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23/12/2020

KR'TNT ! 490 : MITCH RYDER / GUANA BATZ / ESPEROZA / JOHN KAY AND THE SPARROW / ROCKAMBOLESQUES XIII

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

LIVRAISON 490

A ROCKLIT PRODUCTION

SINCE 2009

FB : KR'TNT KR'TNT

24 / 12 / 2020

 

MITCH RyDER / GUANA BATZ

ESPEROZA / JOHN KAY AND THE SPARROW

ROCKAMBOLESQUES XIII

TEXTES + PHOTOS SUR : :http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/

 

Ryder on the storm

 

S’il en est un qui mérite de s’auto-déclarer Rock & Roll Legend, c’est bien Mitch Ryder, que nous appellerons Mimi pour simplifier. Ce qui nous permettra aussi de fluidifier la purée et de la rendre plus conviviale. Les fans de Mimi qui le suivent depuis les early seventies, l’époque où on ramassait les albums des Detroit Wheels à Londres, se sont tous jetés sur son autobio parue en 2011, Devils & Blue Dresses. My Wild Ride As A Rock And Roll Legend. Mimi fait partie des gens qui ont toujours excité la curiosité, parce qu’il n’apparaissait quasiment nulle part dans les magazines. On n’avait que les quatre albums de Detroit Wheels à se mettre sous la dent et on sentait que ça grouillait de vie sous la grande pierre du mystère. Les Detroit Wheels arrivaient juste à la fin de la vague gaga américaine et juste avant le boom du Detroit Sound avec les Stooges et le MC5. Mimi était aussi considéré comme le pendant américain d’Eric Burdon : même genre de petite stature, même génie vocal et même passion pour la musique noire.

Bon, autant le dire tout de suit, le book n’est pas une bombe, mais il apporte quelques éclairages sur l’histoire des Detroit Wheels. Mimi s’y fend d’un portrait amusant de Jimmy McCarty qu’il compare à la petite girafe qui se dresse sur ses pattes à sa naissance, parce qu’il est grand et sec - a tall, slender good-looking man with a head full of hair - Eh, oui, on aurait tendance à l’oublier, mais Jim McCarty fait partie des très grands guitaristes américains. Après avoir fait des siennes dans les Detroit Wheels, il ira jouer dans le Buddy Miles Express, puis dans Cactus, et au passage, il fascinera une jeune femme nommée Chrissie Hynde. On vous donne dix Williamson en échange d’un McCarty, et c’est encore loin du compte.

Earl Elliot (bass) et Johnny Badanjek (beurre) complètent les Detroit Wheels. Un producteur célèbre à l’époque, Bob Crewe, les repère et les fait jouer en première partie du Dave Clark Five. Et hop c’est parti mon Mimi ! Mr Crewe - comme l’appelle Mimi dans son book - flaire le potentiel et décide de miser sur le groupe. Il l’installe à New York. Mr Crewe a ses bureaux à Manhattan, dans le même immeuble qu’Atlantic, et il vit à Centrel Park West, au Dakota, là où vivra et mourra John Lennon. Dans les early sixties, Mr Crewe était devenu riche et célèbre pour avoir produit Frankie Valli et les Four Seasons. C’est une époque qu’on a perdu de vue, mais avant l’arrivée des Beatles, les Four Seasons étaient avec les Beach Boys les plus grosses stars de la pop américaine. Mr Crewe nous dit Mimi était un star maker, au même titre que Mickie Most en Angleterre : il repérait les talents, les faisait travailler et les lançait une fois qu’il les sentait prêts. On connaît les tarifs : un an de travail pour Suzie Quatro à Londres sous la houlette de Mickie Most, et 18 mois pour Al Green à Memphis, sous la houlette de Willie Mitchell. Mr Crewe était aussi en cheville avec Andrew Loog Oldham, c’est dire s’il avait la bras long. Voilà donc le contexte. Mimi et ses amis apprennent à devenir des stars, logés tous les cinq dans un minuscule appartement et leur protecteur leur verse chaque semaine un tout petit peu d’argent de poche.

Le book permet de comprendre un truc essentiel : Mitch Ryder & The Detroit Wheels enregistrent leurs albums à New York et ne sont donc pas des fleurons du Detroit Sound. Paru en 1966, Jenny Take A Ride est un très bel album de Soul-rock. Pochette superbe, on les voit tous les cinq perchés au sommet d’un tas de gros bidons d’huile. Rien de plus rock’n’roll qu’un tel visuel. On ramassait l’album rien que pour la pochette. Mimi et ses amis y enfilent des perles de r’n’b comme «Shake A Tail Feather» ou «I’ll Go Crazy». «Come See About Me» et «Just A Little Bit» sonnent bien crazy. En parfait white nigger, Mimi groove comme un démon. Il est le Motown boy exemplaire, mais en beaucoup plus wild. Il est tellement excellent qu’il trépigne. Par contre, les cuts signés Crewe sont des merdes infâmes. Mr Crewe n’a rien compris aux Detroit Wheels. Le morceau titre de l’album est le hit de Mimi. C’est du CC Rider et du Jenny Jenny claqués aux clap-hands. C’est l’une des plus belles pulsations de tous les temps. Ses oooh n’ont rien à envier à ceux de Little Richard. Sacré asticot que ce Mimi ! Déjà tout jeune, il nous en fait voir des vertes et des pas mures. Il se prend carrément pour James Brown avec «Please Please Please» et le pire c’est qu’il en a largement les moyens. Le white-niggerisme, c’est son truc. Il réussit l’exploit de fusionner le JB funk et le Detroit power. Il tape aussi dans l’I Feel Good/ So good de la légende avec «I Got You». Il le bouffe tout cru. Bel hommage à Ike aussi avec «Sticks & Stones» et à Sam Cooke avec «Bring It On Home To Me». Mimi petite souris ne se refuse aucun fromage. Il finit avec un «Baby Jane (Mo-Mo Jane)» parfaitement dylanesque qu’il chante au nez pincé et derrière lui, Jim McCarty essaye de faire son Bloomfield. L’album marche bien et Jenny grimpe dans les charts. Allez hop, les gars, en route pour la gloire !

On les retrouve photographiés tous les cinq dans les pneus pour la pochette de Breakout qui paraît la même année. C’est encore un festival extraordinaire de reprises carrées et hargneuses à la fois, tiens comme ce «Midnight Hour» shouté jusqu’à l’os. On entend McCarty claquer pas mal de solos flash, notamment dans l’extraordinaire shoot-bamala de «Little Latin Lupe Lu». Quelle fournaise ! Quel son de rêve ! Dans «Devil With A Blue Dress», on entend le plus gros drive de basse de l’époque. Mimi était alors très développé, pas étonnant qu’il soit entré dans la légende. Il faut aussi entendre le solo demented de McCarty dans «Oo Poo Pah Doo». En B, ils volent de hit en hit comme des vampires. Encore du solid stuff de juke avec «You Get Your Kicks» et ça se termine avec un morceau titre allumé au McCartysme. On ne se lasse pas de ce big sound. D’ailleurs on suivra par la suite McCarty à la trace, mais c’est une autre histoire. Les Detroit Wheels ont un sens aigu de la fournaise, ils restent incisifs jusqu’au bout et McCarty n’en finit plus d’injecter des gimmicks vénéneux dans cette hot chique bien cuivrée et salée aux chœurs de Breakout. Comme ces albums étaient bien foutus ! On peut même dire qu’ils sont parfaits. Le dos de pochette qui préfigure celle du premier MC5 donne un petit avant-goût de ce que pouvait être un set des Detroit Wheels : dans le montage photo, on voit des cops et des tas de mains tendues vers un Mimi en sueur. Une façon comme une autre d’illustrer la mad frenzy.

Mais Crewe fait comme les autres, il propose un contrat solo à Mimi. Les Detroit Wheels ne l’intéressent pas. C’est drôle comme l’histoire se répète. Comme tant d’autres, Mimi raconte qu’il ne gagne pas un rond avec ses disques. Le seul blé qu’il ramasse, c’est une partie des recettes des concerts. Pour le reste, tintin. Et en même temps, il voit Mr Crewe s’enrichir à vue d’œil en s’achetant ce que Mimi appelle the complex, les trois derniers étages d’un building de luxe sur Central Park (5e avenue & 67e rue). L’endroit appartient à Tony Bennett et Bob Crewe l’obtient pour 2,5 millions de dollars. Il donne une petite piaule à Mimi. C’est au complex que Crewe fait son business et Mimi y voit passer des tas de gens célèbres comme Stephen Stills ou Seymour Stein.

Comme ça marche bien, Mr Crewe va sortir trois nouveaux albums de Mimi en 1967, à commencer par Sock It To Me. «Sock It To Me Baby» ? Même tarif que «Devil With A Blue Dress», même Soul searchin’, même big bass drive et même McCarty en embuscade. Ça joue au-delà de toute attente. Ça pulse au turn on me livré aux flammes du McCartysme le plus fulgurant. On entend Mimi hurler jusqu’à l’overdose dans «I Can’t Hide It». Il s’en égosille. Il faut le voir screamer dans la crème anglaise. Il fait même de la pop des jours heureux avec «I Never Had It Better», et ça marche, car il nous transporte vers un autre monde. Back to the heavy drive avec «I’d Rather Go To Jail», absolute monster, puissant et vindicatif. On y sent une véritable soif de vaincre et les solos de McCarty dépassent les bornes. Voilà le early genius des Detroit Wheels dans toute sa splendeur.

Paru dans la foulée, Mitch Ryder Sings The Hits est un Best Of, qui permet de réviser sa leçon. On reste dans le yeah yeah yeah de white nigger et dans l’excellence de la prestance de l’immanence, tout est là, dans ce saint-frusquin de power et de cuivres. Mimi est un artiste exceptionnel, il faut le voir driver son raw r’n’b. Il sait tout faire : incendier sous les couches («Please Please Please»), blaster au cœur des pétaudières («Ruby Baby & Peaches»), flotter entre les cuisses de Dionne la lionne («Walk On By»), viser l’extinction de voix («Stubborn Kind Of Fellow») et jouer la carte du heavy popotin («You Are My Sunshine»).

Le dernier album de la prériode new-yorkaise est l’excellent What Now My Love produit par Mr Crewe. Voilà l’idée : ça fait deux ans que Mr Crewe investit dans Mimi alors le moment est venu de le lancer avec un grand album de pop orchestrée. Pas de problème, Mimi peut chanter Broadway à pleine voix. Tout ce qu’il demande, c’est des bonnes chansons. Pitié, Mr Crewe, donnez-moi des bonnes chansons ! On le voit vite à l’œuvre dans «I Make A Fool Of Myself», il l’explose. Mimi dispose de l’un des meilleurs répondants du monde, une facilité à chanter à pleine gueule et à swinguer un air au sommet de son registre, comme le fait Scott Walker. Il est stupéfiant d’aplomb dans cette pop orchestrée à outrance. Les violons font des vols planés. Et de cut en cut, on va le voir prendre ses aises. Il dispose d’une voix chaude et bénéficie d’arrangements irréels de beauté, Mr Crewe a mis le paquet. Mimi le dénigre dans son book, mais il ne devrait pas car Crewe lui offre le luxe d’une prod surnaturelle. Nouveau parallèle avec Scott Walker : la reprise d’«If You Go Away» de Jacques Brel. Mimi et Brel même combat. Il rentre dans l’extrême désespoir, il sculpte sa matière comme un Rodin de Detroit, il fait corps avec l’argile du désespoir, il livre combat dans un délire de violonnades, il s’élance à corps perdu dans les relances, il jette toute sa violence de Detroit kid dans la gueule de Brel, c’est du mythe à l’état pur. Même la basse ramène de la Soul dans le dumdum des relances. Bien vu, Mimi, mais supplier ne sert à rien. Il prend «What Now My Love» à la glotte frileuse puis il monte sur le dos de la mélodie, il survit en chantant. Ce mec a du génie. Les filles des chœurs le coincent au coin du bois, mais Mimi garde son sang froid, il se contente de monter de quelques octaves. C’est un mec simple qui est né pauvre, mais il ne faut pas trop l’asticoter. Il n’aime pas ça. Donnez-lui des chansons, c’est tout ce qu’il demande. Il vous montrera qu’il peut exploser dans le ciel quand il veut. Il revient au son des Detroit Wheels avec deux ou trois trucs, comme «Sally Go Round The Roses», dommage, on perd les charmes de la grosse prod. C’est le bassman qui fait tout le boulot dans les rocking tunes, comme cette reprise de Chucky Chuckah, «Brown Eyed Hansdome Man». La basse est si bonne sur «I Need Lovin’» et «That’s It I Quit I’m Movin’ On» qu’on croirait entendre James Jamerson. McCarty y fait sauter un ultime pétard.

La fin de l’histoire n’est pas jojo. Mimi tente de casser le contrat qu’il a signé avec Mr Crewe, mais ça se passe mal. Procès et compagnie, Mimi se retrouve à Detroit, reins brisés et sans un rond. Il a tout perdu. Un comptable estime que les Detroit Wheels se sont fait enfler de sept millions de dollars. Comme tous les anges déchus, Mimi n’a plus que ses yeux pour pleurer.

Cet épisode est d’autant plus crucial dans la vie de Mimi qu’il est né pauvre, et la pauvreté va rester toute sa vie une hantise. Il naît pauvre dans une famille nombreuse et dit ceci, dans son premier chapitre : «J’aimais mes frères et mes sœurs. J’aimais mes parents. Mais j’ai grandi dans un milieu pourri. Rien de bien ne pouvait en sortir, et si quelque chose devait y éclore, ça ne pouvait être qu’un miracle. C’est la raison pour laquelle je hais si profondément les privilégiés. Ils considèrent comme acquis ce que nous les pauvres avons acquis soit en se prostituant, soit en vendant notre âme.» Mimi se met rarement à nu, mais quand il le fait, c’est raunchy.

Comme il doit encore un album à Paramount, on lui donne le choix : soit il va à Los Angeles enregistrer avec Jeff Barry, soit il va à Memphis enregistrer avec Steve Cropper et les MGs. Hop, Memphis. Avec The Detroit Memphis Experiment, Mimi continue d’affirmer son indépendance : il s’est débarrassé des Detroit Wheels et de Mr Crewe pour faire ce qu’il a envie de faire, du pur R&B. The Detroit Memphis Experiment est donc un pur album de white nigger. Mimi n’a aucun souci de ce côté-là. Il est parfait dans le rôle, comme le montrent «Liberty» et «Eenie Meenie Minie Moe». On danse littéralement autour du juke. C’est le Stax sound à l’état pur. Mimi chante un r’n’b efflanqué, assez unique. Booker T noie «Push Around» d’orgue et Cropper gratte bien sa Tele sur «Sugar Bee». Mimi finit l’A en beauté avec un shout énorme de Staxy Stax, «I Get Hot». Il rivalise de niggarisme avec les géants de Stax. C’est un merveilleux album de Soul blanche. «Raise Your Hand» sonne un peu comme «Knock On Wood», c’est un hit. Crewe ne s’était pas trompé en misant sur Mimi petite souris, c’est un shouter hors pair. Il termine cet excellent album avec «Meat», en mode Stax troussé à la hussarde. Sévère dégelée de raw r’n’b avec un Duck Dunn on the beat, un Al Jackson aux fesses de hit-hat et un Cropper plus funky que jamais.

En 1971, Mimi est de retour à Detroit et il fréquente la crème de Creem. Il se lie plus particulièrement avec Dave Marsh, gros consommateur de LSD, qu’il traite de fucking genius - all skinny with his long, stringuy, drowned rat-like hair, c’est-à-dire tout maigre avec ses petits cheveux raides comme des queues de rat - Mimi remonte aussi un groupe, le fameux Detroit : «On nous voyait tous au dos de la pochette : J.B. Fields, John Badanjek, Harry Phillips, Dirty Ed (Oklazaki), Steve Hunter, Ronnie Cooke and me. L’un de roadies dont j’ai oublié le nom était assis dans la bagnole. J.B. était notre chef spirituel et membre d’un club de bikers qui s’appelait les Renegades, dont le QG se trouvait sur 8 Mile. Pendant des années, 8 Mile servit de frontière entre les races. La photo impressionnait en ces temps de peace and love. En réalité elle foutait les jetons. On ressemblait plus à un gang de bikers mal intentionnés qu’à des hippies du flower power.»

L’album s’appelle Detroit with Mitch Ryder. Pur jus de Detroit Sound, cette fois. Ils jouent sur la corde raide. Mimi : «Le son était puissant car rempli de haine, de frustration, d’attitude et de désir.» De toute évidence, c’est un gang de surdoués. Il faut les voir cavaler «Long Neck Goose». Avec «Is It You (Or Is It Me)», ils passent au heavy groove. On sent le vécu du Detroiter. Belle basse de Ron Cooke et ça pianote dans le lard. Ils bouclent leur bal d’A avec un gros clin d’œil à Lou Reed : «Rock’n’Roll». Idéal pour un shouter comme Mimi petite souris. Johnny Bee Badanjek bat ça sec, comme au temps des Detroit Wheels. Bon il faut quand même dire que certains cuts n’ont aucun intérêt et c’est leur version d’«I Found A Love» qui sauve la mise de la B. Mimi y rend hommage à Wilson Pickett et Steve Hunter y passe une belle attaque de guitare. On assiste ici à un fabuleux numéro de haute voltige vocale.

Mimi n’en finit plus de ramer. Il a besoin de blé. Un jour, il tombe dans les pattes d’un affairiste nommé Bud Prager qui flaire le jackpot en Mimi et qui tente de monter des plans. C’est là que Mimi se retrouve en studio avec Fred Sonic Smith, Wayne Kramer et le batteur K.C. Watkins. Puis Prager monte le Wild West Show en combinant Mimi avec Leslie West, ce qui détruit l’autre projet. L’épisode Prager se termine comme l’épisode Crewe en cauchemar. Mimi s’estime crucifié au Golgotha.

Quelques années passent et en 1978, il commence à travailler sur How I Spent My Vacation avec la ferme intention de tout dire. Il envisage carrément un auto-biographical concept album qui montre au public un side of me qui n’a jamais été révélé, and it was going to be as honest as the day is long. Il peint un joli tableau pour la pochette : un dieu de l’Olympe américain écoute la radio au casque. À moins que ça ne soit Leon Russell. Mimi monte un nouveau gang qu’il baptise dans son book les Trashing Brothers : Wayne Gabriel & Richard Schein (guitar), Mark Gougeon (bass), Billy Csernits (keys) et le batteur black Wilson Owens. Ça démarre avec l’autobiographical «Tough Kid». Pas compliqué, c’est les Stooges. Avec la voix bien posée et la belle dégelée royale. Backing band de rêve mais quel chanteur ! C’est joué avec une niaque extravagante. Ça cogne dans les murs. Tout est hot chez Mimi comme le montre encore «Dance Ourselves To Death», véritable averse de c’mon guys like crazy et Wayne Gabriel œuvre dans le lard du hot. Mimi refait son white nigger humide avec «Cherry Poppin’». Il est sans doute le seul au monde à pouvoir sortir un tel son. Il chante au feeling abîmé mais avec un extravagant gusto. Bienvenue en enfer avec «Freezin’ In Hell». Mimi adore faire exploser ses balladifs. Il faut voir comme il s’élève dans le ciel pour screamer son hellish beat boom. On reste dans les pures énormités avec «Nice N’ Easy». Mimi chante une fois de plus son ass off et Wayne Gabriel fait pleuvoir du sludge sur la terre. On ne saurait imaginer meilleur cocktail voix/guitare, c’est en quelque sorte un rêve de dérive extrême, joué dans l’épaisseur d’un son incomparable. Mimi n’en finit plus de devenir l’un des meilleurs chanteurs de rock. Et ça continue avec autre heavy rock de rêve, «Falling Forming», stay with me now my love, Mimi sauve les meubles du shuffle, il work it out, il ne lâche jamais sa rampe, il va droit dans le dur, il chante au mieux du mieux, stay with me now my love, il brises les reins des accords de groove sur ses genoux, il chante à l’incandescence. Alors on l’écoute jusqu’au bout du bout, il est incapable de décevoir les attentes, comme Lanegan, il sait rester profondément inspiré, c’est l’un des pourvoyeurs du Grand Œuvre, il ne chante que du trié sur le volet.

C’est avec Naked But Not Dead que Mimi entame sa période allemande en 1980. Premier album sur Line Records. Il a même repeint un joli tableau pour la pochette : une interprétation libre du Saturne de Goya. Au dos, on le voit avec ses amis les Trashing Brothers dans un bar. Mais on remarque très vite une sorte de carence compositale. Le groupe joue des grooves bien passe-partout. Dommage que cet excellent chanteur n’ait rien de mieux à se mettre sous la dent. Les boogies ont le mérite d’être efficaces, mais ça s’arrête là. Il faut attendre «Spitting Lizard» en B pour trouver enfin du rentre-dedans. Mimi fait son tough guy et les guitares de Rick Schien et Joe Gutc nous ramènent à Detroit. Ils renouent enfin avec la violence d’un état d’esprit. Et si on tend l’oreille à l’écoute d’«I Don’t Wanna Hear It», on retrouve la dynamique des Stooges.

Le double live Live Talkies paru en 1981 permet comme chaque live de faire le point sur l’avancement de carrière. Les deux mamelles de ce live sont le passionnant «Bang Bang» et ce «Tough Kid» bien stoogé derrière les oreilles. Mimi propose aussi de belles reprises, un «It’s All Over Now» de Bobby Womack et un «Subterranean Homesick Blues» de Dylan. Mimi aime tellement Dylan qu’il réussit à le dédylaniser. Ça devient autre chose, une sorte de boogie passe-partout. On note surtout que Mimi petite souris est bien à l’aise dans son son.

On retrouve les Trashing Brothers au bar sur la pochette de Got A Change For A Million? paru la même année. C’est là que se niche la version studio de «Bang Bang». Mimi jette ça en l’air, à la seule force de l’ambition, il chante d’une voix lasse, en bon vétéran de toutes les guerres. Retour au big Detroit groove de Soul avec «Bare Your Soul». Marc Gougeon bassmatique comme un dieu. Il sort un drive très incisif que viennent enrichir des guitares bien vipérines. Mimi casse bien la baraque avec «Back At Work». Il vise la folie des grandeurs et il finit par s’imposer. Il chante aussi «Betty’s Too Tight» de main de maître et continue de ce fait d’imposer un style. Album tendu et bougrement intéressant, foutredieu !

Mimi apparaît tout pimpant en devanture de Smart Ass. Il semble frais comme un gardon de Detroit. Belle pochette en tous les cas. On sent la rock star qui ne la ramène pas. D’ailleurs on pourrait en dire autant de l’album : Mimi joue sa réputation mais il n’a pas de chansons. Pas toujours facile d’aller briller au firmament. On passe carrément à travers toute l’A et la B ne vaut guère mieux. On lui en veut un peu pour la faiblesse globale des compos, mais il continue envers et contre tout à imposer le timbre unique de sa voix.

Le Never Kick A Sleeping Dog qui apparaît l’année suivante ne vaut pas tripette non plus. Ça frise un peu le rock FM. Marianne Faithfull vient duetter avec Mimi sur « A Thrill’s A Thrill», mais globalement, il n’a pas de compos. Son «Stand» un brin friendly passe un peu à l’as, même s’il le chante au corps à corps. On est dans ce gros rock américain sur-produit à la Mellecamp. Berk. Trop d’écho, trop de son 80, trop de trop. Sale temps pour canards boiteux, c’est-à-dire les fans de rock.

Mimi s’enlise encore un peu plus dans le passe-partout avec In The China Shop. C’est la panne sèche. Toujours pas de compos. Il tente de sauver les meubles avec «End Of The Line», mais c’est trop FM. Mimi tente désespérément de garder une authenticité de ton, mais «Younger Blood» sonne trop théâtral. Fuck it.

C’est encore un double live qui lui sauve la mise : Red Blood White Mink sort en 1988. Mimi tape dans les vieilles recettes, comme «Little Latin Lupe De Lupe», porté par le big tatapoum de Badanjek. Retour aux sources avec en plus Marc Gougeon on bass. Gros son et grosse équipe ! Ils décident de casser la baraque et enfilent les hits comme des perles : «Rock’n’Roll» (power maximal), «Heart Of Stone» (puissant shouter, l’un des plus puissants du monde), «Gimme Shelter» (un Shelter du Michigan comme celui de Grand Funk, Badanjek le joue au marteau-pilon), «Freezin’ In Hell» (Mimi l’hurle à outrance, ses screams glacent les sangs), «Bang Bang» (la viande de Mimi, c’est-à-dire l’épaisseur compositale doublée d’une épaisseur orchestrale), «I Feel Good» (stupéfiant hommage à James Brown, il est dessus comme l’aigle sur la belette) et un «Let It Rock» spectaculaire, l’une des meilleures versions jamais enregistrées. Signalons aussi l’extraordinaire «Big Time» en D où l’on voit Mimi chercher des noises à la noise. Il est infernal ! Mais c’est le dernier album qu’il enregistre avec les Trashing Brothers et son vieux complice John Badanjek.

Mimi indique dans son book qu’il ne s’en sort au plan personnel que par l’artistique. Le relationnel lui paraît trop compliqué. Les gens dit-il demandent de l’attention et la musique ne demande que de l’invention. Alors il préfère se frotter à la musique.

Suivre le parcours de Mimi est un exercice passionnant. Comme dans la vie, Mimi connaît des hauts et des bas, mais les siens sont artistiques. L’ensemble constitue ce qu’on appelle une œuvre. Nous voilà en 1990, il a déjà 30 ans de carrière derrière lui et il lui en reste encore 30 devant lui. Sacré Mimi, non seulement on l’aime bien, mais en plus il est increvable. Paraît donc en 1990 une compile intitulée The Beautiful Toulang Sunset. On y trouve deux covers superbes, le «Soul Kitchen» des Doors et le «Heart Of Stone» des Stones. C’est vrai qu’on croirait entendre les Doors. Mimi et ses amis vont dans le deepy deep des Doors, on voit même Mimi faire son Jimbo, learn to forget, learn to forget, il fait bien monter sa colère. On retrouve aussi cet «Heart Of Stone» tiré de Red Blood qui leur sied à ravir et pouf, ça part en guitar kill de search and destroy. Mimi pousse là-dedans des cris stupéfiants. On le voit aussi surplomber le groove d’«Everydody Loses» comme une gargouille de Notre-Dame. Il chante depuis sa hauteur. Il avale cul sec le petit rock exacerbé de «That’s Charm» qu’on avait entendu sur Got A Change For A Million puis le «Freezin’ In Hell» tiré de Vacation. Mimi chante à la déchirure. On le voit aussi chanter «True Love» comme une bite au bord de la giclée et il prend «War» au mieux du Mimi-System. C’est un chanteur tellement passionnant qu’on croit toujours entendre ses cuts pour la première fois. Ses albums même les compilatoires sont de l’enjoyement permanent. Il tient toujours son rock en laisse, même le glam d’«It Must Be In Her Genes». Il fait du funk avec «Junkie Love» - I don’t want/ I don’t want/ Your junkie love/ Your junkie love - Au moins ça a le mérite d’être clair. Mimi sait rester dans la ligne du parti, ni trop à gauche ni trop à droite, il fait gaffe où il met les pieds.

Toujours du bon Line avec La Gash paru en 1992. Ce qui étonne le plus dans cette histoire, c’est l’incroyable régularité des parutions. Pour ça, les Allemands sont fortiches. Il faut attendre «Bye Bye Love» pour bander comme un âne, mais ce n’est pas celui des Everly. Non, c’est autre chose, un truc à Mimi, il tarpouille sa soupe aux choux avec de la suite dans les idées, alors forcément, on l’écoute intensément. Ses compos ont une espèce de répondant informel. «Do You Feel Alright» entre aussi dans la période ambitieuse de Mimi, c’est le côté Ryder on the storm, il chante comme un dieu aztèque déplumé. On le voit aussi naviguer en haute mer comme Achab avec «Child Of Rage». Il ne harangue pas Moby Dick, mais quand même, quel capitaine ! Il sait rester attachant, surtout quand il chante son «Dr Margret Smith» en lousdé. Mine de rien, tout l’album est bon, même le bluebeat d’«It’s Your Birthday». Il fait encore des siennes dans «Arms Without Love», un heavy balladif passionnant, il chante jusqu’à l’épuisement de sa glotte de Padirac, c’est dirons-nous un screamer de fin de parcours. Comme il ne veut pas qu’on le considère comme un has-been, il reprend les choses en mains avec «Correct Me If I’m Wrong». Il chante ça de l’intérieur du menton et c’est balèze. Joe Gutc fait des merveilles sur cet album. Et puis voilà Mimi le rapper avec «The Terrorist», il rappe son groove de nobody loves me - And the screams will not quit/ From the wrath of my bombs & my guns/ I need love/ Nobody loves me/ I’m looking for love ! - Power ! - I need attention/ I just thought I’d mention - Et cet album assez extraordinaire se termine avec deux resucées, «Long Neck Goose» qui date du temps de Detroit et «Devil With A Blue Dress On», qui remonte aux Detroit Wheels.

Paru deux ans plus tard, Rite Of Passage est un album que personne n’irait écouter si Mimi n’y chantait pas. Avec un truc comme «Mercy», on est bien récompensé. Bon c’est vrai que certains cuts sont horribles («Actually 101», «We Are Helpless» qui sonne comme du Queen), mais on se régale d’écouter Mimi chanter. En fait, il sauve tous ses cuts un par an, rien que par son talent de shouter. La preuve avec «Too Sentimental». C’est le singer qu’il faut écouter, pas le cut. Il s’inscrit dans l’action du chant. Comme il décide de rester conquérant, ça devient passionnant. Il amène son «Let It Shine» sur un Diddley beat et profite d’«Herman’s Garden» pour rallumer l’antique brasier du Detroit Sound. Il sert la légende comme jadis les prêtres servaient le culte d’Isis. Il chauffe son cut à blanc, comme il l’a toujours fait, il a cette voix qui lui permet de tout survoler, absolument tout. Et du coup, il renverse la situation et transforme cet album qu’on croyait raté en énormité. Il faut aussi le voir attaquer «I’m Starting All Over Again», il se faufile dans ce groove génial comme un serpent. L’autre coup de Jarnac de l’album est «Into The Blue». Mimi y taille sa route dans le boogie cajun. Quelle belle présence !

Bizarrement, le live Detroit - Get Out The Vote fut longtemps considéré comme un disque culte. Steve Hunter joue lead là-dessus. Mais le son n’est pas bon et ce live est une petite arnaque. On entend Badanjek taper «Rock’n’Roll» à la cloche de bois et Mimi petite souris réussit à imposer sa présence dans «City Woman». Belle version aussi de «Gimme Shelter», un cut que les gens du Michigan adorent.

Enregistré en 1999, Monkey Island marque la fin de la relation entre Mimi et son sauveur Uwe, le mec de Line Records. Mimi indique qu’il s’agissait d’une perte de confiance mutuelle et dans ce cas-là, dit-il, on peut kisser goodbye à la relation. Attention, Monkey Island est un album très spécial. Mimi y fait son rapper des enfers dès le morceau titre, il chante au cro-magnon avec une énergie demented are go à gogo, il part à la conquête des cavernes, sa heavyness écrase tout, il rappe sous un ciel zébré d’éclairs. Mais ça n’est rien en comparaison d’«I’m In Denial» : tel un Ulysse ligoté au mât, Mimi affronte les rafales de heavy schluff de rock, il est héroïque, il chante en vainqueur et derrière lui, des fous jouent le heavy dumb funk. Alors laisse tomber, tu ne trouveras jamais ça ailleurs, Mimi chante ça au heavy guttural des cavernes, et ça devient une espèce de merveille révolutionnaire. Voilà que ce géant de Mimi est accompagné par des dieux. Encore une belle énormité avec «Who Are You? Remember» : Mimi y retourne la techno comme une crêpe. C’est un vrai délire de chants croisés sur beat de techno house des forges du Creusot. Mimi s’amuse avec le marteau pilon, il danse dans la vapeur. On croit rêver. On le voit aussi s’amuser avec les tambours du Bronx dans «Lemming Cha Cha» et inventer un genre nouveau avec «Jackpot» : le techno power rock. Mimi nous assomme à coups de Detroit heavy power rock. C’est un album imbattable. Au fond, Mimi n’a même pas besoin de chanter, les bécanes font tout le boulot.

À la fin de son autobio, Mimi propose une sorte de vertigineux carnet mondain : vingt pages de micro-portraits, une à dix lignes chacun. Il a rencontré absolument tout le monde. C’est heureusement un peu moins people que le carnet mondain de Ron Wood. Parmi les gens que Mimi a croisés et qu’il salue, voici Joey Molland, dernier survivant de Badfinger - He is humble when appropriate and arrogant when necessary - Long John Baldry - A marvellous student of R&B - Cub Coda, George Clinton - Où seraient Stevie Wonder, Prince et Sly & the Family Stone sans George Clinton ? Probablement au même endroit que moi sans James Brown, Little Richard et Hank Williams. Sans les influences, on ne va nulle part - Spencer Davis - My favorite Englishman - Les Contours - Pure Detroit Motown Soul - Dr John - After The Night Tripper, I was a fan for life - Il profite d’un hommage aux Doobie Brothers pour lister les blancs qui selon lui savent chanter le R&B : Michael McDonald des Doobie, Robert Palmer, Stevie Winwood, Delbert McClinton, Elton John, The Righteous Brothers et Paul Rogers. Mimi rappelle aussi que Michael Bloomfield lui avait proposé le job de chanteur dans Electric Flag et que bêtement il avait décliné l’offre. Il rappelle aussi que Fabian fut le premier chanteur qu’il a vu sur scène quand il était gosse : «C’était à la grande foire d’état. La même année, j’ai aussi vu James brown et c’est en faisant la comparaison entre les deux que j’ai trouvé ma vocation.» Joliment dit ! Puis il cite les Four Tops - My favorite male Motown group - Lesley Gore, from the early days. Il salue aussi Grand Funk Railroad avec lesquels il a partagé des affiches, les Grass Roots - They did a great show and they’ve got the hits - Jimi Hendrix - music for the ages - the Isley Brothers, Etta James, et Tommy James avec lesquels il a aussi partagé des affiches au temps des Detroit Wheels. Il cite bien sûr Jerry Lee et Little Richard - It was his voice that taught me about energy - Martha & the Vandellas - I’ve shared stages with her my entire career - Wayne Kramer - Si quelqu’un souhaite remettre en question l’authenticité de mon livre, c’est avec Wayne qu’il doit en parler - Question Mark & The Mysterians - J’ai fait pas mal de shows avec Question Mark. J’aimais surtout son pantalon qui craquait chaque fois qu’il tournait le dos au public pour saluer - Il les a tous vus dans les early days, Paul Revere & The Raiders, Smokey Robinson, il n’oublie pas Marv Johnson. Les Romantics, encore un groupe du Michigan, puis il salue Ronnie Spector - Here is a very special voice - Leon Russell - I wanted to understand his story - Sam & Dave avec the MGs at their finest, the Shangri-Las, les Shirelles dont il était amoureux à dix ans. Tout cela n’empêche pas les règlements de comptes, comme par exemple avec Rod Stewart - Ohhh... let’s move on - ou Bob Seger - Un jour je suis allé chez Bob dans sa maison sur le lac pour écrire des chansons. Ou essayer d’en écrire. Mon fils Joel s’était endormi sur le lit de Bob et l’avait mouillé. Ce fut la dernière fois qu’il m’invita - Il salue aussi Chuck Negron des Three Dog Night, les Young Rascals, Mary Wells, Jr. Walker et il rappelle sa fierté d’avoir eu les Who en première partie des Detroit Wheels, des Who qui débarquaient pour la première fois aux États-Unis. Et puis un jour, Romeo qui est son garde du corps demande à Mimi si ça l’intéresse de rencontrer Jackie Wilson. Ben oui ! Bon bah viens ! Jackie se trouvait dans le même hôtel. «On s’est approché de la porte de sa chambre qui était entrouverte et on a frappé. On nous a dit d’entrer et on a vu Jackie à poil sur le lit avec une gonzesse qui était aussi à poil. Et on a papoté pendant un quart d’heure.»

C’est à l’âge de soixante balais, en 2004, que Mimi inaugure un nouvel âge d’or avec le label BuschFunk et un nouvel album : A Dark Caucasian Blue. Il se sent carrément pousser des ailes, il parle même du triumph of my writing ability et d’un fleuve d’idées. C’est nous dit Mimi la troisième fois qu’Engerling l’accompagne, après Rites Of Passage et Monkey Island. Allez, on va citer les noms de ce backing-band franco-allemand et tant pis si on ne les mémorise pas : Heiner Witte (guitar), Manne Pokrandt (bass), Wolfram Badag (keys) et Vincent Brisack (french beurre). Autant le dire tout de suite, A Dark Caucasian Blue est un big classic album. L’ami Mimi chante «I Guess I’m Feeling Blue» à l’arrondi du menton et crée du big atmospherix sans prévenir. Il fait du rock de Zeus et explose son balladif. En fait, c’est un album de blues-rock assez intense et le «Yeah You Right» d’ouverture de bal apporte encore une fois la preuve que Mimi est hanté par le génie : peut-on espérer plus bel hommage à John Lee Hooker ? Non. On voit plus loin ce vieux pépère chapeauté aller de balader au bord du fleuve avec «Detroit (By The River)», alors attention, il peut bouffer les alligators. Mimi détient des pouvoirs. Il ramène toute sa science dans le remugle de «Just One More Beautiful Day», hey hey, brothers & sisters, et allume tranquillement la gueule de ce vieux r’n’b. S’ensuit une autre merveille, «Dear Lord Won’t You Help This Child». Voilà le groove de rêve extrême. Puis il s’en va gueuler sa soif de justice dans «Another Bout Justice». C’est lui qui passe au tribunal, il se défend en chantant - I’m trying to find the truth - Et pouf, il balance tout - Justice in America is about what you can pay/ If you ain’t got money/ Just kiss your little honey/ Cause for sure you’re going away - Il amène son «Decidedly British Blues» au baroque extrême et finit avec le boogie de la lutte finale, « How How How How (The Spider’s Getting Hungry)», un hommage fascinant à Hooky - See that pretty girl.

La série des big albums bardés de son se poursuit avec The Acquitted Idiot. Il s’agit là d’un album de gospel allemand. Derrière Mimi, des filles claquent des chœurs. Alors il peut faire son prêcheur dans «Last Night». Il dispose du plus gros son d’église allemande et tape de bon cœur dans l’art sacré du gospel batch. Mimi est black jusqu’au bout des ongles. Et c’est avec «The Testament» que tout explose - Sweet sweet life is a mistery - On se croirait dans le Deep South, c’est d’une authenticité à toute épreuve - Take your hypocrisy & theology/ Down for a long walk in the street - Mimi vient de la rue, il sait de quoi il parle. Il s’offre un final aussi spectaculaire que ceux de Lanegan. Mimi & Lanegan même combat - Lord I’m tired/ Tired and weary of living/ I’ve been took by a hell bent wind - C’est drôle au fond, on déconsidère Mimi parce qu’il est passé par une période moins glorieuse alors qu’en réalité, il ne fait de grandir au plan artistique. Il chante son «Star No More» sous le boisseau de la légende rampante et ce merveilleux chanteur impose une fois encore son immense présence. Comme Tony Joe White et Lanegan, il reste fidèle à sa légende. Mimi chante sa Soul jusqu’au délire d’anymore - I can’t be a star anymore/ I want to go home/ Lord show me the way - C’est une prière extraordinaire. Il règne en maître absolu sur tous ses cuts. Il chante encore «What We Believe» à l’excellence tardive, dans un épais mélange de musicalité : guitares espagnoles, heavy samba et chœurs de filles, ça frise le Cuba cabana, c’est plein de vie. Il fait aussi du reggae avec «You Taught Me How To Cry» et de la pop avec «Say Goodbye» qui du coup sonne comme un hit du Brill. Voilà de quoi sont parfois capables les vétérans de toutes les guerres. Il termine avec «Hit’n Run Lover», un groove de Soul brother impénitent - Aw baby yes you are - Ça reste du hot shot comme aux premiers jours des Detroit Wheels.

Mimi considère You Deserve My Art paru en 2008 comme son best CD yet. C’est vrai qu’on est claqué du beignet dès «Rocket». Impossible de résister à ça, au power combiné de Mimi et d’Engerling. Power inespéré pour un pépère comme Mimi. Les Allemands ramènent un son dément. Mimi est aux anges, alors il peut se laisser aller et chanter comme un cake. Il faut le voir touiller son remugle de blues à la black, en vrai seigneur de Detroit. Il renoue avec le power dans «The Naked Truth», il nous entraîne dans un tango vertigineux - I’m not trying to disgrace you - il chante à la pâteuse énorme et nous tétanise une fois de plus. Il chante à l’inspirée définitive. Il fait de l’Americana avec «Under That Big Ole Texas Sky» et libère tous les démons du zydeco et le big barnum de Doug Sahm. Il réinvente l’Americana en Allemagne. Avec «In My Garden», Mimi raconte l’histoire d’un mec qui perd tout et qui rencontre quelqu’un qui lui révèle l’alternative au matérialisme. Et nous voilà une fois de plus dans le très haut de gamme. Tout ce qu’il fait est convaincu d’avance. Puis il nous fait un compte-rendu sur les Who et Cream avec «The Night The Devil Died» - Lights were flashing/ Cymbals cranking - Il rejoue Cream à la heavy psychdelia. Il rend hommage - So I stayed - C’est du big sound up in stroke, Mimi pondère son génie, il chante dans le commutatif - Take a row and bow to life/ And let the Devil live.

En 2009, il enregistre Detroit Ain’t Dead Yet avec Don Was au Henson Studio d’Hollywood. Sans doute est-ce là l’un des plus grands albums de rock des temps modernes. Back to Detroit, baby, et ce dès «Back Then», cet heavy doom de Soul Ryder. Mimi est toujours d’attaque, il peut shaker n’importe shook, secouer n’importe quel cocotier, il reste le Detroit tough kid de légende, l’un des rois du Soul-rock de Detroit. Sur cet album, le guitar slinger s’appelle Randy Jacobs. C’est un killer. Shake you mama ! Heavy stuff. L’album n’est qu’un fantastique déploiement d’énergie. Mimi est un mec unique au monde, personne n’a cette attaque de timbre, ce sens de la Soul précautionneuse, il chante parfois comme s’il marchait sur des œufs, mais dans son ton réside la sûreté de l’état des lieux. «One Hair» sonne comme un heavy funk d’alerte rouge. Comme Lou, Mimi chante le white heat. Il hante une fois de plus son album, il dégage autant de fumée que Wilson Pickett. Rien qu’au chant, ça explose. On ne parle pas du reste. «Everybody Looses» s’écroule sous nos yeux, tellement c’est chargé de Mimi doom. Puis il arrache «My Heart Belongs To Me» du sol à la force du poignet. Ce fantastique shouter brûle toutes les politesses. Il est hors nomes. Il repart de plus belle avec «If My Baby Don’t Stop Crying» et la température remonte brutalement avec «Get Real». Le hot c’est son truc. Pas question de faire autre chose. Alors il déroule son hot tock de Soul et le guitar slinger de service l’illumine. Mimi rend hommage à Jimmy Ruffin avec «What Becomes Of The Broken Hearted» - One of my heroes - Il le prend au meilleur ton et le monte en neige du Kilimandjaro, puis il l’explose pour mieux le crucifier au Golgotha. Il file ensuite dans «Junkie Love», un funky Detroit blast violent et faramineux - I don’t want this/ Junky junky love - Solo kill kill de wah, rien d’aussi parfait ici bas.

On l’a déjà dit, les albums live permettent de faire le point sur l’état des choses et de réviser ses leçons. Air Harmonie. Live In Bonn 2008 vous en donne pour votre argent, car tout le power de Mimi et d’Engerling est au rendez-vous. C’est un absolutely live digne des très grands absolutely live. Arrivé à ce stade du panorama, on a bien compris que Mimi sort de l’ordinaire. C’est un vieux chien de guerre capable d’illuminer le chant dans les refrains. Il est aussi l’un des rares chanteurs dont on ne se lasse pas. Il faut le voir blaster son «Long Hard Road», c’est même une sorte de blasting révélatoire, d’autant plus révélatoire qu’un fou joue de la guitare. Il a un nom à coucher dehors : Gisberg Pitti Piatkowski. Mimi n’a encore jamais eu un son aussi demented. Ce mec part en overdrive de wah avec tout le wit de Fast Eddie Clarke et tout le bull de Tony McPhee. Mimi est un gros veinard. Et paf, ils partent en mode slow blues avec «All The Fools It Sees». Les Allemands d’Engerling ont du pot d’avoir Mimi comme chanteur. Et Mimi a du pot d’avoir ces mecs là derrière lui. Leur truc atteint des proportions qui dépassent l’entendement. Mimi sonne bitchy sur ce slow blues de deep down, mais il chante toujours avec autant d’esprit. Comme s’il allait jusqu’au fond du chant. On ne saurait rêver d’une meilleure musicalité. Mimi racle bien le fond du tiroir, il écaille toutes les coquilles des syllabes, il épluche sa Soul pour la glorifier. Il rend hommage à Lou Reed avec le vieux «Rock’n’Roll». Sa version pleine de viande vaut bien celle de Detroit, mais c’est plus allemand, au sens de l’acier Krupp. Mimi est tellement content de l’acier du son qu’il finit en apothéose de fin du monde. Il porte son «21st Century» à incandescence Bessemer et les Allemands jouent leur carte musicologique à outrance, avec du piano, des guitares et toute la ferraille qu’on peut imaginer. Et puis on entre dans une fin d’album pour le moins exceptionnelle, avec le retour de l’excellent «Testament» joué à l’orgue d’église. Mimi nous refait le coup du heavy prêche comme dans The Acquitted Idiot, il en fait sept minutes de délire black, il monte son Soul searching en épingle, il fait tout le boulot sans chœurs. Restez aux aguets car voilà «The Thrill Of It All» : Engerling cloue la chouette du son à la porte de l’église pendant que Mimi hurle dans la nuit. Retour aux sources avec «Jenny Takes A Ride», impossible d’échapper à ça. Detroit en Allemagne. Pas le même son, ne rêvons pas. Pourtant le solo coule comme une rivière de lave. Le mec joue son va-tout, mais c’est un va-tout allemand, ce n’est pas McCarty. Puis Mimi passe à la vitesse supérieure avec un puissant hommage à Al Green : «Take Me To The River». Ce heavy sound sonne comme une grave erreur. Les Allemands ne sont pas avares en matière de graves erreurs. Bon, essayons de rester diplomates, mais ce n’est pas toujours facile. Mimi retrouve miraculeusement le feeling d’Al Green. Dommage que derrière les autres fassent du Krupp. C’est presque une hérésie. Le pauvre Mimi doit s’en rendre compte, mais il ne dit rien. L’autre fou arrose le cut de napalm, il confond Al Green avec Search & Destroy, et du coup on perd tout le softy soft du Hi Sound. La version dure neuf minutes, zébrée d’éclairs de shuffle indéniables. Mimi tente de sauver sa River au final et du coup, il redevient révolutionnaire. Pour finir, ils plongent tous ensemble dans la meilleure Stonesy avec «Gimme Shelter». Encore une fois, c’est une interprétation allemande qui déroute un peu au début, mais on finit par s’y faire. Ils font de la Stonesy Krupp, ils sont fiers de faire les chœurs d’acier, ils détournent le pouvoir des Stones. Mimi est bien le seul à s’en sortir intact.

On retrouve toute cette fine équipe dans un autre live qui vaut lui aussi le déplacement : Live 2012 It’s Killing Me. On y trouve de sacrées covers, comme par exemple le vieux «Heart Of Stone». Fantastique, noyé d’orgue, monté au germanisme des guitares d’après-guerre, alors Mimi peut gueuler et il gueule. Il fait aussi deux reprises de Jimi Hendrix, «Voodoo Chile» et «The Wind Cries Mary». Évidemment, les Allemands font de l’hendrixien Krupp. Ils ramènent une certaine violence dans le son, mais c’est Mimi qui rafle la mise. Il éclate Jimi au Sénégal avec sa copine de cheval. Il chante son Voodoo avec une niaque extravagante, il chante au power du Ryder pur et reste l’une des plus belles incarnations du rock américain. Il atteint ici la folie des grandeurs. «The Wind Cries Mary» est l’hommage d’un génie à un autre génie. Mimi s’en va swinguer le chant au sommet de l’art. Il ressort aussi du formol le vieux «Long Neck Goose», en souvenir de Detroit. C’est tellement bien joué que ça reste d’actualité. Powerful et expéditif. Les Allemands sont les rois de l’expéditif, tout le monde le sait. Quand on l’entend mettre en place son «Do You Feel Alright», on comprend que Mimi tire son aisance d’un très ancien pouvoir. Il ne fait ici que des versions longues. Il faut être fonctionnaire pour écouter ce genre de disk. Si vous avez du temps, allez-y les gars. Petit clin d’œil aux Stooges avec le retour du «Tough Kid». Pas de souci pour les Allemands, c’est dans leurs cordes. Ils reproduisent le swagger de Detroit à la perfection. Mais il leur manque tout de même le poids du Detroit Sound. Ils jouent trop en surface, ils sont trop efficaces. Mais bon, Mimi s’en accommode. Il explose ensuite «Mercy» et «Sex You Up». Il gnagnate sa Soul de rock avec la rage d’un cannibale. Quel fantastique chanteur. Il présente «In My Life» : «It was a stupid song written by a stupid man !». Et il nous chante ça à la vieille glotte voilée. Nouvelle dégelée royale avec «Nice And Easy», Mimi rocke encore comme au temps des Detroit Wheels, c’est heavy et plein d’à-propos, fulminant et radical, Mimi fournit tout le power, fidèle à ses racines.

Encore un fantastique album avec Stick This In Your Ears paru en 2017. Et pourtant, le petit chien qui orne la pochette brouille bien les pistes. Ça explose très vite avec une reprise de «Try A Little Tenderness». Il attaque ça au piano bar et ça vire au groove de rêve. Le génie de Mimi consiste aussi à transcender les grands hits, c’est joué au fouetté de peau des fesses et au piano de round midnite. Il le monte à la force du happiness. Sur «Teach Our Children Love», on entend l’autre fou de Piatkowski faire des siennes. Il n’en finit plus de ramener son grain de sel et son gras double. Joli coup de reggae avec «I Love My Family». Le problème avec Mimi c’est que ça tourne chaque fois à la grosse énormité. Retour au very big sound avec «The Addicts In The Attic». Mimi s’y connaît en big sound. Il peut cogner la gueule d’un beignet quand il veut. Les mecs qui l’accompagnent ont tout compris. C’est pour eux un honneur que d’accompagner une légende à roulettes comme Mimi. Il revient au heavy groove popotin avec «A Little Too Heavy For Me». Mimi reste planté dans l’excellence, comme un vieil arbre. Rien n’a bougé. On le voit ensuite surfer sur la vague allemande avec «White Angel Black». Impossible de résister à un tel ramdam. Mimi avale toutes les couleuvres une par une, il est à l’aise dans tous les éclats, surtout celui du round midnite. «Can’t Hurt You Anymore» ne fait que confirmer cette règle. Mimi est l’artiste complet par excellence. Il faut apprendre à l’écouter et il saura vous donner tout ce qu’il possède. Il remonte à la surface de son balladif avec des accents de Sam Cooke, c’est dire sa hauteur de vue. Il ne laisse aucune chance au hasard. Ce fou de Piatkowski vient encore exploser «It’s Ok To Cry», un pauvre boogie tout flappi, et du coup Mimi petite souris sort de son trou. C’est solide, bien au-delà des espérances de la reine Hortense, ça baigne dans le Detroit Sound, Piat shoote des doses dans le cul de Mimi qui du coup devient élastique. Quel cirque !

Si on en pince pour les Christmas albums, Christmas (Take A Ride) est un must. C’est aussi le premier d’une série de trois albums enregistrés en 2019. On retrouve cette voix de touffeur puissante dans l’un des exercices favoris des stars : Phil Spector, les Beach Boys, les Temptations, Elvis, El Vez, Tav Falco et Fatsy ont tous fait leur Christmas album. Mimi ramène évidemment le Detroit Sound dans le «What Christmas Means To Me» qu’il accroche dans son sapin de Noël. Il se livre à une bel exercice de chat perché dans «Someday At Christmas». Il colle littéralement au corps de sa chanson. Il fait une version gaga de «Santa Claus». Il chante comme une centrale nucléaire qui explose. Il est stupéfiant d’élégie. On a même un solo de destruction massive. On ne sait pas qui joue, car on a zéro info sur la pochette. Il se jette à corps perdu dans le wall of sound pour «Christmas» et on entend sonner les cloches de Tarkoski. Il chante comme s’il perçait les lignes ennemies, c’est le plus gros cavaleur de Detroit, il est de plus en plus héroïque, mais le fleuve de son finit par l’embarquer comme un fétu génial et au moment où il disparaît, il gueule encore. Il termine avec «Put A Little Love In Your Heart», un chef-d’œuvre de heavyness. Mimi est bien le seul ici bas à pouvoir niaquer le boogie de Christmas à ce point là.

On n’en revenait pas de voir surgir dans les bacs un album intitulé Detroit Breakout. S’agissait-il d’une mauvaise compile ? Pas du tout. Un gros sticker indiquait qu’il s’agissait du nouvel album de Mimi. Et du coup en se retrouve encore avec un énorme album dans les pattes. Mimi a choisi ses invités. James Williamson sur «Devil With A Blues Dress», Wayne Kramer et Brian Auger sur une version démente de «Cool Jerk», Sylvain Sylvain sur un «Dirty Water» ravagé par des vents de glissés de cordes. Ce démon de Mimi chante encore plus à l’outrance que d’habitude. Comme s’il aiguisait encore son art du power. Paul Rudolph l’accompagne sur «Have Love Will Travel». C’est joué au rentre dedans, Mimi en fait un blast digne des Sonics, mais detroitisé. On a donc un mix de Detroit Sound et de Pink Fairies. Inespéré ! Mimi mène le bal des vampires dans «Dreambaby» avec Cherrie Currie dans le fond du studio. Elle fait bien les renvois de my dream. Et quelle purée de fuzz ! Walter Lure accompagne Mimi sur le «Stepping Stone» des Monkees. On reste dans le coverage de haut vol, Walter Lure ramène sa niaque de Heartbreaker. Stupéfiante santé de l’ensemble ! On n’en finira donc jamais avec Mimi. Il fait aussi son Otis les deux doigts dans le nez avec «Dock Of The Bay». Linda Gail vient duetter avec lui sur «You Send Me», «If I Had A Hammer» et «Shout». Il transforme tout ça en heavy soupe aux vermicelles définitives. Tout explose à nouveau avec «Twisting The Night Away». Cette fois, c’est Joe Louis Walker l’invité, et Mimi rentre de lard de la Soul. Ça nous donne l’un des plus grands albums de covers de tous les temps

Et voilà que surgit du néant le dernier album en date de Mimi, The Blind Squirrel Finds A Nut. À cause de l’écureuil sur la pochette, on croit que c’est un album pour rigoler. Pas du tout ! On a du big heavy funk dès «Living In America.» Hey ! Mimi se prend pour James Brown, comme à l’époque de son premier album avec les Detroit Wheels. Il en a encore les biscotos. C’est heavy, station to station, hey ! C’est Engerling qui joue le funk. Comme c’est enregistré live, on voit qu’ils ne trichent pas. Mimi et ses amis allemands plient en 4 le vieux blues d’«It Ain’t Easy». Ah pour plier, ils savent plier. Avec «I’ve Got To See You Again», ils font une espèce de groove à la Dr John. Mimi swingue ses syllabes comme un crack. Puis il enchaîne deux smoking beats, «Long Neck Goose» et «Bare Your Soul». Blast pur. C’est vrai que les Allemands n’ont pas leur pareil pour mettre les choses au carré. Personne se saurait couler des bronzes aussi fumants. On retrouve plus loin les deux covers historiques, «Gimme Shelter» et «Soul Kitchen». Les Allemands gonflent les voiles du mythe à la clameur et tout ça s’écroule dans un final apocalyptique. Et ce n’est pas sans frémir qu’on retrouve le learn to forgive de Jimbo. Mimi recrée la magie de Jimbo. Le guitariste derrière se répand dans le son avec du gratté psyché à la dérive. Il faut se souvenir que les Doors régnèrent jadis sur la terre et Mimi nous remet face à nos responsabilités. Alors que ça monte en température, les gens applaudissent. Mimi s’absente un moment et revient pour finir, still one place to go. Il n’en fait qu’une bouchée. Il lui arrache le foie avec les dents.

On pourrait conseiller une bonne compile de Mimi pour finir, All The Real Rockers Come From Detroit parue sur Underdog en 1980, car c’est du trié sur le volet : «Tough Kid» (stoogé par Richard Schein, avec Wilson Owens on black drums), «Spitting Lizard» (Big Detroit Sound tiré de Naked But Not Dead), «Nice N Easy» (tough sound, avec Wayne Gabriel on guitar et Badanjek au beurre), un «I Got Mine» plus boogie down et «Dance Ourselves To Death» qui tient bien la route. C’est vrai qu’avec ce groupe qu’il appelait le Trashing Brothers, Mimi petite souris disposait d’une grosse équipe.

Signé : Cazengler, Mitch ridé

Mitch Ryder & The Detroit Wheels. Jenny Take A Ride. New Voice Records 1966

Mitch Ryder & The Detroit Wheels. Breakout. New Voice Records 1966

Mitch Ryder & The Detroit Wheels. Sock It To Me. New Voice Records 1967

Mitch Ryder Sings The Hits. New Voice Records 1967

Mitch Ryder. What Now My Love. Dynovoice Records 1967

Mitch Tyder. The Detroit Memphis Experiment. DOT Records 1969

Detroit with Mitch Ryder. Paramount Records 1971

Mitch Ryder. How I Spent My Vacation. Seem & Stem Records 1978

Mitch Ryder. Naked But Not Dead. Line Records 1980

Mitch Ryder. Live Talkies. Line Records 1981

Mitch Ryder. Got A Change For A Million? Line Records 1981

Mitch Ryder. Smart Ass. Line Records 1982

Mitch Ryder. Never Kick A Sleeping Dog. Riva 1983

Mitch Ryder. In The China Shop. Line Records 1986

Mitch Ryder. Red Blood White Mink. Line Records 1988

Mitch Ryder. The Beautiful Toulang Sunset. Line Records 1990

Mitch Ryder. La Gash. Line Records 1992

Mitch Ryder. Rite Of Passage. Line Records 1994

Mitch Ryder. Detroit - Get Out The Vote. Total Energy 1997

Mitch Ryder, King Chubby. Monkey Island. Line Music 1999

Mitch Ryder. A Dark Caucasian Blue. BuschFunk 2004

Mitch Ryder. The Acquitted Idiot. BuschFunk 2006

Mitch Ryder. You Deserve My Art. BuschFunk 2008

Mitch Ryder. Detroit Ain’t Dead Yet. Freeworld 2009

Mitch Ryder. Air Harmonie. Live In Bonn 2008. BuschFunk 2008

Mitch Ryder. Live 2012 It’s Killing Me. BuschFunk 2013

Mitch Ryder. Stick This In Your Ears. BuschFunk 2017

Mitch Ryder. Christmas (Take A Ride). Goldenlane Records 2019

Mitch Ryder. Detroit Breakout. Goldenlane Records 2019

Mitch Ryder. The Blind Squirrel Finds A Nut. BuschFunk 2019

Mitch Ryder. All The Real Rockers Come From Detroit. Underdog 1980

Mitch Ryder. Devils & Blue Dresses. My Wild Ride As A Rock And Roll Legend. Cool Titles 2011

 

Wanna Guana, Bwana ?

 

On était ravi l’autre jour d’avoir la visite d’un vieux copain batteur. Au temps où on jouait ensemble, dans les années 90, on se repassait pas mal de disks et un jour, à la sortie d’une répète, il m’avait glissé dans les pattes un CD des Guana Batz en me promettant monts et merveilles. Il s’agissait d’Electra Glide In Blue. Ce fut une belle révélation et le début d’une relation suivie avec ce gang de London rockabs. Leur dernier album, Back To The Jungle est d’ailleurs paru en 2018. Les Batz restent donc d’actualité.

Alors bien sûr, la visite du vieux copain batteur fut l’occasion de ressortir tous les disks et de papoter un peu des Batz, ce qui croyez-le bien, n’est pas chose courante dans les parages. Pour trouver des fans des Batz dans le coin, il faut vraiment se lever de bonne heure, et même en se levant de bonne heure, on n’est pas sûr d’en trouver. Le plus marrant, avec le vieux copain batteur, c’est qu’on ne voit plus le temps passer quand on commence à papoter. Il est arrivé en début d’après-midi et soudain, il faisait nuit. Il dut se hâter de rentrer car on l’attendait.

Lors de cette conversation à bâtons rompus, il m’affirma une fois de plus qu’Electra Glide In Blue est le meilleur Batz. Il n’a pas tout à fait tort. En tous les cas «Green Eyes» te cloue comme une chouette à la porte de l’église. C’est slappé entre les deux yeux. Le beat cavale tout seul. Stupéfiante énergie. Il faut ensuite attendre «Katherine» pour renouer avec l’énormité. Pip Hancox amène ça au ouhahhh de cromagnon et c’est embarqué fissy fissa au heavy beat gaga. On est frappé par leur énergie. On pourrait qualifier «Spector Love» de heavy rockab anglais. C’est bourré d’écho et chanté à l’Anglaise. Avec les trois derniers cuts, ils entrent carrément dans la légende. Ils nous slappent «Who Needs It» dans l’oss de l’ass. Ils développent mille fois plus d’énergie que les Stray Cats. Le guitar slinging est une véritable excavation du riffing. Ils jouent à la vie à la mort. Quel sens du blast et quelle voix de rêve ! «Lover Man» sonne comme un hit. Ils le drivent à destination et ils terminent en apothéose avec «Take A Rocket». Nouveau Guana must, Bwana, nouvelle explosion des valeurs de la bourse, ces mecs tapent dans le mille avec le slap au devant du mix.

Leur premier shoot s’appelait Held Down To Vinyl At Last et parut en 1985. Ils démarraient leur affaire avec un «Down The Line» joué à la dentelle de bop et au takatak de bord de caisse, très laid-back et assez superbe. Mais après, on entrait dans une sorte de classicisme sans surprise. Avec «Nightwatch», ils proposaient un petit coup de boogaloo batzy et il fallait attendre la belle cover de «Please Give Me Something» pour retrouver un peu de viande.

Avec Loan Sharks, les Batz développaient les meilleures dynamiques de rockab. Ils jugulaient bien les flux. Ils montaient leur «Slippin’ In» sur une carcasse classique et ça sonnait bien. Ils viraient mambo bop avec le morceau titre en B. On notait alors l’incroyable santé de leur énergie et leur goût du sautillant. C’était tout simplement bardé de son et de démarrages en côte. Ils passaient au boogaloo avec «I’m Weird», ha ha ha !, et devenaient le temps d’une chanson les rois du train fantôme. Avant d’envoyer l’album coucher au panier, ils claquaient une belle reprise de «No Particular Place To Go», nerveuse et bien fouettée au sang. Chucky Chuckah pouvait être fier.

Il ne faut pas prendre Live Over London à la légère. Pip Hancox fait chanter le public dès «Can’t Take The Pressure». Guana Psycho ! Et c’est parti. Absolute dementia. Ils sont là pour exploser en plein vol. Ils rendent ensuite un bel hommage aux Cramps avec «Rockin’ In The Graveyard». Ils vont tellement vite qu’ils font n’importe quoi. Les cuts se succèdent dans ce que les Anglais appellent un blur. Ils jettent tous leurs cuts en pâture à Gou, le dieu de la violence et du beat travaillé. Ils finissent cette A éreintante avec un «Loan Shark» bien secoué du contrepied. En B, ils font quelques reprises discutables et il faut attendre le «Shake Your Money Maker» d’Elmore James en fin de set pour les voir exploser.

Paru aussi pendant les années de vaches maigres, Rough Edges vaut largement le détour. Dès «Street Wise», on prend un giclée de pur jus de wild bop dans l’œil. Quand ces mecs entrent dans le sujet, ils entrent dans le sujet. Ils sont fous. On ne saurait espérer meilleure entrée en matière. Le Paki slappeur Sam Sardi nous pulvérise ça en deux temps trois mouvements. Pareil, ils tapent «Open Your Mouth» au London ventre-à-terre. Nouveau cut de rêve. Il se dégage d’eux une sorte de force tranquille dont s’est probablement inspiré François Mitterrand pour se faire élire. Ils ont le sens de l’insistance qui est la force des géants. L’autre blast de cet album s’appelle «Fight Back». Encore une pure énormité de wild rockab qui éclate ses pneus dans les virages. Ils foncent comme des dingues et ils en ont les moyens. Sam Sardi nous slappe ça comme un crack. C’est aussi lui qui dégomme «Rocking With Ollie Vee». Il slappe à l’échappée belle, on ne saurait imaginer meilleur drive. Vous noterez aussi que Pip Hancox chante son «Rocking On Greek Road» avec un certain génie vocal. Et pour finir, il serait bon de faire l’apologie de «Love Generator», car c’est joué à l’inimitable beat des reins. Le beat roackab est le plus sexuel et le plus primitif des pulsatifs.

Paru en 1994, Get Around est un album qui vaut lui aussi le détour, pour au moins deux raisons fatales : «Every Night Every Day» et «Hot Stuff». L’Every Night est ce qu’on appelle un monster melodico-slappy, une exceptionnelle merveille congénitale, chantée au cœur vaillant rien d’impossible, avec le slap juste à la surface du beat. Sans doute l’un de leurs meilleurs outbursts. On peut aussi parler d’incredible revelation. Même chose avec «Hot Stuff», c’mon now baby, ils sonnent gaga et c’est excellent, ils déversent du heavy power dans l’entonnoir, belle clameur de rock anglais. Alors ces deux cuts sont les deux tranches de pain du sandwich. Que trouve-t-on à l’intérieur ? Un «Breakdown» dégoulinant de British bop, slap racé et bien tenu, comme on le dit d’une maison. C’est le slap qui est le boss là-dedans. Encore du fantastic Batsy Batz avec «Tell Her». Ils tapent dans les vieux classiques avec une niaque de revienzy. Ces mecs disposent d’un entrain considérable. Ils sont fulgurants de power craze et de tigre dans le moteur. Encore un joli shoot de rockab swagger avec «Lady Of The Night». Pareil, c’est le slap le boss et ça vire jazz manouche ce qui montre à quel point les Batz sont des gens puissants. Allez, une dernière rincette de rockab pur et dur avec «Chill Out Blues». Solide et superbe, bien allongé dans le temps des rockab. Ils terminent cet album qu’on peut sans rougir qualifier de faramineux avec «You’re My Baby», un festival de big slop de slap. Les Batz connaissent tous les secrets.

Après toutes les émotions des grands albums précédents, Powder Keg sonne comme un point bas, même si «Speed Freak Peril» mène la danse au demented are go. Slap it out ! On a toute la panoplie : le big bad slap, le wild killer solo flash et le melting pot de heavy cocote. Big bouzin. Ils continuent de régner sur l’Angleterre avec «Crazy Dumb Truck». Leur beat est un modèle du genre, mais on sent qu’ils tournent un peu en rond. «Saving Grace» est plus ouvert sur le monde extérieur. Tu n’es pas obligé de porter des tatouages pour écouter ça. S’ensuit une série de cuts solides mais sans surprise. Avec «Fallen Angel», on croirait entendre un mauvais groupe de garage punk. Ils ressautent dans la poêle avec «Time Bomb», c’est zébré d’éclairs de quartz dans le son et d’accords louches. Chaud devant avec «Unconditional Love». Belle énergie mais ça manque de maîtrise. Ils terminent avec l’excellent «Self Destruction», une belle soupe de garage bop. C’est une façon de jouer sur les deux tableaux. Ça ravira tous les fans de bop et les fans de punk. Ils creusent le veine du heavy garage punk bien étiré sur la longueur.

The Peel Sessions est certainement le meilleur album des Batz. C’est même du demonic Batz dès «Train Kept A Rollin’» qu’ils tapent au heavy groove. S’ensuit l’encore plus énorme «The Cave», joué à la clameur Batzy. Et tout l’album va défiler ainsi sous nos yeux globuleux, on les voit groover un cimetière dans «Zombie Walk», ils y hiccuppent le Zombie dance, ça boogaloote dans les brancards. Ils rendent ensuite un bel hommage à Chucky Chuckah avec «No Particular Place To Go», ils le plombent à l’angle du right along the automobile et l’affaire va encore se corser car on assiste plus loin à une incroyable déboulade de slap dans «Dynamite». Ils jouent sur la corde sensible du slap, alors forcément, ça marche à tous les coups. Pas compliqué : ici, le slap fait la loi, alors avis aux amateurs. Ils rendent ensuite un crazy hommage à Vince Taylor, avec «Brand New Cadillac». Tension rockab maximale, pur génie, c’est écœurant de power, on a sans doute ici la meilleure version jamais enregistrée, après celle de Vince Taylor, bien sûr. Ils continuent de mettre une pression terrible avec «Purple People Eater», c’est tapé au meilleur beat rockab inimaginable. Et ça continue avec une autre diablerie, «Nightmare Fantasy», véritable cavalcade de wild cat strut. Back to the boogaloo avec l’effarant «Rockin’ In My Coffin», un heavy shoot de wild boogaloo allumé aux hiccups, oh yeah, on entend swinguer les asticots. Ici tout n’est que luxe, rage et volupté. Encore du monster power avec «Goofin’ Around» et ils terminent ce ramassis de dégelées en tous genres avec un «Got No Money» encore plus demented are go à gogo. C’est l’album des Batz qu’il faut guaner, bwana.

L’album de la reformation s’appelle Back To The Jungle. Ne reste plus de la formation originale que Pip Hancox. Une nouvelle équipe le rejoint pour faire des étincelles, notamment avec «You’re So Fine», joli rumble de hard Batz monté sur un big bad Diddley beat. On tombe plus loin sur l’excellent «Burning Up», un solide romp de Batzy bop. Ils ont un sens aigu de la solidité. Et Choppy vole le show dans «Heartbeat» avec sa stand-up. Power and hard drive, voilà les deux mamelles de cette fière équipe, le son est extrêmement dense, Pip a du pot. En B, il faut attendre «No Way Back» pour se réveiller. Quel bop de Batz ! Avec un soupçon de mélodie collé sur le plus deep des beat de bop britanniques. Et ça continue avec «Girl On A Motorbike». Au final, ça nous donne un bon album, avec hélas quelques passages à vide, mais bien produit, avec des Batz on the run. Le bonus track qui n’est pas listé sur la pochette est un «Jungle Rumble» live in France.

Signé : Cazengler, Guana baztard

Guana Batz. Held Down To Vinyl At Last. I.D. Records 1985

Guana Batz. Loan Sharks. I.D. Records 1986

Guana Batz. Live Over London. I.D. Records 1987

Guana Batz. Rough Edges. I.D. Records 1988

Guana Batz. Electra Glide In Blue. World Service 1990

Guana Batz. Get Around. Jappin’ And Rockin’ 1994

Guana Batz. Powder Keg. Jappin’ And Rockin’ 1996

Guana Batz. The Peel Sessions. Jappin’ And Rockin’ 1998

Guana Batz. Back To The Jungle. Tombstone Records 2018

 

AUM CORRUPTED

ESPEROZA

( WormHoleDeath Records / 2016 )

Si vous aimez les choses tordues, vous kifferez Esperoza, oui cela ressemble à de l'espagnol mais c'est du roumain, du moldave roumain faut-il préciser. La Moldavie présente une histoire compliquée. Tantôt roumaine, tantôt russe, tantôt empire ottoman, aujourd'hui république indépendante dans l'orbe de la Russie mais louchant vers l'Europe et l'Otan... Délaissons ces vues géostratégiques complexes. Il nous suffit de savoir que Chisinau est la capitale de la Moldavie, et que Esperoza provient de cette cité.

Il est sûr que si l'aum – traduisons par âme du monde pour rester à un niveau de compréhension occidental - est corrompu, nous ne sommes pas sortis de l'auberge confinatoire... N'oublions pas toutefois que le concept brahmanique possède une dimension vibratoire supplémentaire de première importance. Affirmer que le Aum originel est corrompu est le plus grand crime que puissent perpétrer des musiciens. Un véritable blasphème métaphysique.

Cet Aum Corrupted est le dernier disque de Esperoza. Il n'est pas sûr qu'il y en ait un autre … Zoya Belous réside actuellement aux Pays-bas, il semble d'après ses propres dires que l'expérience Esperoza l'ait moralement, physiquement brisée. Quoi qu'il en soit il apparaît que malgré de multiples participations à plusieurs projets musicaux Esperoza soit pour elle une référence absolue.

Le disque est précédé d'une courte notule dont nous donnons une traduction approximative à lire comme un avertissement à la manière de l'inscription taillée dans le rock au-dessus de la porte de l'Enfer selon Dante :

C'est officiel. La bête est lâchée, nous ne pouvions la contenir plus longtemps. Nous ne croyons pas que aimerez le résultat, il faudrait être un bien sombre compagnon pour entreprendre la descente dans l'abîme. Mais il s'agit de notre constat, notre manifeste contre l'univers et l'ordre des choses. Les mots les plus terribles ne doivent pas être tus. La futilité de la vie humaine, l'inexistence de la justice dans ce bas-monde et pour finir cette âme uniquement faite pour pleurer. Nous pourrions mentionner toutes les difficultés que nous avons dû affronter pendant que nous réalisions cet album. Chacun de nous est soumis à un impitoyable destin, chacun le paie de son sang et de ses nerfs, et cette souffrance n'a d'autre justification que sa propre existence. Contre de telles paroles nous nous élevons, en fous idéalistes, sciant la branche sur laquelle nous sommes assis. Nous sommes ainsi, et voici notre album '' Aum Corrupted''.

'' Aum corrupted'' est un album très sombre, dépressif, obscur, énigmatique et personnel, il présente un son totalement différent de notre premier album. Pour les fans de doom, de death, de black dark, d'atmospheric metal.

Sombre pochette. Serait-ce une représentation du buisson ardent, une fois que le dieu qui n'était pas un phénix s'est consumé, ne reste plus que la carcasse de l'épineux noirci. Quoi qu'il représente l'artwork n'incite guère à l'optimisme. Le pire c'est que les fins filaments blancs – serait-ce une toile d'araignée entremêlée – n'éclairent pas davantage notre lanterne. Quant à l'espèce de cellule centrale d'une blancheur éclatante elle ressemble à une goutte de crachat spermatique vouée à une stérilité infinie.

Zoya Belous : vocal / Dimitri Prihodko : all guitars & bass / Vadim Cartovenko : batterie. Fut aussi le batteur du groupe trash Metal : Lethal Outcome.

A broken passage : la voix de Zoya suave sur-multipliée vous entraîne, personne ne saurait y résister, les filles du Rhin vous propulsent dans les bas-fonds vertigineusement glauques, vous aimeriez que ce retour au liquide amniotique ne finisse jamais, mais le morceau qui est lui-même le passage est aussi brisé. Un cri de goret l'achève brutalement. Vous maudissez le groupe qui se permet de détruire une si belle et si vénéneuse introduction... Egohypnotized : horrifique changement de climat, l'on était dans un monde de douceur de calme et de volupté et nous voici dans l'enfer sidérurgique, une batterie lourde marteau-pilonne à mort, des murs de guitares brisées hérissées de fer acérés chauffées à blanc s'avancent vers vous, la voix de Zoya au milieu du tumulte, prière, supplication, grandiloquence des chœurs, vous êtes figé sous la forge du metal extrême, le timbre gras du forgeron djente à l'extrême, motifs orientaux et arabisants, vous voici à l'opéra, l'héroïne à genoux supplie, le piège de la mort se referme sur elle, serait-ce l'histoire du serpent qui se pique lui-même pour jouir de son ultime méfait, orchestration impressionnante, lorsque qu'elle s'achève vous êtes encore plus déçu qu'à la fin de l'introduction, à croire que la dérélictoire espèce humaine préfère la présence de l'enfer aux promesses paradisiaques. Unknown summons : encore plus violent, martelage oppressant, couine un motif trompetant qui se moque de vous, tout cela pour introduire l'ampleur vocale comminatoire du monstre qui ne fait pas de cadeau, et c'est le duo, celui pathétique que l'on attend dans les plus beaux livrets, le grondement caverneux et la voix fluette qui crie au secours avant d'être submergée, une mouette emportée par la vague se confond avec l'écume, l'on sombre dans un horrible délirium tremens musical, Ivan le terrible est sur scène son gosier couvre le tonnerre de la musique qui essaie de le surpasser, la batterie broie le néant et la méchanceté du monde se concentre dans cet organe viril, pour finir une brève exhalaison orgasmique féminine. Tomb of deeds : sans pitié, la musique avance sur vous pour vous détruire, Esperoza ne vous laisse aucun espoir. Hachoirs mécaniques, emballements de la machine, votre âme est triturée à mort, changement de climats, une guitare gémit, la batterie s'affole, des cris dans tous les coins de la pièce où l'on vous poursuit, l'on essaie de vous écraser la tête à coups de marteaux. Aboiements humains, affolements génitaux. La voix redevient femme. Nocturne Opus 93 : un peu de musique classique pour vous remettre d'aplomb, certes il y a un piano mais surtout ces coups de batterie mortels, et cette toccata de cordes pour vous souvenir qu'autrefois la vie était belle, douce et paisible. Ne se moquerait-on pas de nous. Blame it on me : rien de pire que l'auto-flagellation, la victime retourne le merlin du bourreau contre elle, grognements monumentaux, la batterie roule pour vous rouleau-compresser, clameur et voix qui s'élève, qui s'accuse, plus forte que l'orage, l'ignominie de l'auto-trahison soulignée par une guitare qui semble perdre son sang après s'être immolée en un hara-kiri auto-punitif, et le groin du cochon éclabousse le monde, la victime se lave de ses péchés supposés dans sa propre hémoglobine, l'on atteint à des sommets d'auto-corruption, des extases de renoncements, un piano fou s'en vient sans préavis emporter le morceau dans une espèces de furia interminable. Periods of 8 : l'on est surpris par cette voix et ce bruitage d'aéroport extra-sidéral, l'on pressent que la situation n'est pas bonne, mais comparé aux morceaux précédents c'est presque réconfortant, toutefois cette batterie qui avance avec l'impavidité d'un troupeau d'éléphants décidés à vous piétiner méthodiquement n'est pas encourageante, avec Zoya l'on est désormais dans les Suppliantes d'Eschyle, le morceau s'échevèle, la peur de la folie se transforme en panique, l'on court partout, flaques de sangs, lacs de larmes, Zoya chante comme si elle prophétisait le déclin de notre monde, il est vrai qu'autour d'elle la musique s'écroule sur elle-même, s'entasse et se compactifie en une énorme boule de haine qui déboule sur les villes et ne laisse que ruines et désolations derrière elle. Quand vous croyez qu'elle va s'arrêter, elle repart encore plus fort. Desolate grief : juste la voix, une prière qui monte et emplit les cieux, à croire qu'il n'y a plus de place là-haut pour Dieu. Lamentations funèbres. I rot : cascades soniques, avalanches monstrueuses, sous la neige coupante des guitares l'entassement des roches arasent vos illusions, hurlement, de haine, conjurée par le geyser d'une voix qui ricoche sur les membranes du monde, la musique devient folle, la femme se métamorphose en louve, elle mord, elle lacère, elle cisaille, elle étripe, tout cela avec sa bouche, elle est la prêtresse maudite qui condamne sans rémission, derrière elle, autour d'elle, la musique tente de s'échapper en se cognant et s'empilant sur elle-même, il ne reste plus que des échos de cordes de guitares échappées d'un minaret qui s'exhausse vers le ciel, elle est tout en haut, debout sur la tête d'une fusée interplanétaire, et elle s'envole pour tuer Dieu, lui percer le cœur définitivement, une guitare qui sonne comme la sirène d'un bateau perdu dans la brume au milieu des récifs. And here comes the immaculacy / Aum Mantra ( You will be punished for yours prayers ) : sirocco de sitars, flutes de charmeurs de crotales, gondolements prolongés de gongs, la batterie prend la poudre d'escampette, la bayadère est au tempo, elle récite le sortilège symphonique, l'on sent que l'on est dans le tourbillon originel, que l'on n'en ressortira plus, les murs de l'illusion du monde tournent emportés comme des fétus de pailles, la voix s'aiguise comme le couteau de l'égorgeur, accélération prodigieuse, palier atteint, respirons profondément, désormais l'on ne changera rien à rien, la guitare gyre comme une mouche monstrueuse prisonnière dans un cube de béton, et la voix s'exalte, s'enivre de son propre vin fluoré, ne pas perdre le rythme, se laisser emporter, divaguer, surfer sur l'énorme vague de l'univers qui roule dans le néant. Zoya toujours plus haut, c'est elle qui mène l'attelage du Ramayana, elle est la reine et la sublime prostituée de l'existence, elle récite les mantras interdits, Esperoza est sur les traces du Achilles last stand de Led Zeppelin et se permet même de le dépasser sur ses ultimes foulées, sublime cacophonie, l'on ne sait pas, l'on ne sait plus, l'on ne suit plus, l'on ne fuit plus, l'on se laisse emporter... serait-ce fini, mais non le cycle reprend, l'on entend des hurlements de chuchotements, catacombes en catimini, tout s'égalise, le haut coïncide avec le bas, le fort avec le doux, la peur avec l'envie, la vie avec la mort. Et ça continue, un message lancé par un satellite perdu à des millions de kilomètres et qui soudain revient sur vous pour lâcher ses missiles atomiques. Rien ne vous sera épargné. Ni la mort, ni la vie. Ceci est dit.

Un disque extrême. Qui ne peut remporter par nos temps de médiocrité exigüe que ce que l'on appelle un succès d'estime. Pour devenir légendaire. Ou tomber dans l'oubli. Rien ne lui sera épargné. De quoi dérouter les esprits timorés. Ceux qui en ressortent sains d'esprits sont à considérer comme des rescapés.

Plus j'écoute les groupes de l'Est, plus je suis sidéré par leur puissance.

Damie Chad.

 

STEPPENWOLF ( III )

Il convient de ne pas confondre Sparrows et Sparrow, c'est le même groupe mais avec changement de personnel, nous relaterons une autre fois l'histoire des Sparrows, ce qu'il est bon de retenir c'est que le Loup doit beaucoup au(x) moineau(x) - un beau sujet de fable pour Jean de La Fontaine – et que départs et truchements de personnes à l'intérieur de Steppenwolf font en quelque sorte – au-delà de problèmes d'égo ou de divergences musicales – partie de l'ADN constitutif du Loup.

Les Sparrows se sont formés en 1964, John Kay les rejoint en 1965, le groupe supprime le s final en 1966, l'appellation John Kay and the Sparrow est un leurre destiné à accrocher l'acheteur de disques, de même le Earlier Steppenwolf est de fait un disque de Sparrow, si l'homme est un loup pour l'homme, le Steppenwolf est aussi un loup pour les petits volatiles à envergure marchande réduite...

S'il a fallu une louve pour précipiter la naissance de Rome, il a fallu plus d'un groupe pour engendrer Steppenwolf.

JOHN KAY AND THE SPARROW

( 1967 / 1969 / 2001 )

 

Ces trois dates méritent quelques explications, les bandes furent enregistrés en 1967, mais le disque parut sur Columbia ( CS 9758 ) en 1969 suite au succès de John Kay figure de proue charismatique de Steppenwolf. En 2001 un CD est publié par Repertoire Records ( REP 4878 ) qui reprend les douze morceaux du vinyl de 1969, auxquels sont ajoutés huit autres titres, le lecteur sagace ne sera pas sans remarquer que le Early Steppenwolf propose d'autres versions de certains – et pas des moindres - d'entre eux, ce qui à l'époque aurait risqué de faire doublon... Rappelons aussi que les anciens 33 tours possédaient une capacité de stockage généralement limitée à six morceaux par face.

John Kay : lead guitar, vocal / Dennis Edmonton : guitar / Jerry Edmonton : drums / Goldy Mc John : keyboards / Nick St. Nicholas : bass.

Twisted : composition de John Kay, plus blues qu'elle vous ne trouverez pas, certes la voix est un peu trop juvénile pour faire vieux bluesman du delta qui a tout vu et tout entendu et qui a survécu grâce à son flingue caché dans sa guitare, mais les trilles d'harmonica et la courante du piano ne dépareraient en rien dans une anthologie du Chicago Blues, pour les lyrics cela pèche un peu, Kay essaie l'humour noir, mais il a comme un parfum blanchâtre de LSD, pour ceux qui connaissent ça ressemble un peu aux paroles de Gilles Thibaut de Que le diable me pardonne de Johnny Hallyday, bref si le gars est tordu comme les célèbres méandres du Nowitna, le morceau vous a le débit du Mississippi à l'époque des grandes crues. Goin' to California : un peu blues, un peu rock'n'roll, un peu country rock, un peu tout, un véritable melting pot de la musique populaire américaine, Kay la chante avec une voix d'écorché qui emporte le morceau. Baby, please don't go : hit de Big Joe Williams, si Robert Johnson a rencontré le Diable à un croisement, dresser la liste de tous ceux que Big Joe a croisé exigerait trois ou quatre livraisons entières de Kr'tnt, je ne citerai que Muddy Waters et Bob Dylan qui jouèrent de l'harmonica derrière lui, tous les élèves se valent, mais certains choisissent le bon maître, à l'époque où les Sparrow l'ont enregistré tout le monde avait la version des Them dans la tête, les Moineau ont vu le piège, ne donnent pas dans la dramatisation vanmorrisonienne, se rapprochent d'une interprétation davantage racine, Kay se débrouille bien en rajoutant un soupçon d'ironie dans son phrasé, mais par moments l'orgue de Goldy Mc John est un peu trop themique, le groupe se rattrape sur le tutti final, un joyeux bordel comme on les aime tant. Down goes your love life : premier morceau signé du prolifique Dennis Edmonton ( aidé par Nik St. Nicholas ), au titre l'on s'imagine plonger dans un blues amer, il n'en est rien, dans l'arrangement Dennis a laissé le beau rôle à son frère Jerry à la batterie, mène la cavalcade sur un trot d'enfer, pas le temps de voir passer, tout juste deux minutes, c'est fringuant et entraînant, s'enchaîne parfaitement avec le Baby, please don't go, la gerce trottine salement pour prendre de la distance, quelle prestance, aussi goûteuse de loin que de près. Pas de regret à avoir, ces roulements de tambours qui papillonnent valent tous les plaisirs de la chair qu'offrent les clandés de la New Orleans. Bright lights, big city : tout le monde a repris ce classique de Jimmy Reed, surtout les Animals dont la version reste, à mon humble et toutefois péremptoire avis, insurpassable, la preuve c'est que les Moineau ne la surpassent pas, vous préparent le canard à l'orange mécanique au blues de Méthylène ( médicament idéal pour soigner les bébés bleus ) c'est bien fait, Edmonton tonne sur ses toms, le clavier vous désenclave du Delta, sonne un peu trop anglais, Kay est parfait dans son genre, n'insistez pas bande de z'oziaux, il manque le brillant et la moiteur de la grande ville industrielle. Trop campagnard. Can't make love by yourself : là c'est plutôt D(ésolé) Edmonton que D(ésiré) Edmonton, le sixième morceau de la face A, ils l'ont mis à la fin, ils auraient dû le supprimer, un refrain et des chœurs à dégobiller, se ruent tous dans l'impasse les yeux fermés – comme nos pavillons auditifs qui se referment d'eux-mêmes à l'écoute de cette daube. Kay essaie de prendre sa grosse voix, même un gamin de vingt-trois mois n'y croit pas. Good morning little school girl : de Sony Boy Williamson - le premier du nom, celui qui s'est payé le luxe de se faire assassiner en pleine métropole à l'aide d'un pic à glace à la manière de Léon Trotsky – de nos jours le pauvre Sony se verrait traiter de vieux pédophile dégueulasse pour les lyrics ( qui ne sont pas de lui ), c'est justement pour cela que l'on aime le blues et ses désirs turgescents – ce doit être pareil chez les Sparrow, car ils y mettent du cœur, ah, cette manière de Kay d'articuler les paroles pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, vous l'envoient pas dire, une belle leçon d'amorale. Parfait pour ouvrir une face A. King pin : un morceau de Manfred Mann, avaient-ils voulu donner une version folk-enjouée et parodique du I'm a King Bee des Stones, en tout cas, c'est léger comme la pop anglaise, le Moineau sautille et frétille, Jerry Edmonton s'y régale, l'aime ces légèretés sur lesquels sa frappe frivole mais pas frileuse fait des merveilles. Il existe une autre théorie quant à ce ce titre, King pin serait la déformation du caractère chinois Pinyn qui correspond à l'aum hindou ( voir chronique précédente ), le morceau serait ainsi une perfide allusion aux relations des Beatles avec le Maharishi, mais si la tribu Lennon se rendit en Inde en 1968, Manfred Mann enregistra le titre en 1964... ) Square headed people : décidément le Moineau comptait se spécialiser dans les titres champagnes qui s'éparpillent tels des pois sauteurs, se reprennent après une entrée en matière un peu désastreuse, vous filent l'impression d'essayer des tas de moutures différentes, peut-être entend-on sur ce morceau la différence qui existe entre une option britain-rock des tout premiers Sparrows et le dépassement du blues traditionnel que Kay a le désir de subvertir, est-ce cette tension entre deux directions différentes qui oblige les morceaux les plus inventifs à être si courts, style j'y mets la patte mais pas le menton. Chasin' shadows : la ballade qui tue, la fille perdue dans ses rêves et le gars qui essaie de se positionner, vocal passe-partout, mièvre et grandiloquent, Jerry Edmonton confirme, à la batterie il est le roi de la cavalerie légère, c'est lui qui sauve le morceau, c'est son frère qui l'a écrit et ensablé dans la mer des sargasses doucereuses de la pop anglaise. Trente-six étages sous un morceau comme Girl des Beatles. Green bottle lover: mignons Edmonton à la composition, un petit oiseau gazouille au début, plus on avance dans le morceau plus l'on pense aux Beatles période Rubber Soul, un petit côté moralisateur de la chanson, mais pendant que les autres batifolent dans les effets musicaux, Kay intervient à la manière du septième de cavalerie dans les westerns, l'imite si bien Dylan qu'il pourrait nous réciter la messe en latin où nous lire les discours de notre président que l'on serait contents, tellement que c'est bien expédié. Vous les crache comme un punk tuberculeux. Isn't it strange : plus Beatles que le Moineau tu meurs, non, tu meurs parce que les Beatles n'ont rien à voir avec le Moineau. Lourd, pesant, faussement grandiloquent, quel crime ai-je dû commettre dans une vie antérieure pour être condamné à écouter cet immondice. Sur cette turpitude se termine la version 69, pas si érotique qu'espérée... Tomorrow's ship : face A du single couplée avec Isn't it strange, si je vous disais que cela ressemble à... oui aux Beatles, je vois que vous suivez, et ce n'est guère meilleur que son frère jumeau..., ne prenez jamais ce bateau ni demain, ni après-demain. Twisted : oui vous l'avez déjà entendu, c'est la version single ( pour ne pas dire remplissage ), quelques secondes de moins, moins d'harmonica, davantage de slide, après avoir pesé le pour et le contre je préfère ce mixage, mais je vous en voudrais pas si vous pensez le contraire. Goin' to California : encore une single version, du mal à entendre la différence, s'il y en a une.... Hoochie coochie man : attention l'on rentre dans une série de quatre titres qui sont joués en public sur le Early Steppenwolf, l'orgue noie un peu le poisson lorsque l'on se rapproche des ponts, le morceau paraît plus ramassé, plus appliqué, il est normal qu'en public il paraisse plus échevelé, Kay pose mieux sa voix, la fin est surprenante, non par une recherche quelconque d'originalité, l'on est tellement pris par le déroulé du mille-pattes que l'on ne voit pas défiler les quatre minutes et demie. Goldy Mc John s'est inspiré de ce nappé d'orgue particulier aux Animals. The pusher : la voix annonce The Pusher Take 1, nos oreilles se dressent toute seules, l'on pense à la question d'Archytas de Tarente qui se demandait ce qui se passerait s'il essayait de trouer de son bâton l'extrême limite de l'univers, blueseusement parlant l'expérience sera tentée en public au Matrix voir notre livraison précédente, ici nous n'irons pas jusqu'aux faubourgs du noise, l'on se contente de l'éternel retour concentriquement sinuosidal de l'orgue et l'on se retrouve pas très loin de The End et de Light my fire des Doors, sans le déchaînement final. Goin' upstairs : take 1 du classique de John Lee Hooker, le jouent moins primal, moins balancé que le capitaine crochet du Blues, enrobent un peu trop la viande de graisse, bien fait, vous gravissez les marches sans vous faire prier, mais arrivé tout en haut vous vous apercevez que vous n'êtes ni en enfer, ni au paradis. Pourtant chacun a pris à tour de rôle le commandement du peloton, et parviennent à une superbe dégringolade finale. Tighen up your wig : deuxième essai d'humour noir de John Kay, pas celui d'André Breton, l'autre du blues, trop bien fait, cette version ne pèse pas lourd si l'on compare à celle du Matrix, ici l'on a pensé à tout et l'orchestration est chiadée, manque juste une goutte de folie. Too late : coucou les revoilou, les Fab Four, encore un four, un peu à la Day Tripper mais on ne tripe guère sur ce système D, un bon point toutefois : ne serait-ce pas une parodie méchamment ironique ? Pardonnons-leur au bénéfice du doute.

Total, du bon et du pire. Des munitions et de l'inutile. L'ensemble donne toutefois une certaine idée de la trajectoire des Sparrows en Sparrow et la métamorphose en Steppenwolf. En 1965, le groupe était très apprécié au Canada non pour son originalité mais pour sa manière de sonner ultra-british... z'ont commencé par imiter - le terme plagier serait vraisemblablement plus adéquat – les Scarabées, au bout d'un certain temps ils ont regardé ( sans s'en vanter ) du côté des Rolling Stones, non pas leur musique en elle-même, mais son origine, qui se trouvait juste de l'autre côté de la frontière avec les Etats-Unis. Z'ont repeint leurs musiques en bleu, puis en bleu-sombre sous l'impulsion de John Kay.

Difficile de vanter les mérites de la pochette, d'une telle banalité qu'elle en devient anonyme.

Damie Chad.

 

XIII

ROCKAMBOLESQUES

LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

( Services secrets du rock 'n' rOll )

L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

Lecteurs, ne posez pas de questions,

Voici quelques précisions

 

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    • Que viens-tu traîner par ici, moucheron, tu as envie de mourir, tu as bien choisi ton endroit !

La voix n'est pas sympathique et vu l'obscurité profonde, le brouillard opaque et le crachin transperçant, beaucoup de nos lecteurs auraient tourné casaque sans insister. Il en faudrait plus pour impressionner Molissito.

    • Laisse-moi passer vieux clebs pourri édenté !

    • Passe ton chemin, ici tu es sur le territoire de l'ACMN, si tu avances d'un seule patte, on t'avale tout cru !

Un rayon de lune blafarde dévoile quelques mouvements suspects dans l'ombre et quelques sinistres claquements de mâchoires se font entendre. Toute une meute est là, tapie dans le noir, elle n'attend que le signal pour se jeter sur l'intrus.

    • Barre-toi moustique, ici l'on n'aime pas les freluquets !

    • Si vous croyez me faire peur vous vous trompez, je suis Molissito, agent du SSR, et un agent du SSR ne recule jamais !

    • Et moi je suis la Reine d'Angleterre, puisque tu fais le mariole, tu vas nous servir d'apéritif !

Une vingtaine de molosses entourent le pauvre Molissito qui croit sa dernière heure arrivée lorsqu'une voix s'élève :

    • Arrêtez c'est bien lui, j'ai vu sa photo, il distribuait des Coronaditos sous la Tour Eiffel !

    • Que racontes-tu Mélissa !

    • C'est sur Match, mon maître est abonné, c'est bien un agent du Service Secret du Rock'n'roll, le fils adoptif de Molossa la tueuse !

Des gémissements de joie et des soupirs de satisfaction s'élèvent de la nuit profonde !

    • Cabron, le fils adoptif de Molossa, toute la France canine est amoureuse d'elle, muchacho Molissito, tu es un brave et le bienvenu, ce soir tu es l'hôte d'honneur de l'ACMN, l'Association des Chiens Mal-Nourris, soirée open bar ! Tu ne le regretteras pas !

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Le séjour en Normandie se révélait moins fructueux que prévu. Le Cat Zengler et le Chef se lassèrent vite ( dix minutes ) d'enquêter, surtout que le Cat possédait une excellente cave à Bourgogne qu'il mit à la disposition du Chef qui en contre-partie l'initia aux joies du Coronado...

    • Agent Chad, je vous donne huit jours pour me ramener tout ce que l'on peut savoir sur ce groupe de rock fantôme : L'homme à deux mains, une mission difficile et dangereuse, rapport à l'aube lundi en huit à huit heures tapantes ! Exécution immédiate.

J'ai arpenté la Normandie en long, en large, en travers, interrogé des centaines de gens, écumé les bibliothèques, interviewé des journalistes, rencontré des érudits de province, visité les milieux rock, punk, Metal, hardos, les clubs de bikers, bref, rien, rien, rien ! Et nous étions déjà le dimanche matin...

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C'est la voiture qui m'arrêta dans un minuscule village, Trifouilly-les-Vikings, un bruit suspect dans le moteur, juste devant le porche de l'Eglise. Je levais le capot et m'absorbais devant l'étendue du désastre fumant... les chiens profitèrent de la portière ouverte pour se dégourdir les pattes... Au onzième coup de onze heures le portail de l'Eglise laissa échapper une vingtaine de personnes qui s'enfuirent en coup de vent... ne resta plus qu'une vieille grand-mère clopinante accompagnée de sa petite-fille. Je ne leur jetai qu'un regard rapide et je les avais déjà oubliées lorsque j'entendis des pas s'arrêter sur le trottoir

    • Regarde Noémie, une Panhard pistache, une PL 17, exactement la même avec laquelle s'est tué mon grand frère Christophe en revenant du concert de L'homme à deux mains !

    • Mamy tu pourrais inviter le Monsieur et tout lui raconter depuis le temps que tu m'en parles sans rien me dire !

    • Sûrement Noémie, il faut bien que je me délivre d'un terrible secret avant de mourir, venez Monsieur, cette couleur pistache est sûrement un signe du destin, mais vous avez un adorable chien noir, qu'il vienne aussi !

Molossito n'était pas dans les parages, l'occasion était trop belle, il n'aurait qu'à m'attendre devant la voiture...

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Durant tout le repas Mamy s'enferma dans un silence pesant. Au dessert Noémie me fit un signe imperceptible, il était indubitable qu'une douce attirance était en train de naître entre nos deux corps, il était temps que la vieille parlât, nous aurions bien mérité un petit moment d'intimité, la Mamy s'en aperçut :

    • Les petits, allez faire un tour dans le verger, sous le vieux pommier, cachés sous les branches qui retombent jusqu'à terre, vous serez bien. Revenez lorsque la nuit sera tombée, je ne parlerai pas avant minuit !

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Minuit sonna. Nous poussâmes la porte de la salle-à-manger, Mamie était dans son fauteuil immobile, à l'instant je vis le revolver que ses doigts crispés tenaient encore au bout de son bras qui pendait. Elle était morte, Noémie poussa un grand cri, je la pris dans mes bras pour la consoler :

    • J'ai toujours su que grand-mère détenait un terrible secret, je ne pensais pas qu'elle finirait par se tuer !

    • Non Noémie, je m'y connais en armes à feu, la balle qui lui a traversé le crâne et a envoyé son cerveau s'écraser sur le cadran de l'horloge, n'a pu être tirée par son petit revolver, c'est une simulation, elle a été assassinée !

    • Mon dieu c'est terrible, j'espère que l'horloge n'a pas été trop abîmée, c'est la seule chose qui a un peu de valeur dans cette bicoque !

    • Au contraire, une fois la cervelle fossilisée et recollée dessus, tu en tireras un max aux enchères à l'Hôtel Drouot !

Un aboiement bref de Molossa nous tira de notre affliction, la truffe au sol, la brave bête nous indiqua en remuant sa queue de contentement qu'elle avait trouvé une piste...

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Sept heures cinquante-huit, je poussai la porte de l'appartement du Cat Zengler, le Chef alluma un Coronado avant de m'adresser la parole :

    • Je vous félicite agent Chad, deux minutes d'avance, c'est bien, vous êtes en progrès, en plus vous ramenez une charmante jeune fille, ce qui ne saurait nuire, quand vous m'aurez expliqué tout ce qu'il faut savoir sur L'homme à deux mains, nous frôlerons la perfection, par contre agent Chad, je m'inquiète, si Molossa est ici, je ne vois point Molissito !

    • Pas d'inquiétude Chef, il souffre d'une indigestion, il est en train de vomir sur la banquette arrière de la Panhard !

    • Aucune importance, je m'assois toujours devant, à la place du mort !

    • Vous ne croyez pas si bien dire Chef !

( A suivre... )