Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/12/2013

KR'TNT ! ¤ 167. KEVIN K / JALLIES / ROCK RECUP / JOHNNY HALLYDAY

 

KR'TNT ! ¤ 167

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

12 / 12 / 2013

 

 

KEVIN K / JALLIES / RECUP ROCK / JOHNNY HALLYDAY

 

 

L'ESCALE / LE HAVRE / 07 - 11 – 2013

 

 

kevin k

 

 

LA KLASSE DE KEVIN K

 

a1345dessin.gif

 

 

It was raining cats and dogs ! C’est la formule qu’emploient les Britanniques pour dire qu’il pleuvait à verse. All day. Toute la journée. Un déluge sans fin. La nuit tombait et il pleuvait toujours autant. «Apocalyptique !», aurait décrété Nostradamus, s’il s’était trouvé assis à l’arrière de la voiture. On prenait la route du Havre. Un chaos. Les rafales d’eau fouettaient des milliers de véhicules qui roulaient au pas. Comme dans certaines circonstances un peu extrêmes, on sentait d’instinct qu’on n’allait pas s’en sortir. Je ne veux pas dire par là que les carottes étaient cuites, n’exagérons pas, mais il n’y avait aucune raison pour que ça s’arrange. On se serait crus dans les premières pages de «SOS Météores», l’album de Blake et Mortimer : la pluie tombe sans arrêt depuis des jours et des jours, elle génère le chaos dans le pays et elle affole les autorités.

 

Il pleuvait tellement que l’eau suintait à travers le pare-brise. On avait les pieds qui baignaient dans quelques centimètres d’eau, à l’avant. L’eau entrait partout. Le voyage nous parut interminable. On distinguait à peine les structures du pont de Tancarville dans la tempête. Des fous pressés doublaient par la droite et par la gauche, propulsant dans leur sillage des paquets de mer qui achevaient de noyer le pare-brise et qui emportaient notre dernier espoir d’y voir clair.

 

En arrivant au Havre, nous allâmes nous ravitailler. Comme nous ne savions pas où se trouvait le bar que nous cherchions, nous posâmes la question à des speed-freaks locaux qui nous déconseillèrent vivement d’aller traîner dans ce quartier. «Là-bas, y’a des gens qu’ont disparu. Aucune trace. À vot’ place , j’y foutrais pas les pieds !». Mais nous étions décidés. Nous suivîmes donc les vagues indications qu’on avait pu recueillir. Nous longeâmes les quais déserts jusqu’au vieux toboggan et entrâmes dans une zone industrielle par une grande avenue. Le coin semblait bel et bien abandonné des dieux. Au loin brillait une enseigne. Ça ne pouvait être que celle de l’Escale, le bar où jouait Kevin K.

 

a1341guitredjaune.jpg

 

Ce bar tabac devait être le seul commerce des environs. Ce n’était pas la foule des grands soirs. Nous allâmes directement dans une petite pièce attenante transformée avec les moyens du bord en salle de concert, et nous fûmes accueillis par un gros accord de guitare. Alrite ? Kevin K et ses deux amis se trouvaient déjà sur la petite scène. Ils attaquèrent leur set sans plus de formalités et ils commencèrent à nous gaver d’un gros rock baveux de type Heartbreakers admirablement bien ficelé, bien dosé et bien direct. Dès le premier morceau, on retrouvait ce qui chez un groupe fait toute la différence : l’authenticité. Aucune prétention, aucune frime, aucune faute de goût : Kevin K jouait le rock électrique, tel que le concevait Eve Sweet Punk Adrien, prophète de l’ancien temps. Kevin K tirait tout son art et toute sa prestance d’une admiration indéfectible pour Johnny Thunders et les Heartbreakers. Et trente-cinq ans après, ça fonctionnait encore. Il n’y avait pas grand monde dans la mini-salle, mais ceux qui se trouvaient là n’en perdaient pas une miette. Le trio imposait une espèce de prestance underground. Pour ceux qui ont vénéré les Heartbreakers, c’était le concert idéal. Petite salle, gros son et hommage à un héros disparu.

 

a1343group.jpg

 

Kevin K est un vétéran de la scène américaine. Ça se voit et ça s’entend. Il joue sur une Gibson Melody Maker jaune sans pédale d’effet. Distorse directe à l’ampli. Sur sa guitare, on retrouve le fameux L.A.M.F des Heartbreakers. Quand Kevin K enlève sa veste de treillis, on voit qu’il n’est pas bien épais. Ses bras nus sont couverts de tatouages. Le trio pulse bien : Laur Bomb, parfait drummer dollsy, remplit bien l’espace avec une frappe lourde et métronomique à la Jerry Nolan. Ritchie Buzz, bassman au crâne rasé, cogne avec une rage authentique sur les cordes de son Epiphone. Leur set est un solide mélange de belles compos et de reprises triées sur le volet, comme «Russian Roulette» des Lords Of The New Church, «The Passenger» d’Iggy, «These Boots Are Made For Walking» de Nancy Sinatra et Lee Hazlewood, et deux classiques des Heartbreakers, of course, «One Track Mind» et «Chinese Rocks». Pas un seul déchet.

 

a1344group.jpg

 

Comme Kevin K n’apparaît jamais au sommet des hit-parades, ses disques sortent sur des labels improbables. Le jeu consiste à les trouver. Un fan averti de Kevin K croisé à l’Escale expliquait qu’on les trouvait tous sur e-bay, ce bon vieux e-bay qui a remplacé la Samaritaine. Mais il existe une sorte d’incompatibilité entre l’univers de Kevin K et celui de la vente en ligne. Ce genre de disque doit pouvoir s’acheter chez les vrais disquaires ou lors des concerts. Au moins, on peut échanger quelques mots avec les musiciens et si on est vraiment fan, faire dédicacer un vinyle. C’est tout de même plus sexy que de taper un numéro de carte bleue sur un clavier d’ordinateur, non ? Bien sûr, il faut avoir le choix. Parfois, on ne l’a pas, et il faut aller sur le site d’un groupe ou d’un label pour choper le disque qu’on veut écouter. Alors on ravale sa fierté et on tape le numéro sur ce bon vieux clavier d’ordinateur.

 

a1346kvert.jpg

 

Dans la mesure du possible, je continue de faire les choses à l’ancienne : acheter les disques au concert quand il y en a, et écumer les deux ou trois disquaire parisiens qui ont encore du répondant en matière de bons disques à des prix convenables. C’est comme ça qu’on rapatrie la pincée d’albums nécessaires si on veut explorer plus sérieusement l’excellent univers musical de l’ami Kevin K.

 

 

Une chose frappe à l’écoute de ses albums : l’uniformité du son. Les mauvaises langues diront que c’est toujours le même disque et qu’on croit toujours entendre la même chanson pompée sur le «Pirate Love» des Heartbreakers. Les mauvaises langues disaient exactement la même chose des Cramps, de Motörhead et des Ramones : «Oh ben c’est toujours la même chose !» C’est justement ce qui fait la force - et même la supériorité - de ces groupes : ils restent fidèles à un son et à l’intérieur de ce son, ils engendrent une cosmogonie complète. Et puis quand on y réfléchit plus sérieusement, on s’aperçoit qu’en règle générale les groupes ont le même son, album après album. S’ils s’amusent à changer, ça peut mal tourner. Quand Bowie s’est risqué à changer de son pour faire de la disco à la mormoille, les trois quarts des fans de la première heure se sont enfuis en poussant des hurlements d’horreur. Même chose pour Roxy Music, Blondie ou Patti Smith : quand ces messieurs dames se sont mises et mis à taper dans le fucking hit commercial pour se payer des résidences secondaires et bâtir des rentes pour leurs vieux jours, les fans de la première heure se sont sauvés comme des lapins. Lou Reed, Iggy, Lemmy et John Lydon n’ont JAMAIS trahi leurs admirateurs pour un gros chèque. Dit autrement : ils n’auraient jamais osé prendre les gens pour des cons. Une chose pareille eût été impensable de la part de Lux Interior ou de Joey Ramone. Et si on remonte plus haut dans l’histoire, Charlie Feathers brille au firmament des modèles de cohérence artistique absolue.

 

a1349newyork.jpg

 

Le mieux est encore de commencer par un Best Of de Kevin K, comme ce «New York New York» excellent de bout en bout, à condition qu’on soit fan de Johnny Thunders. Kevin K est un enfant des Dolls, au sens où on dit enfant de la balle. Il a parfaitement saisi l’esprit de l’urgence, tout au moins est-ce ainsi qu’on pourrait définir cette manière si particulière qu’avait Johnny Thunders de farcir de notes le lard d’un morceau. Kevin K joue classique. Il modélise à l’infini le chorus thundérien et ça reste toujours inspiré et excitant, puisqu’au départ, c’est inspiré et excitant. L’autre grand modèle guitaristique de l’histoire du rock fut Jimi Hendrix. Ses meilleurs héritiers n’ont fait que des bons disques, puisque le modèle était irréprochable. Les albums de Mahogany Rush ou de Robin Trower sont pour la plupart excellents. Ils ne reproduisent pas le son hendrixien à la lettre, ils en proposent de nouvelles variations, tout en respectant l’esprit de celui qu’ils considèrent encore aujourd’hui comme leur mentor.

 

a1352howtocome.jpg

 

Sur «New York New York», on n’entend que des morceaux de rock classiques et bien sentis, sans surprise quant au qu’en-dira-t-on. Kevin K balance ses textes par dessus ses gros accords saccadés avec une belle aisance. On ne se demande plus pourquoi ce mec refait les Dolls quarante plus tard, mais on se dit : heureusement qu’il y a encore des mecs comme lui. Son «Losing Hurts» cocoté est une petite merveille de considération thundérienne, jouée fast and loud, comme il le dit si bien dans son recueil de mémoires («How To Become A Beatutiful Loser»). Appelons ça le régal du chef. Kevin K a une sorte de génie du son. Il reste bien à l’intérieur de l’archétype. Il lui redonne vie. Mine de rien, c’est un bon archétype. Johnny Thunders, guitariste de la modernité, la Marque Jaune du rock. Kevin K a joué «13th Street» à l’Escale, jolie tranche de power pop nostalgique bien enlevée - where have all the good times gone ? - pop pressée à la Paul Morand, nostalgie poussée dans le dos de l’homme pressé sous le tonnerre thunderien. Absolument supérieur à la moyenne, qu’on se le dise. Équation parfaite : gros son et minauderie. «Deadboy Running Scared» est un morceau salement riffé, c’est sûr, mais terriblement bien intentionné. On retrouve une fois de plus l’incroyable vitalité d’un adorateur de Johnny Thunders et ça nous va. L’ami K ne bouge pas d’un centimètre, il suit sa voie. Pas question d’amener un synthé. Encore une sacrée belle pièce sauvage avec «A Little Taste» et son effarant riffage. Une fois de plus, il courtise le dragon des guitares de feu. I’m in love and she don’t care - ce ne sont pas les textes qui prédominent, on est bien d’accord. Dans chaque morceau, on retrouve l’innocence typique des enfants des Dolls : ingénuité, talent et grâce. Ils sont experts dans le sauvetage du son, plus précisément d’un son. Dans chaque morceau, Kevin K avance avec le museau pointé, il décoche ses chorus avec une pureté fureteuse et il cultive jusqu’au délire l’authenticité thundérienne. «Gang War» est drummé à la vie à la mort, il met le turbo avec «Melody» qu’il riffe à la revoyure. Kevin K ne renonce jamais. Il revient inlassablement au heavy riffage et il multiplie les variations à l’infini. Il finit par susciter une véritable admiration.

 

a1348deutchland.jpg

 

L’album «Deutschland» est sorti en 2009. Il démarre sur du rock cocoté bien supérieur à la moyenne. Si on aime bien la power-pop de haut rang, alors on se régalera avec «How Many Times». Encore un morceau qui donne une idée de l’excellence du K. Le bougre sait power-popper. Il chante d’une voix de fausset admirablement juste (alors que celle de Johnny Thunders ne l’était pas vraiment). «She Is No Fun» n’a l’air de rien comme ça au premier abord, mais c’est un morceau qui accroche salement. On peut reprocher à «She Is No Fun» d’être trop classique, c’est vrai, mais Kevin K vient de New York et il sait ce qui est bon pour nos oreilles. C’est un expert, il a joué 48 fois au CBGB, il fréquentait Johnny, David, Jerry, Killer Kane et Syl, alors il n’a aucun problème de crédibilité. Quand on fréquente les Dolls, on est infiniment plus crédible que tous les Stong à la cong et que tous les mords-moi-le-nœud qui téléramatent entre deux portraits de philosophes médiatiques. L’ami K va même chercher la stoogerie avec «Poland», monté sur une ligne de basse dévastatrice. Il fut pendant trois ans le voisin d’Iggy à New York et il évoque la fermeté de sa poignée de main. Detroit shake-hand ! Et comme dans la plupart de ses autres titres, Kevin balance par là-dessus son chorus vitriolique habituel. Avec son côté sélectif et ravigotant, «The Red Haired Girl» aurait très bien pu se trouver sur l’album des Heartbreakers. Encore un morceau fabuleux avec «The Walls Are Tumbling Down», élégant et fuselé en diable, bardé d’accords de rêve. Power-pop pure et dure, bien cadencée, à la fois énergétique et fine, puissante et bien sentie, un rêve pour les gens qui vénèrent la mélodie. Il reprend le thème mélodique à la guitare et l’envoie exploser dans le ciel. Au détour d’un couplet, il laisse tomber sa voix comme une larme, alors on le soutient de toutes nos forces. Il fait partie des héros inconnus du rock, tels que les définissait Nick Tosches.

 

a1359allies.jpg

 

Son dernier album s’appelle «Allies» et y on retrouve le son classique des Heartbreakers. On croit même parfois entendre la plainte fantomatique de «Leave Me Alone». Kevin K sait faire péter les bouquets thundériens, par exemple dans «Lost My Marbles» qui du coup prend des proportions énormes et vise à la cultissimmité cavalante. Il n’en finit plus de porter le flambeau. Dans «Red White and Blue», on retrouve la frappe métronomique de Laur Bomb, le fantastique batteur dollsy de l’Escale. On trouve aussi sur cet album des merveilles power-pop comme «Give Me Back My Girl», irréprochable et largement graissé aux chorus et on tombe un peu plus loin sur l’excellent «That’s Madrid», basé semble-t-il sur du vécu - Madrid I need you - emmené par de grosses vagues successives, bien battu et incroyablement bon. Encore une fois, Kevin K ne réinvente pas le fil à couper le beurre, mais on sent une telle jubilation dans son disque qu’on finit par éprouver ce qu’il faut bien appeler un profond respect.

 

a1361trampstand.jpg

 

Sur la pochette de «Tramp Stamp», Kevin qui est coiffé d’une casquette à la Donovan ressemble à Cyril Jordan. Très bonne augure. «Doin’ All Right» est un pur classique de power-pop. On croirait entendre la voix de Sice, des Boo Radleys de Liverpool, avec ce côté infaillible, plein de vie et d’énergie. The perfect pop song, comme dirait l’autre. «Damage Control» est un cut lent et long, cocoté de main de maître, richement nourri. Kevin K est évidemment le roi du riff des temps modernes. Dans «City Kill», il revient au sempiternel thème du back to the city with nothing to do. Il sait de quoi il parle. Dans «Dreaming Again», il riffe comme les Buzzcocks. Encore une fois, on est bien obligé d’admettre que le morceau est épouvantablement bon, savant et bien dru. On voit parfois nos rêves arrêtés sur le bas-côté, mais lui, il continue, alors il faut le suivre, parce qu’il sait où il va. Il est le roi du pétrole. Tous les groupes de rock ne sonnent pas aussi bien que le sien, loin de là. Il pose sa voix de fausset affreusement juste sur de beaux accords rock’n’roll et il reste dans le vrai, autant que pouvaient l’être Marc Bolan, Eric Carmen ou Robin Zander, et c’est peu dire.

 

a1360mrbones.jpg

 

La discographie de Kevin K s’étend jusqu’à l’horizon, mais on peut se livrer à un petit jeu qui consiste à chercher LE mauvais album. Chez Kevin K, ça n’existe pas. On pioche au hasard. Tiens, par exemple «Firestorm» paru en 2010 sur le petit label de Rennes qui monte, Beast Records : une face Texas Terri, une face Kevin K. Les quatre morceaux de l’ami Kevin sont resplendissants. Il emmène son «Graceland To Neverland» ventre à terre, tout droit, et il pose là-dessus sa petite voix sucrée. Plus loin, reprise majestueuse du «London Boys» de Johnny Thunders. Kevin y règne sans partage. Même chose avec l’album «Mr Bones» qui s’ouvre avec une sacrée bombe sur-produite. Kevin K n’en finit plus de porter le feu sacré. «White Trash» sonne comme un classique, éclaté de chorus brillants. C’est de la power-pop extrêmement musclée - I’m white trash ! - il a raison, il fait son auto-bio - mamy’s on pills, and daddy’s been down for years - il balance ça avec une candeur confondante. L’album «Hollywood» paru en 2007 est encore un disque fabuleux, c’est dur de dire les choses comme ça, mais c’est hélas vrai. Vous trouverez la meilleure power-pop du monde chez Kevin K, sur des morceaux comme «Story Of A Girl», «Life In LA» ou «Jennifer Love Song», qu’il fait monter à coups de wow wow et de yeah yeah. Le groove de «Single Girls» vous fera l’effet d’un oasis dans le désert. On s’y abreuve. En écoutant ce disque, on réalise un peu mieux que ce mec n’a absolument aucune prétention. Il fait ses disques, comme un gosse. Il poursuit le jeu et rien ne l’arrêtera. Une autre bombe sexuelle avec «Way Out West» : mauvais départ, le riff n’est pas bien calé sur le beat et soudain, ça se met en route. On n’avait encore jamais entendu un truc pareil. Ça vire très vite à la monstruosité, solo de malade dans la mélasse, fabuleux coup de rein de saumon, et le voilà lancé à l’assaut des cimes, killer solo hallucinant d’élévation et il va chercher sa folie sonique en bas du manche. Arghhh ! Il jaillit hors de l’eau et replonge le morceau dans le tourbillon. Voilà tout le portrait de Kevin K : un génie du son dans l’anonymat. Il plombe «Another Pretty Face» dans un enfer riffé et nous montre comment on joue le garage. C’est à tomber, tellement c’est gras, vicieux et bon, au sens épidermique. Il assaisonne ça d’un solo dollsy. Kevin est un démon. «No Ice In Paradise» est tout simplement digne des Dolls. Il noie ça directement dans les vapeurs de l’enfer. On trouve d’autres monstruosités sur cet album, comme «Hollywood», c’est du délire, mais on n’en finirait plus.

 

«Cool Ways» ? Encore pire. «She’s Got The Look» et «Cool Ways» sont des modèles de power-pop américaine, effarants de good-looking-bratty-blast et de sunshining-kicking-romp. «Make Up And Break Up» aurait très bien pu figurer sur l’album mythique des Heartbreakers - Oh baby I don’t care ! - solo dément, attaqué à la note, éclair, loud and fast. On n’aurait jamais cru ça possible. Mais si, Kevin K peut le faire. Faut-il que ce mec soit possédé pour s’élever à un tel niveau. Dans «Night Of The Living Dolls», il rend un hommage fulgurant aux Dolls. Un de plus. Kevin K s’arrange pour rester dans le vrai en permanence. Essayez et vous verrez, ce n’est pas facile de rester dans le vrai en permanence. Avec «Rehab», il fait du pur Johnny T, il arrive dans le morceau comme un cartoon cat. C’est une bénédiction d’entendre chanter un mec aussi dévoué. Voilà enfin quelqu’un qui a tout compris. Ouf.

 

a1363chat.jpg

 

Tous ceux qui aiment les animaux devraient écouter l’album «Joey And Me». L’ami Kevin l’a dédié à son chat Joey. Il lance le morceau qui donne son titre à l’album à l’harmonica et met en scène le Dylan sound pour raconter l’histoire du chat Joey - «Quinze ans de bonne vie sous le soleil du Sud/ Il écoutait mes chansons» - Belle balade. Kevin refuse de laisser partir le chat Joey - «I refuse to let it be the end/ On a rocket with you to the stars/ We have eternel life and it’s ours» - Tous ceux qui ont vu mourir leur ami chien ou leur ami chat écraseront une larme en écoutant «Joey The Cat». Avec «Smack + Swasticas», l’ami K passe aux Stones avec du heavy riffage et des Dancing with Mister D, des Living in Exile with a habit or two, des singing Happy with you et les chœurs de Sympathy For The Devil, youhhh-youhhh ! Fantastique hommage aux Stones, in the South of France, humidity in my pants, c’est incroyablement bien vu - the sound of Tumblind Dice youhhh-youhhh ! - Franchement, ce mec est très fort. On passe ensuite aux Dolls avec «Cried Over You», battu à la Nolan, percé d’un killer solo à la Thunders - I’m done - Il y va. C’est indécent tellement c’est bon.

 

Un petit dernier pour la route ? Alors ce sera «Addiction» enregistré avec les Real Kool Kats, probablement l’un de ses meilleurs albums, rempli de squelettes et de diables. On prend tout de suite «Addiction», le premier morceau, en pleine poire. C’est du heavy rock forgé dans les flammes de l’enfer, un son qui évoque le grand soir de la fin du monde. On ne peut s’empêcher de penser que si Johnny Thunders vivait encore, il sonnerait exactement comme ça. L’ami Kevin place un pur solo dollsy dans «The Lost Boy» qui suit. Il remet l’art des Dolls en perspective et c’est bien ce qui le rend fascinant. «Whores From Babylon» raconte l’histoire du super-groupe que Stiv Bators, Dee Dee Ramone et Johnny Thunders tentaient de monter à Paris - «Son of a bitch/ I should be rich» - et bien entendu, fabuleux solo dollsy à la clé - «They’re gone, They’re all gone» - C’est hélas vrai : Steve, Dee Dee et Johnny sont tous morts. «Happy Days» ravira les amateurs de power-pop éclairée, car voilà encore un morceau inspiré jusqu’à l’os. L’ami Kevin emporte tout, avec sa candeur d’ado de Buffalo. Il fait encore une fois un disque de fan pour les fans. Kevin K est un frère de la côte, ne l’oublions pas. «Living Fast» pourrait très bien être un morceau de Johnny Thunders. Comme Johnny, Kevin fait péter ses paquets de notes au sommet du couplet, puis il revient à ses accords de cristal. Imparable et furibard. Sur «Rock’n’Roll Dope», il sonne comme Steve Jones, il nous cocote ça à rebrousse-poil. Ce n’est pas compliqué : sur ce disque, tout est bon. Il y a même une reprise judicieuse et fatale de «One Track Mind».

 

a1365dvd.jpg

 

En 2010, paraissait un double DVD, «Successful Loser». Quand on s’intéresse au personnage, le DVD est forcément un document précieux. Le disk 1 est bourré d’archives. On y voit l’ami K, encore jeune à New-York, jouer en trio avec son frère Alan et un bassman dans ses groupes successifs, les Lone Cowboys et les Road Vultures. Ils avaient déjà de l’étoffe à l’époque et on les voit même faire un malheur à l’Irving Plaza avec «Dreaming Again», un hit pop passé à l’as, qu’ils bardent d’harmonies vocales sublimes. Alan chante et Kevin bat le beurre derrière. Mais ce qui fait la force de ce disk 1, ce sont les plans tournés sur la terrasse de l’immeuble où ils vivaient, sur la 13e Rue : Alan et Kevin chantent quelques chansons en s’accompagnant avec des guitares acoustiques. Et ils sont brillants. Ils descendent ensuite dans la rue jouer «Too Much Monkey Business». Ces plans jettent un bel éclairage sur ce qu’on verra à l’Escale, trente ans plus tard.

 

Sur le disk 2, on suit Kevin K et les Real Kool Kats en tournée en Allemagne, en Espagne et en France. Pour les fans de Kevin, c’est un pur régal, car on voit jouer le groupe dans un grand nombre de petites salles. Ça démarre très fort, avec Nikki Sudden qui accompagne le groupe sur scène pour une reprise de «Pills». On voit aussi Ricky Rat prendre des solos dollsy, Ritchie Buzz bombarder son Epiphone et Kevin échanger quelques phrasés sublimes avec son ami Ricky. Chaque fois, on retrouve la même absence totale de prétention et le même professionnalisme.

 

a1364book.jpg

 

Kevin K fit paraître en 2010 un petit livre intitulé «How To Become A Successful Loser». Il y raconte les principales étapes de sa vie : d’abord Buffalo (ville dont il est originaire), puis New York, puis ses tournées dans le monde entier. Il évoque pas mal de rencontres intéressantes. Aucune trace de prétention dans ce petit livre. Un rocker américain raconte l’histoire de sa vie et c’est admirable de modestie. Il rend des hommages spectaculaires à trois légendes du blues : T-Model Ford, R.L Burnside et Junior Kimbrough qu’il n’est pas allé saluer après le concert («I was afraid to talk to him»). Quand il travaillait comme vendeur de disques à New York, l’ami K voyait entrer dans la boutique des clients comme Jon Spencer, Lou Reed ou Rob Zombie. Il profite de ce passage pour faire le point : «Tous ces gens ont réussi. Je me demande si je ne suis pas un martien. Je n’ai pas réussi à m’en sortir. Tous ces gens sont à l’abri du besoin. Moi, je continue à ramer. Et ça reste compliqué. Je pense que je finirai comme ces vieux noirs qui vivent dans le Mississipi. Dans une vieille cabane, sans eau courante, avec un ventilateur près de la fenêtre et trois chiens dans le jardin, avec les dents pourries et sans sécurité sociale. Peut-être que notre nouveau président Monsieur Obama va réussir à changer les choses pour les pauvres Américains comme moi.» D’où le titre de son livre. Il repense ailleurs à tous ces gens : «Les Spin Doctors, Living Color, Joan Osbourne, Suzanne Vega, les Waldos et les Smithereens. On a joué avec tous ces gens-là. Ça me fait drôle. Ils sont tous devenus riches et célèbres et je continue de jouer dans les mêmes petites salles depuis vingt ans. Quel magnifique loser je fais !» Kevin évoque quelques-uns des meilleurs groupes new-yorkais comme D-Generation ou Sour Jazz («J’aime bien ces mecs parce qu’ils haïssent tout le monde, même moi.») Hommages vibrants à ses amis les Ramones, à Cheetah Chrome et aux Dolls. Puis on tombe sur des passages macabres, à la suite des disparitions respectives de son frère Alan, de Johnny Thunders et de Jerry Nolan («Avec la mort de John et celle de Jerry un an après, la scène new-yorkaise n’avait plus aucun intérêt à mes yeux. Le moment était venu de quitter la ville.») Et ses hommages les plus spectaculaires vont à ses compagnons de route actuels : le guitariste Ricky Rat («Je me sens toujours en sécurité quand il est sur scène avec moi. Je sais que s’il y a un problème, Ricky va le régler. C’est un mec de Detroit, un vrai dur, et avec lui, ça part vite») et Ritchie Buzz («J’ai rencontré beaucoup de musiciens, mais je n’en ai jamais vu un qui travaillait autant que Ritchie. Ce mec est TOUJOURS de bonne humeur. C’est mon confident musical. Il comprend vraiment bien mes chansons.»)

 

a1354lamf.jpg

 

Pages aussi sur ses tatouages, sa guitare, la nourriture qu’on se fait servir en tournée, les drogues (mais sans tomber dans le fucking m’as-tu-vu), les Japonais, les Français (il s’étonne de les voir rester aussi longtemps à table), la Floride, dont il dit qu’il fait bon y vivre, Berlin où il aimerait s’installer un jour et la Pologne, le pays d’où sont originaires son père et sa mère. Tout est vraiment intéressant. Il écrit sur le ton de la confidence et on croit par moments entendre un filet de voix très doux.

 

À la fin d’une émouvante double page consacrée à Johnny Thunders, Kevin écrit ceci : «En repensant à cette époque, je crois que tous ces mecs, John, Jerry Nolan et Stiv Bator savaient que leur temps était révolu. Je veux dire par là qu’il est impensable de voir Johnny Thunders ouvrir une messagerie pour checker ses mails. Ou Stiv Bator avec un smartphone. Ou Jerry Nolan aller sur son Myspace. Enfin, je ne pense pas. Je suis vraiment content de les avoir connus quand il le fallait.»

 

 

Signé : Kat zengler, Kon-vaincu

 

Kevin K. L’Escale. Le Havre. 7 novembre 2013

 

Kevin K. The Best Of Kevin K. ICB 2004

 

Kevin K & The Real Kool Kats. Addiction. Lollipop Records 2004

 

Kevin K. Mr Bones. Realkat Records 2005

 

Kevin K & The Hollywood Stars. Cool Ways. Rankoutsider Records 2007

 

Kevin K. Hollywood. Full Breach Kicks 2007

 

Kevin K. Deutschland. Kicking Records 2009

 

Kevin K. & Texas Terri. Firestorm. Beast Records 2010

 

Kevin K. Joey And Me. Realkat Records 2011

 

Kevin K. Tramp Stamp. Realkat Records 2012

 

Kevin K & The Real Kool Kats. Allies. Wanda Records 2013

 

Kevin K. How to Become a Successful Loser. Dog Ear Publishing 2010

 

Kevin K. The Successful Loser DVD 2010

 

 

BE BOP / MONTEREAU / 06 – 12 – 13

 

 

THE JALLIES

 

 

Tel un sous-marin s'extirpant de la fosse des Philippines j'émerge peu à peu des abysses du sommeil. Tout va bien, les Jallies chantonnent dans la cuisine. Ady passe le café, Céline beurre les biscottes, et Vaness les recouvre de confiture. A la réflexion je me demande comment elles sont arrivées dans la maison. Hier soir, ou plutôt tôt ce matin, quand je suis rentré, la seule présence féminine c'était Salsa, la chienne fidèle, qui m'attendait sur le canapé. Entre nous soit dit, je trouve qu'elles en mettent du temps pour préparer mon modeste petit déjeuner, seraient-elles en train de dynamiter mon idéal féminin de la parfaite ménagère ? Comme les filles sont cruelles !

 

 

«  Capitaine, remontée réussie ! » Je refais surface, je reprends mes esprits. Mes rêves les plus fous se brisent sur le dur récif récalcitrant de la réalité de la vie. Non, ce ne sont pas les Jallies, en chair ( miam-miam ) et en os ( Ouah ! Ouah ! ) qui s'affairent dans la kitchenette mais le CD-réveille-matin attentif à son office de bourreau qui à midi pile a lancé la lecture du premier disque des Jallies. Mais reprenons notre histoire par le début.

 

 

EPISODES RATES

 

 

La teuf-teuf file sur Montereau. L'a pas intérêt à tomber en panne si elle ne veut pas finir chez le ferrailleur. Par ma faute, ennuis de santé, j'ai loupé la soirée du mercredi 04 décembre au Balajo, avec les deux sax en prime et Mister Jull en special-guest pour un rappel, et celle de la veille, le 05 à cause des horaires du boulot, à L'Excuse à Longjumeau, avec un client qui a exhibé son appendice caudal devant nos trois tourterelles. Une invitation à un voyage à Cythère que Baudelaire aurait qualifiée de culottée, voire de déculottée.

 

a1388logo.jpg

 

Alors ce soir, pas question que la mécanique ambulante me prive de ma soirée Be Bop ! L'anniversaire de notre rencontre – snif-snif d'émotion – justement au Be Bop, Le premier décembre 2012 ( voir notre livraison 121 du 06 / 12 / 2012 ) ! Mister B s'est invité dès que j'ai annoncé le programme, très vite rejoint par le grand Phil – que mon petit neveu surnomme le Géant Vert – manifestement attiré par nos compte-rendus alléchants.

 

 

Devant le Be Bop, l'on tombe sur Julio et quelques clients, cigarettes au bec et bière à la main. Nos trois donzelles ne sont pas là, se font une beauté – comme si elles en avaient besoin ! - heureusement que le seul élément masculin assure.

 

 

Le pub se remplit. Beaucoup d'amis et de connaissances – Montereau c'est le fief des Jallies, le nid d'où les oiselles ont pris leur essor. Ce soir, c'est un peu le retour au pays natal. En un an, nos hirondelles ont beaucoup voyagé, elles nous ramènent, de leurs industrieuses circonvolutions, tout spécialement pour nous, un cadeau de choix, leur tout premier CD.

 

 

 

Difficile de se frayer un chemin jusqu'au comptoir, l'arrière-salle comme les loges contigües de devant bruissent de monde et de conversations. Nous sommes rejoints par Mumu et Billy. L'est temps de passer aux choses sérieuses.

 

 

PART 0NE

 

a1366julios.jpg

 

Z'ont relégué Julio au fond, au piquet contre sa contrebasse. Ne font plus attention à lui. Elles, elles se pavanent ( comme des infantes ) par devant, et lui le pauvre il marne tout seul dans son coin. Ne font appel à lui que lorsqu'elles ont besoin d'un petit solo de derrière les fagots. Lorsque les applaudissements nourris éclatent pour saluer ses chorus elles condescendent à citer son nom, pour mieux le renvoyer illico dans l'anonymat de son boulot de galérien.

 

a1369céline.jpg

 

Ne peut tout de même pas se plaindre de ses garde-chiourme. Trouvera difficilement plus ravissantes. Ady en marinière à rayure rouge à décolleté carré – elle nous a habitué à davantage d'échancrure, nous savons bien que l'hiver approche mais pourquoi cacher les premières pentes neigeuses de ces féminins atours où nous aimions glisser de subreptices regards – Céline foulard corsaire, parée pour l'abordage, tout à l'heure sur sa strat toute blanche elle nous régalera d'une reprise de Jimmy Hendrix, une expérience réussie, et piou-piou Vaness sur sa caisse claire elle mène la cavalcade, énergie débordante et gouaille de moineau des rues, toutes deux vêtues à dominante rouge, sang de swing.

 

a1372ady.jpg

 

S'amusent comme des petites folles. Des collégiennes en folie lâchée dans un magasin de fringues avec crédit illimité. Ca s'échange les instruments comme l'on se dépanne d'un rouge à lèvres. Et ça papote, et ça s'encourage, et ça se soutient, et ça se lance de petites vacheries, des génisseries, amicales. L'on se croirait dans un groupe de copines chez le coiffeur. Quand je pense à Julio qui supporte cela toute la journée, au fond je n'envie pas son sort. Souffre le martyre, porte sa croix à trois branches.

 

a1373julio+celine.jpg

 

Heureusement parfois elles condescendent à se taire, elles n'ouvrent plus la bouche que pour chanter. Et là tout de suite, vous leur pardonnez tout. C'est l'extase, le nirvana et le paradis en même temps. En trois morceaux elles ont conquis le Géant Vert qui n'achète que des disques de cantatrices classiques. Lui font le coup nietzschéen de l'inversion des valeurs. Ne sera plus jamais comme avant dans le choix de ses goûts et couleurs.

 

a1381cel+vaness.jpg

 

Des voix virevoltantes, d'une légèreté incroyable, ne se posent jamais sur les syllabes, descendent et montent les escaliers en trombe sans aucun arrêt sur les paliers. Ce soir, le côté swing domine, elles invitent Jérôme à les rejoindre avec sa trompette plus jazz que d'habitude, un peu à la Satchmo, mi-aboiement, mi-miaulement – les trois félines en pleine jungle jonglent avec les mots et les sonorités.

 

a1378addy.jpg

 

Parfois Ady nous ramène sur des terres beaucoup plus rock elle crie blues, alors Vaness accentue la raucité de sa voix et Céline accentue le tempo. C'est qu'elles nous menaceraient presque, en tout cas elles nous avertissent que ces bottes sont faites pour marcher et que l'on a intérêt à filer droit. Pas rassurés on zieute leurs escarpins rouges – deux larmes sanglantes enchâssées sur de roses orteils – et l'on applaudit encore plus fort, des fois qu'elles mettraient leurs menaces à exécution.

 

a1382pieds.jpg

 

Font défiler leur répertoire habituel. Reprises et créations. Le Géant Vert reconnaît Be Bop A Lula, depuis le temps que je m'escrime à le rééduquer, Mister B condescent à lui signifier quelques progrès. Elles ont du mal à quitter la scène, un dernier morceau, puis un deuxième, puis un quatrième, elles auraient passé tous leur hits en une seule fois mais elles se rappellent à temps que le public est aussi venu pour toucher de près le dernier né, leur premier bébé dont elles viennent de porter la gestation à terme.

 

 

PART TWO

 

a1386groupetous.jpg

 

Si elles continuent comme cela en cinq concerts elles vont épuiser le stock. Faudra penser à une réédition. Les mini-galettes s'envolent comme des hosties le jour du jugement dernier. A la réflexion je ne garantis pas la justesse théologique de cette comparaison, mais je peux affirmer qu'elles n'arrêtent pas de gribouiller de petites gourmandises sur les pochettes que les fans impatients leur tendent. Julio est rappelé à l'ordre, prend trop de place, qu'il se contente de sa ration réglementaire de case qui lui est chichement allouée, les filles, bavardes comme des pies, ont la plume extensive.

 

a1379vaness.jpg

 

Se sentent trop bien. Ne veulent plus nous quitter. Après le deuxième rappel, après un set marathon, et que pris de pitié en voyant leurs visages fatigués l'on consent la mort dans l'âme à les laisser partir – nous ne sommes pas des tortionnaires – Vaness est déçue, elle nous demande pourquoi on n'exige pas quatre morceaux de plus, et hop c'est reparti pour un grand tour.

 

a1375jerome+jul.jpg

 

Elles reçoivent du renfort, Jérôme – c'est le frère de Julio qui fait ce qu'il peut pour soutenir moralement le galérien dans son calvaire – vient de nouveau aboyer avec sa trompette magique, on lui colle le micro sur sa sourdine pour mieux l'entendre et enfin Alain du groupe jazz local Swimgum ( voir KR'TNT 150 du 25 - 06 - 2013 ) à qui Céline refile sa guitare sans préavis. Il a le swing mais on lui demande surtout de donner toute la gomme, car l'on est dans un morceau foutrement rock'n'roll. Partira en déclarant d'un air fataliste : «  J'ai fait ce que j'ai pu, ce n'est pas ma musique ! ». L'aura tout de même donné une leçon à bien des garagistes, l'a su s'adapter, un simple détour par une ossature blues et il s'est retrouvé aussi à l'aise qu'un barracudas dans l'eau vive d'une rivière en folie. L'a su tirer son épingle du jeu avec la vélocité d'un jeune punk, un solo dévastateur et un train d'enfer. Ce n'est qu'un jazzeux, mais total respect, de la première à la dernière note.

 

a1383alain.jpg

 

Je vous rassure, nos trois pipelettes ne se sont pas contentées de faire bosser les mecs au black. Z'ont trempé aussi leurs chemisiers. Comme des grandes. En forme. En verve. Les morceaux se suivent dans leurs diversités et se ressemblent par l'énergie dont elles les revisitent. Un Fujiyama Mama explosif – Julio en profite pour nous l'annoncer sur un mode nippo-karaté hilarant style le cri-qui-tue qui impose le silence à ses trois female-partners pour au moins six dixièmes de seconde, ce qui est un véritable exploit.

 

a1385addy.jpg

 

Un Rehab d'Andy Winehouse particulièrement réussi, un Shout, Giggles and Shout de Gene Vincent à décoiffer la tour Eiffel de ses antennes radio – avec le Crazy Legs, ce sera trois titres du Screamin Kid dans cette seule soirée, ces demoiselles me nourrissent au petit lait – un Whole Lotta Shakin' Goin' Home à mettre le feu au piano de Jerry Lou, un Burnette brûlant, et quelques autres pépites dont je tairai les noms pour ne pas vous rendre trop jaloux. Fallait venir les gars, de la vieille garde rockabilly n'y avait que de rares éléments – les meilleurs certes – le confluent de la Seine et de l'Yonne, c'est un peu paumé je vous l'accorde, mais vous n'auriez pas perdu votre soirée. Mais n'oubliez pas que les Jallies remettent le couvert au local des Loners, à Lagny-sur-Marne, le vendredi 13 décembre.

 

a1380celinebraslrvés.jpg

 

AUTOGRAPHES

 

a1367vanessdrum.jpg

 

Pauvres Jallies, si elles pensaient se désaltérer tranquilles afin de laisser retomber l'excitation euphorique du show, c'est raté. Les demandes d'autographes pleuvent de partout, à chacune son stylo, et tous au boulot, même Julio qui se fait enguirlander ( c'est bientôt Noël ) lorsqu'il monopolise le feutre – il y en a plusieurs, mais c'est surtout du sien dont elles ont besoin. L'on sent que c'est parti pour la nuit, mais le patron – hyper sympa – se doit de fermer son établissement aux heures municipales réglementaires. Pousse la clientèle assoiffée dehors. Ces demoiselles ne perdent pas le nord. Elles viennent rappeler à Julien qui s'est attardé à discuter avec nous sur la terrasse, qu'il a le matos à ranger. So You Wanna Be a Rock'n'Roll Star ?

 

a1370contrebasse.jpg

 

( Très belles photos prises sur le facebook des Jallies )

Damie Chad.

 

 

BOPPIN'SWING / GIRL BAND / THE JALLIES.

 

 

THE JALLIES / CHARLESTON SWING / I LOVE HIM SO / REHAB / SWING DES HANCHES / YOU'BETTER BE GOOD / SHAVE YOUR PUSSY / QUEEN OF ROCK'N'ROLL

 

 

Ady : chant, guitare lead / Vaness : chant, caisse claire / Céline : chant, caisse claire, guitare / Julio : contre-basse

 

 

the jallies@gmail.com

 

 

Un truc de filles. Qui se la jouent modeste. ( Rouerie typiquement féminine. Comme je suis affreuse ce matin. Mais tu es folle, tu es magnifique ). Pas de photo couleur pleine pochette, du noir et blanc, plutôt un nuancier de gris et des images format timbre-postes. Même qu'elles ont mis Julio en premier, en haut et à gauche. Le malheureux, elles l'ont entraîné dans un salon de coiffure. L'est sagement assis dans la position du gars accablé dont l'épouse a exigé qu'il attende une demi-journée devant la cabine d'essayage qu'elles en aient terminé. C'est pour bientôt chéri, plus que douze robes et trente deux T-shirts à enfiler.

 

a1387disc.jpg

 

Pour la couleur, car il y a de la couleur – pas bêtes les guêpes – faut tout de même un effet de contraste pour faire ressortir la douceur de leur teint et leurs jolis minois. Elles ont choisi, non pas le bleu de Klein ( trop viril ) mais le rose Barbie. Je n'exagère pas, sortez la galette de sa pochette. Le disque ressemble à ces poudriers des panoplies de fées que l'on offre aux petites filles. Tout rose, avec juste la marque, The Jallies, au lettrage élégant, l'on ne voit que cela, mais l'on dirait que ce fut tracé par une main pressée et hasardeuse. Les titres en rose rejetés sur la bordure extérieure blanche. Côté petites filles perverses, pas sages du tout. Notes de pochettes réduites au minimum. Le monde existe-t-il indépendamment de la présence de nos trois libellules ?

 

 

Finaudes les mouches, elles ont tout compris. Huit titres, mais une seule reprise. Pas n'importe laquelle. Rehab d'Amy Winehouse. Manière de mettre la barre tout en haut. L'original d'Amy étant si parfait. Nécessité de se démarquer, d'exposer sa différence swing-rock, et de symboliquement marquer que malgré sa fraîcheur, son alerte vivacité, son goût prononcé pour une vie heureuse, les Jallies n'oublient rien des meurtrissures de l'existence, des blessures secrètes que l'on cache sous un sourire.

 

 

Ce qui nous donne sept titres originaux. Beaucoup de groupes rockabilly actuels devraient méditer cet exemple. Eux qui souvent remplissent leurs plages de reprises au détriment d'un véritable effort de création. A court terme c'est plus facile, le fan se retrouve en terrain connu, mais sur le long terme, les Jallies ont choisi la bonne piste. Le public préfèrera toujours l'original à la copie. D'autant plus que la plupart recherchent non pas à proposer une re-création bouleversante mais s'ingénient à recopier un son mythique original, en fin de compte inimitable.

 

 

Enregistré à la maison, avec un parti-pris simple et efficace. Les voix en avant, l'accompagnement en arrière. Il n'y a que sur les deux morceaux les plus rock'n'roll : You'd Better Be Good et Queen Of Rock'n'roll, que la balance est plus équilibrée. Faut dire que l'orchestration de es deux titres moins swing et de facture très Buddy Holly l'exigeait. Avec l'organe d'Ady encore davantage rentre-dedans sur la reine du rock'n'roll, et une guitare qui sonne beaucoup plus moderne.

 

 

N'ont pas hésité non plus à renverser un autre tabou. Swing des Hanches est écrit en français, sans que cela ne jure avec les autres titres en anglais. Peut-être le morceau le plus réussi de ce mini-album, vous attire l'oreille, je remarque que c'est le même phénomène lors des concerts. Recueille toujours des applaudissements nourris. Preuve que, avec ses harmonies gitanes, il chatouille un près l'inconscient national culturel.

 

 

La contrebasse de Julio apporte un son brut, très roots car il est le seul instrument qui propulse le rythme, ce qui est dans la logique des choses puisque l'on n'a pas octroyé à la caisse claire puissance de frappe décisive que lors des concerts. Trois voix féminines qui étrangement me font davantage penser dans la manière de phraser les mots par-dessus la musique, et non en essayant de rester trop fidèle à un rythme, à Franck Sinatra qu'aux reines historiques du swing vocal. Cette manière de recomposer le chant, en courtes unités rythmiques indépendantes, et non pas en un note à note pointilliste est vraisemblablement dû à une influence plus ou moins instinctive, plus ou moins culturelle, de notre oreille accoutumée par notre environnement musical à un découpage sémantique rock, tel qu'il a été initié dans la musique populaire américaine lorsque le chant a peu à peu pris le pas sur l'instrument. Le passage du jazz au rock, pour rester simple.

 

 

Maintenant laissez-vous bercer par nos trois tigresses. Chacune possède son style, rockab-blues par Ady, raucité sauvage chez Vaneess, souveraineté jazzistique chez Céline. Pas du tout interchangeables, mais qui se chevauchent dans la plus grande harmonie. Disque de présentation, au départ de plusieurs pistes possibles, mais terriblement cohérent par son intégrité, par son unicité.

 

 

Un groupe de filles qui fait la nique aux garçons. Même pas deux ans que le groupe s'est formé, et ils ( pas elles car avec Julio, le masculin l'emporte toujourrs sur le féminin ) ont déjà défriché un bon bout de terrain. Du feeling, du savoir-faire et de l'intelligence. Des concerts ovationnés, un premier disque réussi, qui crée une différence et assure une nouvelle étape, les Jallies nous ravissent.

 

 

Un groupe prometteur. A suivre. A ne pas lâcher, ni de l'oeil, ni de l'oreille.

 

 

Un collector dans les semaines qui suivront.

 

 

Damie Chad.

 

 

UNE HISTOIRE DU ROCK

 

 

POUR LES ADOS

 

 

EDDARD GARCIA & EVELYNE PIEILLER

 

 

( AU DIABLE VAUVERT / Avril 2013 )

 

 

Publié avec le concours de la Région Île de France. Quand on lit cela sur la quatrième de couverture, ça commence à craindre. Le rock n'a rien à gagner à s'institutionnaliser. Surtout qu'ils n'y vont pas de main morte, la couverture copie la pochette de Never Mind The Bollocks des Sex Pistols.

 

 

J'ai trouvé ce livre en librairie vendu au prix annoncé en librairie, 15 Euros. L'est aussi distribué gratuitement par l'Association Zebrock lors de ses diverses manifestations. Elle marche en cheville avec l'Education Nationale. Elle offre aux élèves ( collégiens ou lycéens ) quelques conférences gratuites sur l'histoire du rock et en fin de cycle elle les emmène voir un concert ( toujours gratuit ) agrémenté d'une rencontre avec les musicos au programme. Sur Provins, l'année dernière, les gamins ont eu droit aux Fatals Picards. Ils auraient tout de même pu leur proposer un groupe de rock'n'roll, et pas un ersatz simili.

 

a1389histrock.jpg

 

Edgard Garcia est le président de Zebrock qui existe depuis vingt ans. L'on sent la niche écologique de survie. Evelyne Pieiller collabore au Monde Diplomatique et à La Quinzaine Littéraire. Tout cela dans le giron d'une région dirigée par les socialistes au pouvoir... Façon rébellion rock, on fait mieux.

 

 

Le texte est de gauche. Politiquement correcte. Tellement qu'il en oublie de parler... du rock and roll. S'étend sur les conditions sociales, analyse les ruptures sociétales, nous dresse un bilan de l'évolution du monde depuis les soixante dernières années. Mais pour la musique elle-même, y a pas res. Quant aux artistes, quand ils ont écopé de quatre lignes, vous pouvez vous estimer heureux, ce sont des privilégiés.

 

 

Plus on avance in the book, plus les repères deviennent flous. Les trois premières décennies sont les mieux traitées. L'Histoire a déjà établi un premier classement et clarifié quelque peu les principales avenues. Les trente dernières années se contentent de nommer l'apparente écume des choses. L'on commente les goûts du public, l'on suit les modes successives, l'on se perd dans la pop la plus édulcorée.

 

 

Comme l'on est en France, tous les chapitres se terminent systématiquement en queue effilochée de comète ( pas celle d'Haley ) : Pendant ce temps-là en France... pas de quoi pavoiser. Le genre de truc qui vous donne envie de vous expatrier.

 

a1390logovauvert.jpg

 

M'étonnerait que la simple lecture de ce bouquin incite les ados à se précipiter sur internet pour visionner des vidéos et se livrer à quelques recherches personnelles. Le rock hâtivement étiqueté leur apparaîtra comme une musique morte, à laisser reposer en paix sur les étagères du musée des has been. Ce n'est pas que c'est nul, c'est que c'est ennuyant. A en mourir. Avant d'avoir atteint sa majorité.

 

 

Le médiocre est l'ennemi du mal.

 

 

Damie Chad.

 

 

JOHNNY HALLYDAY A VINGT ANS

 

 

L'IDOLE DES JEUNES

 

 

CORINNE FRANCOIS-DENEVE

 

 

( Au Diable Vauvert / Avril 2013 )

 

 

 

Gustave Flaubert, Marcel Proust, Jean Genet, Jean-Jacques Rousseau, Albert Camus, que du lourd. Voici une collection sérieuse. Oui, mais il ne faut pas exagérer, ce n'est pas avec de telles vieilles barbes ( des plus respectables ) que l'on inoculera le goût de lire à toute une jeunesse rétive... L'on commence par les caresser dans le sens du poil nos petits jeunes, pas de textes originaux de référence d'un abord trop difficile, mais des bios, oui mais l'on coupe bien avant la fin, l'on n'ira guère plus loin que l'entrée dans l'âge adulte. Symboliquement le curseur sera mis sur vingt ans ( Ah ! ne me dites pas que c'est le plus bel âge de la vie ! ). Ensuite l'on cherchera des titres gros porteurs, Marilyn Monroe, plus belle fille qu'elle tu meurs, mais comme il faut travailler le lectorat au corps et au coeur l'on jettera son dévolu sur Johnny Hallyday. Très peuple, ça !

 

a1391book20ans.jpg

 

Comme rédactrice l'on optera pour une prof de fac – Versailles, on reste tout de même dans les beaux quartiers – une polygraphe touche à tout, l'a même ouvert un facebook pour annoncer la parution de son livre, mais chassez le naturel, il revient au galop, depuis elle ne parle plus que des dernières pièces de théâtre qu'elle a vues, culcultureuse jusqu'au bout du clavier. Etrange de voir toute cette intelligentsia nomemclaturée se regrouper autour du personnage de Johnny. Faire feu de tout bois, occuper toutes les places, être partout où il y a de l'argent à ramasser, nos élites ne reculent devant rien, prêtes à se prostituer avec l'ennemi pour paraître dans le vent, à la pointe du progrès médiatique. C'est Johnny qui doit bien rigoler. Passez muscade, cela m'enchante.

 

a1392pub.jpg

 

 

L'a fait son travail avec l'honnêteté de l'universitaire qui compile, sans toujours les citer toutes, ses sources. Le rock ce n'est pas son fort à la petite dame. Pour le début, elle est parfaite. Tout ce qui est affaire de famille, elle s'y donne à fond, le père et la mère indignes – elle s'abstient de toute charge morale - Mme Mar, Desta, Lee Hallyday, elle démêle et expose la tragédie familiale avec clarté, ensuite elle raconte tout ce que le monde sait. Elle suit la carrière en mouvement de l'artiste en jeune hound dog mais elle oublie – décidément ce doit être un topique du Diable Vauvert voir l'article ci-dessus – le rock'n'roll. Johnny aurait pu être l'introducteur hexagonnal de la rumba japonaise dans l'hexagone que l'écriture du livre n'en serait pas changée.

 

a1394tendresannées.jpg

 

Le livre se termine sur le suicide de Johnny le dix septembre 1966. Faut bien mourir un peu si l'on veut survivre à sa jeunesse. A cette époque-là, Johnny n'intéressait pas les gens du même statut intellectuel que Corinne François-Denève, les dérangeait, les bousculait – ils sentaient bien qu'à terme il remettait en cause l'aura ( Laura ! Il y a tant de... ) prestigieuse de leur éminente position sociale - mais l'était considéré comme moins que rien. C'est par la suite qu'il s'est imposé. Les a eus à l'usure. Alors pour rattraper les cinquante années de rabe qu'est censé ne pas couvrir le livre, l'on a droit à une rapide chronologie qui s'achève en 2013. Pour la discographie, on n'a jamais dû lui apprendre à l'Ecole Normale Supérieure, comment l'on faisait chez les rockers, car elle nous livre l'ombre syphilitique d'un squelette rachitique.

 

a1395jeune.jpg

 

Et tout ça, Au Diable Vauvert. L'appellation est nervalienne en diable, mais l'on est si loin de l'esprit de Gérard. Laissons-là nos chimères.

 

 

Rock and roll Récupération.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

Les commentaires sont fermés.