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08/05/2014

KR'TNT ! ¤ 188 : VINCE TAYLOR / ATOMIC SUPLEX / JALLIES / ELVIS SUR SEINE

 

KR'TNT ! ¤ 188

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

08 / 05 / 2014

 

 

VINCE TAYLOR / ATOMIC SUPLEX /

JALLIES / ELVIS SUR SEINE

 

 

VIES ET MORT DE

 

VINCE TAYLOR

 

 

FABRICE GAIGNAULT

 

( Fayard / Avril 2014 )

 

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A peine plus d'un an, c'était dans notre cent quarante-deuxième livraison du 02 Mai 2013 que nous chroniquions le livre de J-M Esperet, intitulé Le Dernier Combat de Vince Taylor, et voici en cet avant-dernier jour d'avril 2014, ce Vies Et Mort de Vince Taylor, que mon libraire à la trentaine décidée me tend fièrement : « Peut-être que ça vous intéressera, personnellement je n'ai aucune idée de qui ça peut être ! », comme quoi le renouvellement des générations n'est pas une garantie de perpétuation rock'n'rollienne.

 

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Tout ne peut être dit murmurait J-M Esperet dans les dernières pages de son ouvrage, trop de témoins de la descente en enfer de Vince Taylor sont encore en vie et peut-être serait-il mal advenu de froisser des susceptibilités et de réveiller des animosités que l'on ferait mieux de laisser dormir, le temps que les passions s'apaisent et que les querelles ressassées - la sagesse de la vieillesse aidant - perdent de l'importance dans les esprits tuméfiés des derniers protagonistes d'une histoire par trop douloureuse.

 

Fabrice Gaignault n'en a pas jugé ainsi. Faut bien un jour ou l'autre qu'un des disciples de Saïs chers à Novalis trouve en lui le courage d'arracher le voile de la déesse. Point pour voir sa nudité dans toute sa vérité mais pour apercevoir la crudité de sa réalité. Et avec Vince Taylor l'on est sûr de refaire le chemin de Dante, mais à l'envers, du paradis aux derniers cercles de l'Enfer.

 

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Je croyais ne point connaître Fabrice Gaignault dont une courte notule biographique nous apprend qu'il occupe le poste de rédacteur en chef de la rubrique Culture et Célébrités à Marie Claire – exactement le genre de magazine que je n'ouvre jamais – mais en parcourant sa biographie je m'aperçois que dans KR'TNT 42 DU 02 / 02 / 2011, nous avions déjà consacré une chronique à Aspen Terminus ( Claudine Longet + Stones, pour résumer ) dans laquelle nous nous attardions sur la beauté de son écriture. N'a pas perdu son style, ce Vies Et Mort de Vince Taylor est écrit d'une plume élégante et précise qui ne lèche ni ne lâche, qu'elle rende compte des années heureuses ou des périodes les plus sombres.

 

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Ce n'est ni un roman, ni une enquête, mais un roman en quête de Vince Taylor, le livre est bourré d'anecdotes pour la première fois révélées au public, mais Fabrice Gaignault ne cherche pas à aguicher le lecteur en accumulant détails scabreux ou affriolants. Il note avec une précision d'entomologiste mais ne s'attarde guère. Vous donne l'information, à vos phantasmes de poser le décor et le scénario. Ce qui l'intéresse c'est de retrouver l'homme derrière le rocker, la chair sous le cuir. La méthode est d'autant plus appropriée que Brian Holden Taylor a été le premier à rechercher qui se cachait sous le sobriquet métaphysique de Vince Taylor. Certains regardent la lune et d'autres se gaussent de ceux qui ne voient que l'index. Mais le problème est ailleurs, ni au bout de vos doigts ni dans les limbes lointaines de l'astre d'Astarté. Simplement dans votre tête. Mais il est dangereux de se pencher sur l'abîme. Vince, un talisman protecteur, un prénom pour vaincre, mais le Taylor was not rich. Ce fut une défaite à plate couture.

 

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Que ce Vies et Mort de Fabrice Gaignault ne vous dispense pas de lire Le Dernier Combat de J-M Esperet, les deux livres racontent la même histoire mais sont très complémentaires, chacun insistant davantage là où l'autre passe rapidement.

 

LES ANNEES FASTES

 

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Commencent par une terrible déception. Lors de son examen Brian Holden rate son atterrissage et son brevet de pilote d'avion. Heureusement, pour nous. Nous avons failli perdre un des plus grands chanteurs de rock'n'roll de sa génération. Mais pour lui, une catastrophe. Sera rocker par défaut. Restera toute sa vie le petit garçon qui veut devenir pompier pour conduire le gros camion rouge. Offrez-lui une place de PDG, de l'argent plein les poches, des femmes à ses genoux, regrettera toujours son rutilant véhicule. Une fêlure qui ira s'agrandissant, dans l'ombre. Le vase cassé de Sully Prudhomme. Vous préfèreriez peut-être que je cite Freud et les méfaits de l'inconscient, disons alors le démon de la perversité cher à Edgar Allan Poe, l'auteur couleur noir corbeau.

 

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En attendant c'est le Père Noël qui arrive, le beau-frère plein d'argent prêt à débourser pour que le frère de sa jeune femme devienne l'Elvis Presley d'Angleterre. Le scénario dérape, bye bye the english pelvis, deviendra le deuxième Gene Vincent de France. Itinéraire bis, loin des facilités de l'autoroute. Evacuons le problème qui gêne : notre hexagone possède son petit dilemme à lui, ce n'est pas Beatles ou Rolling Stones, mais Vince Taylor ou Gene Vincent. Question stérile, il y avait en notre doux pays de la place pour deux. Dans le désert ( du rock ) français.

 

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Mais nous n'avons pas encore quitté les coteaux immodérés et verdoyants du succès. Fabrice Gaignault est le premier à s'attarder si longtemps sur les deux années rockambolesques de la vie de Vince Taylor. Monte si haut que l'on se dépêche de préparer la chute. Les journalistes aiment les récits oxymores, les lecteurs en sont friands. Ce qui plaît dans Icare ce n'est pas la montée vers le soleil mais quand les plumes fondent et qu'il retombe et se fracasse ( comme un aviateur qui rate son atterrissage ). C'est dommage parce que Vince s'envole vers l'astre du midi, mais c'est vers un soleil noir aussi sombre que le skaï de sa combinaison de faux cuir qu'il se dirige.

 

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L'on connaît la musique, Barclay furieux de se faire piquer Hallyday par Philips entreprend de jeter dans les jambes du poulain qui vient de s'échapper de son écurie un crack étranger sous-employé en sa perfide Albion... Pas photo à l'arrivée. Face au noir profond de Vince nos rockers nationnaux deviennent transparents... C'est que Vince c'est en même temps la prestance d'Elvis et la dramaturgie de Gégène. En mieux, car il a davantage faim que le premier devenu matou repu et est nettement plus soyeux que le second, trop chat de gouttière. Un côté félin ensauvagé qui plaît autant aux filles qu'aux garçons. Surtout aux garçons. Pas n'importe lesquels. Les méchants. Les mauvais. Les blousons noirs comme on les appelle. Un public fidèle mais pas facile. Pas des tranquilles qui applaudissent sagement à la fin du morceau. Des qui veulent du rock, encore du rock, toujours du rock, rien que du rock. Un programme qui recoupe exactement celui de Vince. Se métamorphose dès qu'il est sur scène. Devient le berseker du rock'n'roll, en quelques secondes, en la vedette souriante s'incarne l'esprit chamanique des alligators monstrueux qui sortent la nuit des marais du Deep South en quête de chair fraîche. Bête de scène. Et en face, l'on n'a pas peur. On le provoque, on l'invective, on l'appelle, on l'invoque. Soirées de folie, spectacles pour fous que les autorités enfermeraient bien à l'asile... Mais les fauves sont lâchés et ça bastonne dur...

 

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Surtout des garçons, mais les filles ne sont pas absentes. N'attaquent pas en meutes. Préfèrent le combat rapproché, choisissent le corps à corps. Mais avec Vince ce n'est pas le repos du guerrier. Je te baise et je te jette. Si j'ai un peu de temps, je te cogne pour que tu comprennes que je n'aime guère les situations qui s'éternisent. Le rock, le sexe, l'alcool et quelques autres excitants, des mois vécus à mille à l'heure, dans les hôtels, sur la route, à Paris, partout, côté scène avec les blousons noirs, côté vie privée et dépravée avec les blousons dorés. L'argent, la dope, les filles, le rock, la sainte trinité et la quadrature du sexe.

 

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Barclay s'est trompé d'image. L'a misé sur la mise en scène de l'archange de la destruction, un mouvement un peu irraisonné et de colère envers le millefeuille Hallyday qui lui est passé sous le nez. Mais trois mille excités qui cassent tout, au début ça fait du bruit, mais à la longue ça effraie le bourgeois et les âmes pleutres. Faut bien bien que jeunesse se passe, mais rapidement. En plus les blousons noirs ils n'achètent pas les disques, parce qu'ils préfèrent les concerts, parce qu'ils les volent... Et puis le public français, le grand public, il ne pige pas l'anglais, préfère les versions françaises à l'original. Mieux vaut pousser un Eddy Mitchell qui parle la langue de Molière qu'un étranger qui baragouine un langage incompréhensible...

 

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Solitude du rocher. En 1964, Vince Taylor n'est plus qu'un souvenir, mais rien n'est irrémédiablement perdu, possède encore des fans et son nom est connu. En 1965 il enregistre Vince ! Un des meilleurs trente-trois de rock français ( et de rock tout court ) du moment, lorsqu'il passe en première partie des Stones, fait jeu égal avec eux... Faudrait un bon impresario, faudrait un bon producteur, faudrait une nouvelle maison de disques, faudrait un fan-club, faudrait... beaucoup de choses. Faudrait surtout pas Vince Taylor.

 

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L'est cassé, de l'intérieur. Beaucoup d'ennemis, beaucoup de faux-amis, mais le premier qui ne croit plus en Vince Taylor s'appelle Vince Taylor. Une crise, un moment de doute, le tunnel, mais des amis, des fans et des musiciens font bloc autour de lui. Au fond du puits mais la corde est là. Faut se hisser. A la force du poignet. Dur mais faisable. Mais le petit caillou qui fait dérailler le train est déjà posé sur les rails. Fume et boit beaucoup. Pas que des bricoles homologuées par l'Etat. Se charge aussi en produits illicites. Une party en Angleterre dans la suite de Bob Dylan tourne mal. Avale coup sur coup ce qu'on lui donne. Bad trip. Quand il redescendra il ne sera plus jamais comme avant. Un sacré coup sur la cafetière. Deux mois d'hôpital psychiatrique, avec l'électricité qui n'alimente plus les guitares mais les électro-chocs Ne saura plus qui il est. Brian Holden, Maurice ( deuxième prénom ) Holden, ce n'est pas très clair, se méfie surtout du troisième, Vince Taylor. Celui-là il va falloir faire avec. Parfois être lui. Le plus souvent et de plus en plus souvent vivre à côté de lui.

 

LES ANNEES NEFASTES

 

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La longue nuit ne fait que commencer. De temps en temps il est Jésus, de temps en temps il est le Christ, de temps en temps il est Mathieu l'Evangéliste, de temps en temps il n'est personne perdu dans un silence intérieur. Quand la mer se retire... Mais aux yeux de tous il est Vince Taylor. Lui ressemble de moins en moins. Cheveux trop longs et maigreur cadavérique, sa princière beauté a fondu comme neige au soleil. Mais il attire encore les filles, vit trois ans avec Mychèle, d'abord chez ses parents puis à l'hôtel, elle le quitte pour l'avoir frappée, les galères s'enchaînent, un an à Mâcon recueilli par un fan, trois ans à faire la plonge dans un bouiboui, passe de squats de clochards en nuits à la mauvaise étoile, n'est plus qu'une ombre fantomatique...

 

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Mais la vie n'est pas si simple. D'anciens admirateurs, des fans de base, finissent par le rencontrer par hasard le long de ses errements et par le reconnaître. Cas de conscience morale. Peut-on dignement laisser Vince Taylor à la rue, et très vite le projet fou qui germe, pourquoi Vince Taylor ne redeviendrait-il pas le grand Vince Taylor ? Les imprésarios improvisés s'empressent, doués d'intentions plus ou moins désintéressées, Jean-Charles Smaine, Jacky Chalard avec Patrick Verbeke, on lui monte des tournées chaotiques dans des boîtes minables, des bars de treizième zone... Parfois le miracle a lieu, pour l'espace d'un concert, d'un quart d'heure, d'un morceau, de quelques secondes, il redevient le Vince Taylor magnifique, mais la mayonnaise tourne très vite en eau de boudin. La prestation tourne à la catastrophe, déplorable et ridicule... Vaut mieux ne plus y penser.

 

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On parviendra à lui faire enregistrer deux disques qui ne sont ni mauvais ni inintéressants, mais Fabrice Gaignault expose sa thèse. Recoupe les témoignages, et les analyse. Vince s'en fout. Pire il ne demande qu'une chose. Qu'on le laisse en paix, que l'on ne ressuscite plus le macchabée Vince Taylor. C'est une défroque vide qu'il ne veut plus endosser. Résistance passive. Le personnage lui pèse. Plane dans son seul rêve : l'aviateur qu'il est dans sa tête. Rend son artefact Vince Taylor responsable de ses déboires et de sa déchéance. Etre ou ne pas être Vince Taylor, tel est son problème car quand il n'est pas Vince Taylor, il n'est plus personne. Des deux côtés la souffrance est immense. Dans sa folie Artaud le momo est encore Artaud le poète. Dans sa nuit longue nuit Vince Taylor n'est plus rien.

 

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L'on a parlé d'une fin heureuse. The Happy End, avec les guitares débranchées à jamais et les violons qui chantent l'amour romantique. Un jour ma princesse viendra... elle est venue, elle s'appelle Nathalie, elle est amoureuse, elle est libre, elle a une fille d'un premier mariage, elle a de l'argent... Tout pour être heureux, l'emmène chez elle, loin de la France le pays de tous les malheurs, elle l'emporte, pas au paradis mais en Suisse. Mais un Vince Taylor peut-il être heureux au pays des coffres-forts et de la romance ? Nathalie ne sait pas en quoi elle s'est engagée. L'amour n'est pas un remède universel. Tout au plus le laudanum des imaginations faibles ou naïves qui pensent qu'il est capable de faire reculer tous les démons. On peut supporter les divagations, les extra-terrestres, les raisonnements sans queue qui tête mais la vie au côté d'un alcoolique pas du tout anonyme n'est pas de tout repos. Faut se les fader les alcoolos au quotidien, déjà avec un Monsieur Tout Le Monde ce n'est pas évident, alors avec quelqu'un qui est Brian Maurice Holden aviateur sans avion et par intermittences Vince Taylor rocker sans rock'n'roll... Une espèce d'individu schizoïdalement dépressif atteint de forts troubles bipolaires dont les deux personnalités se combattent... Regard en arrière dans le miroir. Retour symbolique à la fascination presleysienne originelle. C'est l'histoire inversée du jumeau d'Elvis qui ne serait pas mort et qui aurait voulu trucider le King, sans y parvenir.

 

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L'aurait bien désiré l'enterrer à jamais Vince Taylor. Va y réussir, au-delà de toute espérance. Un cancer généralisé des os se déclare. L'on pourrait parler d'une leucémie êtrale, d'un corps qui pousse dans un autre corps, pour mieux le supplanter. De la mauvaise herbe. Sa tombe sera recouverte d'un monument en marbre. Avec son nom, Brian Maurice Holden, mais l'on rajoutera une petite plaque Alias Vince Taylor, le titre de son autobiographie – à laquelle Fabrice Gaignault se rapporte à plusieurs reprises.

 

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Ce n'est pas tout à fait la fin de l'histoire. Sur ce que l'on commençait tout juste à appeler les réseaux sociaux, des fans délaissent de drôles de messages. Se sont rendus au cimetière de Lutry, et ne sont pas parvenus à trouver sa tombe. Qui aurait effacé le nom ? Et pourquoi ? Fabrice Gaignault répond à la première question. Nathalie a fait enlever le monument en 2004. Elle refuse de répondre à la deuxième question. Elle parle d'acte horrible... N'en dit pas plus. Nous non plus. Par respect pour celle qui demande le silence. Mais rien que dans cette chronique vous pouvez savoir. Suffit d'un peu de perspicacité. Vince Taylor ( 1938 – 1991 ), âme déchirée, aura été jusqu'au bout un rock'n'roller. Sais-tu ce que cela veut dire ?

 

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Toute notre fidélité. A lui dans la glèbe funèbre, sous son carré de gazon anonyme.

 

Un très beau livre.

 

Damie Chad.

 

ROUEN / LES TROIS PIECES

 

03 – 05 – 2014 / ATOMIC SUPLEX

 

RAYMOND SUPLEX

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Longtemps Crypt fut considéré comme le label garage de référence. On ne jurait que par Crypt. Crypt machin, Crypt truc, t’as du Crypt ? Oh c’est sur Crypt ! Un Crypt sinon rien ! Voir Crypt et mourir ! Sans Crypt, pas de salut possible, Saint-Crypt priez pour nous, Crypt, c’est extra et sous le voile à peine clos, cette touffe de noir Jésus, Crypt emballé c’est pesé, du Crypt en veux-tu en voilà. Tous les chevaliers de la Table Ronde du PMU de la rue Pierre Fontaine partaient en quête du Saint Crypt. Tagada tagada. Ils carburaient au fioul (coca-pastis).

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L’initiateur du mythe Crypt s’appelle Tim Warren. Ce citoyen américain est toujours actif, mais il a dû réduire son rythme de production après avoir failli faire faillite. Chaque fois qu’il signait un groupe sur son label, il organisait une tournée et il perdait de l’argent. Visionnaire, Tim Warren avait inventé un vrai ton, comme Sam Phillips avant lui avec Sun Records, et surtout un langage pour vanter les mérites de ses poulains. Yeeasssss ! The Big Daddy Catalogue fut pendant des années une bible dans laquelle on se goinfrait de ce slang garage inventé de toutes pièces par Tim Warren, une langue bardée d’onomatopées et d’expressions spectaculaires qui allait être ensuite copiée par les autres labels indépendants. Tim Warren se positionnait comme un fan de garage, exactement de la façon dont Greg Shaw le fit avant lui avec son fanzine et son label Bomp. Il faisait un label de fan pour les fans et il s’adressait exclusivement aux amateurs de garage fumant. Chez Crypt, pas de mous du genou. On pouvait acheter les albums Crypt en toute sécurité. Jamais Tim Warren n’aurait osé proposer un mauvais disque à son public. Et donc tous les groupes qui avaient un peu de style et d’originalité rêvaient de se retrouver sur Crypt. Parmi les grands groupes Crypt des années 90, on trouvait les Gories, les Oblivians, l’extraordinaire duo de Detroit Bantam Rooster, les fabuleux Beguiled, Teengenerate, Thee Headcoats et Thee Mighty Caesars de Wild Billy Childish, le Jon Spencer Blues Experience des débuts, les fringants Lazy Cowgirls, les Raunch Hands, les atroces Cheater Slicks, les faramineux Country Teasers d’Écosse et l’excellent Nine Pound Hammer de Blaine Cartwright, comme on le voit, rien que des poids lourds du garage américain - et japonais pour Teengenerate. C’est Crypt qui aurait dû sortir les brillants albums du King Khan & BBQ Show et des Black Lips, mais à ce moment-là Bomp et In The Red avaient les reins plus solides.

 

Après plusieurs années de silence étourdissant, Tim Warren réanima le label en 2003 pour sortir le premier album des Little Killers qui est évidemment un excellent disque de trash-garage new-yorkais. Puis en 2010, il fit paraître un single de Johnny Throttle, un groupe qui comprenait des ex-Parkinsons de Londres. Et dans la foulée, on vit arriver sur le label ressuscité l’album «Bathroom Party» d’Atomic Suplex.

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Alors, on vit les Cryptheads réapparaître dans les rues, tels des zombies échappés de la Nuit des Morts Vivants, ce cauchemar fatidique signé George A. Romero.

 

Deux Anglais, un drummer français et une Anglaise ont décidé de redorer le blason du trash-garage exacerbé, une tradition initiée par deux groupes japonais, Guitar Wolf et Teengenerate. Rien à voir avec le hardcore ou toute autre dérive névrotique. Le trash-garage est une émanation outrancière du garage-rock qui respecte bien les codes du genre, mais qui pousse le bouchon un petit peu plus loin, au niveau du scream, du son et de la vitesse de propulsion. Plus ça va dans le rouge, meilleur c’est. Plus ça perce les tympans, meilleur c’est. Un conseil, quand vous voyez un groupe de ce type sur scène, ne restez pas à côté des enceintes, sinon vos oreilles vont siffler pendant plusieurs jours.

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Belle pochette. Raymond Suplex 98 gît au sol. Il porte son casque et ses lunettes noires. Sur le carrelage autour de sa tête, on voit des flaques de pisse. «Bathroom Party» d’Atomic Suplex n’est pas un album de prog médiéval. Parce qu’il s’écoute en 45 tours.

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Dès le premier morceau, on sent qu’on est sur Crypt. Gros son et parfum de folie. «Action Time» sonne et pulse comme tous les autres morceaux de trash-garage qu’on connaît, c’est le rock de la crypte saturé jusqu’à la nausée et on s’en repaît. Pas de son plus dense, plus barbare que celui-là. Le cut est hanté par une belle ligne de basse obsessive. «Rock’n’Roll Machine» qui suit fonctionne comme un modèle. Tous les groupes de rock (excepté Guitar Wolf et les Magnetix qui font déjà ça) devraient écouter ce morceau et prendre des notes. Avec Atomic Suplex, on assiste au retour en fanfare de la légende Crypt et ça nous réconforte les oreilles, car Tim Warren et ses collègues ont joué dans l’histoire du monde moderne un rôle capital. Ils ont été en quelque sorte les arbitres des élégances du garage pendant une bonne dizaine d’années. En gros, il y avait eux et le reste. Tim Warren crachait sur le crap et il avait raison. Sur Crypt, on entend bramer les australopithèques au fond des cavernes, et ça, on ne l’aura jamais sur Capitol ni sur Polydor. Sur Crypt on entend siffler les nappes de larsen pourries de distorse, et ça, on ne l’aura jamais sur Vertigo ni sur Atlantic. Raymond Suplex 98 et ses complices lâchent leur purée de trasherie en pleine cavalcade fantastique, et on voit le batteur tomber, renversé par la mêlée. C’est spectaculairement bestial. On est là au cœur du domaine de Guitar Wolf et de Teengenerate. Blanc, break et ça repart au coup de cymbale. Résultat : on a la pièce de trash la plus baveuse qui ait existé depuis l’invention de l’omelette.

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Ils continuent dans le rock’n’roll avec «Rock’n’Roll Action», avec une intro plongée dans le larsen. On se sent si bien chez Crypt. On y trouve tout ce qu’on aime, le gros déblai, le gros remblai, la touille, la morve, la gicle, le blast, la basse qui sature, les vocaux qui résonnent dans la cave, ils tarpouillent leur frichti sans aucune compassion pour les lois sociales. En prime, Raymond Suplex 98 hurle comme un boucher ivre de mauvais vin. Il brandit sa Flying V comme s’il brandissait l’un de ces immenses hachoirs à carcasses. Dans «Diamond Skull», le batteur devient fou. Et Raymond continue de râler avec cette voix de pirate abandonné sur une île déserte. Il hurle pour rien dans son micro et les filles font les chœurs de la tribu des Zoulous zébrés, avec des basses insalubres. Par dessus tout ça coule une nappe de sax et Emma Leaning vient rajouter une coulure de chorus verdâtre. Ça tribalise dans la pénombre humide de la salle de bain et on se chope une belle poussée de température malsaine. «Atomic Suplexed By A Girl» est encore une trasherie poursuivie par un sax. Notons au passage que l’Atomic Suplex est une prise de catcheur. On ne verra pas souvent passer des trasheries comme celle-là dans le quartier. Ni même dans le monde civilisé. Il faut en profiter. «Bathroom Party» est un peu plus punk, plus secoué du bulbe, embarqué à cent à l’heure. C’est effarant de fuite. Ça n’en finit plus de fuir. Raymond Suplex 98 et ses co-équipiers sont des dingues de la fuite.

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On s’arme de courage pour attaquer la face B. Avec «Girl Ride», on retrouve les ingrédients du trash pas de quartier. Ce n’est pas un disque destiné aux canards boiteux. Raymond Suplex 98 fait dans le marche ou crève de Biribi. «I’m On» est connu comme le loup blanc. On pense à «No One» de Johnny Moped. Ça sonne comme un classique vieux de trente-sept ans, mais ce n’est pas grave. Vélocité et emportement inconsidéré sont les deux mamelles de ce morceau. Franchement, les Atomic Suplex ne respectent rien.

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Et là on entre dans une petite histoire en trois morceaux : l’histoire du rock’n’roll revue et corrigée par Atomic Suplex. Premier épisode : «Rock’n’Roll Is Never Going To Die». On retrouve les passes d’armes d’Eddie Cochran dans «Summertime Blues», retour de voix en baryton et tempo bien posé. Mais ce pauvre rock’n’roll est frappé en plein front d’un grand coup de masse de chantier. Alors il s’éloigne en titubant. On l’entend hurler dans la nuit éternelle. Il ne reverra jamais le jour, en tous les cas pas avec Atomic Suplex. On l’entend là-bas au loin gémir en heurtant des tas de gravats et des morceaux de ferraille.

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Deuxième épisode avec «Rock’n’Roll Must Die». Pour les besoins du morceau, Raymond Suplex et ses lieutenants s’élancent à la poursuite du rock’n’roll. Ils le traquent dans la nuit, guidés par les lointains hurlements. Le pauvre rock’n’roll aveuglé par le coup de masse de chantier n’en finit plus de heurter des pans de murs et des branches d’arbres. Il entend les autres qui gueulent derrière. Il sait que s’il tombe, il est foutu. Alors il reprend son souffle, ravale sa bave et sa morve et de remet à courir comme un dératé. Mais Raymond Suplex doit l’achever pour les besoins du morceau, alors il le rattrape et le stompe.

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Troisième épisode avec «I’m Rock’n’Roll». Le rock’n’roll se réincarne immédiatement dans le corps de Raymond Suplex 98 qui peut alors beugler I’m Rock’n’Roll. Il est encore plus débile qu’avant. À côté de lui, Frankenstein est un boy-scout. Raymond Suplex 98 part en vrille comme un poulet décapité. Il braille dans le micro qu’il est le rock’n’roll. Voilà ce qu’on appelle une saynète trash en trois actes.

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Ils terminent cet album épuisant avec «Little Boy Blues». C’est un blues grillé vif dans la friteuse de la déveine. Il n’est pas de blues plus cradingue sur cette planète.

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Alors évidemment, quand on apprend qu’Atomic Suplex vient jouer dans la cave d’un petit bar de Rouen, on se prépare psychologiquement. Le mieux est encore de boire une bonne rasade à la mémoire du capitaine Drake et de ses trente-deux bouches à feu et de mettre son destin en lieu sûr dans les mains du diable. Comme tous les bars, celui-ci accueille l’assoiffé à bras ouvert et après avoir fait honneur à Dionysos, on se risque à descendre un escalier à l’ancienne, très abrupt et pas du tout recommandé lorsqu’on qu’on danse le twist en marchant. Dans ces cas-là, on compte sur la chance. On finit par déboucher dans l’étuve de la petite crypte qui sent la sueur et le brûlage de calories. Un groupe punk nommé Jackhammer termine son set. Puis Raymond Suplex et ses amis s’installent. L’indicible Raymond Suplex a troqué sa Flying V contre une autre guitare. JD Kickdrum, le batteur français, nous expliquait qu’il avait trop de problèmes avec la Flying. Raymond revêt son casque de motard et son cuir frangé, et wham-bam, le groupe nous embarque dans son ouragan de trash-rock déjanté et jouissif. Ils sont dans l’énergie et dans l’ultime véracité du rock’n’roll. Ils le réduisent à sa plus simple expression, la plus directe, celle qui monte droit au cerveau. Raymond Suplex braille dix mille fois le mot rock’n’roll dans son micro de biker fixé au casque. Emma plaque ses accords sur une SG bordeaux et saute dans tous les coins. Dan May patate ses grosses lignes de basse. Il faut les voir s’agiter dans cet espace minuscule, tailler leur route dans une tornade sonique d’ultra-saturation et derrière eux bat JD, un monstrueux punkster, l’un des batteurs les plus secs, les plus puissants et les plus excitants qu’on ait vu depuis Rat Scabies. Il lance quasiment tous les cuts au tac-tac de baguettes et ça fonce. Raymond Suplex joue dans le chaos des mômes qui se télescopent devant lui, il tombe à genoux, il se redresse, il hurle, il prend des chorus déviants, pour une heure, il incarne tout ce qu’on adore dans le rock’n’roll, la folie, la sauvagerie, le funambulisme, les franges qui volent, la tourmente sonique, la perte des équilibres et l’ivresse d’une liberté absolue. Des verres de bière se lèvent à la santé du chaos et des corps qui dansent les bousculent, envoyant des mousses valser dans la tempête. Raymond Suplex nous ramène aux racines du rock de cave. Un coup de Crypt dans la crypte, ça te remet d’équerre. Ça réveille l’animal qui dort à l’intérieur. Pour tous ceux qui voient dans le chaos la vraie source de vie, Atomic Suplex est un groupe de rêve.

 

Signé : Cazengler, Atomic complexe

 

Atomic Suplex. Le Trois Pièces. Rouen. 3 mai 2014

 

Atomic Suplex. Bathroom Party. Crypt Records 2011

 

Sur l’illustration, de gauche à droite : Suplex 98, Emma Leaning et Dan May. Derrière, JD Kickdrum, mais on ne le voit pas.

 



 

VILLENEUVE-SUR-CHER ( 18 ) / 03 - 05 – 2014

 

11° RASSEMBLEMENT MOTO COSTER ROLLER

 

THE JALLIES

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Ce n'est pas la teuf-teuf mobile qui urge sur l'autoroute mais la toto-ride du grand Phil qui pachydermise sur le goudron. Quand une fille vous donne rencart, ce n'est jamais la bonne heure, en plus là, elles sont trois et elles ont négligé d'indiquer l'horaire de passage... Voyez un peu l'approximation, bons princes l'on a escompté le premier set en soirée à vingt heures avec arrivée à Villeneuve-sur-Cher à 19 heures. Nous sommes des gars prévoyants. Pas assez, au milieu de l'après-midi le portable indique enfin un horaire fiable, 18 Heures, l'on ronchonne mais pas trop, les Jallies sont trop mignonnes, elles peuvent nous faire tout ce qu'elles veulent.

 

C'est Phil qui n'avait vraisemblablement rien à retordre qui a déclenché l'opération commando, tiens les Jallies passent à Villeneuve, on pourrait s'y rendre. Des Villeneuve, en France il y en a une toutes les trente kilomètres, bien sûr ai-je répondu ravi de l'aubaine. C'est là qu'il a rajouté, c'est dans le Cher, à trois cents cinquante kilomètres. De toutes les façons Cher ou pas cher, il fallait y aller : c'est la nouvelle formation des Jallies, et leur premier concert, dans vingt ans on le racontera, tout fiers à nos petits-enfants, bouche bée.

 

Dans le cockpit je subodore : Roller Coster, Phil(ibert) je parie un camembert que ce sont des bikers. Tiercé gagnant. Mais pour le l'automobile on n'a pas la grille complète, on arrive à 18 heures trente et lorsque l'on se rapproche de la concentration le vent nous balance dans les oreilles les échos de The Train Kept A Rollin', les Jallies sont sur scène, les swingin' garces ne nous pas attendus.

 

FIN DU PREMIER SET

 

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L'on n'aura droit qu'aux trois derniers morceaux. Ne me demandez pas si c'était bien, j'ai surtout ouvert les mirettes. Je ne suis pas le genre de gars à m'assoir à la table de mon restaurant préféré, sans au préalable étudier la nouvelle formule sur la carte. A première vue devant rien de changé, trois filles qui batifolent, le bataillon de choc et de charme des voltigeurs fidèle aux avant-postes. C'est derrière que l'on aperçoit le renfort. Incroyable mais vrai. Julio n'est plus le seul, un deuxième garçon s'est introduit dans cet orchestre à dominante féminine. S'appelle Thomas, a priori le gars qui n'est pas bête - plein de jolies filles, je vais essayer de squatter - n'a pas tort, s'est fait tout beau, a enfilé sa chemise blanche pour faire bonne impression et en plus il a emmené sa copine, une gratte électrique et croyez-moi ça s'entend. Julio semble content, ne sera plus l'unique souffre-douleurs de nos trois tarentules. Pardons je voulais dire libellules.

 

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Papillonnent tout sourire, Vaness un rayon de soleil empli de pétulance qui tape sur sa caisse claire, Céline gracieuse ballerine qui jase et rime dans le micro, et Leslie. Ady est partie. Vers d'autres aventures. Emportant sa note bleue vers d'autres arcs-en-ciel. Le groupe aurait pu se dissoudre, mais il a fait front. Thomas pour la guitare, Leslie pour le vocal. Jolie Leslie. Pour l'instant elle wap do wapise à profusion. A l'aise, peut-être encore un peu intimidée tout de même, mais à la voir bouger et à l'entendre pépier si vivement, l'on comprend que l'oiselle dépliera ses ailes très vite.

 

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Je ne suis pas du tout le genre de mec qui passe son temps à mater les grognasses. Question oreille, l'ensemble sonne typiquement Jallies, avec tout de même un grain de guitare qui pousse son groin électrique d'une manière un peu plus insistante. Prometteur. Feraient bien quelques morceaux supplémentaires, mais non, elles reviendront dans une heure. L'orga a prévu un défilé de mode et un magicien...

 

INTERSET

 

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Comme nous ne sommes pas méchants nous qualifierons le défilé, d'amateur, quant au magicien, je ne sais pas de quel chapeau ils l'avaient sorti mais il aurait dû commencer par se faire disparaître ! L'on a préféré faire le tour des stands, nombreux, principalement des fringues et très bikers. Pas vraiment rock, même pas un disquaire ! Organisation nickel chrome. Grands stands de toile noire pour les boutiques, accueil sur trois jours avec possibilité de camping. Lieu agreste accolé sur la rive du Cher qui pousse paresseusement un limon à teinte verdâtre. Petit vent frais particulièrement sensible sous l'immense marabout dressé pour les animations. Une vaste scène avec avancée dans le public à la Rolling Stones, mais en plein courant d'air. Pourvu que nos petites jalinettes ne se soient pas attrapé un rhume ! Pour le moment elles sont en train de signer leurs disques... et la file n'en finit pas de se renouveler.

 

DEUXIEME SET

 

 

 

Moins de monde. Dix-neuf heures, le public familial est rentré à la maison, et nombre de bikers se remplissent la panse dans les baraques à frites. L'espace se remplira tout de même peu à peu. Magnétisme des Jallies. Un set normal, serais-je tenté de dire. N'ont eu le temps que de trois répétitions pour se caler. Elles – chez les Jallies le féminin l'emporte toujours sur le masculin - reprennent donc le répertoire habituel, tout en étant conscientes que tout l'été nos cigales gazouillantes devront se livrer à un dur labeur de fourmi rouge. Recomposer une set-list qui tienne compte des désidératas et des nouvelles possibilités apportées par le savoir-faire et la sensibilité des nouveaux membres.

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Une chose est sûre, Thomas n'est pas à la traîne, s'immisce partout, trouve toujours l'espace pour ponctuer de trois notes cristallines la fin d'un round de caisse claire, instille un mini solo lors des cessations vocales, souligne d'un riff la coda d'un solo de Julio sur sa contrebasse, l'oeil aux aguets et la corde qui se détend comme l'arc qui décoche une flèche. Pas du tout un son rockab – me dira qu'il bosse actuellement sur Gene Vincent – marqué très années soixante-dix, ce qui modifie, en la fluidifiant, la structure de la plupart des morceaux. Moins de syncope, pas de ruptures sauvages ni de reprises bondissantes, mais de l'énergie inépuisable. Sûr que le son des Jallies va évoluer. Redéfinition du son. Des équilibres seront à trouver. Sur le jump, entre le swing et le rock. La meilleure méthode pour ne pas se répéter, s'encroûter dans une formule toute faite. Le groupe possède un atout, Julio peut coller sans hiatus à tout changement.

 

L'instant crucial. Vaness passe le micro à Leslie. Je ne voudrais pas vexer nos deux messieurs mais les Jallies c'est avant tout les trois précieuses pépites pétillantes qui chantent devant. Sont chargés de la logistique musicale, mais la gloire du chant d'honneur est réservée à nos trois amazones. Leslie n'a pas l'air le moins du monde embarrassée, à peine si elle jette un regard sur le classeur à paroles, grand sourire, ne prend même pas le temps de respirer, et tel Empédocle abandonnant ses chaussures sur le bord de l'Etna, elle se lance dans un Fujiyama Mama brûlant comme les flammes de l'enfer. Plus tard elle nous fera un Queen Rock'n'roll qui mettra tout le monde d'accord. Ce n'est pas qu'elle chante bien, c'est qu'en plus elle a cette aisance, presque cette désinvolture, naturelle qui vous ravit le coeur. Et puis ce sourire délicieux, on la sent heureuse d'être là et de donner, et de partager cette joie de vivre qui l'habite. C'est une Jallies, une vraie, une perle qui ne dépare en rien dans le collier. Vaness et Céline ont retrouvé une âme soeur. La magie trinitaire des Jallies est intacte. Le sortilège n'est pas près de cesser de fonctionner.

 

Ai beaucoup insisté sur les nouvelles têtes. Faut les accueillir dans le nid douillet des mots. Leur faire une place qu'elles méritent déjà à la première prestation. Les Jallies sont de nouveau sur la route du rock'n'roll et cela nous enchante. Je n'oublie pas d'envoyer une bise amicale à Ady.

 

DIDIER LAVERA

 

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J'en parle, mais je ne devrais pas. Parce que je n'ai pas écouté avec toute l'attention requise et que nous sommes partis au beau milieu du set. Parce que je papotais avec les Jallies, je n'ai pas compté les bikers qui voulaient à tout prix une photo avec nos trois sylphides – normal un motard est aussi un homme de chair et de sang – mais ce qui m'a étonné c'est le nombre de filles qui désiraient se faire tirer le portrait en leur compagnie, comme si elles devenaient les figures symboliques d'un nouveau féminisme.

 

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Changement de décor. Hard trio rock. La formation minimale et la puissance sonore maximale. Du lourd, très lourd. Suis un déçu par les premiers morceaux. Mais avec le vent glacial qui souffle, ce ne doit pas être facile de chauffer les doigts et la voix. Comme pour me donner raison les morceaux suivants seront de mieux en mieux balancés. De mieux en mieux équilibrés, et de plus en plus vivants. N'ont pas la tâche facile. Le public s'est désagrégé durant l'installation du matos et des annonces diverses. Thomas me souffle qu'ils doivent aimer Lynird Skinird et se redresse tout fier lorsqu'ils interprètent un de leurs titres. Didier Lavera n'est pas un nouveau venu dans le monde du métal. Trente ans qu'il hurle et riffe sur les planches. A même assuré la première partie de Metallica. Mais la route nous attend. Lorsque nous repassons le pont du Cher, la bise aigre nous amène des volutes sonores des mieux moulées. Du coup je regrette de ne pas avoir pris le CD sur le stand des Roller Coster. Mais je note sur mon calepin. Je ne connaissais pas, mais la prochaine fois que je croiserai son chemin, j'irai voir de près.

 

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RETOUR

 

Mission accomplie. Phil ( de fer ) s'est gelé comme un iceberg chez les Roller Coster, mais on a vu les Jallies, et il n'en fallait pas davantage pour nous rendre heureux.

 

Damie Chad.

 

( Une seule photo, alors on a pris des photos de l'anniversaire de Billy, Thomas à droite en chemise blanche. )

 

ELVIS SUR SEINE

 

UNE ENQUÊTE DE MONA CABRIOLE

 

STEPHANE MICHAKA

 

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Mona Cabriole est une parisienne branchée, du genre exécrablement séduisante et sûre d'elle, journaliste pour Parisnews, à la rubrique musique. Pas exactement le genre de personnage dont on raffole: elle habite sur une péniche, conduit un scooter rouge, fréquente des bars infâmes, bref, le Paris que franchement, on n'aime pas. Ah oui, j'oubliais son ami livreur-de-pizzas-sans-papiers-noir-à-l-accent-prononcé parce qu'évidemment, Mona est gentiment de gauche. Voilà qui explique l'approbation des Inrockuptibles sur la quatrième de couverture. Comme tout héros digne de ce nom, Mona a une faille, un démon qui la hante, une cicatrice mal refermée et comme chez toute jeune femme digne de ce nom, cette faille vient du père. Mona aurait aimé aimer son papa mais, grand reporter magnifique mort en Afghanistan, il a préféré l'enquête à la famille, les lumières affolantes de toute cette vérité que le grand public ignore aux lourdes responsabilités d'un père. Sans se l'avouer, Mona veut quand même être à la hauteur. Elle ne veut pas jouer dans la cour des méchants, elle sera une journaliste honnête. Je vois que vous relisez la phrase précédente avec circonspection. Allons, allons, je vous avais prévenu, c'est gentiment de gauche. Autant vous rassurer tout de suite, Mona et moi avons quand même un point commun, un seul (excepté le charme ravageur). Son papa et le mien vouent au King la même vénération. Elle s'en est moins bien tirée mais mine de rien, ça vous rapproche. Vous donne de l'intérêt pour ce petit polar léger, pratique pour tuer une heure ou deux. Ça n'a d'ailleurs pas plus d'ambition. Question style, c'est vivant, ça se veut acerbe et drôle (réussit à l'être assez souvent) mais manque un peu de méchanceté et de tenue.

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Je vous disais, le King. Il est au cœur de cette enquête rocambolesque qui, si je vous en racontais l'histoire, perdrait immédiatement tout attrait. Ne comptez pas en apprendre plus sur Elvis qu'en consultant sa page Wikipédia, ne comptez pas non plus trembler d'excitation sous l'effet du suspense, vous aurez le plaisir de lire une version pour adulte de Fantômette, c'est déjà bon à prendre.

 

MO

 

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