19/06/2019
KR'TNT ! 424 : CEDRIC BURNSIDE / LYDIA LUNCH / ANNIVERSAIRE TONTON ALBERT / RÂOULEX KING TRIO / THE JONES / TONY MARLOW TRIO / ALICIA FIORUCCI / LILIX & DIDI / PRINCE ALBERT / ROCKAMBOLESQUES
KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME
LIVRAISON 424
A ROCKLIT PRODUCTION
20 / 06 / 2019
CEDRIC BURNSIDE / LYDIA LUNCH ANNIVERSAIRE DE TONTON ALBERT RÂOULEX KING TRIO THE JONES / TONY MARLOW TRIO / ALICIA FIORUCCI LILIX & DIDI / PRINCE ALBERT ROCKAMBOLESQUES : DOSSIER A |
TEXTES + PHOTOS SUR : http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/
Cedric a la trique - Part One
Pour faire honneur à son grand-père Rural Burnside, Cedric Brunside a repris le flambeau du North Mississippi Hill Country Blues. Tu veux de l’hypno, mon gars ? Tiens voilà de l’hypno ! - Le North Mississippi Hill Country Blues est de la dance music : lourde, dure, parfois plaisante et elle n’a rien à voir avec les autres styles de blues. Des gens essayent de le jouer, mais Cedric, Garry et Trenton sont nés avec - Voilà ce que dit Amos Harvey dans une courte présentation de l’album Descendants Of Hill Country paru en 2015. «Born With It» qui ouvre le bal enfonce le clou. Pure hypno, même pas le temps de prendre la température. Tu es tout de suite dans le groove infernal des vieux magiciens des collines. C’est effarant d’hypnotisme. On reste dans la fournaise avec «Hard Times». Le petit-fils de Rural sait rallumer les vieux brasiers. Voilà un cut à la fois violent et bon. Noyé de son. Décidé et jeté en avant. Ils passent au r’n’b de violence congénitale avec «Don’t You Shoot The Dice». On sent chez eux un penchant pour une nette évolution. C’est d’ailleurs ce qui fait la force et l’intérêt des gens de la nouvelle génération du blues, ils se diversifient et tapent dans tous les registres pour enrichir le son. Cedric Burnside en est le parfait exemple, de même que Gary Clark Jr. Sur ce disque, Cedric joue de la batterie (il accompagnait Rural, son oncle Garry jouait de la basse) et Trenton Ayers joue de la guitare (Trenton est le fils de Joe Ayers qui fut le bassman original de Rural - Tout ceci n’est qu’une histoire de famille). Trenton joue «You Just Wait And See» au blues d’arpèges plus aventureux. Ce mec est très fort, il est capable de créer des mondes. Il sort des clichés et monte son cirque à la sortie du village. Avec «Tell Me What I’m Gonna Do», ils tapent dans le heavy blues. Ça devient un disque énorme. Il faut donc l’écouter avec précaution. Ils jouent ça au heavy riff définitif. Comme Big Albert, Cedric et Trenton connaissent tous les secrets de la heavyness. Encore une énormité avec «That Changes Everything», un heavy blues terrible et déterminé. Ils cassent vraiment la baraque. Trenton démonte la gueule du rock à coups de solo liquide. C’est énorme et sans retour possible. Ils continuent d’exploser le blues du delta avec «Down In The Delta». Ils jouent ça à l’énergie transcendante. Cedric et Trenton y barbotent comme des canards dans la grand mare. Ils frisent la démesure.
On retrouve cette fraîcheur de ton incomparable sur le premier album du Cedric Burnside Project, The Way I Am. Pour la pochette, Cedric joue de la guitare assis et adossé à la pierre tombale de son grand-père. Magnifique entrée en matière avec «Holly Springs» qui sonne comme un classique de Rural Burnside. Doin’ it till death, voilà le mojo de Cedric. Il gratte à l’Africaine, il se fout des règles, il retrouve la veine sauvage, celle de la savane où on gratte ce qu’on veut, quand on veut, on est libre, sauf bien sûr si on tombe dans les pattes des Arabes esclavagistes, mais bon, dans le monde magique du blues de la savane, on est généralement libre. On tombe sur d’étonnants morceaux comme «Quicksand» orchestré au beat lourd et aux nappes d’orgue. Stunning ! dirait un Anglais. C’est en tous les cas très inspiré, voilà bien le groove moderne dont on rêve depuis la nuit en dormant. Il passe au funk-blues avec «That Girl Is Bad». Encore un cut qui sonne bien le tocsin. Oh l’extraordinaire génie du peuple noir des collines ! Ils shootent du rap dans le chant et bourrent le cul du cut de funk. S’ensuit un étrange «I Don’t Give A Damn» chanté à deux voix avec une poule nommée Eudora Evans. Cut fascinant car joué à la note insistante. Belle rasade de blues à l’ancienne avec «The World Don’t Owe You Nothing», oui, car c’est joué à la note qui persiste autant que ce vautour qu’on voit survoler le Mont Ararat. C’est très africain dans l’essence, chanté avec un feeling invraisemblable et gratté à la note désertique. Toujours aussi surprenant, voici «I’ll See Y’all Again», avec des notes en perdition, oui, une sorte de blues de notes perdues dans le bush. «Put It On Me» sonne comme une belle claque de North Mississippi Hill Country Blues. Et sur «Sweet Thang», Cedric gratte comme son grand-père, à l’échappée belle. Il sort du blues des profs et s’en va gratter ses notes en liberté. Il a bien compris l’esprit des chemins de traverse, fuck les douze mesures des universitaires barbus, je gratte mon truc comme j’ai envie de le gratter et ça devient merveilleux de fraîcheur tectonique. Fuck you all !
Tiens, encore un album avec Trenton : Hear Me When I Say. Ils font un petit coup d’hypno avec «We Did It». Ça sonne comme un boogie têtu, hanté par l’harmo et joué à la violence primitive. La guitare et l’harmo se parlent. Encore un disque qui force bien l’admiration. Cedric retrouve les voies du seigneur impénétrables. Cet album compte lui aussi parmi les bons albums gorgés d’idées modernes. Il faut entendre Cedric chanter «Bloodstone» d’une voix décidée, un peu à la Muddy. «Mean Queen» va au blues comme d’autres vont aux putes, d’un pas décidé. Ils tapent plus loin dans un groove de Muddy blues avec «Wash My Hands». Cedric chante un peu comme un rapper de danger zone, il y va au talkin’ blues de walkin’ in the rain - I’ll do with that - On assiste là à un fantastique exercice de diction à la South motion - I’m throught with ya - Exceptionnel. Autre merveille : «Gettin’ Funky», attaqué à l’hendrixienne, nappé d’orgue, très agressif, pour ne pas dire viandoxé. Ils ont du monde derrière, car c’est très orchestré. Cedric ne manque pas de ressources, et le cut prend vite des proportions alarmantes. C’est beaucoup trop joué, on passe de break d’orgue en break de basse. De break en break, ainsi va la vie.
Avant de monter son Project, Cedric jouait avec un blanc nommé Lightnin’ Malcolm. Ils ont enregistré trois albums dont l’excellent 2 Man Wrecking Crew. Deux merveilles hypno s’y nichent, à commencer par «Fightin’», belle tranche de boogie blues à la North Mississippi Hill Country Blues, ils y vont franco de bord, sans peur et sans fard - Make to me ! - Fantastique ! Et «Time To Let It Go», cut charmeur de serpent - You broke my heart babe/ You broke my heart in two - Cedric démarre l’album avec un cut qu’il faut bien qualifier de mythique en hommage à son grand-père, «RL Burnside», hommage tonitruant et magnifique - Got me a drum set when I was sixteen years old - Et il ajoute - So I miss you big daddy/ So I wrote this song in memory/ So rest in peace big daddy - Quel hommage ! Ils prennent tous les deux «My Sweetheart» aux clap-hands. Quel son extraordinaire, à la fois plein et africain ! On appelle ça un coup de Jarnac de Tombouctou, ils chantent à l’ouverture du ciel. Voilà le blues des temps modernes. Encore de la ramasse de la savane dans «She’s Got Something On Me». «She Don’t Love Me No More» sonne magnifique et buté. C’est joué au beat de la victoire finale. Attention à cette énormité qu’est «Tryin’ Not To Pull My Gun», c’est tapé au heavy blues de Burnside royal. Le riff éclate de beauté et l’harmonie vocale vient le coiffer. Le mec essaye de ne pas armer son gun. Impossible d’ignorer un disque pareil. Trop de classe pour le neighbourhood.
L’autre joli coup du duo Cedric/Lightning s’appelle Juke Joint Duo. Vas-y mon coco ! Ils tapent «Till They Bury Me» au blues de juke. Ce mec gratte son bone of contention comme d’autres portent leur croix et leur bannière. C’est une façon de dire qu’il se bouffe l’os du genou en attendant mieux. C’est gratté si sec qu’on croit rêver. So sec ! Pire encore : «I Don’t Just Sing About The Blues» sonne comme un coup de génie, c’est drivé dans l’âme. Cedric reprend la main, il vibre la moindre particule de chant. Hey, cette musique appartient aux nègres, ne l’oublie pas, whitey. Cedric amène son truc avec aménité, au pur jus de woke up this morning, il sait taper dans le tas et faire exploser un blues avec deux fois rien. Ils sont tous les deux l’essence de l’excellence. Les cuts chantés par Malcolm sont bons, mais ça reste du blues-rock de petit blanc. Il joue parfois de la psychedelia de heavy blues de nowhere land. Il faut voir le numéro qu’ils font dans «Been So Rough», un cut joué à la dépouille. Cedric bat ça en désespoir de cause et chante à la glotte fêlée. Mais ça ne marche pas à tous les coups. Réveil en fanfare avec «That’s My Girl» tapé au pire heavy blues des collines. Cedric sings his ass off, c’est stompé dans l’œuf du serpent, magnifique de cathartic énergétique. Ils bouclent avec l’excellent «Chitalu». Cedric mène le bal à coups de baby please don’t go, c’est exceptionnel de bon esprit. Du coup, Malcolm reprend du sens. Dès que Cedric mène le bal, ça sonne comme le saint des saints. Malcolm percute ses solos dans un Chitalu de rêve éveillé. C’est franchement énorme. On assiste à une extraordinaire dérive des contingences.
Son nouvel album Benton County Relic est un smoking beast. On a du big bad raw dès «We Made It», joué à la sauvage du coin. Il n’existe aucun équivalent de ce son, de ce big heavy blues. Effarant ! Ces mecs pouettent le blues dans le cul du qu’en dira-t-on, c’est le nec plus ultra du raw, the real deal, tu as la guitare derrière et le groove devant. Encore plus raw, voici «Typical Day». Ça joue au heavy beat du Mississippi. Ce diable de Cedric pulse le heavy boogie de démolition, on n’avait encore jamais vu ça, un tel shake de groove swampé dans l’ass du beat. On ne peut pas faire plus raw to the bone. Avec «Don’t Leave Me Girl», Cedric passe directement au coup de génie avec une vieille dégelée de heavy sound. C’est battu à la diable, tout est là, l’Africain, le rock, le blues, Hendrix, c’est même de la pure hendrixité de don’t leave me girl shooté à la vie à la mort et le solo vire à la désaille apoplectique. Ça dégueule tellement de son qu’on n’y croit pas un seul instant. Mais si, pourtant. On retrouve l’excellence du son de Junior Kimbrough dans «Call On Me», encore une magnifique extension du domaine de la magnificence stagnante. C’est même excessivement beau. Trop beau pour être vrai. Retour au génie pur avec «I’m Hurtin’», cette fantastique débinade de rude awakening. Solide et violent, battu à la North Mississippi beat de rage, c’est extrêmement bien débarqué dans la gueule du beat, biff bang pow ! Cedric boucle ce disk épouvantable avec un heavy blues, «Ain’t Gonna Take No Mess». Ce mec dispose de toutes les licences pour bâtir l’empire des sens du blues, aw my Lawd. Quel fantastique slab de son ! On se régale aussi de «Get You Groove On», vieux groove efflanqué que Cedric matraque allègrement. C’est ultra directif et ça vaut pour une descente aux enfers du meilleur son. Que de véracité dans le hard du beat ! Cedric a vraiment la trique. Il revient à la violence du beat avec «Please Tell Me Baby», son I don’t know est celui de Jimi Hendrix, ce mec chante comme un dieu black. On a là l’un des meilleurs beats de la stratosphère. C’est une horreur. Cedric explose toute la Soul du groove, ça rampe au-delà de toute l’espérance du Cap de Bonne Espérance. Avec «Give It To You», il nous emmène dans les bas-fonds du meilleur heavy blues de l’univers. C’est du big deep blues cedriquien, il ramène tout son son pour l’occasion, et il a raison. C’est même toute la magie latente de Junior Kimbrough qui transparaît une fois de plus ici. Oui, le fameux blues du Mali d’Ali Farka Touré. Encore plus affreusement heavy, voilà «Death Bell Blues». On plonge ici dans ce blues des catacombes, même si les catacombes n’existent pas dans le delta. Cedric joue son blues au bras de fer, il vibrillonne le money people down by there. Une fois encore, on a là du vrai heavy blues de bastringue, Cedric nous le put down to the ground, il tape dans la turgescence du beat.
Signé : Cazengler, Cedric la burne
Cedric Burnside & Lightnin’ Malcolm. Juke Joint Duo. Soul Is Cheap 2007
Cedric Burnside & Lightnin’ Malcolm. 2 Man Wrecking Crew. Delta Groove Music 2008
Cedric Burnside Project. The Way I Am. 2011
Cedric Burnside Project. Hear Me When I Say. 2013
Cedric Burnside Project. Descendants Of Hill Country. 2015
Cedric Burnside. Benton County Relic. Single Lock Records 2018
Cedric a la trique - Part Two
— Vous savez Professor, c’est assez inespéré de voir Cedric Burnside sur une scène normande. Pour vous donner une idée de l’inexpectitude, c’est un peu comme si Chopper Franklin venait sonner à la porte de votre ravissante demeure évreutine.
— Vous allez réussir à me faire baver, Loser. Et à qui doit-on cet événement ?
— Un alligator.
— Vous êtes sûr que ce n’est pas un caïman ?
— Vous vous mélangez les crayons, Professor. Rien à voir avec les caïmans de la taverne Saint-Rémy auxquels nous avions échappé de peu, c’est vrai. Celui-là est un alligator, un vrai, avec de la mousse sur les écailles et des dents qui brillent au clair de la lune.
— Maintenant, les alligators organisent des concerts ? Allons bon ! Je vous vois venir Loser, je parie que les roadies de Cedric Burnside sont des pingouins.
— Vous confondez encore une fois. Les gens du Penguin Cafe Orchestra ont en effet des pingouins comme roadies, pour une simple question de cohérence artistique. Les roadies de Cedric Burnside sont des panthères noires.
— Les descendantes de Panther Burns ?
— Bravo ! L’important est de pouvoir rester dans la même famille de pensée. Vous savez pour l’avoir fréquenté que Tav Falco soigne les moindres détails. Il ne pouvait faire plus beau cadeau à Cedric, en mémoire de Rural qu’il vénérait. En vrai dandy, Tav sait que ça ne coûte rien d’auréoler les choses d’une petite pincée de légende.
Mais les choses se n’auréolent pas toujours comme on voudrait qu’elles s’auréolent. Cedric Burnside attaque son set avec une demi-heure de folk-blues acoustique, assis sur une chaise à côté d’un jeune barbu blanc qui ferme les yeux pour exprimer son feeling. Ils ne se rendent pas compte du temps qui passe. Ils tapent dans le blues de Sahel, très pur, comme perdu au milieu de nulle part, à plusieurs journées de marche du premier village, l’immense blues désertifié de Junior Kimbrough.
— Bon c’est pas les Cramps, mais ça pourrait être pire, Professor !
— Wanna Get In Your Pants en blues acoustique, ça serait marrant, non ?
— À condition de rajouter un solo de sitar.
Puis Cedric Burnside raconte une histoire. Son père lui dit :
— Son, you’re 22 years old, now. Find a girl and get married !
Cedric part à la chasse et ramène une petite gonzesse à la maison pour la présenter à ses parents. Son père le prend à part :
— No no you can’t marry that girl cause she’s your sister, but your mama don’t know.
Bon, tant pis. Cedric repart à la chasse. Il en trouve une autre, aussi bien roulée et la ramène à la maison. Son père grommelle et le prend encore une fois à part :
— No no no ! You can’t marry that girl cause she’s ALSO your sister !
Dur pour Cedric qui s’en va trouver sa mère à la cuisine pour lui raconter ses mésaventures. En entendant ça, sa mère éclate de rire :
— Hee hee hee, mais si, mon garçon, tu peux te marier avec celle que tu veux, car ton père n’est pas ton père, hee hee hee !
Et Cedric reprend :
Well well well ! C’est une histoire de mon granddad Rural Burnside !
En plus du blues hypno, le vieux cultivait une solide réputation de boute-en-train. Fin du set acou avec un «How To Stay Cool» qui sonne comme une belle déclaration d’intention.
Puis le colosse de Rhodes se lève pour aller brancher une guitare électrique et son copain barbu va s’asseoir derrière la batterie. Boom ! Avec son gabarit de champion de boxe et son crâne rasé, Cedric Burnside rentre soudainement dans la gueule du blues. Ça devient très physique, il exacerbe ses notes, joue des gimmicks très basiques et travaille son blues au corps avec une rage épouvantable. C’est Cassius Clay avec une guitare. Son T-shirt noir et son futal kaki à poches en soufflets renforcent encore l’esprit sauvagement paramilitaire de l’épisode. Wham bam ! Big boss Burnside entre en force sur les terres du blues, les siennes, et laboure son one-chord jive plus qu’il ne le chante. Force est de patauger dans ce genre de terminologie car on voit cet homme forcer littéralement le destin. Il chante du fond de son gut d’undergut et joue à la force du poignet - I want you home - Il ruisselle de sueur et bat le beat des enfers sur sa guitare. C’est James Brown avec cent kilos de plus qui met en route la transe hypno. La pauvre salle bascule dans une sorte de jusqu’au-boutisme échevelé. Du coup, c’est doublement inespéré de voir cet homme en chair et en os secouer la paillasse du Hill Country Blues, une paillasse qui en a pourtant déjà vu des vertes et des pas mûres. On comprend alors que ce son et cette façon tellement physique de jouer le blues sur un accord ait pu fasciner des becs fins comme Dickinson, Tav Falco et Jon Spencer. C’est l’antithèse exacte du Chicago blues et de son pénible pathos virtuose. Cedric Burnside tape dans le raw to the bone, dans l’âme du primitivisme le plus muddy, avec une rage qui en dit long sur sa vision du monde. Son blues sent le sexe, la danse et les rites d’avant la civilisation - Yes we made it - Well well well et il repart en mode Typical - And that’s a typical/ Day for me - espèce de clin d’œil au Muddy de l’époque Stovall. Il tape tout son fourbi au gimmick rudimentaire, ça sent bon la dépenaille, le bricolage africain. Et quand il s’installe à la batterie, la température monte encore. Il retrousse sa jambe de pantalon au dessus du genou et met à battre comme on battait l’enclume au temps du dieu Gou, mais il fouette sa caisse claire à la main renversée, comme le fait Elvin Jones. Le voilà devenu locomotive à l’ancienne, avec sa tête ronde et hilare qui dodeline en rythme derrière les fûts. Ah t’as voulu voir Vesoul et t’as vu Cedric ! Dans cet instant précis, il devient un mélange extraordinaire d’Isaac Hayes, de Buddy Miles, de dieu africain, de well well well man, de Bullet, d’esclave révolté, de Joe Louis et de black Panther Burns - Ain’t gonna take no mess/ No no no !
Signé : Cazengler, la burne
Cedric Burnside. Le 106. Rouen (76). 20 février 2019
Naked Lunch - Part One
Si tu vas voir Lydia Lunch en concert, c’est pour te payer un petit shoot d’avant-garde. Un petit shoot d’avant-garde n’a jamais fait de mal à personne, bien au contraire. C’est même conseillé pour la santé. Cette fois, un mec nommé Marc Hurtado accompagne celle qu’on appelle la diva de la No Wave. Il l’accompagne façon indus, avec des machines. Ça tombe bien, car ils ont décidé de rendre hommage à Martin Rev et Alan Vega, c’est-à-dire Suicide. Pas de meilleure conjonction ici bas que celle de Suicide, de Lydia Lunch et des machines. On n’imagine pas à quel point cette conjonction peut sonner juste. Personne n’est plus habilité qu’elle à rendre hommage aux parangons d’une scène dont elle fit partie dès l’origine. Personne d’autre qu’elle ne peut prétendre proposer un profil avant-gardiste aussi idéal dans le contexte précis de cette conjonction. Attention, l’avant-garde n’est pas à la portée de toutes les oreilles. En leur temps, Alan Vega et Martin Rev firent les frais de cette assertion. Et plus ils sentaient que les gens n’y comprenaient rien et plus ils devenaient agressifs. Il semble que le problème soit resté entier, car Lydia Lunch n’a pas l’intention d’être aimable. Ce n’est pas que ça fasse partie du jeu, mais c’est une simple question d’attitude. Elle n’est pas là pour faire risette, elle est là pour célébrer le génie avant-gardiste d’Alan Vega et de Martin Rev qui Dieu merci ne pondirent jamais de hits. Le côté âpre de la démarche avant-gardiste peut rebuter, mais aussi fasciner et Marc Hurtado veille bien à réveiller le génie noisy caché au fond de la lampe d’Aladin, tel que le conçut voici presque cinquante ans Martin Rev. C’est une énergie qui ne doit rien au rock traditionnel, rien au jazz classique, mais qui doit tout à la rue new-yorkaise, une énergie dont s’enivrait Martin Rev lorsqu’il se rendait à ses leçons de piano. Oh bien sûr, il se goinfrait de jazz moderne, mais sa vision du monde passait par le pouls de la ville, la plus grosse ville du monde, et c’est exactement ce pouls urbain qu’il interprète dans ce son que d’autres gens qualifieront d’indus, ce mix de chaos, d’énergie, de violence, de béton, de chaleur, de drogues, de misère, de voitures, de corps, de traves, de sax et de sex, ce pulsatif fantastique que Lou Reed a interprété autrement et que Martin Rev a su libérer via ses machines, car il sentait qu’il devait en passer par là, pour rester en cohérence avec l’osmose de la comatose maximaliste. Martin Rev ne jure que par les extrêmes. Et miraculeusement, Marc Hurtado restitue tout ce fourbi, oui, il faut bien parler de miracle. Alors, pour Lydia Lunch, c’est du gâteau. Elle lit les textes d’Alan Vega à l’orgie d’urbi et d’orba d’orbite urbaine, elle lit, scande, impacte, déclame, elle pulse elle aussi et donne carte blanche à son corps de vieille dame pétrie d’avant-garde. Elle devient la gardienne du temple, elle arpente la petite scène et vend le poisson Vega à la criée, elle recrée les tensions originales, celles qu’on ne connaît pas puisqu’on a raté les épisodes du Max’s, alors on se rattrape et dans le répétitif de ce beat buté comme un âne se niche tout le merveilleux secret du New York Beat, c’est un son qui entre par toutes les ouvertures, qui roule sous la peau, c’est un mantra électronique de la pire espèce, un mantra dévoreur de cerveau, quelque chose qui dévore à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. On s’en aperçoit d’autant plus facilement que la production des deux premiers albums de Suicide est catastrophique et là, on a l’impression de découvrir un continent. Ou si on veut raisonner à l’envers, le son que sortent aujourd’hui Marc Hurtado et Lydia Lunch est d’une modernité à toute épreuve : Suicide n’a pas pris une seule ride. Effarant ! Lydia Lunch veille au grain du punch, elle y met toute sa foi de pâté de foie, elle chante ça à la vie à la mort, dans un état permanent d’implication suicidaire. Elle s’en prend aux gens qui brandissent des smartphones pour la photographier, c’est pas l’heure ! Comme ils ne comprennent rien, elle leur fait un doigt new-yorkais et leur claque un fuck you bien lunchien. Lydia et son lieutenant attaquent avec le mighty «Touch Me» tiré du deuxième album de Suicide, ils le tapent au bish bash bosh de tête contre les murs, cool as ice, et embrayent sans transition avec le «Sniper» qu’Hurtado enregistra avec Alan Vega, c’est comme dans Nougayork, on sent le souffle dès l’aéroport, ça boome dans la tirelire, derrière ses machines, Hurtado fait le show lui aussi, comme Martin Rev au temps béni de Suicide, tout en excentricité vestimentaire et en bombardement ionique intensif. Dans le foutoir de cet intense chaos sonique, on croise plus loin des bribes de «Harlem» et Mister Pip man/ He is the king, un blaster basé sur l’observation des mœurs du Bowery, et ses personnages qui entrent en scène comme au Théâtre de la Cruauté, Mister Junkie man/ He wants a hit, et elle scande, suck it like a shark, suck it like a shark, elle lit car trop de texte, ça logorrhe à Gomorrhe, Mister Apollo/ What you doin’ in that sewer, on l’a oublié, mais le beat de Suicide est aussi vital que le white heat du Velvet, et dans cette cabane toilée de bal populaire, le beat suicidaire prend une curieuse résonance.
Il faudra un jour consacrer un peu de temps à Lydia Lunch qui depuis 1980 fait des albums extrêmement intéressants en s’entourant de la crème de la crème du gratin dauphinois, à commencer par James Chance, dans Teenage Jesus & The Jerks. Ils tentèrent tous les deux de créer la sensation en jouant la carte vitupérante du minimalisme maximaliste. Elle collabora aussi avec ce démon de Michael Gira, avec l’Exene d’X, avec le sulfureux Genesis P-Orridge, avec Jimmy Johnston de Gallon Drunk, mais surtout avec Rowland S. Howard, notamment sur l’album Shotgun Wedding paru en 1991.
C’est le grand album classique de Lydia Lunch, du Kill Bill avant la lettre. Quel album ! «Burning Skulls» fait partie des cuts qui ne devraient jamais s’arrêter. Sur un tempo bien heavy, Lydia écrase ses syllabes comme des mégots, avec une singulière insistance. Et ce diable de Rowland S. Howard joue à la clameur délétère. C’est à la fois superbe, gothique et plombé, embrasé aux alentours et monté sur un beat royal. Rowland vole le show. Il lancine admirablement et arrose le cut du meilleur acide disponible sur le marché. Avec «Endless Fall», ils font un duo historique. Ils sonnent comme une vraie bénédiction, Rowland crée des dynamiques à coups de renvois, people die, et ils relancent à deux. L’autre énormité de l’album s’appelle «Pigeon Town», riffé d’entrée de jeu. Rowland ne rigole pas avec la marchandise et cette garce de Lydia chante comme une vieille pute. Ah ils sont jolis ! Rowland n’en finit plus de jouer à l’alerte rouge et reste d’une incroyable théâtralité. Le son fait foi. Rowland joue ça jusqu’au trognon. Des mecs comme lui ne courent pas les rues. Tiens, voilà «Cisco Sunset», monté sur un groove de basse. Lydia s’y glisse humidement. C’est du grand Lunch. Elle chante à la racine du beat, Rowland concasse ses septièmes d’accords de jazz pendant qu’elle dérive dans le moonshine. Elle chante avec toute la maturité de chipie mal dégrossie dont elle est capable. Rowland joue «Black Juju» à la pire clameur de l’univers connu. Cette diablesse de Lydia tente de calmer le jeu, mais à quoi bon ? Les bites lui échappent des mains, c’est foutu d’avance. Quand elle chante «In My Time Of Dying», elle rivalise de nullité avec Wendy O Williams. Elle n’a aucune présence vocale. Elle bâtit sa réputation sur autre chose. Ils chauffent «Solar Hex» à blanc et tapent «What Is Money» au mood berlinois, avec de l’undergut de femme qui a vécu. Rowland gratte ses puces, il joue au circus géométrique de l’after-punk et Lydia se vautre dans la mélasse avec sa voix de vétérante de toutes les guerres. C’est encore du big heavy sound. On peut faire confiance à Rowland S. Howard pour ça.
L’autre grand classique du duo Lydia Lunch/Rowland S. Howard s’appelle Honeymoon In Red. On y trouve une version délicieusement trash de «Some Velvet Morning». Elle fait un duo de dingos avec Rowland qui chante à la petite dégueulée. Aw my God, il se prend pour un Lee Hazlewood en difficulté et Lydia Lunch fait sa Nancy avec un ton atrocement faux de lullaby. Ils sont immondes. Ils enterrent vivant l’un des plus beaux classiques de la pop américaine. Il ne faut pas s’aventurer trop loin dans les parages de cette femme. Elle cultive une sorte de goût pour la dérive mal chantée et l’ancolie sadiste. Mais sur «Three Kings», elle vient se couler dans le groove de funk punkoïde orchestré par son amant Rowland. Ah comme ce mec est doué. Il fait aboyer sa guitare dans la nuit. Il joue le groove des squelettes dans une scène de George A. Romero, il joue au dénaturé implacable, il joue le jerk des catacombes. On a encore du Rowland pur et dur avec «Still Burning». Il chante encore plus mal qu’elle, c’est à la fois mauvais et comique. Quasi-caricatural. Aussi inutile qu’une brebis périmée. Lydia fait encore des siennes sur «Fields Of Fire». Diable, comme elle chante mal. Elle tartine plus qu’elle ne chante. On est tenté de plaindre cette pauvre fille. Mais on se régale de «Dead In The Head», balayé par l’infernale rythmique acide du grand Rowland S. Howard. Il chante derrière elle et gratte sa gratte avec une réelle appétence. C’est mortifère en diable. Son unique et incroyablement ferrailleux. Rowland frise régulièrement le génie.
Signé : Cazengler, Lydia Louche
Lydia Lunch. Rush Festival. Rouen (76). 25 mai 2019
Roland S. Howard & Lydia Lunch. Shotgun Wedding. Triple X Records 1991
Lydia Lunch. Honeymoon In Red. Widowspeak Productions 1997
MONTREUIL / 09 – 06 – 2019
LA COMEDIA
L'ANNIVERSAIRE DE TONTON ALBERT
RÂOULEX KING TRIO + FRIENDS
Salut à toi le dromadaire
Salut à toi Tonton Albert
L'a son nom gravé dans le marbre de l'éternité, z'avez reconnu les paroles de l'hymne alterno-punk des Béruriers Noirs, ben ce soir, le grand Albert est convoqué à la Comedia, rien de grave, juste la troisième fête pour son anniversaire, l'est classe l'Albert dans son costume sombre à large cravate noire rayée de bleu qui tranche le blanc oriflamme de sa chemise impeccable, soixante dix balais au placard et l'est parti pour en rajouter le même nombre, plein de jolies filles à ses basques, les garçons qui viennent l'embrasser, les doigts remplis de verres de bière, l'est vrai qu'il est un héros, l'était-là aux temps originels, trésorier de l'association qui défendait envers et contre tout – municipalité, autorités - le punk squat légendaire de L'Usine, jusqu'à ce jour fatidique du 12 avril 1986 où deux cents punks se sont affrontés toute la nuit aux CRS, une page glorieuse du rock français et montreuillois. Ils ont perdu la bataille, mais la guerre pour une vie plus libre n'a jamais cessé. La mauvaise herbe repousse toujours entre les pavés.
Alors ce soir, toute la mouvance Dyly – do your life yourself - s'est donnée rendez-vous, les anciens et les plus jeunes, les nostalgiques et les activistes, pas de discours, pas de remémorations d'anciens combattants, la joie d'être encore ensemble et pour infuser persévérance et énergie, de la musique. D'autrefois, d'aujourd'hui et de toujours.
R ÂOULEX KING TRIO
C'est comme un vieux parchemin enrâoulex sur lui-même, plus vous dérâoulexez plus la lecture devient passionnante. Vous raconte les nouveaux épisodes d'une vieille histoire, mais là pas besoin de s'abîmer les yeux à déchiffrer le grimoire, suffit de regarder et d'écouter, le King Trio vous conte la saga des temps heureux. José Calodat ose le culot de la batterie flegmatique, n'en fait jamais trop, use de la grosse caisse avec parcimonie, oui mais quand il tape il met les deux points sur les i, précision à bon escient et jus de justesse survitaminée, l'est au rythme comme les poëtes sont à la rime, le coup d'éclat, la cymbale coquelicot sanglant et la caisse claire pétunia pétaradant, chemine de tournant en tournant, où vous l'attendez et il est là pile poil. Et puis quand il cogne de toute sa pogne, l'est en rogne, ne vous absout en rien de votre volition de vivre mais vous abasourdit de la clinquance chancelante du monde.
Lo Azelo est à la basse intermittente. Un faux-jeton. L'a l'air du mauvais ouvrier qui fait le minimum. Celui qui stagne devant la machine à café et qui a toujours une clope en retard. Oui, mais quand il marne, l'eau déborde. Ce n'est plus une basse qu'il a dans les mains mais un de ces engins que Luigi Russolo appelait un bruiteur. Voulez quoi, le chac-chac-chac de la mitrailleuse, le voici, à longues rafales qui vous récatent les environs en trente secondes, vous préférez le bruit de la Gitane Testi le moteur surcompressé à fond dans une montée himalayenne, le voilà. L'a tout ce que vous désirez en magasin. Même le truc auquel vous n'avez jamais pensé. Par exemple, ces espèces de poinçonnages de machines à coudre devenues folles.
Alexis Dupont n'arrête pas. L'est au four brûlant de la guitare et au moulin à paroles. Poésie populaire, HLM et canapé en skaï, pour le décor, vous conte les existences joyeusement dérisoires, les vies bringuebalantes du petit peuple, celui qui fait des grande choses sans s'en vanter, qui poursuit sa vie à cloche-pied et qui est le premier attrapé lorsqu'il saisit sa chance à plein bras. A la gratte donc, apparemment l'a simplifié le problème, ne joue qu'une corde sur deux. Oui mais ils débrouille pour choisir, non pas la bonne, mais la meilleure. Encore un traître. Au début, cahin-caha, claudique clopin-clopant. Un perfide. A chaque morceau, il accélère un petit peu sans trop, mais au final une véritable charge de cavalerie.
Et les deux acolytes lui emboîtent le pas, sans tambour ni trompette, et c'est la galopade effrénée. Le King Trio, le programme annonce randonnée familiale avec pause pipi et arrêt pique-nique toutes les demi-heures, et vous êtes embarqué en sandalettes écologiques dans un marathon-commando-d'élite.
Je vous aurai averti. Je vous dévoile leur truc, ne jouent ni en fa, ni en la, mais en ska. Au début ska n'a l'air de rien, ska tressaute gentiment d'une jambe sur l'autre, et puis ska skaccélère, c'est vous qui êtes les roulettes du skate, votre ska est désespéré et c'est sklà que se produit le miracle, alors que vous croyez exploser, vous êtes envahi par une ondée de bonne humeur virevoltante, ska alors ! Le public se déchaîne, pour le pas de danse, facile, c'est celui des Tromp-la-Mort, vous trouvez ska dans la bande-dessinée Le Concombre Masqué de Mandryka, pardon de Mandryska.
Cette fois ska-y-est vous dites vous, c'est alors que le Raoulex King Trio vous sort l'arme fatale, des renégats, finie la skamelote et hop ils plongent dans le rock'n'roll, du coup Alexis saute l'inter-set et casse deux cordes à sa guitare, pas de panique l'en a une autre, et il en profite pour vous mettre une ambiance torride. Z'auraient pu continuer comme cela toute la nuit, mais non ils ne sont pas vaches, c'est l'heure de la traite. Celle des bœufs.
Une prestation skadorable ! Atteinte générale de skarlatine aigüe dans le public remuant. Ça se soigne, mais personne ne voulait guérir.
*
SUIVEZ LES BOEUFS
N'en donnerai que quelques aperçus, parce que je ne m'en rappelle plus, parce qu'il est difficile de fixer le tumulte, parce que les mots manquent pour traduire des moments qu'il faut vivre en leur fragilité tourbillonnante. Un grand merci à Baba Yaga pour l'organisation.
LOOLIE & BORGO
La moitié de Loolie and The Surfing Rogers sont sur scène. Est-ce la meilleure ? En tout cas c'est la plus belle. Loolie, épaules dénudées dans son polo de marin, susurre Funnel of Love, quelle séductrice, à ses côtés Borgo de sa guitare ouvre la mélodieuse boite à sucre fondant des sixties, Wanda Jackson sera à l'honneur dans ce petit set. Nous offrent quatre ou cinq – j'ai aimé, je n'ai pas compté - petits joyaux resplendissants, Borgo étourdissant de virtuosité maniériste, Loolie sublime de feinte simplicité, un régal. François Dao Chatelain s'est emparé de la basse et il fronce et brode à foison tandis que Patrick Lemarchand officie à la batterie.
P'TIT LOUIS
Petit par le nom et grand par la légende montreuilloise. L'a fait partie entre autres des Rouquins et de Jim Marple Memorial, guitare et micro, nous transporte dans in the french sixties, une belle version de Elle est terrible, et encore plus surprenant l'acclamation qui suit le Pas Cette Chanson – sur un des premiers 45 tours Phillips d'Hallyday – à l'époque ce genre de morceau étaient surnommés des slow-rocks, la tension du rock et la hargne des relations humaines, P'tit Louis nous restitue ces fragiles évanescences de jeunesse révolue...
SALUT A TOI
Albert monte sur scène pour remercier de quelques mots, il souffle les bougies sur le gâteau et toute la salle entonne Salut à toi de bout en bout. Un grand moment de fierté et d'émotion collectives. Merci à Albert d'avoir par son action et sa présence suscité une telle ferveur.
Damie Chad.
( 14 / 06 / 2019 )
LE QUARTIER GENERAL OBERKAMPF
THE JONES / TONY MARLOW
ALICIA FIORUCCI
Un programme à rendre le Cat Zengler fou de jalousie, les Jones et Tony Marlow, ensemble, le même soir. Difficile de faire mieux. Oui mais comme en rock il n'est jamais rien d'impossible, en prime la petite merveille d'Alicia Fiorucci, un bijou rock'n'roll comme on n'en fait plus. Un seul bémol à la fête, le concert commence tard et je serai obligé de m'éclipser avant la fin. Ce qui sera peut-être une bonne chose, voir plus bas.
THE JONES
Facile les Jones, un peu de blues, un peu de rhythm'n'blues, un peu de rock'n'roll, vous mélangez, vous touillez, et c'est prêt. La recette est d'une simplicité absolue, le problème c'est que personne n'arrive à la réaliser correctement, manque toujours le doigté et cette denrée rare qui ne se trouve nulle part en vente libre, l'esprit. Les Jones, eux ils savent. Des vieux de la vieille, se sont frottés aux meilleurs, s'en sont tirés avec les honneurs et cette réputation flatteuse qui les précède partout. N'y a qu'à regarder Rudy Serairi, physique de chef mafioso qui mâche un imperturbable chewing gum, quand il sourit, rapidement, juste un éclair de satisfaction, on dirait qu'il vient d'apprendre que ses hommes viennent de vider un camion blindé de la Brink's, pas du genre à y aller doucement les basses, pas non plus brutalement, l'est comme les quatre autres, ne joue pas pour lui, joue avec les autres. Toute la différence est là. Aucun des Jones ne se sert en premier, sont au service du rock'n'roll, alors bonjour la machine de guerre. Ils pourraient se la faire perso car ils sont doués, mais non d'abord le groupe. Question guitaristes, z'ont ce qu'il faut. Deux sur l'étagère. Grégoire Garrigues, tout de noir vêtu, pas le genre de gars à user de son instrument comme une kalachnikov folle, les solo interminables il les garde pour lui, sa spécialité ce sont les rafales courtes, sept, huit secondes, mais qui possèdent la saveur de l'éternité, les pose là où il faut, vous aimeriez chipoter, critiquer, vous donner de l'importance, mais non il intervient et vos n'avez plus qu'à vous incliner, the right riff at the right place, seuls les ricains savent faire cela, et les Jones aussi. Thierry Jones, est du même calibre. Son truc à lui, c'est le détail insignifiant qui change tout. La statuette sur le guéridon au fond de la pièce qui vous illumine l'appartement, la fille que vous croisez en allant acheter votre pain et qui bouleverse votre vie, la fameuse tache brillante dans les tableaux d'Eltsir qui modifie l'univers, un tireur d'élite, deux notes par ci, deux notes par là, mais idéalement placées, et du coup le morceau respire et palpite. Ont intérêt à assurer parce derrière vous avez Gérald Coulondre qui vous cabosse la calandre. Style Héphaïstos énervé lorsqu'il retrouve sa femme Aphrodite dans les bras d'Arès, le Gérard l'a compris que le rock'n'roll c'est comme la philosophie nietzschéenne, à coups de marteaux, lui n'a que que des baguettes, moins de brutalité mais davantage de rapidité, vous la coule pas douce mais dur le Coulondre, si l'ensemble cordique devant doit être si opératif c'est que lui, il occupe tout l'espace sonore, ne laisse le temps à personne d'en placer une, oui mais les trois aigrefins ils connaissent la musique, se faufilent dans la moindre fissure, vous placent des accords à bon escient comme des bâtons de dynamite. Bref les Jones, ils strombolent sans répit.
Pendant la balance – longue, un larsen à chasser aussi insaisissable que gentleman enquiquineur Lupin – j'avoue que Fred Moulin, planté devant son micro m'avait déçu. Faisait le minimum, dès qu'il s'est glissé sur l'estrade, genre serpent qui ondule dans le nid de crotales, s'est vite imposé comme l'Enchanteur. La même méthode que ses acolytes, ne s'impose jamais, s'expose toujours. Corps habité de pulsions voodoïques. Vous vous demandez dans le capharnaüm sonore des mousquetaires là où il va pouvoir poser sa voix. Se suffisent à eux-mêmes les boys. Un chanteur, pour quoi faire ? La différence, mes chers kr'tntreaders ! Avec le Fred avec sa voix doucement éraillée, une enseigne mobile d'une ancienne station à essence abandonnée depuis quarante ans sur la route 66, les Jones ne perdent jamais les faces, vous fabriquent des jolies choses aussi remuantes que des pierres roulantes, je ne prends qu'un exemple le Betty Jean de Chuck Berry, ils vous le riffent à mort, et en plus ils y rajoutent cette lourdeur balancée des Stones, celle avec laquelle ils rendaient visite à Carol et à Not Fade Away. Car c'est cela les Jones se sont introduits dans le rock des Rosbeefs qui rient Jones de jalousie quand ils les entendent. En plus ils ont des bijoux à eux, du fait maison, du cousu main en peau d'iguane, qu'ils exposent ostensiblement, parce que dans le rock, il y a cet aspect m'a-tout-vu qui plaît au gals et aux guys et dans la salle c'est l'extase remuante. Que voulez-vous un great shot of Rhythm and Blues n'a jamais tué personne et lorsque vous tombez sur un quintil de bons docteurs feelgood qui vous en infusent sans faillir une bonne vingtaine en intra-veineuse, vous ne pouvez qu'être satisfaits.
TONY MARLOW TRIO
Pim, pam, poum, bim, bam, boum, Fred Kolinski trône derrière sa batterie, sa longue chevelure lui donne l'aspect majestueux du Roi des Aulnes, tel que vous l'imaginez lorsque vous récitez la balade de Goethe. Pour la balade faut l'avouer c'est un peu raté, l'a dû avaler un cuissot d'alligator avant de monter sur scène, car il a une frappe style morsure de caïman, pas besoin de répéter deux fois, vous happe la jambe d'un seul coup. Sur notre droite Andras Mitchell. Yeux de velours miroitant et contrebasse blanche. Un tueur. Slappe comme vous respirez. Sans y penser, sans s'arrêter, le même geste, au même endroit, les doigts en haut qui trifouillent sans plus, l'a trouvé le point gamma de Theillard de Chardin, la big mama elle bourdonne comme s'il lui caressait le clitoris, avec cette classe du gars qui a trouvé le secret de l'univers et qui vous fait part de sa découverte, en passant, sans y attacher de grande importance. Grand seigneur.
Et puis Tony. Le marlou fou. Je n'ai pas dit un épileptique à qui il faut passer la camisole de force pour avoir un peu de tranquillité. Non, s'occupe de sa guitare. Les longues soirées d'hiver vous regardez distraitement le feu de bois dans la cheminée, et vous vous dites que vous êtes heureux. Tony, il doit tricher, il a dû s'acheter un surmultiplicateur digital, une démonstration de guitare rock. Tout ce que vous voudriez savoir jouer et que vous ne réussirez jamais. Pas la peine d'essayer. Lui et les deux autres, ce sont des retors. L'aspect passe-partout d'un trio de rockabilly, et le problème c'est qu'ils passent le chiffon à dépoussiérage partout justement, enfin ils ont leur manie de faire le ménage, au plastic. Un peu de surfin' – juste un harpon à épingler Moby Dick – la suite de l'aventure illico, génération suivante, vous connaissez Keith Richards et Brian Jones – vous avez les deux pour le prix d'un – et en plus ils vous prennent un malin plaisir à accélérer dans les deux ponts de dégagement, ensuite pire, Tony cherche la difficulté anapurnienne, vous appelle Hey Joe en français, comme Johnny, mais la guitare à la manière d'Hendrix, attention pas une copie, une interprétation, et un final des plus personnels. Idem pour le morceau suivant, dans lequel Tony nous offre ces glissandi fuzzy mêlés de tonitruance. Le moustique rockabilly à l'assaut des mastodontes, vous les pique à l'angel dust, n'ont plus à faire les fiers, piqûre mortelle. Il y a des gars qui sont bénis des Dieux, peuvent faire deux choses en même temps sans se prendre les pieds dans le tapis, Tony à d'autres cordes que celles de sa guitare. Des vocales. L'en fait ce qu'il en veut. Flexibles comme les lianes dont se sert Tarzan pour passer d'arbre en arbre. Tony il saute du français à l'anglais, sans a priori, in french language pour les petits froggies c'est plus goûteux car vous comprenez les paroles et vous suivez les intonations de la voix conjugue l'ironie nostalgique aux souvenances roboratives, l'est peu de monde dans le rock français qui a su rendre compte du milieu historial des générations dans lequel il a exercé ses ravages. Tony excelle dans cet art poétique populaire. N'est pas seulement un chanteur, mais aussi un conteur qui vous refile les reflets de la légende dorée. Un Fred royal, un Andras impérial, et un Tony intersidéral déconcertant d'aisance, de vitalité et de facilité, la première partie fut un éblouissement.
ALICIA FIORUCCI
N' y a pas que des mecs sur cette terre. Non, je n'évoque pas la gent féminine, parce que question filles, il n'y en a qu'une. N'y a qu'Alicia Fiorucci. Toutes les autres sont des essais, des tentatives, des approches, des ressemblances, mais Alicia Fiorucci, c'est le modèle unique. L'eidos platonicienne de la fille rock. L'arrive sur scène toute simple, s'installe devant le micro en souriant. Jusque là elle est à peu près comme tout le monde. D'accord j'exagère, peu de monde ne possède cette présence tranquille. Je pense au lecteur non averti et égaré qui serait tombé sur le blogue par hasard, et qui se demanderait : mais enfin le rock c'est quoi au juste ? L'a de la chance, le rock c'est facile à définir, suffit de regarder Alicia Fiorucci et à moins d'être congénitalement frappé d'une obscure tare de la comprenette, vous avez la révélation devant vous.
Quelques mois que je n'avais pas vu Alicia Fiorucci, je me disais, super, ça va être bien. Mieux que ça, ce fut rock'n'roll. Trois morceaux, mais elle vous les a claqués à la manière de ce pavillon noir que les pirates hissaient à la corne du grand mât, pour vous avertir qu'il n'y aurait pas de quartier. Sinon de votre viande fraîche découpée au sabre d'abordage.
N'a pas enfilé son pantalon léopard, t-shirt noir qui s'arrête à l'orée des seins et jupe courte d'un bleu ajusté à ses tatouages, ce soir c'est panthère noire. Pour la musique ne vous inquiétez pas, Tony, Fred et Andras, se chargent de tout. Alicia apporte le rock'n'roll. La voix et le sexe. Car le rock'n'roll sans sexe c'est comme le bœuf qui se prend pour un taureau. Le rock c'est d'abord et avant tout l'appel à la grande copulation généralisée. Les grandes idées c'est bien, les exemples concrets c'est mieux.
Alicia souffle la tempête entre Ramones et Bobby Fuller, l'a la voix qui mord et qui déchiquète, n'essayez pas de vous enfuir, il est trop tard, à la fureur rauque du rock'n'roll elle mêle le sentier subtil des perditions. Certes son corps ondule à chaque intonation appuyée, à la manière d'un serpent qui se courbe pour avancer, mais ce n'est pas là que réside le péril, elle le pointe d'un doigt impératif, là-haut, lorsqu'elle pose en perverse candeur sa jambe sur le retour, exactement là où s'arrête la noire résille du collant, plus haut que l'étroite bande de blancheur de la cuisse dénudée, là dans l'ombre de la culotte qui cèle et recèle le sexe pour mieux en dévoiler l'attrait vertigineux, et puis pour vous affoler davantage, elle glisse sa main dans le haut de la jupe, se caresse l'hypogastre, d'un geste érotique mais jamais obscène, c'est cela la beauté d'Alicia cette innocence édénique de petite fille reflétée dans la limpidité aigüe de ses yeux verts. Elle s'amuse et vous affole. Vous pousse au bord du gouffre du désir et vous vous apercevez dans ce miroir ardent. Et devant cette triste figure vous reculez. Ce n'est pas tous les jours que la souris rieuse se joue du chat. Mais avec Alicia c'est ainsi. Elémentaire mon cher Dodgson. Sur son prochain disque elle nous emmènera au pays des merveilles-rock
THE END
Alicia se faufile hors de la scène comme si elle rentrait de l'école. Tony attaque la deuxième partie, m'enfuis la rage au cœur pour le dernier métro, une pluie diluvienne me rattrape sur la route, la teuf-teuf entre deux gerbes d'eau navigue tant bien que mal sur la chaussée inondée, part en aquaplanning, rocke un peu à gauche, rolle un peu à droite, mais en experte patentée elle garde la ligne droite, si j'étais parti une demi-heure plus tard, vu l'amoncellement des trombes d'eau aurais-je pu arriver chez moi...
Damie Chad.
MONTREUIL / 15 – 06 – 2019
LA COMEDIA
LILIX & DIDI / PRINCE ALBERT
Arrivé un peu en avance, par grand monde, mais je suis comme le grand Anubis, le dieu chacal qui présidait à la pesée du coeur. Suis pareil que lui, attentif à la balance. Se déroule sans problème, quand Personne s'en occupe, c'est souvent bon du premier coup. La salle s'est remplie. Des ados et des parents, plus un public plus habituel, tout cela coexiste sans problème.
LILIX & DIDI
Ne sont pas deux. En vérité un quatuor. En fait plutôt trois. Ce n'est pas que le quatrième à la guitare compte pour du beurre. Mais l'est un peu différent des autres. D'abord c'est un homme, il porte une queue de cheval ( plutôt d'onagre sauvage ) pour ne pas se faire remarquer, mais il appartient à la pire des espèces, puisqu'un adulte. Toutefois on lui pardonne. Il assure grave. Ouvre la voie. Normal, c'est le plus aguerri, vous pose la structure et la charpente, ne reste plus qu'à empiler l'équilibre des briques et les tuiles. En plus il est le professeur des trois misses. Car ce sont des filles, des jeunes filles de seize et dix-sept ans. Sweet Little Sixteen prophétisait Chuck Berry. Pas des riots grrrls encore, mais des young girls punk'n'roll, ce qui est déjà un beau début dans la vie.
Lilix et Didi possèdent cette particularité d'alterner en cours de set, basse et drum... Lilix merveilleux prénom qui évoque autant le parfum printanier du muguet que le lointain effluve vénéneux de Lilith, la plus timide malgré son anneau à l'oreille, voici Didi, teinture verte sur les cheveux qui oscillent et scintillent entre reflets turquoises et clartés smaragdines, en toutes les occasion elle se charge du chant. Une voix fraîche et incisive, qui découpe à la perfection les syntagmes des lyrics anglo-saxons, des trois c'est la plus décidée. Zo reste sagement à la guitare. L'offre un look longiligne et androgyne avec ce reste d'enfance rêveuse que l'on se doit de tous garder au fond de nous pour que notre vie ait un sens.
Un étrange répertoire entre Ramones et modernes angoisses de jeunes gens de nos jours qui recherchent leur identité disparate, comme cette chanson sur les bottes rouges que voudrait porter ce jeune garçon qui ne peut pas, car la couleur rouge est l'apanage des filles. On voit qu'elles n'ont jamais lu Joë Bousquet, pas mieux que ce poëte pour apprendre la symbolique du sang. Moi non plus, je ne l'avais pas lu à leur âge.
N'aimerais pas être à leur place, public hyper attentif, mais non, ce sont des conquérantes, les guitares vrombissent, la basse bazarde son halètement contenu et à la batterie elles enchaînent les breaks comme pour une démonstration. L'ensemble sonne juste, le druming manque un peu de force dans les biscoteaux, n'ont pas des bras de camionneurs, mais cela s'affermira par la pratique, pas provocantes mais séduisantes, et les applaudissements pleuvent de plus en plus drus à la fin de chaque morceau. Certes il leur manque encore, la rage, et la révolte, mais cela viendra.
PRINCE ALBERT
Pas le petit prince. Pas de renard philosophe à l'horizon. Virgile – Tytire tu patulae recubans sub tegmine fagi, excusez-moi pour cette réminiscence bucolique – l'on ne comprend pas trop avec la chaleur lourde et moite qui règne pourquoi il s'est affublé d'un cache-poussière style Sergio Leone - en intro, tout seul sur sa guitare, nous interprète un râga indien et tantrique. Question montée de l'adrénaline sexuelle dans l'assistance, pas de différence notable, par contre couleur Râmâyana c'est parfaitement réussi, agite faiblement deux cordes du bout des doigts et vous emporte dans un épanchement modal caractéristique. Oui mais ça ne dure pas. Olivier Arnold fracasse sa batterie en trois secondes, l'a des biscoteaux de camionneur lui, et vous donne l'impression de frapper à coups de démonte-pneu. Un insatiable, une fois qu'il est parti - le bouton se déclenche tout seul – c'est pesé, emballé, emporté et expédié par colissimo. Faudrait pas que les morceaux aient un début, ça lui ouvre l'appétit, et après il ne peut plus s'arrêter. Tape de tous les côtés, un fadurle, un madurle, il bourre à mort, il fourre à vif, l'en jette encore parce qu'il ne connaît pas le mot : trop. Ou alors il confond avec pas assez, le gars qui vous beurre la tartine des deux côtés, plus le listel, plus le bol, plus la table. De mauvaises manières de mal éduqué qui évidemment déteignent tristement sur ses comparses. Cyprien n'en rate pas une pour lui refiler des lignes de basse qui vous entortillent le paquet cadeau au fil de fer chauffé à blanc. De temps en temps il se tourne vers Olivier, genre gamins sur un parking qui font le concours du plus grand nombre de rétroviseurs cassés. Vous n'avez plus qu'un espoir, seul un prince pourrait arrêter ce barnum rock'n'roll, c'est raté, Cedrick Adava pense que le Prince Albert doit sa couronne au fait qu'il a trouvé le moyen de faire deux fois pire qu'eux tous réunis. Alors il tente de faire pareil : à la guitare d'abord. Il ne se débrouille pas mal du tout, ce qui a le don d'énerver Virgile, qui piqué par la tarentule fraternelle de l'émulation, au bout du quatrième morceau, se défait de son cache-poussière, mais ne s'arrête pas en si bon chemin, il l'arrache, non il lacère carrément sa chemise et la jette à terre pour la piétiner rageusement. Un mec pas soigneux. Je n'aimerais pas voir l'état de sa chambre. Par contre, question riff, l'est mortel, difficile de savoir comment il fait, mêmes les filles qui voudraient s'attarder sur son torse dénudé, ne peuvent détacher leur regards de sa main droite. L'agite si violemment, qu'elle vous obnubile le nombril. Vous avez peur pour lui, sa menotte mignonnette, elle a toutes les chances de se détacher et d'aller voler dans l'air avant de retomber dans une flaque de sang. Ben, non elle tient bien, l'est même devenue autonome, frappée par un parkinson démoniaque, une nouvelle maladie, la tremblante tumultueuse du mouton enragé ou l'épilepsie convulsive de la vache folle. Faudra qu'un vétérinaire se penche sur ce phénomène clinique. En tout cas, question rock c'est radical, ça vous allume le feu au plancher et au plafond en même temps. Ce Virgile là, son passage préféré c'est plutôt le saccage de Troie du chant VI de l'Enéide que la première églogue des Bucoliques. Rien de tel que la fureur sacrée de la poésie pour donner de l'énergie aux copains. Du coup Cedrick vous pète deux cordes en même temps, les princes se doivent d'être fastueux et dispendieux, pas de problème, l'a prévu l'a une seconde machine de guerre prête, toute noire comme vos ires perdues. Mais ce n'est pas tout, assume tous les attributs de sa charge, notamment du chant. En français pour que personne ne fasse semblant de ne pas avoir compris. L'a des paroles qui tuent et des mots qui trouent, vous les assène sans distinction un peu comme la vérole se jetait sur le bas-clergé au moyen-âge. Descend de la scène pour porter le message au peuple attroupé au bas de l'estrade, l'aime le contact, fusionnel, rebondit comme une balle de squash sur les uns et les autres et revient finalement nous avertir de l'imminence des mutations catastrophiques qui s'apprêtent à fondre sur nous. Mais les gens sont sottement imprévoyants, au lieu de fondre en larmes, ils s'esbaudissent de joie, trépignent, se bousculent, se perdent dans un immense tohu-bohu. Dernier morceau, ils arrêtent, mais la foule se mue en bête féroce, ce sera rappel ou révolution. On a eu le rappel, cette fois on a été sages, qu'ils s'en souviennent quand ils repasseront par la Comedia. Le peuple a faim de rock'n'roll. Et le Prince Albert se devra de continuer à nourrir les fauves.
PROMESSE
Très bonne soirée. Comme on les aime. Des jeunes pousses et de solides gaillards qui n'en sont pas à leurs premiers méfaits. La semaine prochaine, la kronic de leurs CDs. Je sais, l'on vous gâte. Profitez-en bientôt les vacances d'été, et vous serez privés de vos livraisons hebdromadaires. Cela vous apprendra à vivre.
Damie Chad.
ROCKAMBOLESQUES
LES DOSSIERS SECRETS DU SSR
le service secret du rock'n'roll
SAISON 2 : LE DOSSIER A
Les gens s'imaginent que le SSR sauve le monde au moins deux fois par jour. Ne soyons pas faussement modestes, cela nous arrive quelquefois, mais parfois nous tombons sur des affaires des plus intrigantes qui échappent à toute logique humaine. Pour vous le prouver et satisfaire votre insatiable curiosité, voici spécialement déclassifiés pour les kr'tntreaders, les documents relatifs à une des plus mystérieuses énigmes qui s'offrit à nous. Voici donc, tiré des archives secrètes du SSR, le Dossier A. Retranscrit in extenso, est-il besoin de le préciser.
UNE MATINEE DE RÊVE
Nous avions ouvert les deux fenêtres du bureau en grand. Une douceur printanière avait envahi la pièce. Molossa lapait à petits coups de langues son bol matinal de jack, le Chef savourait un Coronado, aucune affaire en vue depuis trois jours, calme plat, je ne pus m'empêcher d'en faire la remarque au Chef perdu dans ses pensées :
'' Agent Chad, il ne faut jurer de rien. Je suis d'accord avec vous la journée qui se profile semble promise à demeurer paisible, toutefois une chose m'inquiète, un presque rien, je ne dis pas un je ne sais quoi, parce que justement je sais. Pas grand-chose, mais il est des sensations qui ne sauraient tromper un fumeur de Coronado. Avez-vous remarqué que malgré le calme de la journée la fumée quand elle se sépare de son clair brasier de feu avant de monter droit vers le plafond elle exécute une espèce de légère demi-volte sur sa gauche, via sinistra auraient dit les Romains, et puis cette sensation accessible à un seul amateur distingué, le cigare semble, ô imperceptiblement, coller aux doigts, ce sont-là des signes inquiétants. J'ai remarqué que souvent, lors de telles coïncidences, les évènements tournent à l'aigre...''
Sur ce le Chef ferma les yeux et replongea dans un rêve intérieur digne des grands félins asiatiques... Deux heures plus tard le téléphone sonnait. Je décrochai.
'' Allo, ici le brigadier Dupont du Commissariat, l'on vous envoie une voiture avec cinq gaziers qui nous racontent une drôle d'histoire à dormir debout, on n'y comprend rien, en plus le temps nous manque, il est déjà dix heures et nous sommes en retard pour préparer l'anisette de midi, donc ils sont chez vous dans cinq minutes.
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Mais enfin Brigadier nous sommes les Services Secrets du Rock'n'roll, nous ne traitons que des affaires ayant trait au rock'n'roll !
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C'est bien ce que je disais, ces cinq jeunes ils ont formé un groupe de rock !
UN DRÔLE DE RECIT
Il nous fallut plus de cinq heures pour remettre les faits dans l'ordre. Les gamins n'arrêtaient pas de se couper et d'embrouiller la chronologie des faits. Nous l'avons difficilement remise en ordre :
Baptiste : c'est à cause de Noémie que l'on a formé le groupe. J'avais emprunté son cahier de textes, la plus belle fille du collège, la plus bêcheuse aussi, elle ne nous adressait jamais la parole, j'ai compris pourquoi en ouvrant le cahier, à chaque page elle avait collé des photos de groupes de rock...
Lionel : du coup on a décidé de former un groupe de rock !
Hector : on a commencé petit, en rock on n'y connaissait rien, on n'avait même pas d'instrument, mais tous les matins à la récré de dix heures et demie, l'on a tenu une réunion secrète dans un coin reculé de la cour.
Hugo : c'est le troisième matin que s'est radinée Alma. L'on aurait préféré Noémie mais enfin c'était une fille !
Baptiste : peuh, une sixième, nous on était en troisième, petite malingre, pas très jolie, on l'aurait bien renvoyée...
Gérard : mais au bout de dix minutes elle avait cité dix noms de groupes que l'on ne connaissait pas, et le soir quand on a vérifié l'a bien fallu reconnaître qu'elle en connaissait un max !
Lionel : bref elle s'est accrochée, elle était à toutes nos réunions et lorsque l'on a trouvé un local de répète, elle n'a jamais sauté une répétition, toujours là et elle avait l'oreille.
Hector : quand on est passé en seconde, elle est passée en cinquième mais le collège et le lycée étant le même établissement, l'on a continué à se voir aux récrés et aux répètes.
Baptiste : ensuite Hugo est tombé amoureux d'elle !
Hugo : n'importe quoi, c'est avec moi qu'est sortie Noémie, pas avec toi !
Tous les autres : arrête ! Tu allais chercher Alma chez elle et tu la ramenais le soir !
Hugo : justement, c'est là où les ennuis commencent !
Tous les autres : n'importe quoi, tu es simplement vexé parce que tu ne la vois plus ! Et tu en fais un tel problème que tu nous as forcés à te suivre au Commissariat.
Bref, ils commencèrent à se disputer, à se traiter de tous les noms, à s'insulter, et pour finir ils décrétèrent arrêter le groupe. Split en direct ! Et ils s'en furent chacun de leur côté, les yeux étincelants de colère.
Ils sont jeunes, conclut le Chef. Nous n'y pensions plus mais trois jours plus tard Hugo sonnait à la porte du Service.
PRECISIONS HUGOLIENNES
'' Je suis venu pour vous dire que premièrement je ne suis pas amoureux d'Alma, deuxièmement que je suis inquiet. Elle a disparu. Depuis trois mois. Du jour au lendemain. Les autres s'en foutent mais moi je trouve ça étrange.
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Tu peux nous donner son adresse ?
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Oui 15 rue Lakanal, au douzième étage. Je l'ai raccompagnée plusieurs fois par semaine chez elle et de même j'allais la chercher pratiquement tous les matins durant trois ans. Je montais les escaliers, tapais à la porte du logement 121, la porte s'ouvrait aussitôt et elle sortait.
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Et ses parents ne disaient rien !
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Je ne les ai jamais vus, ni de près, ni de loin. Au retour c'était pareil, elle tapait, l'on débloquait le verrou de l'autre côté, et elle rentrait. Par l'embrasure je n'ai jamais vu quelqu'un.
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Et alors ?
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Un jour, j'ai frappé, personne n'est sorti, on ne l'a plus jamais revue, j'ai continué tous les jours, j'y vais encore de temps en temps. Le groupe a commencé à se désagréger...
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A cause d'elle ?
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Non, des divergences musicales... De toutes les manières mon père est muté dans le Sud, l'on part dans trois jours, mais je tenais à signaler cette disparition... Les autres disent qu'elle a déménagé puisque sur la boîte à lettres 121 dans le Hall, l'inscription M. et Mme Leduc et leur fille Alma a disparu du jour au lendemain. Mais moi il y a un truc qui me gêne.''
UNE ENQUÊTE SURPRENANTE
Nous nous sommes partagés le travail avec le Chef. S'est rendu au Collège, l'a été reçu par le principal. L'en est revenu étonné. Aucune Alma Leduc n'a été scolarisée dans cet établissement. Il a eu accès à tous les fichiers informatiques. Il a interrogé les surveillants et les professeurs, et certains élèves. Personne n'a jamais entendu parler d'Alma Leduc. Rien aucun souvenir, aucune trace...
Je suis monté au douzième étage du 15 rue Lakanal, j'ai frappé à la porte, rien, pas un bruit. Personne. Molossa n'a manifesté aucun intérêt. J'ai trouvé la société de location de l'immeuble. Le directeur m'a dévoilé que l'appartement 121 avait été acheté par l'ambassade du Mali. J'ai obtenu un rendez-vous avec l'ambassadeur du Mali, lui et son chef de service m'ont appris que l'appartement était inoccupé depuis cinq ans. M'ont prêté les clefs de l'appart. Je l'ai visité. Bien défraîchi, une grosse couche de poussière sur le plancher. Molossa n'a même pas pris la peine de flairer partout. J'ai ramené les clefs et puis plus rien.
Nous avons tourné et retourné le problème dans notre tête. Le Chef a contacté bien des services d'Etat. Tout cela n'a rien donné. Tous les membres du groupe ont été surveillés à leur insu. Rien d'anormal dans leur comportement. Les rapports se sont accumulés, tous aussi décevants les uns que les autres. Et puis nous sommes passés à autre chose. Nous avons oublié.
Trois ans se sont écoulés. Je n'y pensais plus lorsque le hasard m'a fait passer par la rue Lakanal. Je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai garé la teuf-teuf et je suis monté jusqu'à l'appartement 121 du douzième étage. Molossa très intéressée s'est approchée de la porte et a remué la queue. J'ai frappé. J'ai entendu un déclic à l'intérieur, la porte s'est entrouverte et refermée, Alma était sur le palier. Un peu malingre, pas vraiment jolie, mais une réelle présence.
Voilà, c'est tout. Enquête terminée.
Damie Chad.
27/03/2019
KR'TNT ! 412 : THE JONES / ZEROS / UPROARS / ROCKABILLY GENERATION / FICTIONABOUTFICTION / ROMANCE AMERICAINE / LES FLAGORNEURS / HEAR ME NOW
KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME
LIVRAISON 412
A ROCKLIT PRODUCTION
28 / 03 / 2019
THE JONES / ZEROS UPROARS / ROCKABILLY GENERATION FICTIONABOUTFICTION / ROMANCE AMERICAINE LES FLAGORNEURS / HEAR ME NOW |
TEXTE + PHOTOS SUR : http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/
Brillants Jones
Mine de rien, les Jones cookent bien leur cake. Ils proposent un set à base de rock classique et de belles reprises. Ils veillent à rester dans un registre traditionnel, celui qui marche à tous les coups. C’est un groupe à deux guitares, et pas des moindres. À droite se tient Grégoire Cat qui fut pendant 17 ans le lead guitar de Tav Falco. Pour l’avoir vu à l’œuvre plusieurs fois, la partie est comme qui dirait gagnée d’avance. Présence, style et son, il a tout ce qu’il faut en magasin. On le sait, Tav Falco ne s’entoure pas de n’importe qui. Les Jones s’appuient sur une section rythmique qu’on qualifierait de powerhouse en Angleterre. Les drives de basse qui traversent les fins de morceaux donnent systématiquement le frisson et le mec qui bat le beurre n’est pas né de la dernière pluie, oh no no. Il s’apparente même à la caste seigneuriale des batteurs chanteurs, car on le voit prendre le lead au chant à plusieurs reprises. Avec lui, c’est shoot et beat à tous les étages en montant chez Kate. Les mighty Jones proposent un rock extrêmement bien foutu, jamais m’as-tu-vu, joué avec un souci constant de l’impact. Les reprises sonnent comme les plus révérencieux des hommages, il faut voir avec quelle niaque ils tapent dans le «Betty Jean» de Chickah Chuck. Rien n’est plus difficile que de proposer un classique de Chickah Chuck aujourd’hui, car on les a sans doute trop entendus au temps des Stones. Eh bien figurez-vous que les Jones redorent le blason du vieux Chuck avec une élégance sonique qui en bouche un coin. Ils revitalisent le son et donnent des ailes aux vieux accords rock’n’roll. Vu qu’énergie et swing sont au rendez-vous, ils tapent en plein dans le mille, car l’énergie et le swing étaient comme chacun sait les deux mamelles du Handsome Brown-Eyed Crazy Legs. Autre belle cover de choc, le «Looking For A Fox» de Clarence Carter, qui fait partie des intouchables. Aucun rocker normalement constitué n’oserait toucher à Clarence Carter. Eux, ils osent. C’est extrêmement gonflé. Live, la cover passe beaucoup plus facilement le Cap de Bonne Espérance que la version entendue sur le Dig It Radio Slow, qui paraissait un peu maigrichonne. Ils réussissent même à la percuter de plein fouet et bien sûr, le bassman se régale car c’est autant un cut de basse que de chant. Dommage qu’on ait pas le ha ha ha ha du vieux Clarence, mais bon, on ne peut pas tout avoir. Rien n’est plus beau ici bas qu’un hommage bien tempéré. Ce clin d’œil à Clarence Carter vaut par son éclat celui qu’adressa il y a de cela quelques années Darrell Bath à Ronnie Lane, avec «Debris», en cette même cave. Les Jones font aussi sauter la sainte-barbe avec le «Dirty Water» des Standells. Facile diront les mal baisées, mais il faut savoir le jouer. On n’avait pas entendu une version aussi délicieusement explosive depuis celle des Playboys, qui date de l’époque de leur album Bootleg. Les Jones aiment tellement les bons disques qu’ils parviennent à enfiler les covers comme des perles, et pour un peu ils s’en iraient briller au firmament. Leur Dirty Water sonne singulièrement les cloches, ding gong à la volée, c’est gratté, battu, bassmastiqué à la régalade. Les Jones sont le groupe idéal pour l’amateur de belles covers. Mais attention, ce n’est pas fini. Ils tapent dans un autre genre d’intapable, avec le «Slow Death» (écrit Slow Deapth sur la setlist) des Groovies. Encore une fois, c’est servi sur un plateau d’argent, ils bourrent leur dinde de son, c’est salement inspiré, bien amené aux deux guitares, Grégoire Cat et Thierry Jones shakent leur shook comme des vétérans de toutes les guerres, on voit bien qu’ils vénèrent les Groovies, car ils s’installent très exactement dans le cœur vivant du mythe, avec toute la powerhouse qu’on peut imaginer. Les Jones sont le groupe qu’il faut souhaiter à tous de voir jouer. Ils passaient ce soir-là en première partie d’un groupe australien qui allait avoir toutes les peines du monde à s’imposer. Pour l’occasion, on va inventer un vieux proverbe : Si tu veux monter sur scène après les Jones, c’est à tes risques et périls.
Pour les malchanceux qui n’ont pas encore pu voir les Jones sur scène, il reste les albums. Il en existe deux qui sont très différents l’un de l’autre. Le premier paru en 2015 s’appelle First Shot et semble dominé par la présence de Laurent Ciron. Il compose un gros tas de cuts et les chante. On sent le métier et le son paraît parfois très américain, comme par exemple le heavy rock du «Carry On» d’ouverture de bal. Mais au fil de l’eau, on voit Gérald, le batteur, voler le show, et de quelle manière ! Il chante «Wait» à la harangue et ça sonne comme du Chikah Chuck. C’est d’autant plus excellent qu’on entend des basslines rampantes traverser le cut ici et là. Ce prince du heavy beat chante à l’exaltée et il ne fait pas semblant. C’est aussi lui qui chante «Blue Jean Talk». Il fait la différence, car il chante avec une niaque de batteur. Il suffit de prendre l’exemple de Dick Dodd pour comprendre ce que signifie la notion de batteur/chanteur. C’est une énergie du rythme et de la frappe, quelque chose d’exhilarating, comme dirait un Anglais. Timbre de star. Fantastique shouter. Il ose même taper dans le «Sea Cruise» de Frankie Ford, encore un hit qui relève de l’intapable, mais Gérald le prend à sa main, il est dessus dans l’esprit, rule it baby ! Il roule ses r admirablement. Il est vraiment gonflé d’aller taper là-dedans ! Et il faut le voir écorner ses syllabes. On croise d’autres bons cuts sur l’album, mais l’exaltation y brille par son absence. «There’s A Crisis» vaut pour un joli coup de sawmpy booty d’accent forcé, et «Bee String And Bankruptcy» vaut pour un joli coup de Stonesy. Dommage que Gérald ne chante pas tout. Et quand on écoute «I Want Your Lips» (que chante le bassman), on croit entendre Wilko Johnson jouer de la guitare.
Changement de personnel pour Silver Faces, le deuxième album. Grégoire Cat remplace Laurent Ciron et Fred Moulin prend le chant (mais ce n’est pas lui qu’on a vu à Rouen). L’album est excellent. Dans Dig It, Jacques en a déjà fait une belle chronique. Mais il faut en rajouter une couche et le crier sur tous les toits : these guys just do it right ! C’est sur Silver Faces qu’on trouve la reprise du vieux hit de Clarence Carter. Dans l’étrange attaque, on entend la basse mordre la viande, crunch, et ça part aussitôt. Ils jouent ça sec et sans couverture. Ils se contentent des accords parapluie. Fred Moulin shake son Fox avec abnégation, pas facile d’aller rôder sur les terres d’une géant comme Clarence Carter, mais ils cherchent l’âme de la Soul ou la Soul de l’âme c’est comme tu préfères, et le gimmick sonne merveilleusement juste à l’oreille. Ils se mettent dessus au very maximum de leurs possibilités et ça les honore. Les accords de Gloria flottent dans la Soul aux vermicelles, ils ne lâcheraient la rampe pour rien au monde. Petit conseil, écoute ça au casque, tu verras le gimmick venir se nicher dans l’oreille. C’est éminent et bon. On retrouve aussi sur l’album le «Betty Jean» avec lequel ils font des miracles sur scène. Si on aime bien le vieux boogie, alors on se régale de «Look The Part» : c’est ultra joué, avec une bassline qui danse le bal des vampires, poussée dans le dos par un drumbeat des enfers. Voilà ce qu’on appelle une section rythmique de choc. Ils tapent «Sid Vicious» sur les accords de T. Rex - C’mon baby it’s a drag - Assez heavy et belle ambiance. Ces mecs ont beaucoup de chance, car ils s’appuient sur un batteur demented are go à gogo, c’est du moins ce qu’on entend dans «No One To Blame» ou «Morning Ghost». On retrouve encore des accents de Feelgood dans «Come Back To Me Baby» et dans «True Love». Ils jouent ça au big beat de Wilko chords. Ça dégouline d’énergie. Les deux zouaves télescopent leurs solos sous le pont de l’Alma et roulent leur fabuleux swagger dans la farine. Et côté beat, rien de plus sévère, Gérald claque son beurre à la claquemure, c’est le roi des relances à la Feelgood. Il porte littéralement le son. Et puis voilà la cerise sur le gâteau : l’excellent «Shake». On croit qu’il s’agit d’une reprise, mais non, c’est un de leurs cuts. Le beat enfonce les clous à coups redoublés, on peut même parler de beau beat de cour martiale lubrifié aux huiles de power Soul. La huitième merveille du monde. Un cut pareil devrait exploser au nez et à la barbe du monde. C’est battu à la vie à la mort. Ce fantastique drummer porte le Shake à la force du poignet, comme s’il voulait sauver l’humanité. Ça n’a l’air de rien, mais ce genre de pilonnage fait toute la différence. On n’imaginerait pas un Vanilla Fudge sans Carmine Appice, ou l’Electric Flag sans Buddy Miles.
Signé : Cazengler, the jaune
Jones. Le Trois Pièces. Rouen (76). 14 mars 2019
Jones. First Shot. Mortel Records 2015
Jones. Silver Faces. Mortel Records 2018
Love Minus Zeros
Mais non, ces Zeros ne sortent pas d’un hit de Bob Dylan mais plus prosaïquement de Californie. Au crépuscule des années 70, Javier Escovedo et ses copains Robert, Hector et Baba ne songeaient qu’à une seule chose : ruer dans les brancards. Ces fringants chicanos de San Diego rongèrent leur frein jusqu’au moment où leur vint l’idée de monter les Zeros pour devenir l’un des groupes de rock les plus passionnants et les plus flamboyants de la scène californienne. Les Zeros ont avec les Nomads un fort joli point commun : le goût des belles reprises. Leurs clins d’yeux aux Dolls et aux Ramones comptent parmi les plus fameux.
Côté discographie, on ne va pas se ruiner. Il n’existe pas d’album à proprement parler, uniquement trois ou quatre compilations de singles, à commencer par l’explosif Knockin’ Me Dead paru en 1994. Rien qu’à les voir tous les quatre sur la pochette, on comprend qu’ils admirent les Standells. Ils font effectivement une somptueuse reprise du «Sometimes Good Guys Don’t Wear White» des mighty Standells. Tout le son est là, sauf la morgue de Dick Dodd. Javier et ses amis jouent ce classique avec une belle flavor mexicana insistante et bourrent la dinde de coups d’harmo. Ils font aussi trois cuts vraiment dignes des Dolls : «Wanna Go», «Looking For Some Fun» et «Don’t Wanna». Le premier tire plus vers les Ramones, avec sa belle énergie dévergondée, disons que le boogie oscille entre les Dolls et les Ramones, mais le solo va droit sur Johnny Thunders. Par contre, «Looking For Some Fun» sonne comme un hit des Dolls, c’est exactement la même énergie, ainsi que «Don’t Wanna», véritable boogie plein de vie aux veines gonflées et rehaussé de deux superbes descentes de solo. Avec «I Don’t Know», ils sont encore plus royalistes que les Dolls. Quel fabuleux swagger ! Les Zeros savent ravager une contrée, no problemo. Ils ouvrent le bal avec un «Baby’s Gotta Have Her Way» enroulé au riff séditieux et tapé sec. On ne peut pas dire que Javier ait une voix convaincue d’avance, mais il s’impose à la force du poignet. Ils passent à la power pop avec le morceau titre et Robert Lopez prend le chant sur «Beat Your Heart Out», une espèce de cavalcade ramonesque. C’est gorgé de son et même imbattable. Que de son, my son ! Ils sont vifs comme l’éclair au chocolat. Ils amènent «She’s So Wild» à la bravado des Ramones. On entend même des clameurs dignes du CBGB. Ils adorent pulser leur Ramonic. C’est franchement dedicated. Hector prend le chant sur «Left To Right», il est encore plus Ramonic que le roi, il chante à la petite morgue de punkster anglais. Quand Robert prend le lead pour chanter «Shannon Said», il le fait avec une violence insupportable, comme s’il plantait ses crocs dans la gorge de la jouvence. C’est battu sec et monté comme un chef-d’œuvre d’explosivité, comme d’ailleurs l’ensemble de cet album.
Après une longue absence, ils refont surface sur scène à Paris, dans la cave du Klub. Les Zeros ont si bonne réputation que le concert affiche complet. Malheur aux imprévoyants ! Volume idéal pour un groupe dense comme les Zeros. Rien sur Robert, comme dirait Fabrice Luchini, alors les voilà en trio, Hector et Javier jouent à un mètre du public, soutenus par l’explosif Baba Chenelle. Et quand on dit explosif, on est encore loin du compte. Baba volerait presque le show. C’est d’autant plus flagrant que Javier Escovedo joue à l’économie sur sa Gibson jaune. C’est un guitariste de l’école thunderienne, il n’en fait pas trop mais quand il intervient, il entre en osmose avec son vieux cosmos et les dévots des Dolls s’enivrent, car il sort un son qui dégouline de cette véracité qu’on dit verte. Javier et Hector se partagent les cuts au chant. Pas chacun son tour, mais presque. En tant que bassiste chanteur, Hector Penalosa tient admirablement son rang, il est très physique, plein de cette bonne niaque chicano et chante comme Lemmy, avec un micro très haut penché vers le bas. Ah il faut voir ces trois mecs tenir leur set et faire trembler les colonnes du temple. Ils dépotent mécaniquement tous leurs vieux coucous, ils prennent au débotté un «Sometimes Good Guys Don’t Wear White» qui fait palpiter les murailles de la cave et tapent dans du «Don’t Wanna» et du «Handgrenade Heart» avec édifiant mélange d’aisance et de mal dégrossi. Pas de meilleure façon de rendre hommage à Johnny Thunders qui maniait à la perfection ce mélange d’élégance et de foutraque. Ce qui frappe le plus chez les Zeros, c’est l’absence totale de prétention. Pas la moindre trace de frime, on dirait presque qu’ils jouent pour des copains. Ils créent en tous les cas une ambiance cordiale et électrique à la fois, ils n’en finissent pas de rajouter des cuts tirés de singles qu’on ne connaît même pas, mais on finit par s’en foutre, vous en voulez encore, alors en voilà, et ils vont même remonter sur scène pour balancer en rappel un big old «Chatterbox», histoire d’aller couler un porte-avion à Pearl Harbour.
Si on a raté leur set, on peut se consoler en réécoutant l’excellent Right Now paru sur Bomp en 1999. Toutes les grosses reprises des Sonics, des Dolls et des Seeds s’y trouvent. Version musclée de «Strychnine». Javier y va va va voom ! Cette belle cavalcade coule de la source des dieux, c’est sûr. Tiens, voilà «Chatterbox», qui n’est pas loin de sonner comme l’hommage définitif. Ils sont dans le cœur de l’essence des Dolls, ils nappent le son comme le fait si bien Johnny Thunders, c’est édifiant. Mais ils battent tous les records avec une version rentre-dedans de «Pushing Too Hard». C’est le cut de l’uppercut, la violence de la mouvance, c’est l’œuf du serpent qui explose à la barbe de Dieu. Terrific ! Si terrific que ça pulse dans les artères, ça fibrille l’orthodoxie du son, ça bat la chamade à plate couture. Oh, ils n’ont pas que ça à proposer, le morceau titre d’ouverture vaut pour un solide slab de big garage punk zeroïde emmené au combat rock, pas celui des Clash, rassurez-vous. Ils enchaînent avec un «Sneakin’ Out» qui assoit bien la viabilité des choses, ils s’y montrent plus pernicieux dans l’exercice du power, mais quand parlent les rasades alors les coyotes hurlent dans les collines. Pire encore, voilà «Do The Swim» ! C’est à tomber de sa chaise tellement ça swimme la carcasse de la rascasse, baby do the swim ! On a même un solo lance-flamme qui nous crame le buisson ardent, les fantômes dansent dans la fumée, c’est une fabuleuse interjection de la médication méthodique. À partir de là, les Zeros s’installent dans l’inflammatoire, «Handgrenade Heart» n’échappe pas au chaos, leur truc vaut bien un Damned joué au riffing rampant, celui des ténèbres, maléfique et humide, âcre et peu avenant, l’un des pires. Que de son dans leur romp ! Ils passent au boogie down zeroïde avec «Hurry Hurry Hurry» et le chaloupent à coups de yeah c’mon. Javier entre dans le gras du lard avec une classe imprescriptible. Oh c’est off ! Ces mecs sont complets : son, attitude, ambition, chicanerie, conduite, ils sont tout simplement spectaculaires. Ils noient leur «Talkin’» de nappes si bénéfiques qu’on s’en repaît comme de soudards, le son est plein à craquer de guitares intégrales et de nappes saturnales. Leur power pop reste un modèle du genre et «You Me Us» est là pour le prouver. Ils la jouent à l’énergie conflictuelle avec des renvois de power dignes des dieux de la Californie, c’est-à-dire les Byrds, mais avec la petite niaque chicano des Zeros, une niaque très spéciale qui fait leur grandeur.
On retrouve pas mal d’oiseaux bien connus sur une autre compile Bomp, Don’t Push Me Around (Rare And Unreleased Classics From 77). Le petit beat de Baba emmène bien le morceau titre et le cut qui sort vraiment du lot est encore ce «Beat Your Heart Out» produit par Greg Shaw, un admirable hit de power pop joué avec toute l’énergie du désespoir de l’infortune. Un départ en solo enflamme littéralement cette merveille vrombissante. Les Zeros sont dessus, no doubt. Encore de la power pop de rêve avec «Rico Amour». Les chicanos cherchaient leur voie et la trouvaient autant que les Nerves. «Main Street Brat» reste très Dollsy dans l’essence, bien soutenu aux tic-tac de Baba. «Wild Weekend» vaut pour du punk angelino, brouillon et embarqué vite fait. Ces mecs vont vite en besogne, ça fait plaisir à voir. Il faut aussi les entendre se battre au finish sur «Cosmetic Couple», à coups de rasades de brouet, et c’est vraiment chargé de dégoulinade maximaliste. La compile s’achève avec une séquence live, ce qui permet de mesurer leur niveau énergétique. Le pauvre Javier peine à s’imposer dans la tempête sonique de «Shannon Said». Par contre «Talkin’» sonne le glas du groupe, car c’est du grand n’importe quoi. Voit-on l’intérêt d’un tel mayhem ? Non évidemment. Ils sonnent comme une grosse éponge punk mal fichue et gorgée de jus qui pue. Ils font par contre une version très stoogienne d’«Out Of Place» avec un brio incendiaire qui les honore.
Tant qu’on y est, on peut aussi rejeter un œil sur le Live In Madrid édité sur DVD par Munster en 2009. Non seulement on voit les Zeros dans le feu de l’action avec sensiblement la même set-list qu’à Paris, mais on trouve aussi dans les bonus une interview passionnante de Phast Phreddie qui fut un temps leur manager et qui regrette d’avoir surnommé le groupe the Mexican Ramones, ce qui est effectivement très réducteur. Il aurait plutôt dû les surnommer the Mexican Heartbreakers. Phast Phreddie rappelle qu’en 1977, les Zeros était un groupe admirable, qui savait jouer et qui avait des chansons, ce qui était loin d’être le cas des Germs, par exemple. Mais il plaide coupable de ne pas leur avoir consacré assez de temps, no proper album, no proper tour. Dans les bonus, on voit aussi les Zeros sur scène en 1977, il jouent dans une grande salle de Los Angeles à la même affiche que Kim Fowley. On les voit aussi dans une émission de télé en noir en blanc jouer «Don’t Push Me Around» et «Wimp». C’est vrai qu’à l’époque ils avaient déjà une sacrée classe. L’autre force du DVD, c’est le texte de présentation signé Lindsay Hutton. Il rend un fier hommage aux Zeros - Here’s hoping these guys never lose their ability to beat, beat, beat their hearts out ! - Et il ajoute, exalté : «Power on to Zero hour. Over and out.» Et quand on les voit sur scène trente ans après leurs débuts, force est de constater qu’ils n’ont pas trop changé. Javier fait son «Pipeline» et le futur El Vez Robert Lopez s’applique sur sa Gretsch. Ils enfilent ensuite tous leurs hits comme des perles. Ils n’ont que ça, tous ces vieux coucous des années soixante-dix. Robert Lopez prend le chant sur «Jenny Says» et c’est vrai que «Cosmetic People» va plus sur les Heartbreakers. Comme Hector n’est pas là, Steve Rodriguez des Dragons le remplace à la basse. Phast Phreddie nous rappelle que Mario Escovedo, le petit frère de Javier et d’Alejandro, jouait dans les Dragons, un groupe qui eut un moment le vent en poupe. C’est vrai qu’un hit comme «Beat Your Heart Out» ne fait pas de cadeaux. Ils tapent aussi dans l’excellent «Little Latin Lupe Lu» repris par les Righteous Brothers et adressent les clins d’yeux rituels aux Standells et aux Dolls.
Signé : Cazengler, un vrai zéro
Zeros. Le Klub. Paris 1er. 28 février 2010
Zeros. Knockin’ Me Dead. Rockville 1994
Zeros. Right Now. Bomp 1999
Zeros. Don’t Push Me Around (Rare And Unreleased Classics From 77). Bomp 1991
Zeros. Live In Madrid. DVD Munster Records 2009
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En route pour les quarantièmes rugissants. Non, chers kr'tntreaders n'ayez pas peur, piqué par le démon de l'aventure je n'ai pas loué un pédalo pour affronter en solitaire les hautes vagues du Pacifique. J'ai mieux à faire. Suis à mon habitude assis au volant de la teuf-teuf mobile, je brûle férocement les feux rouges, je renverse fébrilement sans remord les passants sur les passages cloutés, j'arrache rageusement les radars au passage d'un coup d'aile meurtrier, non ce n'est pas que je sois en colère, point du tout, mon esprit est empreint d'une paisible sérénité, je suis pressé, c'est que le bonheur se profile au bout de l'horizon, sur la bonne ville de TROYES, en ce soir du 22 / 03 / 2019 , Béatrice Berlot, la patronne, ouvre la nouvelle saison de ses démentielles soirées rockabilly au 3 B, avec un groupe venu spécialement de Birmingham, en Angleterre comme chacun sait, THE UPROARS.
Pour une fois les autorités n'ont pas lésiné, ont compris que l'on ne plaisante pas avec les rockers, z'ont bossé tout l'hiver pour remettre à neuf la rue Turenne, le 3 B bénéficie désormais d'une vaste terrasse de pavés rose, la superclasse. Pas fous les Uproars s'y sont prélassés toute l'après-midi au soleil. Mais le soir tombe, le bar s'est rempli d'un seul coup, toute la vieille garde des habitués à laquelle se mêlent de nouvelles têtes attirées par la réputation de ces célèbres soirées sauvagement reptiliennes. Nous n'attendons plus que les Uproars.
THE UPROARS
J'ai failli en pleurer d'émotion. Trop longtemps que je n'avais entendu la sonorité d'une Gretsch effleurée par la main experte d'un rockabillyman. Celle de Billy Jenkinson est blanche comme une robe de mariée, la big mama d'Alex Richardson noire comme un costume de croque-mort, au fond les fûts argentés de Tom Mayo forment un parfait trait-d'union, une synthèse dialectique miraculeuse. Faudrait commencer par parler d'eux, mais non, à peine la palpitation musicale du combo s'est-elle propulsée que Nick Richardson s'introduit dans ce triangle équilatéral, tape des mains, fonce sur les spectateurs, stoppe son élan les bras levés à la manière des bandilleros qui s'apprêtent à mordre de leurs fers acérés le dos du taureau, se précipite sur le micro le brandit telle une hampe de lance, puis le dirige vers vous à la manière des sarisses des phalanges macédoniennes, c'est parti pour Baby Please Don't Go, plante son vocal dans le morceau tel le cobra dans sa proie, et la fête commence.
Alex slappe et pulse. Pas pour rien que ses phalanges et la revers de sa main soient bandés, frappe méthodique, un cœur indompté de cachalot échoué sur la plage qui ne veut pas mourir, inébranlable, quel que soit le rythme il vous le saisit et ne le lâche plus, l'obstination du gars qui a décidé de vider la mer avec une petite cuillère et qui s'attelle à sa tâche sans envisager un seul instant que celle-ci relève de l'impossible, puisqu'il est en train de l'accomplir. Infatigable et méthodique. Une tape sèche mais parfaitement élastique. La balle qui rebondit et l'on ne voit pas pourquoi elle faiblirait et s'arrêterait un jour. Alex vous donne une idée – et une pratique – du frappement éternel. Tout le contraire de Billy.
Un guitariste dangereux. Parce qu'il ne joue pas comme les autres. Se sert de ses six cordes, mais aussi d'autre chose. Le silence. Impalpable, vous passe un riff, vous refile une séquence, et vos tympans résonnent de mille fragrances, et alors que vous attendez la suite, que vous la supputez riche et onctueuse, plus rien. Pas pour très longtemps, deux dixièmes de secondes, pas plus, mais absolues, au début vous êtes surpris, vous pensez que c'est une erreur, mais son visage n'est agité d'aucune émotion, et vous comprenez que c'est ainsi, qu'il a construit son jeu sur ces nano-temporalités silencieuses, et l'évidence vous saute aux oreilles, c'est que si les résonances gretschiennes sont si belles c'est qu'elles se détachent d'autant plus voluptueusement que sur ces contours de vide sonore elles prennent un relief inusité. Le plus terrible c'est qu'il arrive à produire les mêmes effets sur les brisures d'un Something Else ou l'accélération folle d'un Lonesome Train.
Idem pour Tom sur ses toms. Encore un qui ne fait pas les choses comme les autres. Son temps fort à lui, c'est là où les autres s'arrêtent. Je parle de ses trois camarades et de tous les autres batteurs. Sa spécialité, c'est la fin des morceaux. Un moment de choix pour les drummers, en profitent pour déployer le grand orchestre, les effets kitch et carton-pâte. Plus ils en rajoutent, mieux cela produira de l'effet, pensent-ils. Tom, non. Ce n'est pas qu'il donne dans la simplicité. Poum, j'arrête et je vais me coucher. Lui, l'est pour l'arrêt brutal et définitif. Ce qui ne veut pas dire qu'il bâcle le travail. Oh que non ! Vous croyez que c'est fini, terminé, mort et enterré. Qu'il a tout dit et que personne ne pourrait imaginer une suite à la fin de l'histoire. C'est à ce moment, alors que vous pensez que l'affaire est close, qu'il ponctue. Le mec qui vous refroidit un macchabée mort depuis huit jours. Se prend quinze secondes, rien que pour lui, pour vous montrer comment on termine un travail. Le coup de buvard qui sèche l'encre et puis le paraphe terminal, la marque indélébile du génie. Une frappe d'une dureté incroyable. L'en cassera même une baguette en deux, d'un seul coup. Ne frappe pas fort, il tape dense. Arrêt brutal et total. Monde aboli.
Ce n'est pas tout. L'a encore une autre spécialité. Outre le fait qu'il joue en chaussettes ! En règle générale les batteurs rockabilly ne se servent point trop des cymbales. Lui il les adore. Peut-être même qu'il envisagera un jour de liquider ses caisses chez le broc du coin - d'ailleurs pour la grosse caisse l'a déjà détaché la membrane extérieure - pour ne plus s'occuper que de ses opercules métalliques. L'en raffole, vous change l'aspect du moindre classique par les sonorités avec lesquelles il vous le dézingue, vous le bronze, vous le trempe d'acier, vous l'airainise et le pérennise. Un parfait duo avec Billy, des spécialistes de la clinquance, que je vous défends de confondre avec le clinquant, sont des ciseleurs, des joaillers qui n'utilisent que des métaux rares, des orfèvres qui inventent des alliages inédits. N'allez pas chercher plus loin les raisons du Rock'n'Roll de Led Zeppelin dans le troisième set.
Avec de tels musicos derrière lui, Nick peut être tranquille, ne risque rien, n'a plus rien à faire. Alors comme il est là pour pousser la goualante et entonner la canzione, il ne s'en prive point, vous pond une ogive nucléaire à chaque titre. Rester derrière un micro, l'en est incapable, faut qu'il en maltraite le pied - rien que pour prendre son pied – d'ailleurs pour les deux derniers sets, se contentera de la tête du cromi toute seule ce qui lui permet de bouger. Une voix très très légèrement grasseyante ce qui lui confère une étonnante flexibilité, la dote d'une plasticité étonnante et la met hors d'atteinte de toute fatigue. Au trente-sixième titre, elle sera aussi fraîche qu'au premier. Un répertoire en même temps très pionnier du rock et très moderniste, de Carl Perkins à Chuck Berry, s'en débrouille avec une fraîcheur stupéfiante. Interprétations personnelles mais pas iconoclaste. Un véritable showman, capable de rebondir sur les interjections d'un public – beaucoup de danseuses inusables - dont il ne comprend pas la langue, l'on se dit que sur une scène un peu plus étendue il doit être encore plus survolté. Cette remarque vaut aussi pour Alex qui au peu qu'il nous a montré doit assurer grave question exercices à la barre fixe sur Big Mama.
Trois sets, trois flingueries, le dernier exigeant une très grande technicité instrumentale et rebattant quelque peu la donne du rockabilly classique, un jeu qui ne s'interdit aucune complexité sans s'autoriser la moindre défaillance au niveau de l'impact de sauvagerie originelle qui reste l'alpha et l'oméga de cette musique.
Rappel et ovation finale, les Uproars ont marqué les esprits, Béatrice Berlot a encore marqué un point !
Damie Chad.
Z'avaient pas posé leurs instruments à la fin du premier set que Duduche réclamait déjà leurs disques, n'en avaient qu'un qui vient tout juste de sortir, on s'y est jeté dessus à la manière d'une fourmilière qui s'attaque à un scorpion, un bel objet, sobre and choc, un CD à pochette noire cartonnée, qui arbore l'apparence d'un vieux vinyl dans sa chemise de papier, attention pour les collectionneurs, tirage limité.
LIVE / UPROARS
Baby Please Don't Go : d'intro une guitare à texture de saxophone et la trombe éclate, la contrebasse à corps perdu et des persillades greschiques, drummin' écarlate, cris de guitare, Nick fait la grosse voix, a une sale embrouille avec sa copine, tout s'arrête, z'ont au moins cassé la vaisselle et les meubles, castagnettes de cymbales tout s'écroule sur un fond de cordes grinçantes et tout repart à cent kilomètres à l'heure. Rassurons-nous s'attaquent maintenant aux murs. La guitare barrit à la manière des éléphants en colère, un beau ravage, bye-bye Big Joe Williams et Muddy Waters renvoyés à leurs blues de pleurnichards, quand les Uproars sont sur scène, ouragan sur le Caine, tumulte sur vos oreille, ces gars-là ont le rockabilly épileptique. Rock'n'Roll : à l'impossible nul n'est tenu, le spitfire s'attaque à la forteresse volante zepplinesque, le moustique s'en prend au cuir du rhinocéros, Nick en force, bille en tête, avec le reste de la formation qui pique droit devant, z'ont les ailes cordiques qui vrillent et la batterie pulvérise la rythmique, la grosse bébête n'est pas morte, mais l'insecte s'en sort avec les honneurs de la guerre. Une chose est sûre : les Uproars n'ont peur de rien, ont décidé de filer un sacré coup de balai sur l'armoire aux confitures du vieux rockabilly. Get Wild : en rockabilly la programmatique est très simple, un seul mot d'ordre, soyons sauvage ou ne soyons rien, faudra tout de même que l'on me refile la recette, comment cette guitare vous klaxonne-t-elle des éclats de trompettes à volonté, et cette basse qui court devant telle une sorcière sur son balai à réaction. Blizkrieg Bop : crime de lèse-majesté, z'ont décidé de ramoner la cheminée, mésalliance dans la nomenclature rockabilly, les Uproars osent tout, même une accointance punk, rock'n'roll avant tout, rock'n'roll partout, vous bousculent les tabous et gagnent la guerre éclair. Hooker : une astuce qui marche toujours, une guitare en soutien et la voix qui mène le tout tambour battant, genre piranha affamé qui n'a pas bouffé depuis quinze jours et qui plante ses dents dans le premier truc qui passe à sa portée, pas de chance, c'était votre cervelle. Certes ce n'est pas une grande perte pour l'humanité mais un hit de plus dans l'histoire du rock'n'roll. Psycho For Your Love : ah ! ah! Les criminels ont signé leur forfaits, se revendiquent des Meteors, n'auraient pas dû parce que là ils vont finir en asile psychotrique. Plus vite que prévu, le batteur en premier car il a décidé de gagner la course, mais Nick lui fait méchamment la nique, et la guitare prend le relais, la big mama explose. Enfermez-moi ce ramassis de dératés, au plus vite. Rock this Town : vous la roquent à mort cette ville, les roquets sont lâchés et ont décidé de ramener davantage de souris que les chats tigrés. Vous rapportent un lot de ratas gros comme des hippopotames. Si j'étais les chats je ferais la gueule. Je dirais qu'ils ont triché, qu'ils ont pris des pilules survitaminées. Mais qui me croirait ? Devil In You : pourquoi s'arrêter en si bon chemin, s'attaquent maintenant au diable, une petite ballade dans les fournaises de l'Enfer ne saurait effrayer les rockers. Comptez sur vos doigts, quatre tires que ça déchire méchant, et là vous avez en prime des effondrements de batterie à damner tous les saints de la terre. Please Give Me Something : un petit classique de Bill Allen and the Black-Beats sorti sur Imperial en 1957 ne saurait faire de mal, surtout qu'ils ont décidé de lui refaire la façade, z'ont respecté l'esprit mais l'ont un tantinet dynamisé, elle a intérêt la gamine à leur donner ce qu'ils demandent parce qu'ils sont méchamment pressés, même que sur la fin ils s'énervent grave, la sexualité de groupe avec les Uproars ça frise la moustache que vous n'avez pas et la démence. Extraordinaire. Cocktails Or Shots : bordel, cette guitare en sous-main qui vous broute le mazout à Knokke-le-Zoute, c'est un scandale, une catastrophe nucléaire à elle toute seule, et là-dessus les trois autres vous déroulent un tapis d'horions sur l'horizon au-dessous de la ceinture. C'est trop bon. Ça glisse et ça phosate votre âme d'une si belle manière. Sex Appeal : je comprends enfin pourquoi les prédicateurs nous demandent de nous méfier du sexe. Les Uproars n'ont pas de mal à vous persuader que les douces folâtreries ronsardiennes sont des pièges mortels. N'écoutez jamais ce titre, sans quoi le tableau apocalyptique qu'ils en donnent, cette furie sauvage qu'ils vous en proposent, vous conduiront à rentrer dans les ordres pour le restant de votre vie. Mais qui saurait résister à cette vigueur priappique ! Swords Of A Thousand Men : stiffent dur dans le temple, trichent un peu, s'y mettent à mille contre vos deux oreilles pour vous percer les tympans. Vous envoient la marmelade en bocaux, tant pis vous avalez le tout tout cru, c'est encore meilleur avec le verre. Whole Lot Of Rosie : après le Zeppelin s'attaquent aux trois premières lettres de l'alphabet rock, n'ont peur de rien, d'après moi ils doivent tester une nouvelle guitare, un prototype qui va révolutionner le rock, elle riffe et gronde toute seule, ou alors autre hypothèse, ont récupéré sur une brocante un engin inter-sonique que des extra-terrestres avaient laissé lors d'une visite de vérification de notre évolution. Z'ont dû vouloir hâter notre processus musical. Par contre nous sommes parfaitement convaincus que le chiffre 13 porte malheur, cette tuerie ne dépasse pas les deux minutes. Va falloir une pétition pour qu'ils nous rallongent ce nectar.
Quand je pense qu'il existe une flopée de malheureux sur cette terre qui ne possèdent pas cette allumette prométhéenne que les Uproars s'en sont allés voler au char du soleil du rock'n'roll, tant pis pour eux, on s'en fout, on fait partie des happy few !
Damie Chad.
DO NOT LOOK BACK
FICTIONABOUTFICTION
( Clip / Février 2019 )
Paon ! En plein dans le mille. En plein dans le maelström. Précédé du bourdonnement des moustiques tigres écrasés d'une tapette vengeresse. Mais qu'y a-t-il derrière les plumes multicolores du paon, car c'est ainsi que le monde s'offre à vous sous la forme d'une roue aux ombelles bleutées comme autant d'yeux qui vous fixent de leurs prunelles obstinées. Ne regardez pas en arrière. Scrutez au plus profond. Sachez soulever le voile versicolore d'Isis, peut-être entreverrez-vous les visages de la réalité la plus sombre. Vous-même, mais vos cheveux se métamorphoseront en rideau de noirceur déstructurant. Vous voici figure du mal affublé du masque de la Gorgone, hurlements de vipères s'échappent de votre bouche, dix fois, vingt fois vous pouvez tenter de recommencer les traits de votre portrait, le brouiller de couleurs étendards de guerre, la musique palpite telle un cerveau en émoi, un cœur trémulant ou un bulbe sexuel en éveil, l'insoutenable désir de la pensée vous arrache l'œil, encore la bouche d'ombre de Méduse pousse des glapissements d'horreur, elle n'est que le masque de la mort qui s'avance vers vous, dents cruelles, ossements blancs sécrétant sang et feu cauchemardesques, les entrelacs de ces rhizomes fondateurs ont la forme du vautour qui rongea le foie de Prométhée, et le faucon arbore subitement la chatoyance du phénix immortel, l'homme est là, l'a ravi la flamme primordiale pour s'allumer une cigarette qui le brûle de l'intérieur le réduit à ses pulsions animales, s'empare de lui, de son cœur de son corps, le monde se décolore, vous retournez à la première mutation, à l'homme animal, le singe. Le clone de vous même, l'image du fachisme qui est collée à votre psyché.
Attention les images se bousculent et les séquences s'entremêlent. Ceci n'est qu'une lecture. Do Not Look Back est à l'origine un titre de l'Ep Storm ( 2018 ) en écoute sur Deezer et Spotify et dont nous avions chroniqué dans notre livraison 389 du 18 / 10 / 2018 trois morceaux. FictionAboutFiction est un des groupes les plus décisifs d'un rock'n'roll qui n'hésite pas à s'avancer dans les contrées les plus obscures de notre modernité. Diane Aberdam en est la cellule créatrice. Qui ne regarde pas en arrière.
Damie Chad.
TENDRESSE DECHIRANTE
ROMANCE AMERICAINE
( Clip )
Première création d'un nouveau duo Romance Américaine dans lequel on retrouve Diane Aberdam et Emilien Prost de FictionAboutFiction. Les mêmes que dans le clip précédent mais dans un style totalement différent. Un projet, comme l'on dit maintenant.
Une simple chose, trois notes répétitives sur un synthé et puis le vide. Le vide est plein, mais il faut entendre que cette plénitude n'est qu'absence : la tarte à la crème de l'amour enfui certes, mais ce background sentimental est relégué au second plan de l'infinitude de la transparence humaine car nous n'avons pas plus d'épaisseur que l'image d'un film projeté sur un mur blanc. Silence et guitare posée sur un divan, appartement en un savant désordre bohème, la porte blanche au fond s'ouvre et le Maître du logis entre, drapé d'un peignoir noir, s'installe au clavier alors que le fantôme de l'Absente derrière lui bouffe l'écran et puis se recule jusqu'au divan sur lequel elle se saisit de la guitare.
Tout est en place. La tragédie peut commencer. Elle n'aura pas lieu. Nous n'aurons droit qu'au rituel mille fois ressassée de l'absence obsédante. Gros plan sur l'Artiste en souffrance. Lance la lente ritournelle des trois notes et la voix caverneuse s'empare de l'écran, le poëte maudit pleure la muse disparue, parfois la caméra dévoile ses blanches jambes, la noirceur de son ample t-shirt presque clair si on la compare à la nuit de sa chevelure plus sombre que le désespoir, plus fatidique que le corbeau d'Edgar Poe dans son cercle de lumière. Elle l'accompagne doucement mais sa bouche s'ouvre en grand et s'adonne à d'amères litanies qui résonnent comme des tentures d'amertume.
Une voix funèbre et une guitare qui échelonne des notes à résonances peut-être narquoises, le monde et la femme seraient-ils plus cruels qu'on ne l'imagine ! Trois fois rien donc, mais une réussite époustouflante. Toute une imagerie phantasmatique revisitée en moins de quatre minutes. Miracle de la voix qui vous enferme dans la prison d'une agonie sans fin. De laquelle vous refusez de sortir, en lion blessé qui préfère lécher ses plaies plutôt que recevoir le remède miracle du dernier psy de service. Romantisme de naguère ou masochisme moderne ? Eblouissant.
Damie Chad.
ROCKABILLY GENERATION N° 8
( JANVIER / FEVRIER / MARS / 2018 )
Un peu de retard mais l'on s'en moque, l'important reste que la revue suive son cours et ce n'est pas quelques trous d'air dus à une surcharge de travail et à la mise au point d'une maquette plus claire ( l'ancienne était loin d'être une horreur ) qui découragera les lecteurs dont le nombre croît sans cesse.
Le numéro est habilement composé, deux vétérans, l'un qui ouvre et l'autre qui ferme la longue séquence réservée aux jeunes pousses, condition sine qua non d'un renouvellement des formations rockabilly. Un hommage à Hallyday de sept pages, de Greg Cattez, drôlement bien fait et émouvant, n'a jamais été fan de Johnny mais son père l'écoutait en boucle toute la journée à la maison. Des mots simples mais qui portent. Tony Marlow en deuxième grand sachem rock, encore vivant, et si j'en juge par la liste des concerts qui s'allongent sur son FB, en pleine forme il nous raconte la deuxième partie de sa carrière ( voir N° 7, pour le début ), un infatigable combattant qui fait le trait d'union avec la première génération, et à qui le rockabilly français doit une fière chandelle.
Place aux jeunes, Dylan Kirk – il est anglais et pianiste – et les Starlights – ils sont français, z'ont azimuthé la foule lors de leur premier concert, et n'en sont qu'au tout début, Danny da Silva le frère de Barny, Brayan Kahz traumatisé par le premier concert des SpunyBoys – parents faites gaffe aux mauvaises fréquentations de vos enfants – au retour s'est tout de suite rué sur une contrebasse, et Nico qui a déjà participé à bien des échauffourées Jamy and The Rockin' Trio ( avec un certain Tony Marlow à la batterie ), Be Bop Creeck et Miss Victoria, de quoi remplir un CV de guitariste.
Bon, les filles vous me rendez illico mon Rockabilly Generation, il est hors de question que vous déchiriez la couve pour afficher Barny da Silva en poster dans votre chambre, oui je le concède l'est beau comme un prince charmant, mais c'est avant tout un superbe showman – le Cat Zengler aime, c'est tout dire – frère de Danny, et tous deux fils de Carl, bon sang ne saurait mentir. En plus les filles n'y a pas que Barny, dans le poster central, vous remarquerez que les Rhythm All Stars eux aussi ont du style. La séquence finale me rappelle un très vieux numéro de Salut Les Copains dans laquelle Elvis Presley et Johnny Hallyday répondaient au même questionnaire, cette fois c'est Barny ( le starique ) et Rémi ( le spunique ) qui s'y collent. Un peu moins connu, Alexandre Lucet ( 26 années au compteur ) rappelle comment il a intégré Les Vinyls, vieux groupe de reprises french sixties, dans lequel il a amené du sang neuf et imposé des morceaux en anglais.
Suivent les compte-rendus des derniers festivals de l'année : Trouy ( qui nous est Cher ) dans lequel Jake Calypso et ses poulets brûlants ont cassé la baraque et le poulailler. Rock'n'toll Bigoud avec Darrel Higham & The Enforcers. Rock'n'roll In Pleugueneuc, exactement l'endroit où Dylan Kirk and fis Starligth ont allumé le feu...
Une page de news ( Rockabilly Generation News oblige ), six disques présentés, seul bémol, pas de chronique sous les pochettes, et pour emballer le tout, d'un bout à l'autre, vous bénéficiez des photos de Sergio Kazh.
A mon avis de tous les numéros, le mieux réussi.
Ne regrettez rien les filles, vous n'avez pas eu les photos de Barny, mais en chair et en os, pour la fin de la soirée vous aurez :
Damie Chad.
Ah ! Vous préférez lire la revue ! Qu'attendez-vous pour vous abonner, bande de nigaudes !
Editée par l'Association Rockabilly Generation News ( 1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois), 4, 50 Euros + 3,52 de frais de port soit 8, 02 E pour 1 numéro. Abonnement 4 numéros : 32, 40 Euros ( Port Compris ), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de toutes les revues... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les précédents. Attention N° 1 et N° 2 et N° 3 épuisés.
20 / 03 / 2019 – MONTREUIL
LA COMEDIA
TON SUR TON
LES FLAGORNEURS / HEAR ME NOW
Ton sur Ton organise des événements qui allient musique et arts graphiques, notamment dans le cadre de la Semaine du Dessin à Paris, avais-je lu. J'avais pensé, oui mais dans la vie il faut de temps en temps savoir, bref m'étais fait un beau dessin dans ma caboche genre synesthésies à la Comedia. Dessin et musique. Des qui jouent et des qui graphitent en le même temps, les uns s'inspirant des couleurs de la muzac et les autres de la palette des pinctores. Une expérience intéressante. Y avait bien des artistes. Des modestes bien cachés, des discrets qui n'aiment pas se faire remarquer, une table avec quelques feuilles et quelques guirlandes multicolores accrochées au plafond. Des timides, qui ne se savent pas se vendre – ce qui dénote une éthique respectable – mais pas non plus se faire connaître... dommage, je vous refile les noms Radis ( illustration 1 ), Geoffrey Le Saout ( illustration 2 ), Clara Simard ( illustration 3 ), pouvez faire un tour sur leur instagram. Par contre, côté sonorités, certains ont commencé à se faire remarquer dès la balance.
Joyeux drilles. Le fait que le guitariste soit aussi un des animateurs de Ton sur Ton explique la présence des Flagorneurs. Mais nous en étions au sound check. Une bière ! Un truc à rendre une armée de garçons de café totalement dingue, l'ont djenté et growlé au moins trois cents fois, micro ou pas, le même hurlement clamé d'une voix à rendre tous les groupes de metal fous de jalousie. Ce n'est pas qu'ils avaient soif, c'est qu'ils tenaient à nous accoutumer aux douceurs tintinnabulantes de la poésie punk !
LES FLAGORNEURS
L'on s'attendait au pire. Nous fûmes presque déçus. Certes Les Flagorneurs ne se prennent pas aux sérieux. Ne tapent pas dans l'horrible. Donnent dans le dérisoire. Les histrions du punk en goguette. Entre chahut d'étudiants et private jokes. Z'ont un public qui connaît les paroles par cœur et qui se permet des réparties désopilantes à leur encontre. La plus grande des impartialités m'oblige à reconnaître qu'ils savent renvoyer la balle avec une adresse retorse. Trois jeunes barbus rigolards, vous refilent des histoires incertaines, comment faire du skate en étant bourré, ou vous tracent des portraits sociologiques dignes d'entomologistes colériques comme Les Célibataires ou Mr Le Contrôleur. Vous débitent le répertoire tout à trac et à coups de triques, vous expédient les morceaux en lanceurs de couteaux qui se font un plaisir sadique de toucher leur partenaire en plein cœur. Vous recrachent les morceaux à la vitesse d'un duplicateur, et les machines humaines étant moins fiables que les produits de haute technologie, ils omettent de temps en temps de reproduire une portion du modèle original, tant pis, là où la batterie passe à tout berzingue la guitare et la basse ne trépassent pas. A la moitié du set se hissent même à l'étage supérieur, y a des moments où ça filoche dur et ça tricote sec. Z'aiment les coups foireux, entrecoupés de vannes vaseuses, mais quand la partie devient difficile ils raccrochent les wagons de bien belle façon. Finissent torse nu, rient d'eux-mêmes, Alexandre à la batterie le plus enveloppé, Maxime à la basse le plus maigre, et Paul le plus beau. Devant l'enthousiasme des copains ils finiront en rappel sur les déboires de la jeune Gwendoline.
L'est vrai qu'il existe une tradition de rock satirique en France, Albert et sa Fanfare Poliorcétique ( sans oublier Les chacals de Béthune ), puis Au Bonheur des Dames et ensuite Odeurs en sont les fleurons de la couronne. Je ne crois point que Les Flagorneurs soient les fils fin-de-race de cette généalogie. Si l'essence du punk puise ( entre autres ) au nihilisme et au tonneau ( de bière ) de Diogène, Les Flagorneurs la raccordent au chahut-bahut des monômes estudiantins, sont peut-être la dernière réincarnation pallide, fantomatique, et inconsciente de l'esprit zutique des zazous.
HEAR ME NOW
Un autre monde. Celui de la pop. Plus près de Cure et de Muse ( ce qui ne m'amuse ) que des Poupées de New York et de MC 5. Groupe bifide, deux filles, deux garçons. Aubin à la basse et Mathieu à la lead. Trop galants à notre gré. S'effacent devant les nénettes, donnent l'impression de les accompagner. Marie est aux drums, elle bat pour nous. Méfiez-vous de sa droite, elle peut-être mortelle, mais elle sait aussi servir à main gauche. L'a une frappe virevoltante, joue davantage sur l'imaginatif que sur la lourdeur. L'est la cheville ouvrière et même patronale du groupe, c'est elle qui impulse l'énergie et l'allant nécessaire à la marche en avant. Ses cheveux longs volent et découpent un visage décidé et volontaire. Les gars devraient en prendre de la graine.
Juliette – look de belle jeune fille appliquée – attire les regards. Lourde charge sur ses épaules, le combo-pop repose sur elle. Double rôle, chant et guitare. Celle-ci est de trop, la retranche d'elle-même, l'est comme une cloison contre son son corps qui l'empêche de donner toute sa voix. Ce qui est dommage, un petit trésor sonore qui ne demande qu'à briller au soleil. Faudrait que les guys comprennent qu'ils sont là pour lui fignoler un écrin digne de ce nom. Se contentent de la boite standard. Faudrait qu'ils ne conçoivent pas leur job en tant qu'accompagnateurs mais en tant qu'arrangeurs. Devraient avoir une palette de nuances et de couleurs variées, s'interdire de jouer si monotonement, brisures franches, ruptures clivantes et décollages lyriques seraient les bienvenus. Cela permettrait à Marie de développer des breaks conçus en tant qu'orchestration. Suffit parfois de peu pour améliorer la donne, le morceau pour lequel Juliette a troqué son électrique pour son acoustique a apporté une sonorité rafraîchissante.
Mais le mieux réside en ces moments où Juliette débarrassée de ses appareils cordiques combat à mains nues avec le cromi. Sort son souffle, vous le dépose à vos pieds telle une gerbe de fleurs printanières, cela lui donne aisance et confiance. Maintenant vous pouvez écouter le chant de l'édelweiss sur le sommet de la montagne, l'en devient très à l'aise sur les passages les plus rythmés, insensiblement elle prend la tête du quatuor, mène le bal, et du coup les lads se mettent enfin à l'unisson, envoient du vent dans les voiles et l'ensemble tangue désormais très joliment.
Set agréable. Trop de dissonance programmative avec le groupe précédent. Des titres comme Self-Confidence et The Thoughts We Hide exigeaient sans doute une ambiance préparatoire plus intérieure. Hear Me Now passera ce dimanche 24 Mars en demi-finale du tremplin Emergerza au New Morning. Nous leur souhaitons bonne chance.
Damie Chad.
P.S. : sont en finale au Bataclan !
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