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14/03/2013

KR'TNT ! ¤ 135. ROLLING STONES / TONY SANCHEZ

 

KR'TNT ! ¤ 135

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

14 / 03 / 2013

 

 

 

ROLLING STONES / TONY SANCHEZ / ROBERT GREENFIELD

 

 

SAGA STONES

 

 

J'ETAIS LE DEALER DES

 

ROLLING STONES

 

 

TONY SANCHEZ

 

Traduction de BENJAMIN MALLAIS

 

 

( EDITIONS LE MOT ET LE RESTE / Septembre 2012 )

 

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N'ont pas hésité sur le titre chez Le Mot et le Reste – me demande ce que Benjamin Mallais spécialiste de la poésie irlandaise a dû en penser – mais traduire Up and Down with the Rolling Stones par J'étais le Dealer des Rolling Stones, c'est ce que l'on appelle un saut qualicatif ! Loi du commerce numéro 1 : toujours éveiller la curiosité malsaine du futur consommateur.

 

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Tony Sanchez fils d'un riche propriétaire de restaurant a eu de la chance. Faisait partie de cette jeunesse dorée – pas des plus riches, mais rien à voir avec la piétaille de base – qui a formé les premiers bataillons du Swinging London au début des années soixante. Fréquentait les clubs et les boîtes huppés de cette micro-société gentry-rock qui mêlait vedettes es rock'n'roll et blousons dorés. Ce qui lui a permis de côtoyer de fort près les Rolling Stones.

 

 

L'a écrit son bouquin de souvenirs dès qu'il a commencé en 1979 à mettre les bouts se tirer de l'oeil de l'ouragan. Le livre est paru en 1980 et est vite devenu un classique de la littérature stonienne. Il aura fallu plus de trente ans pour qu'il soit accessible de par chez nous au public non-anglophone. C'est dommage car il forme un contre-point parfait au Life de Keith Richards ( voir KR'TNT N° 43 du 09 / 03 / 11 ) et il est instructif et amusant de confronter les points de vue.

 

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SPANISH TONY

 

 

Faut pas non plus nous prendre pour des gobe-mouches. Faut en avaler et en recracher. Généralement dans ce genre de littérature l'on se dépeint sous son meilleur jour. Ce qui n'interdit pas de noircir les copains. Si l'on conte les règles des copines on leur règle aussi leurs comptes. Le lecteur se doit de marcher sur les oeufs de la prudence, mais qu'il n'oublie pas non plus d'en casser quelques uns et de se goinfrer d'omelettes baveuses.

 

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Contrairement à ce qu'affirme le titre français – peut pas rouspéter, a cassé sa pipe en l'an 2000, Tony Sanchez nous avertit toutes les cinq ou six pages qu'il n'est pas un dealer. Leur procure simplement en toute amitié de la dope lorsqu'ils en ont besoin. Sachez faire la différence ! Se rancarde chez ses petits fournisseurs pour dépanner les copains. Pour un peu on lui décernerait le prix de la première nounou anglaise. Le mériterait car il se décarcasse : les Stones sont en manque tous les jours. Un travail astreignant. A plein temps. Tellement prenant que Keith finira par l'embaucher pour 150 livres par mois. Mais commençons par le commencement.

 

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LE PREMIER CERCLE

 

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Parviendra au centre décisionnel de la machine Stones en s'agrippant au premier de ses membres qui est en train de prendre la tangente et la sortie de secours. Celle qui débouche sur les grilles du cimetière. Brian Jones. Mais tout d'abord une petite précision qui a son importance. Pour Tony Sanchez la figure géométrique des Stones ce n'est pas le pentacle luciférien formé par cinq musiciens soudés comme les doigts de la main mais le triangle des Bermudes en perdition infinie Jagger-Keith-Jones. Les deux autres ne comptent pas. Faisons tout de suite une croix sur Ian Stewart qui a accepté d'oeuvrer dans l'ombre dès les premiers mois, et Mick Taylor qui ne fut qu'un passager. Ni clandestin, ni invité de marque.

 

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Jones-Keith-Jagger. N'importe comment que vous le donnerez, le tiercé sera toujours dans le désordre. Spanish Sanchez a tout compris des Stones. N'est pas un musicologue averti. Ne décortique pas les morceaux un par un. Cite à peine quelque fois Charlie Watts. Aucun intérêt le Charlie. Le beat oui, la bite non. Reste stupidement fidèle à sa femme. Bill Wymann n'apparaît que dans les toutes dernières pages. Durant des années s'est contenté de sauter sur toutes les donzelles qui passaient à sa portée. Et il en a gravité un max autour des Rolling. Mais faisaient ses petites affaires sans drame ni comédie. Tu veux, tu veux pas, dépêche-toi il y en a toute une file qui attendent dans l'escalier. Un stakhanoviste du sexe. Pas dans la même catégorie que les étalons fous fougueux que sont Jagger et Jones. Ce n'est que lorsque Wyman a scandalisé la presse people sur ses vieux jours en tombant amoureux d'une sweet little sixteen baby doll que Sanchez daigne lui accorder cinq pages d'affilée.

 

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C'est Brian qui forme les Stones. Pour jouer du blues. De la musique de nègres. Que même les noirs commencent à délaisser aux USA. Fallait oser dans la prude Albion. Convertit même Jagger et Richard qui seraient plutôt tendance Chuck Berry. Mais les deux acolytes pigent vite que ce qui met Jones à part, un grand cran au-dessus d'eux, ce n'est ni sa connaissance encyclopédique du blues, ni sa virtuosité instrumentale. Non, ce n'est pas la musique qui fait toute la différence. C'est sa manière d'être. L'arrogance..

 

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Imbuvable le Jones. Ne croit qu'en lui. Vous écrase de sa supériorité. Vous fait tout de suite comprendre que lui il est Lui, et vous une inoffensive crotte de chien abandonnée au coin de la rue. Une belle merde si vous préférez adopter une positive attitude. La leçon, va pas falloir la leur répéter souvent à nos deux cadors. Vont vite l'adopter. D'abord parce que à l'évidence ça n'a pas l'air de déplaire aux jolies femmes que Brian cueille et accueille à sa guise dans sa couche, et ensuite parce que Jagger y retrouve très vite des relents familiaux de cette morgue petite-bourgeoise toujours prête à péter plus haut que son cul, et Keith cette fierté prolétarienne originelle qui n'entend se laisser marcher sur les pieds par quiconque.

 

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Se définissent comme un orchestre de rhythm'n'blues mais ils ont déjà cette prétention rock'n'roll, ôte-toi de là que je m'y mette en laquelle toute la jeunesse de Londres se retrouvera. Piétineront longtemps sur place sans que personne ne les remarque mais dès que la machine sera lancée ce sera une marche en avant exponentielle. En quelques mois leurs premiers disques trouvent preneurs dans toute l'Europe. Le turbo s'emballe et rien ne pourra l'arrêter. Lorsque la mayonnaise a commencé à monter pour Elvis, le rejeton de Tupelo s'est réfugié dans les bras de Parker. Ce n'était pas la trompette du septième de cavalerie qui venait le sauver, juste un colonel qui limita les dégâts. Pour un premier temps.

 

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La grande force de Presley ce fut d'être seul. Les Stones étaient trois. Ils ne s'entredéchirèrent pas, ce qui aurait peut-être été mieux, mais ils mirent en place un processus d'auto-destruction et d'élimination-lente qui devint le principal moteur de leur marche en avant. En apparence ça ronronnait. A l'intérieur l'incendie couvait. Trop vite pour que l'on puisse se tenir les coudes. L'angoisse du top niveau s'insinua en eux. La corde raide du succès ne casserait-elle pas un jour. Au prochain enregistrement ? Au concert suivant ? Qui s'en sortirait ? Dans le noyau central, l'on assista à d'étranges manoeuvres. Keith se rapprocha de Jones. Musiciens contre chanteur, trop envahissant, trop devant. Puis Mick de Keith. Le chanteur avec le guitariste, les deux figures de proue du rock'n'roll.

 

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Mais ces glissements de plaques tectoniques ne recouvraient pas que des enjeux musicaux. Le cheval de Troie était au coeur de la citadelle. La jument des Trois menait la danse. La belle Anita Pallenberg glissa du lit de Brian à celui de Keith. Jagger s'en moquait un peu. Possédait sa propre pouliche Marianne Faithfulll. Ce n'est que plus tard, après la disparition de Brian qu'il ira jouer l'étalon auprès d'Anita... Certains y voient le début de la dérive des continents Jagger-Richards aujourd'hui séparés de mille lieues.

 

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Celui qui craqua le premier fut celui qui semblait le plus fort. Ejecté des Stones, Brian Jones ne survécut pas longtemps à cette mise en rancart. L'avait remplacé la blonde Anita par la dope... C'est en ses deux dernières années que Tony Sanchez devint son pourvoyeur occasionnel, sinon attitré du moins amical, et qu'il s'inséra au coeur de l'édifice des pierres précieuses. Qui sont les plus dures.

 

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STONES KAOS

 

 

Avec les Stones souffle un vent de liberté et de colère. Mais le vieux monde n'a aucune envie de mourir. Non seulement il résiste, mais il contre-attaque. Avec leurs cheveux crasseux et leurs accoutrements voyants les Rolling Stones deviennent les cibles symboliques de l'establishment médiatique et politique qui s'inquiète de sa jeunesse qui semble humer avec une délectation de plus en plus exaltée ce fumet de révolte qui monte... En haut lieu l'on ne supporte plus ces ferments d'anarchie que propagent l'exemple désastreux de leurs frasques sexuelles et de cette addiction de plus en plus affirmée à toutes sortes de produits illicites. Sex, drugs and rock'n'roll, il est temps de mettre un coup d'arrêt à cette dégoûtante trilogie.

 

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A la suite de perquisitions savamment guidées, Jagger et Richards se retrouvent en prison et en procès. Mais il est trop tard, devant le tollé de toute une partie de la population et de certains journaux courageux, les autorités se verront obligées de les relâcher au bout de deux jours et de prononcer des peines au final peu sévères. Les Stones ont eu chaud. La police continuera à les surveiller, surtout Brian Jones. Elle a compris qu'il est le maillon faible. Plus débrouillards Jagger et Richards sauront développer des stratégies d'évitement.

 

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Jagger en profitera pour se livrer à des interviewes retentissantes dans lesquelles il prend fait et cause pour la révolution montante... Tony Sanchez n'est pas dupe, il commence à cerner les personnages. Brian sensible et fragile, Jagger adaptable et rétractile plus caméléon que jaguar. Keith, son préféré, je-m'en-foutiste et jusqu'au boutiste. Des monstres d'égoïsme. Sanchez ne juge pas. Comprend que la donne n'est pas facile. Le succès entraîne une fatigue physique et un déséquilibre psychique que la cocaïne aide à juguler. Elle renforce aussi la défiance envers une multitude de proches et d'acolytes plus ou moins occasionnels intéressés par toute cette colossale fortune dont la possession vous isole du commun des mortels. La paranoïa démultipliée par l' absorption de dope vous guette, vous n'êtes plus en phase avec votre entourage. Vous utilisez les gens qui vous entourent pour éviter d'être manipulés par eux. Vous vous retrouvez doté d'un véritable pouvoir qui vous isole de tous les autres. Votre philosophie de la vie s'abreuve désormais dans les eaux glacées d'un cynisme débridé au rire amer...

 

 

MAELSTRONES

 

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Brian décédé, Keith s'enferme dans la drogue. Sanchez le suit. De la cocaïne à l'héroïne le chemin est plus court que l'on ne le croit. Seul Jagger a encore la force de virevolter. Goûte aux drogues mais ne s'y adonne point. A trouvé un autre centre d'intérêt. Se charge des papiers et des comptes. L'ancien étudiant en sciences économiques recycle ses études. Rien ne se perd, tout s'économise. Les Stones deviennent leurs propres maîtres. Mais les mauvaises habitudes sont prises. Ont trop goûté à l'argent pour s'en passer. Le rock'n'roll n'est plus la priorité. L'on pense avant tout à remplir les stades et les poches. La machine devient une entreprise.

 

 

Richards suit le mouvement. Depuis longtemps il a pris avec Mick l'habitude de verrouiller les royalties. Nos deux compères s'adjugent la composition des morceaux afin que rien ne leur échappe. La saga Stones continue même si au niveau de la qualité l'on ressent une baisse de qualité évidente après Exile on Main Street. Jagger est un homme d'affaires, il fréquente la jet-set et commence à devenir un personnage institutionnel. Ne moufte plus un mot sur ses anciennes déclarations incendiaires des années 68, elles ne cadrent plus avec son rôle de PDG de la multinationale Rolling Stones..

 

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Mais Tony Sanchez ne discute point musique. Ne quitte pas le premier cercle, Keith, Anita, Mick, Marianne – pour qu'il éprouva un tendre sentiment copulateur -Bianca, Jerry Hall. Se retrouve sur tous les mauvais coups et les bons. Lire Up and down with the Rolling Stones, c'est être avec eux partout, confortablement assis dans les premières loges du voyeurisme et mêlé à tous les complots douteux dans le noir protecteur des coulisses. L'on n'en perd pas une miette. Dans l'intimité d'un groupe de rock. Peut-être pas le plus grand, mais le plus mythique. Et à la bonne époque de 1966 à 1979, de Their Satanic Majesties Request à la Stones Touring Party de 1972 qui fut leur apogée. On ne crache pas sur le reste, à se vautrer dans le stupre autant ne pas faire le difficile, mais ce ne sont plus les Stones que nous aimons, les méchants garçons, les sulfureux, ceux qui sont encore en osmose avec le public. Pour les premières années d'une manière très intelligente, Tony Sanchez se charge des raccords au hasard d'une bio ou d'un incident.

 

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Le plus terrible c'est que Keith Richards interrogé sur la véracité des propos de Sanchez s'y est pris à deux fois mais a fini par admettre que grosso-modo, il n'y avait pas de parti-pris mensonger dans le bouquin. Dans Life, Tony n'est plus qu'un comparse occasionnel, mais il est intéressant de comparer comment les deux hommes racontent l'épisode de Nellcôte où nos deux héros se confrontent à des marins pas du tout marrants. Une vilaine affaire qui aurait pu très mal tourner et dans son déroulement et dans ses suites judiciaires. Ne rapportent pas tout à fait les mêmes éléments mais chacun d'eux s'arrange pour que les défauts de la personnalité de l'autre ne fassent que brusquer les évènements tout en soulignant la nécessaire et heureuse connivence du duo de choc. Faut dire que l'ensemble sonne juste et correspond aux infos officielles, aux rumeurs et aux bruits ( de chiottes ) qui couraient à l'époque de l'épopée.

 

 

De toutes les manières quand les Rolling roulent, on aime bien se faire mousser aux alentours.

 

 

Damie Chad

 

 

 

S. T. P.

 

A TRAVERS L'AMERIQUE AVEC

 

LES ROLLING STONES

 

 

ROBERT GREENFIELD

 

 

( Traduction de Philippe Paringaux ) / 1977

 

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En reposant le précédent bouquin me suis rappelé que j'en avais un second dans ma bibliothèque du même éditeur, Le Mot et le Reste. Ai lu la quatrième de couverture. J'en ai appris de belle : une rumeur circulerait selon laquelle la première édition parue chez Speed 17 serait interdite par certains membres des Stones eux-mêmes. Dire que j'avais chez moi un objet-culte quasi-clandestin ! L'ai tout de suite retiré de sa caisse pour le relire. A l'époque en 77, j'avais été déçu. M'attendais-je à mieux ? Non à pire.

 

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Cinq ans que l'on parlait de cette fabuleuse tournée aux States ! Se colportaient les informations les plus délirantes. Pas sur les concerts. L'on partait du principe que le plus mauvais concert des Stones était supérieur aux meilleurs concerts de tous les autres groupes de la planète. Ce n'était pas la vérité. Un dogme. Non ce qui filtrait c'étaient les parties fines, les orgies secrètes et rutilantes qui avaient suivi les prestations. N'importe quel crétin était capable de se payer une place pour voir les Stones, mais se promener backstage et assister aux fins de soirée, ce n'était pas à la portée du premier quidam venu.

 

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Inutile de me traiter d'infâme voyeur, d'abord parce que je le revendique, deuxièmement parce que Robert Greenfield a bien été choisi par les Stones pour raconter l'envers du décor. Soyez sûr qu'on lui a laissé l'entière liberté, avec un cahier de charges très pointilleux. Ne vous file même pas une set-list précise pour un seul des cinquante shows. Se contente de quelques lignes plus que rapides du genre, très bon concert bourré d'énergie avec un Jagger en pleine forme. Par contre quinze pages sur la nuit d'hôtel qui suit.

 

 

Opération mains propres. Les draps de lits sont un peu moins clean mais les Stones sont en 1972 à la croisée des chemins. Ou ça passe, ou ça casse. En 1972, on ne s'en est pas aperçu, mais à lire le bouquin aujourd'hui c'est évident. Ca me permet même de comprendre pourquoi en ces temps anciens je n'avais pas accroché. Faut le dire, on s'est tous fait manipuler par Jagger. En grande forme le Mick, Greenfield n'en a que pour lui. Richards prend un peu d'importance vers la fin, mais comme caution ombreuse de Mick. On sent qu'il est d'accord sur tout avec le jag. Son silence est un atout tacite qui permet à Jagger de triompher d'une manière des plus retentissantes dès qu'il abat la carte Richards, l'as qui pique mortellement, qu'il sort de sa manche quand on croit qu'il est aux abois.

 

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C'est que la tournée est un sacré enjeu. Trois ans que les Stones n'ont pas visité les USA, pas qu'ils n'en aient pas eu envie. Mais difficile de revenir la bouche en coeur après Atlamont. Sacré point d'orgue de la précédente tournée. Moi, ça ne m'avait pas choqué Atlamont. Les Hells qui faisaient régner la terreur à coups de billes de billards et un malheureux mort en fin de partie, je trouvais cela très Stone. Très rock. Mais à part les fans surexcités devait pas y avoir grand monde de mon avis. Les Stones en premier. En ont interrompu le concert et se sont enfuis en hélicoptère. J'avoue qu'ils m'ont déçu.

 

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Se sont honteusement repliés en Angleterre, puis en France. Exile au calme. Sea, sex and sun. Jagger a dû méchamment méditer. Suivre la pente Atlamont, c'était devenir un groupe maudit. Cinq cents allumés à chaque concert. Une légende noire jusqu'au bout du rock'n'roll. Mais le band n'était pas prêt à tout sacrifier au rock'n'roll. Vont décider de laisser à jamais les chemins de traverse. Suivront les autoroutes balisées. Le S.T.P. sera un quitte ou double. Ou les Stones sont capables de gérer leur propre bordel, ou ils se laissent déborder et ne font que de générer le chaos partout où ils passent.

 

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A la clef, un pacson de fric. Plus de 250 000 dollars pour chacun des membres du groupe, pour deux mois de travail. S.T.P. ce n'est pas encore le gigantisme des futures tournées, l'on tourne dans des stades mais surtout dans de vastes salles. Petit gabarit, en quelque sorte. Jagger fêtera ses trente ans sur le circuit. N'est plus de première jeunesse. S'il veut continuer encore longtemps dans le métier, faut songer à se ménager. S. T. P. mise sur deux tableaux, le plaisir, le sexe, la drogue - chaque kid doit se sentir en osmose idéologique proposé par le combo - mais aussi le professionnalisme, la maîtrise, le savoir-faire.

 

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Et les Stones gagneront les deux courses. Les kids sont au rendez-vous et chacun se reconnaît dans le nombrilisme nonchalant de l'attitude stonienne. Les autorités les aident beaucoup. Les flics matraquent les fans transis qui n'ont pas de billets, interviennent parfois violemment au milieu de la prestation, ressentent les artistes et les spectateurs comme de dangereux dépravés qui seraient mieux à leur place dans un asile psychiatrique... comble du comble, Jagger et Richards se retrouvent en prison pour une légère bousculade avec un photographe, seront vite libérés car les quinze mille spectateurs qui les attendent ne goûtent pas la plaisanterie et l'ambiance houleuse risque de dégénérer en émeute...

 

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Mais les Stones ont bétonné dur. Le staff qui les accompagne est formé de professionnels qui connaissent leur boulot. Nous ne citerons que Marshall Chess l'héritier de la maison Chess, épicentre du blues électrique chicagoan qui fut un des rouages essentiels. Une organisation qui roule sur des roulettes. Sauront récupérer toutes les situations critiques. L'apparence d'un foutoir désopilant mais une discipline de fer. Le paradis de l'orgasme et l'enfer d'une mécanique bien huilée.

 

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La tournée elle-même est très bien analysée. Les appréhensions et l'inquiétude du départ. La fièvre et l'excitation qui montent dès les premières dates, la fatigue et l'ennui au bout d'un mois, les concerts qui se répètent, les nuits folles et blanches qui se ressemblent tellement qu'elles en deviennent grises, la lassitude qui envahit les esprits et le soulagement final, le dernier effort lorsque l'on parvient enfin dans la Grosse Pomme.

 

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Robert Greenfield ne dédaigne aucune turpitude, vous renseigne sur les drogues en circulation et vous dévoile les groupies sans culotte. Les habitudes des uns, les vicelardises des autres. Le cirque et le barnum. Mais attention tout cela ne serait rien si la presse n'avait pas relayé l'annonce de la tournée. En amont, avant qu'elle ne commence. Les plus grands magazines distribués à centaines de milliers et à millions d'exemplaires ont tous consacré leur une aux Rolling Stones. Robert Greenfieid est lui-même un des deux rédacteurs-chefs du Rolling Stone magazine.

 

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Mais l'on a fait mieux. L'on a invité le tout New York. Les intellos et la couche parasitaire de ceux que bientôt l'on appellera la jet-set. C'est la dernière scène du bouquin, la partie finale, les Stones fêtent leur réussite au milieu de gens qui n'ont rien à faire d'eux et encore moins de leur musique. Très symboliquement Truman Capote n'écrira jamais l'article qu'il devait faire sur la tournée. Ne pige rien au phénomène. Selon lui dans trois ans personne ne se souviendra des Stones. Comme il ne perd pas le nord ni ses émoluments, il donnera dix-sept pages d'interview pour expliquer pourquoi les Rolling Stones ne représentent rien. Personne n'écoute Muddy Waters chargé de la musique d'ambiance. Seul Charlie Watts remerciera Count Basie de sa prestation... Les Stones ont choisi. Les Stones ont trahi. Les fans sont dehors. Attendent qu'ils sortent pour essayer de les voir.

 

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Jagger a gagné son pari. Le sang d'Atlamont est définitivement oublié. Un incident malheureux. Vous savez, ces années soixante étaient tout de même porteuses de violence. Heureusement tout cela commence à faire vieux jeu et démodé. Entre le rock-biz et le rock'n'roll les Stones ont choisi. Jagger est capable d'endosser tous les costumes. Homme d'affaires et homme-orchestre. Est-ce un reniement ou une mutation obligée ? Ne peut-on se survivre qu'en oubliant ce que l'on a été ? Ce qui est sûr c'est que Robert Greenfield lui reconnaît un immense talent. En tous les domaines. Qui dirait le contraire ?

 

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La longévité des Stones est à l'image du demi-siècle de leur carrière. Des sixties prometteuses, gonflées d'orage et de colère, des seventies gorgées d'utopies en voie de disparition – mais sur le moment nul ne s'en rend compte – et une lente dégringolade, dès les mollassonnes et désabusées eighties, sur les lits en porte-feuilles d'actions cotées en bourse.

 

Damie Chad.

 

 

 

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