinté aussi brusquement que la fin d’un morceau des Pistol’s. Robinet fermé sans préavis. L’on pourrait lui en vouloir, l’accuser de fainéantise aiguë, à plusieurs reprises notre auteur ne sous-entend-il pas qu’il n’est pas un stakhanoviste de l’écriture rock ? Ce serait trop facile, nous abandonne un peu comme le chamelier qui nos laisse tout seul sans carte ni boussole au milieu du désert avec un dromadaire récalcitrant, oui mais il est impossible d’écrire le mot fin à la légende du rock. Ce n’est pas que l’histoire continue - les temps homériques sont terminés depuis longtemps nous serine-t-il très souvent. Le rock est mort. Mais un crocodile empaillé sécrète toujours un petit frisson de peur rétrospective. Le cadavre du rock est encore vaguement tiède. Les fidèles s’assemblent et attendent le retour de la momie. Comme dans les films. Encore plus terrible qu’en 1954. Fans affligés qui espèrent l’impossible. Forte odeur de putréfaction, les vers s’acharnent sur la charogne mais c’est la dernière chose qui bouge encore à notre époque. Tout le reste n’est que décor délétère de carton pâte. Le rock est bloqué dans une gare où il ne passe plus de train depuis quarante ans. Quand ils ne sont pas rouillés, les rails sont arrachés. Qu’importe, l’on attend toujours, frémissant à la moindre ondulation de poussière dans le lointain. Patrick Eudeline comme les autres, prêt à reprendre la route demain.

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N’ a pas tout mis. A fait un choix. Celui du roi. Manquera toujours l’article que vous aviez, ou pire que vous auriez, préféré. Là n’est pas le problème. Eudeline n’a pas voulu écrire son histoire du rock, seulement nous faire partager sa vision. Qui ne vous satisfera jamais en totalité, car trop partielle, trop partiale. C’est ce dernier aspect qui la rend irremplaçable. Personne n’est égal à personne. Tous fans de rock, chacun différent. Ce qui n’empêche que l’on ne puisse pas arpenter et relever le chemin parcouru. Une route se dirige bien quelque part et même si le point d’arrivée est encore inconnu et incertain, il est des inclinaisons de chaussée, des tours et des détours totalement signifiants. Ce n’est pas pour rien que le philosophe Heidegger s’est longuement intéressé à cette notion de khere, ces sinuosités de sentiers de montagnes dont les retournements subits et contradictoires, nous enseignent le cheminement de toute pensée humaine.

 

UN PARCOURS

 

Faut tenir compte des contingences. Il n’y a que dans KR’TNT où l’on vous ravaude quinze fois une variation infinie sur les concerts des Jallies ou que l’on vous cause de groupes que personne ne connaît ou que l’on vous refile pratiquement à la suite dix articles sur Gene Vincent, c’est que nous ne sommes soumis à aucun impératif économique, et que nous avons pour politique générale que de n’en faire qu’à notre tête. Dans les grosses revues papier nationale, faut contenter le lectorat-rock, par essence terriblement morcelé, et suivre la tyrannie de l’actualité n’est pas un devoir mais un impératif catégorique kantien. L’Eudeline l’a le droit de dire ce qu’il pense mais les fourches caudines du dirchef ne sont jamais loin. Si les Stones passent à Paris, pas question de faire comme si vous ne le saviez pas. C’est un très mauvais exemple car il y a toujours quelque chose à dire sur les Stones. Mais enfin vous comprenez qu’il est utile de manœuvrer finement pour causer de ce qui vous importe sur le moment.

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L’a de la chance l’Eudeline, ces dernières années il jacte de ce qu’il veut à ses heures. C’est un privilège chèrement acquis à la sueur de sa plume. C’est qu’il écrit bien, que certains articles sont de véritables petites nouvelles que vous pourriez ajouter ( enfin presque ) dans les Contes Cruels de Villiers de L’Isle Adam sans déparer de beaucoup les fameuses balances du style. Pour la cruauté difficile de trouver mieux que l'existence de Johnny Thunders, de Steve Marriott ou de Vince Taylor. L’est aussi arrivé à maturité à la bonne époque, avoir vingt ans en 1974 et écrire dans Best question rock c’est comme assister au conseil des ministres à la droite du président. Un véritable feu d’artifice, tous les trois mois une nouvelle tendance, tous les trimestres un nouveau genre, tous les jours un nouveau groupe, tous les mois un nouveau géant. La cuve est pleine depuis le milieu des sixties mais l’on en jette à côté à plein seau, une décrue en 1975, le temps de reprendre souffle pour l’arrivée du tsunami punk. Et Eudeline aussi à l’aise qu’un poisson dans l'étang. Nage en eau trouble et en saisit tous les courants. Un parfait exégète. Vous débrouille la pelote de laine du rock and roll avec dextérité. Tire la chasse et tout devient clair comme de l’eau de roche. Les seventies, le rock anglais, le rock américain, il connaît tout ça comme le fond de sa poche. Vous en bouche même un gros coin question rocko italiano. Bon poids et bonne mesure, les anecdotes personnelles qui font la différence avec en prime la pertinence de l’analyse. Cousu de fil d’or.

 

AFTERSHAVE

 

N’imaginez pas que ce sera tous les jours dimanche et le lendemain paye. Tout a une fin. La corne d’abondance se tarit plus vite que prévu. L’on peut toujours essayer de faire semblant. La maison Eudeline ne marche pas dans la combine. Refuse de vendre le drap de lit bas de gamme au prix du saint suaire. Le rock agonise aux premiers tournants des eighties. Désormais il n’y a plus que des suiveurs qui se livrent à d’infâmes parodies que Patrick se hâte de dévoiler. De quoi tomber en dépression jusqu’à la fin de votre vie. Rien de plus mortifiant que de voir les idoles vieillir, perdre leur mordant, prendre du ventre, et renier pour une poignée de dollars le rêve qu’ils ont incarné dans leur jeunesse.

 

Que dire, que raconter, quand on n’y croit plus ? Doit y avoir des explications plus finaudes que la tarte à la crème du rock and roll musique adolescente qui perd tout son charme lorsqu’elle est jouée par des quinquas ventripotents qui ont remplacé leur dent de lait par des crocs de requins. Le refrain des majors qui ne pensent qu’à faire du fric, si vrai, si juste qu’il en devient une évidence morte, ne peut être qu’un raisonnement d’appoint. Nécessaire mais insuffisant.

 

Alors Eudeline enfourche son premier cheval de bataille. Le rock trois accords qui se battent en duel. Amusez-vous à les aligner dans l’ordre du tiercé gagnant. N’y a pas des millions de solutions possibles comme sur les grilles du loto. Une course avec trois rossinantes au départ, vous épuisez facilement les possibilités. Au bout d’un moment vous commencez à tourner en rond et à vous mordre la queue. Question rapport les gains sont beaucoup plus élevés que chez les canassons mais après le public se lasse. Quand il n’y a plus de surprise, le plaisir disparaît.

 

C’est alors que le miracle s’accomplit. Certains triturent leur manche de guitare un plus souvent que les autres, d’autres réfléchissent et expérimentent, la technique a progressé à pas de géant dans les studios entre 1950 et 1970 même si par rapport à aujourd’hui nous sommes en ces temps primitifs à peine à l’âge de la pierre polie. Suffit d’oser et de s’affranchir des règles de l’harmonie. Nouvelles combinaisons, de s’approcher de l’extrême bord de l’univers de la dissonance, là où la musique laisse la place à cette autre chose monstrueuse que l’on appelle le bruit. Entre 1965 et 1971, le rock accomplit à marches forcées, sans trop s’en apercevoir le chemin que les musiciens classiques de Back à Debussy ont parcouru en deux siècles. Musique savante et musique populaire parviennent au même point par des routes différentes. La Mer de Claude de France se dilue dans les récifs de la dissonance. Les explorateurs du noise ne tarderont pas à explorer cette nouvelle planète. Mais ce n’est déjà plus du rock and roll.

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Souvenir personnel : le prof de français au lycée légèrement énervée, l’a une révélation à nous faire, un truc scandaleusement inouï vient de se produire et elle pose sur le tourne-disque une galette de Pierre Henry. L’est toute retournée, apparemment selon elle, c’est une véritable révolution qui vient de frapper nos oreilles. L’on n’ose pas le lui dire, ni lui enlever ses désillusions, ça reste tout de même bien en dessous de ce que l’on entend dans les solos d’Hendrix ou les irréguliers moutonnements gallupiens de Race with The Devil, cette course à coteaux tirés, de Gene Vincent… En plus déjà dans le jazz depuis longtemps l’on flirte avec les tempos abracadabrants et les notes erratiques…

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Et voilà que Patrick Eudeline nous refait le coup de Pierre Henry. Pas du côté des trompes d’Eustache, mais au niveau technologique. Le Pierre Henry est un compositeur qui dès les années cinquante voulut forcer l’impasse chromatique dans laquelle la grande musique classique s’était embourbée. Ne s’embarque pas dans la théorie, n’essaie pas de trouver un avatar du dodécaphonisme, se contente d’expérimenter de nouveaux instruments. Pas le genre de gars à trafiquer une boîte à œuf pour la transformer en clavecin d’un nouveau genre, non il vise directement dans la modernité, les premiers ordinateurs et les bandes magnétiques qu’il passe à l’envers et à l’endroit - quelques années avant les Beatles - bref le gars à lui tout seul il invente la musique électro-acoustique, ainsi c’est lui qui met au point la boucle et le sample… C’est le premier hacker de la musique classique, l’Ircam de Boulez procèdera de ses avancées mais nous sommes là en une autre aventure…

 

RETOUR AU ROCK ?

 

Patrick Eudeline salue le novateur, mais fulmine contre les nouvelles générations d’apprentis-rockers qui se ruent sur ces inventions et s’en servent pour piller le legs de leurs prédécesseurs, le rap et la nouvelle variété avec ses chanteurs sans voix en prennent pour leur grade. Eudeline vomit la modernité. Les trafiqueurs de sons le débectent, alors il leur tourne le dos et s’en retourne vers l’âge d’or du rock. Mais il n’est pas homme à se répéter. Réécrire une vingt-cinquième fois la saga des Pistol’s ne l’intéresse pas. De toutes les façons les amateurs la connaissent par cœur et n’ont pas besoin de lui.

 

C’est pourtant de lui qu’il va tirer le miel de ses articles. Plus gonzo qu’Eudeline tu meurs. Le rock and roll n’est plus son sujet de prédilection. L’est remplacé par moi et le rock and roll. Et l’Eudeline s’en tire au mieux. Au niveau de l’écriture. Au niveau du rock and rol il y a à boire et à manger. L’introspection rock and roll emmène Eudeline à se pencher sur son passé. L’est un petit français comme nous tous qui s’est abreuvé d’émissions de télévision et d’émissions radio en sa jeunesse. N’avait d’yeux chercheurs et d’oreilles fouineuses que pour tout ce qui venait d’Angleterre et d’Amérique. Mais obligé de se fader en même temps toute la production française. L’âge venant les souvenirs remontent et Eudeline revisite tout ce passé proche, Hallyday, Rivers, Antoine, Aufray, Gainsbourg, Brel, Indochine…

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En dresse des portraits en demi-teinte. Sont des albatros qui n’ont jamais eu la chance de voler dans les grands vents, condamnés à louvoyer dans la glèbe boueuse de la variétoche française, y ont sali leurs jabots et perdu des plumes. Des résistants à leur manière. Ne leur jette pas la première pierre, les réhabilite à leur niveau. Un peu surprenant pour un rock critique. Mais il est difficile de cracher dans la soupe qui vous a nourri durant des années.

 

Au son des années 80, 90 et 2000, Eudeline oppose la bonne vieille chanson. Aussi bien celle de Brel qu’un morceau des Beatles. Toutes construites sur le même modèle avec un début et une fin, une intro et une cauda, couplets, refrains et pont pour passer de l’autre côté. Du travail d’orfèvre. D’artisan. Rien à voir avec ces productions à la chaîne, millimétrées au Pro Tool, uniformisées au goût moyen de la clientèle que l’industrie du disque nous offre si complaisamment.

 

Vision conservatrice et rétrograde conforme au génie national. En France nos grands écrivains sont très souvent des anarchistes de droite. D’infâmes réacs aux idées paradoxales et au style étincelant. Eudeline renoue avec une tradition bien de chez nous. Son dandysme - affirmé et revendiqué à chaque article comme une des composantes essentielles du rock’roll - s’inscrit dans une semblable tradition, celle de Barbey d’Aurevilly, l’écrivain aux quarante volumes de critique littéraire, l’incomparable romancier, l’homme aux tenues extravagantes arborées comme le pavillon de l’anti-bourgeoisisme.

 

RETOUR VERS LE PASSE

 

Le bouquin est un régal même si je n’en partage pas la saine logique de ses prolégomènes habilement exposés et déroulés. Eudeline retourne aux vieilles lunes, emprunte les sentes descendantes celle qui mènent des Mods au Glam et du Glam au Bubblegum. Sans rien perdre de sa perspicacité, sans être dupe de ses propres dérives. Ne se bat pas contre les moulins à vent du rock mais contre les nouvelles forteresses. Violentes attaques contre le net, sa gratuité - un rival très sérieux pour quelqu’un qui vit de sa plume - et ses ballons de baudruche, cette fausse célébrité artistique qui n’aboutit à rien. Le réseau n’est pas ouvert sinon sur les voies de garage de l’anonymat. Les maisons de disques n’ont plus - du moins essayent-elles de nous le faire accroire - les capitaux nécessaires au soutien de leurs artistes. Ne comptez pas sur moi pour les plaindre.

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Mais plus que la crise économique le rock traverse une crise morale. Eudeline tisse un dithyrambe en l’honneur des Pussy Riots, voici des punkettes qui ont pris de sacrés risques et de véritables qui les ont conduites en camp de travail. Poutine, Staline, même combat de l’état fort en lutte contre toute manifestation individuelle ! Pourtant leur véritable force réside ailleurs, dans cette incongruité d’un groupe, d’un collectif rock and rollien qui court-circuite le circuit marchand de la célébrité, pour la simple et unique raison qu’elles n’ont rien à vendre. Personne n’attend leur prochain album, pas de Never Mind The Clitoris en prévision. La révolte pure à zéro rouble le kilogramme. Avec cet article Patrick Eudeline explore le fond de ses contradictions, le rock, le cul, pardon le sexe, entre la chaise curule de la rébellion et le fauteuil capitonné du dollar.

 

Eudeline revisite à merveille l’âge d’or du rock and roll. L’en a été l’observateur scrupuleux et impitoyable. L’analyste avec toujours une idée d’avance sur la plupart de ses confrères. Ne se sent pas la force de devenir le mémorialiste de l’âge régressif du trock and roll qui commence à se déployer. Dommage, mais à chacun ses limites obsessionnelles. A chacun ses propres guerres. Le tout est d’en sortir victorieux. Même si désabusé. Quelles que soient les illusions perdues.

 

Damie Chad.

 



 

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