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16/09/2010

KR'TNT ! ¤ 06.

 

KR'TNT ! ¤ 06

ROCK'N'ROLL CLANDDESTZINE FLYER / N° 6 / 10 / 11 / 2009

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

VIOLENT DAYS

 

Les OVNIS existent, j'en ai rencontré un ! Et pas besoin d'aller bien loin pour l'admirer à votre tour. Il suffit de vous rendre au cinéma de votre quartier. Enfin là j'exagère, vous ne croyez tout de même pas que l'on va tirer sept cents copies d'un film qui traite du rockabilly en France ! Z'avons dû faire 70 km en voiture pour dégoter une salle classée Art & Essai qui daignât le passer ! Et nous sommes en région parisienne, ayons une pensée émue pour les provinciaux.

Remarquons que le film lui-même a zigzagué durant quatre années dans tous les festivals européens avant de se voir concéder un mirifique jack-pot : l' à peine croyable opportunité d'être présenté au grand public, dans une unique salle parisienne en première semaine. L'insupportable prise de risque de l'industrie libérale de la distribution cinématographique française nous donne des sueurs froides !

Mais arrêtons nos jérémiades, Lucile Chaufour cartonne dès la première image. L'on s'attendait à une débauche de couleur, un arc-en-ciel entre kitch blue suede shoes et sweet pink thunderbird, du cacatoès rockab pure gouache, ben non, ce sera du blanc et noir. Inutile de ressortir le cuir noir de Gene Vincent et la tenue blanche dans It's trad dad, il ne s'agit pas du blanc et noir tranché au rasoir de la classique dramaturgie rock'n'rollienne, mais d'un yin and yang, d'une délicatesse japonisante, dont le noir serait pratiquement absent. Nous sommes dans une surexposition blanche, si candidement pâle que nous sommes emportés en en une chatoyance de gris multicolores. Et le tout se confond avec la bande-son, des plus terribles, mais qui se joue des morceaux, plutôt qu'elle ne les assène, en un camaïeu musical filé d'interviews et de répliques d'acteurs. D'entrée de jeu nous offrirons à Lucile Chaufour le teddy bear de l'année 2009 pour l'esthétique de la pellicule et un second pour les arrangements sonores.

 

C'est bien beau tout cela se lamenteront les esprits utilitaristes, mais le sujet du film, c'est quoi au juste ? Rien, il n'y en a pas. Rien que du quotidien rockab. Si bien ordinaire – trois potes rockab qui s'en vont voir un concert au Havre, un samedi soir - que ce ne serait même pas la peine d'en parler. Mais c'est à croire que Lucile Chaufour se fout de son film, et qu'elle préfère justement en causer. Elle possède quand même, ce n'est pas parce que c'est un film à petit budget qu'elle a dû renoncer à leur présence, trois ou quatre acteurs et une Marylin de Prisunic qui vont parallèlement mettre en scène une version dramaturgique de ce que racontent les vrais rockabs boys et rockab girls du film. C'est que voyez-vous, un bon film c'est toujours une fictive représentation d'une authenticité réelle.

 

Mais qui sont-ils nos rockabs interviewés ? Des clones naphtalinisés tirés de la penderie des époques révolues, ou les derniers rebelles intraitables qui refusent de se soumettre au grand bulldozer de l'inégalité sociale ? La tête tatouée du renard poignardé avec la mention Vaincu mais pas Soumis ?

 

Le spectateur y répondra selon son degré d'accointance personnelle envers son intime expérience du rock'n'roll, Lucile Chaufour ne tergiverse pas, les rockabs sont de pauvres gars. En le sens prolétarien du mot pauvre, d'ailleurs nous les zieutons en famille avec les petits Elvis et les petites Priscillia sur les genoux. Pour qu'il n'y ait pas d'embrouille, elle nous les montre au chagrin, chargés des sales boulots, les plus durs, les plus répétitifs, les moins bien payés.

 

Fatalité sociale ! Heureusement qu'avant, il y a eu le rêve. La jeunesse, les bandes, les filles, les bagarres, le mythique et fastueux passé des célèbres blousons noirs ! Mais tout cela est loin. Il a fallu se ranger des voitures ! Malheur aux solitaires qui n'ont pas abdiqué ! Les flamboyants ont disparu. Seuls ont survécu ceux qui se sont maqués avec une gonzesse ou au pire qui ont su gardé un fragile réseau d'amis et de copains.

 

Un peuple d'ombres et de survivants, avec ses blessures et ses traumatismes mais qui a su préserver ses rites, ses dieux ( du rock ) et ses obsessions. Le rêve a tourné au cauchemar mais ce n'est pas pour cela que l'on ne revivra pas l'équipée sauvage. Même si l'on n'a qu'une R 18 pourrave à chevaucher l'on trouvera toujours, pour une obscure histoire de vol de blouson ( noir ), un jeune des cités à cogner et à envoyer à l'hôpital, violent days ! et si votre greluche s'ennuie avec vous qu'elle aille au diable !

 

A certains de tirer la morale du film, les rockabs sont des beaufs pathétiques, des passéistes masochistes qui feraient mieux de s'en prendre à leurs patrons que de casser la gueule à l'arabe du coin en agitant le drapeau de la confédération sudiste.

 

Pour nous, nous suggérerons une autre piste. Outre qu'il n'y a pas que les rockabs qui auraient intérêt à s'approprier les moyens de production de leur lieu de travail, Violent days nous semble, plus qu'un film sur les rockabs, le révélateur d'une terrible solitude humaine. Les regards qui se croisent mais qui ne s'accrochent pas, les vies étriquées et abîmées, les silences répétitifs, les blagues stupides, les bières enfilées les unes à la suite des autres comme pour occulter le fait qu'il n'y a strictement rien à dire, rien, non rien ne pourra jamais y remédier. Même la superbe ambiance propulsée par la belle prestation des Flying Saucers, n'empêchera pas, dès la dernière note éteinte, tout un chacun de retomber dans sa pitoyable insignifiance métaphysique.

Résumons-nous : à partir d'un sujet sur le milieu rockabilly français, Lucile Chaufour a tourné un très beau film. Qui tranche sur le reste de la production nationale et qui rive son clou à plusieurs gros budgets américains sur des sujets similaires. Mais qu'elle n'oublie pas qu'une simple vieille vidéo de Gene Vincent sur You Tube nous en donne beaucoup plus sur ce que nous appellerons la part maudite et mythique du rock'n'roll.

 

DAM CHAD.

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