16/12/2020
KR'TNT ! 489 : HUMBLE PIE / HONEY CONE / ROCKABILLY GENERATION 16 / STEPPENWOLF / SOUL TIME / ROCKAMBOLESQUES XII
KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME
LIVRAISON 489
A ROCKLIT PRODUCTION
SINCE 2009
FB : KR'TNT KR'TNT
17 / 12 / 2020
HUMBLE PIE / HONEY CONE ROCKABILLY GENERATION N° 16 / STEPPENWOLF SOUL TIME / ROCKAMBOLESQUES XII |
TEXTES + PHOTOS SUR : http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/
Humble Pie, c’est pas de la tarte
En quittant les Small Faces, Steve Marriott n’avait qu’une seule idée en tête : en finir avec la pop pour sonner plus rock. Il voulait ce heavier sound qu’on voit se dessiner dans «Rolling Over», l’imparable B-side de «Lazy Sunday». Il recrute les trois autres Pie un par un, Frampton parce qu’ils ont joué ensemble dans le backing band de Johnny Halliday, Shirley parce qu’il l’a vu jouer dans Apostolic Intervention et Greg Ridley parce qu’il est à ses yeux le meilleur bassman d’Angleterre. Il reprend tout à zéro et installe Humble Pie à la campagne, à Magdalen Laver, tout près de son cottage de Moreton dans l’Essex. Comme ils n’ont pas encore de compos, ils jamment sur «Walked On Gilded Splinters» de Dr John et sur «We Can Talk» du Band. Jerry Shirley est très fier de jouer dans ce groupe, car dit-il dans son book, Steve a toujours été mon idole - He’d been my idol growing up.
Quand Andrew Loog Oldham les signe en 1969, il fonde sur eux les plus grands espoirs - I thought they’d give me back the life I’d had with the Rolling Stones. That feeling of being alive - Et ça démarre en trombe avec l’excellent «Natural Born Boogie».
Bon les articles de presse, c’est bien gentil, mais ça reste du papillonnage, même quand il s’agit d’Uncut. Un article ne permet pas vraiment d’entrer dans l’histoire d’un groupe, on reste en surface, avec quelques faits sommairement relatés. Pour espérer trouver un peu de cette dimension humaine qui fait la vraie histoire des groupes, rien ne vaut un récit autobiographique. Encore faut-il qu’il soit bien écrit. Quand en 2011 Jerry Shirley a publié ses mémoires sous le titre Best Seat In The House, les fans d’Humble Pie se sont jetés dessus. Il raconte l’histoire d’Humble Pie de l’intérieur, mais il fait vite apparaître une fâcheuse tendance à se mettre un peu trop en avant. Il n’arrête pas de répéter chapitre après chapitre qu’il est mineur quand il démarre sa carrière de rock star et qu’il n’a que 23 ans quand Humble Pie splitte. Le problème est qu’on espère essentiellement trouver du Marriott. Hélas, Shirley s’intéresse principalement à lui, à sa batterie, à sa famille, à son mariage, à sa maison, à sa comptabilité, à son rôle de médiateur au sein du groupe. Il parle très peu de Greg Ridley et encore moins de Clem Clemson. Quant aux albums, il donne des infos qui n’en sont pas. Ce pensum a la gueule d’un gros chou blanc. On en sort légèrement excédé. D’autant que Shirley ose démolir Stevie Marriott en mettant tout sur le dos de la coke. Il raisonne comme une bonne sœur.
Une fois calmé, on revient sur les bons passages. Pour Shirley, les trois acteurs clés de l’histoire d’Humble Pie sont Stevie Marriott, Andrew Loog Oldham et Dee Anthony, leur manager américain. Au début, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, surtout Stevie. Shirley nous décrit un Stevie obsédé par le travail en studio, à Olympic No. 2, work work work - with abundant amounts of liquid methedrine - Shirley n’est pas le genre de mec avec lequel on peut partager sa dope, car il a une tendance à balancer. D’ailleurs, il le dit lui même : lors d’une tournée sur la côte Ouest, il va trouver les flics pour dénoncer un Américain qui élève une petite panthère en lousdé. En fait c’est ça qui le grille : Shirley est une balance.
Dans ses premiers chapitres, il redit le rôle considérable qu’ont joué les Small Faces en leur temps - Everybody loved the Small Faces - Et il ajoute que ceux qui disaient le contraire les aimaient secrètement. Selon Shirley, un album comme Ogdens’ n’a jamais été égalé. Un autre album du même niveau ? I’m still waiting to hear it. Il se souvient aussi de la première fois où il rencontra Stevie, au temps des Small Faces. Il portait un costume conçu par Dougie Millings, le tailleur qui habillait les Beatles : veston pied de poule noir et blanc, gilet à double rangée de boutons, pantalon noir en silk-mohair et pompes blanches. Quand Stevie reçoit ses amis chez lui, il propose de l’herbe ou de la méthédrine. On est alors à l’apogée du mouvement des Mods anglais. Les Small Faces et les Who en sont les figures de proue.
C’est un coup de fil de Stevie qui va bouleverser la vie du petit Shirley : «Ello mate, it’s Steve.» Marriott l’appelle pour l’embaucher dans Humble Pie, en complément de Peter Frampton et de Greg Ridley. Shirley commence à fréquenter Stevie quotidiennement et le trouve très intense, peut-être même un peu trop. Stevie est épuisant. Il n’arrête jamais. Trop d’énergie. Overwhelming. Shirley découvre autre chose : en studio, Stevie enregistre en une seule prise. Il est connu pour ça. One take ! Il faut savoir que Stevie Marriott est un enfant de la balle. Il fait de la scène depuis l’âge de 11 ans, il sort de l’Italia Conti Academy’s drama school et a joué avec des gens comme Peter Sellers, Laurence Olivier et John Gieguld. Alors, il ne faut pas lui raconter d’histoires. Stevie est une bête de scène et il lui faudra les stades américains pour donner sa vraie mesure. Ce petit bout de cockney va tenir des dizaines de milliers de personne en haleine avec sa bravado et son immense talent de shooter - His masterful ability to read a crowd and grab their attention was second to none - Shirley en fait quand même le plus grand performer de son temps. Stevie est un mec entier. Il fonce et réfléchit après. Fuck it and think about it second, ou mieux encore, don’t think about it at all. Consequences, what consequences? Fuck consequences. C’est le portait d’un vrai punk. Stevie provoque même les flics de Miami sur scène. On lui interdit de prononcer la moindre grossièreté et la première chose qu’il fait en arrivant sur scène est de gueuler : «Goddam motherfuckin’ rock’n’roll !» Pour échapper aux flics venus l’arrêter, il sort en douce avec son road-manager et éclate de rire dans la bagnole qui l’emmène à l’aéroport. Don’t fuck with Stevie Marriott. Bob Tench salue quant à lui l’admirable capacité qu’a Stevie à brûler la chandelle par les deux bouts. Et même par le milieu, ajoute-t-il. C’est ce que ne comprend pas ce pauvre Shirley qui se permet de dire à un moment : «Par ses effets sur une personnalité, la coke peut faire monter le pire comme le meilleur. Dans le cas de Steve, elle a fait monter le pire. Il est devenu quelqu’un d’autre.» Et voilà comment on condamne les gens. C’est là où Shirley entre dans son délire Doctor Jekyll & Mister Hyde : Stevie devient Melvin, the pain-in-the-arse alter ego, le catcheur fou qui saccage les chambres d’hôtel, épaulé par son bras droit Greg Ridley. Shirley n’aime pas qu’on saccage les chambres d’hôtel, car dit-il ça affecte la comptabilité du groupe. Il devient tellement béni oui-oui qu’on finit par se demander ce qu’il fout dans Humble Pie. Dans les altercations, Stevie ne se confronte pas, il explose, et d’ailleurs Shirley l’affronte à deux reprises. Il ose dire que si Dee Anthony ne l’avait pas retenu, il aurait massacré Stevie Marriott. Voilà où nous mènent les abus d’égotisme. On se croit permis de dire des choses qui dépassent la pensée. Shirley ose même dire que Stevie dépense trop et qu’il tape dans la caisse du groupe - severely diminishing the band’s money - Ce qu’il faut comprendre à travers tout ce déballage, c’est qu’un mec comme Stevie Marriott était trop hot, trop génialement out of it pour un mec atrocement normal comme Jerry Shirley. Ce qu’il nous raconte des excès de Stevie Marriott n’est pas méchant, au fond. Le problème est qu’il n’arrive pas à mesurer la hauteur de sa démesure. On imagine aisément que fréquenter une pile électrique comme Stevie Marriott doit être une expérience très spéciale, mais diable, c’est l’occasion ou jamais de lui rendre hommage. L’hommage est la seule chose qui compte. À travers le ton vaguement médisant de ses commentaires, Shirley ne fait que jeter la lumière sur sa propre médiocrité. On ne peut même pas lui en vouloir au fond, car la nature humaine est ainsi faite. La plupart des gens souffrent d’un étriquement de la cervelle, et de toute évidence Stevie Marriott n’en souffre pas. Il crée son monde, coke ou pas coke. Les chansons peuvent témoigner de sa grandeur, des albums comme Ogdens’ Nut Gone Flake et Smokin’ comptent parmi les fleurons du rock anglais et tout ce qu’il a enregistré avec les Blackberries vaut dix fois son pesant d’or.
Quand il ne parle pas de Stevie, Shirley propose des passages relativement agréables. Il rappelle qu’entre octobre 1966 et octobre 1967 sont sortis «Stawberry Fields Forever» et «Penny Lane», «Hey Joe» et «Purple Haze», «I Feel Free» et «Strange Brew», «I Can See For Miles» et «Good Vibrations». Il précise en outre que ce qu’expérimentaient Hendrix et les Beatles en studio n’avait jamais été fait auparavant. Il rappelle aussi qu’entre l’été 1970 et le printemps 1971, il a joué sur les deux albums solo de Syd Barrett, sur le Smash Your Head Against The Wall de John Entwistle et sur le Live In London de B.B. King. En plus des deux premiers albums d’Humble Pie sur A&M. Autre chose : la première fois qu’ils tournent aux États-Unis, les mecs d’Humble Pie mesurent l’écart qui les séparent encore des grands groupes américains, notamment Santana dont ils assurent une première partie au Fillmore East. Aux yeux de Shirley, Santana est ce qu’il a vu mieux. Ce soir-là, Santana fait sept rappels, du jamais vu pour des petits Anglais fraîchement débarqués à New York. Autre info de taille : Peter Frampton voulait Chas Chandler comme manager, mais Chandler était trop gourmand.
Le premier album d’Humble Pie sort donc sur Immediate en 1969. Il s’appelle As Safe As Yesterday Is et dépasse toutes les espérances du Cap de Bonne Espérance. On y patauge dans des énormités dignes des Small Faces, tiens comme ce «Desperation» chargé d’orgue comme une mule. Stevie Marriott fait le même son qu’avant, mais avec d’autres gens. Franchement, ce hit désespéré vaut bien «All Or Nothing». Allez, on va dire la même chose de «Safe As Yesterday». Chez eux, tout réside dans l’art de charger la barcasse de la rascasse. Marriott fabrique des horizons, il chante avec la puissance d’un enfonceur de lignes ou si tu préfères d’un polarisateur d’effets telluriques. On retrouve ce son de rêve à l’Anglaise dans «Stick Shift» et «Butter Milk Boy». Avec le «Bang» d’ouverture de B, Stevie rocks it off. Il fait du big heavy rock sur le riff de «Teenage Head». On retrouve tout ce big heavy rock mêlé au souffle putride du vieux boogie anglais dans «A Nifly Little Number Like You» et ils reviennent au rock anglais idéal avec un «What You Will» aussi ultra brillant qu’ultra chanté.
Town And Country paraît la même année. Back to the big Pie avec «The Sad Bag Of Shaky Jake», monté sur un template Small Faces et généreusement tartiné d’harmo. Stevie Marriott adore ce son là, ce heavy tempo avec une petite guitare en surface. C’est Greg Ridley qui vole le show sur un «Down Here Again» joué à la heavyness de gras double. C’est de la tarte et de la bonne. Curieusement, les beaux morceaux de l’album sont les plus paisibles, comme ce «Silver Tongue» planqué en B et qui renvoie bien sûr aux grandes heures de «Tin Soldier». C’est mélodiquement sur-développé, Stevie Marriott tartine sa Tongue du haut de sa petite glotte fébrile et rose et ça joue à la heavyness de bénédiction. Ces quatre mecs jouent la pop-rock d’Angleterre avec un certain panache. On se goinfre aussi de «Only You Can See» que Stevie Marriott chante du haut de son talent - Tell me what to think/ And I’ll fix myself.
Shirley a la chance de rencontrer Andrew Loog Oldham -He didn’t have star quality, he was star quality - Il porte un costume trois pièces en silk-mohair taillé sur mesure et encourage Humble Pie à pomper les hits des autres, mais en évitant de se faire prendre.
Comme Immediate dépose le bilan, Andrew Loog Oldham conseille à Humble Pie de signer avec A&M. Leur troisième album sobrement titré Humble Pie sort l’année suivante. A&M investit 400 000 $. Somme énorme qui équivaudrait aujourd’hui à 4 millions de dollars. Glyn Johns produit l’album et se fritte souvent avec Stevie Marriott - A cocky little fucker is what he was - C’est l’époque où Humble Pie s’offre des poids lourds du management : Dee Anthony et surtout Frank Barsalona qu’on disait affilié à la mafia. Dee met au point un plan to crack America. Il traite Humble Pie comme une équipe de foot américain et donne des coups de sifflet. L’idée est de dégager la tête d’affiche - You’re here to blow the headliner off stage ! - Et ça marche !
Bel album que ce troisième album de la Pie. Il s’ouvre sur «Live With Me», un heavy drama à la Marriott. Il tartine une fois de plus à l’outrance de la bectance et on entend ce diable de Ridley voyager dans le son. Si on aime la heavyness, on est servi. Ils nous refourguent une heavy bourre de boogie avec «One Eyed Trouser Snake Rumba» et tout le poids de la Pie retombe sur le rock anglais à coups d’I wanna know-ow. On trouve encore deux hits en B : «I’m Ready» et «Red Light Mama Red Hot». Encore du heavy shoot de Pie. Stevie Marriott emmène le son au combat, il sonne comme un vrai chef de meute, I’m ready for you, et se fait plus menaçant avec le Red Light Mama. Il y fait une moisson de born to lose et de red hot. Tout chez eux est prémédité, ils vont sur le heavily lourd et Greg Ridley en rajoute une louche avec son gras double. Ils sont parfaits dans leur rôle de Pie. Humble Pie est le gendre idéal du rock anglais.
Comme ça se passe bien chez A&M, ils font feu de tout bois avec Rock On et sa pochette à motos. Ça démarre avec l’incroyable «Shine On» et derrière un Stevie Marriott chauffé à blanc, on entend PP Arnold, Claudia Lennear et Doris Troy. On est maximum des possibilités du genre, c’est-à-dire le rock seventies. On a là des chœurs de cathédrale. «79th And Sunset» sonne comme un boogie pianoté des Small Faces. C’est l’absolue perfection. Stevie Marriott sonne irrémédiablement juste. Il est le boogie man définitif. On le voit aussi exploser «Sour Grain». Il est partout à la fois, dans la mélodie et dans le shout, dans les extrêmes et dans le soft. C’est un chanteur complet, l’égal de Rod The Mod et de Chris Farlowe. Il nous fait encore le coup de l’archétype fondamental avec «Stone Cold Ferver». Il chante cette merveille à la petite urgence de la prestance. En B, il nous sort de sa manche «The Light», un heavy balladif solidement ancré au rocher. Oui, ça sonne comme un coup de Trafalgar à Gibraltar. Tout ici est joué dans les règles de l’art. La Pie ne sort que des albums classiques de heavy rock anglais. Et voilà un «Strange Days» qui ne doit rien aux Doors. Aw my Gawd, comme ce mec chante bien ! Il remplit tout l’espace d’une chanson, surtout lorsqu’il s’agit d’un heavy balladif. Il travaille sa matière au corps avec un épouvantable feeling. Aux yeux de Jerry Shirley, Rock On est l’un de leurs meilleurs albums et les sessions d’enregistrement the most enjoyable we ever did.
Lors de son âge d’or, au temps des grandes tournées américaines, Humble Pie égalait en popularité les Stones, les Who et Led Zep. C’est en tous les cas ce que montre Performance. Rockin’ The Fillmore, un double album live qu’il faut hélas considérer comme indispensable. Stevie Marriott chante «I’m Ready» comme un prêcheur fou du XVIe siècle. La Pie nous fait le coup de l’apanage du heavy riffing. La Pie couronne le tout. La Pie joyaute la couronne. C’est absolument renversant de véracité. Ils plâtrent leurs couches de son les unes par dessus les autres, comme des gros cataplasmes organiques. Cet amoncellement de plâtras soniques finit par devenir luminescent. Et quand il annonce «Stone Cold Fever», Stevie Marriott prend son plus bel accent cokney : «It’s côlled Ston’ Kôl Fïvah !» Bien sûr, ce sont des versions longues, ce qu’on pouvait leur reprocher à l’époque. Ils jouent le riff de «Rolling Stone» pendant trente minutes et Stevie Marriott monologue, alors la foule participe. Pour le final éblouissant, il chante tout simplement par dessus les toits. C’est là qu’il fait ses preuves en tant que showman d’exception. L’autre quart d’heure de vérité est la version d’«I Don’t Need No Doctor». Ils sont excellents dans leur rôle d’allumeurs de brasiers. Ils nous torchent ça au big heavy fat sound de rêve et au chant d’arrache permanent.
Frampton quitte le groupe au moment où paraît Performance. Rockin’ The Fillmore, en 1971. Il veut aller faire a soupe. Steve Marriott se sent trahi, comme se sont sentis trahis avant lui Plonk Lane, Mac et Kenney Jones quand il les a abandonnés. En remplacement de Frampton, Humble Pie commence par envisager Peter Walsh qui vient de quitter le James Gang. Walsh décline l’offre car il lance un autre projet, Barnstorm. Puis ils sollicitent Mick Abrahams, mais Abrahams dit qu’il ne peut rien leur apporter. C’est Clem Clempson qui remplace le traître sur le bien nommé Smokin’ paru en 1972. Avec Clem, Humble Pie va sur un son encore plus heavy, comme si c’était possible. La Pie, ce n’est décidément pas de la tarte. Il s’agit sans doute là de leur meilleur album, le plus exacerbé. On entend la basse de Greg Ridley rouler sous la peau de «Hot N Nasty» et Clem Clemson rentre dans le lard du boogie dévastateur chanté au sommet de l’art. Et ça explose encore plus avec «The Fixer» joué à la cloche de bois. Clem dégouline de wah. Il devient le guitariste idéal de la Pie, beaucoup plus rock que Frampton. Ils font une version bien grasse de «C’mon Everybody». Cet album est une leçon de riffing. Stevie Marriott y fait de la Soul de rock. En B, «30 Days In The Hole» saute au pif, pas au paf. Ils frisent la Stonesy, Clem ramène du beefy Keef et Stevie Marriott chante à la volée. Il est le roi de la haute voltige de yeah-eh-eh. Shirley explique dans son livre que «Thirty Days» est basé sur une histoire réelle : une shoote entre automobilistes, Dee Anthony et un mec s’insultent et Dee frappe, fout l’autre KO et passe au tribunal où on lui annonce le tarif : ‘30 jours au trou’. On passe au Zyva Mouloud du blues de rêve avec «I Wonder». Avec la Pie, le blues peut vite devenir idéal. Stevie Marriott peut en effet chanter comme un damné. La basse de Greg Ridley gronde dans le son et Clem s’écroule dans une mare de wah ! Wow ! Ils bouclent cet épatant bouclard avec «Sweet Peace And Time», une sorte de hit définitif joué au riff vainqueur, hanté par des descentes vertigineuses et gorgé de bassmatic. Oh la mirifique élégance du riff ! Voilà où se niche le génie de la Pie : dans les fumées de Smokin’. Tout est mené au gras double sur cet album tombé du ciel.
Steve Marriott n’écoute plus les conseils de personne et produit lui-même Eat It. Trop de basse dans le mix, les cuts ne passent pas en radio. Le pauvre Steve sniff-snaff des montagnes de coke et se croit le roi du monde. Clem remarque qu’à l’époque, le management s’enrichit considérablement, mais pas le groupe. Humble Pie remplit le Madison Square Garden et les plus gros stades américains. Où sont passés les millions de dollars ? Toujours la même histoire.
Ce qui ne nous empêche pas d’écouter Eat It, un autre double live mémorable pour sa version du «Black Coffee» d’Ike & Tina. La basse de Greg Ridley est bien montée dans le mix, alors on se régale, car Ridley bombarde. Dans les chœurs, on retrouve la légendaire Venetta Fields, l’ex-Ikette. Du coup, on écoute les chœurs de «Get Down To It» attentivement. Stevie Marriott joue torse nu et nous propose une fois encore du pur jus de Soul de rock. Get down ! Il profite des chœurs de rêve pour taper un coup de gospel batch avec «Is It For Love». Idéal pour un shouter comme lui. Les filles s’en donnent à cœur joie. Et Ridley fait le show sur sa basse. Il s’en va jouer des notes suspendues en bas du manche. Stevie Marriott repend aussi l’excellent «I Believe To My Soul» de Ray Charles et Clem y fait un festival. Ils tapent aussi dans le «Shut Up & Don’t Interrupt Me» d’Edwin Starr, idéal pour un petit white niggah comme Stevie Marriott. Derrière, les filles envoient de la niaque à la pelle et un sax vient allumer la sainte-barbe à la manière de Junior Walker. Que peut-on rêver de mieux ? En D, Stevie Marriott vient chanter «Up Your Sleeve» à la pointe de la glotte, à la petite hurlette de Hurlevent. Wow, quel fuckin’ screamer ! Il est beaucoup plus perçant que Robert Plant. C’est un conquérant.
Les Blackberries jouent un rôle considérable dans le son d’Humble Pie. Autour de Venetta Fiels, on trouve Clydie King, ex-Raelette et Billie Barnum, la sœur de H.B. Barnum, chef d’orchestre d’Aretha - These girls were the very best of the very best - Stevie avait compris l’importance vitale du backing de blackettes. Cette fascination remonte au temps où avec Plonk Lane il accompagnait P.P. Arnorld.
Après une shoote entre Stevie et Shirley, l’ambiance se dégrade au sein d’Humble Pie. Stevie auditionne pour les Stones et les trois autres envisagent d’embaucher un chanteur pour le remplacer. C’est l’un des passages assez comiques du livre de Shirley. Par qui peut-on remplacer Stevie Marriott ? Bonne question ! Ils se creusent les méninges. Ils commencent par envisager Bobby Tench qui a chanté avec le Jeff Beck Group. Mais Bobby venait tout juste de rejoindre Hummingbird. De son côté, Dee Anthony suggère Billy Joel, ce qui fait bien marrer les trois autres tartes. Finalement, ils décident de continuer avec Stevie.
Paru en 1974, Thunderbox est avec Smokin’ l’autre grand classique de la Pie. Stevie Marriott plante le décor dès le morceau titre, un solide romp de Pie bien bardé de son. Ils passent au funk de Pie avec «Rally With Ali». Clem y wah-wahte et les chœurs sont si tendus qu’ils marquent les mémoires au fer rouge. En B, ils tapent «Don’t Worry Be Happy» à la tension maximale. C’est du grand art, ils tiennent bon le beat de syncope. Voilà encore un hit innervé tendu à craquer et beau comme un cœur. Stevie Marriott monte en neige la heavyness d’«Every Single Day». Entre la Pie et Slade, on a ce qui peut exister de mieux en matière de rock anglais bien chanté et bien sonné des cloches. Cette fois, c’est Clem qui se balade dans le son. Ils rendent un vaillant hommage à Chucky Chuckah avec «No Money Down» et dans «Oh La Deda», ce démon cornu de Marriott sonne comme Noddy Holder. Il nous fait le coup du boogie de la joie de vivre, l’humble boogie de la Pie avec un Marriott au sommet de son art. Les chœurs jubilent, C’mon ! C’mon ! On entend aussi Venetta Fields derrière lui dans «Groovin’ With Jesus» et il fait une très belle version du hit d’Ann Peebles, «Can’t Stand The Rain». Il y rivalise une fois encore de grandeur avec Noddy Holder. Il chante au velouté de feeling perçant. Stevie Marriott n’en démord jamais. Il peut ahaner ses syllabes et revenir allumer son brasier sans ciller.
En fait, Stevie Marriott et Greg Ridley commencent à travailler tous les deux sur leur projet, le fameux Joint Effort qui vient tout juste de paraître et qui n’était jamais sorti. Ils travaillent chez Stevie qui ne veut plus entendre parler d’Humble Pie. Pourquoi ? Parce qu’il vient de passer quatre ans on the road, soit 21 tournées américaines et qu’il n’a pas un sou en banque. Il s’est encore une fois fait plumer comme une oie blanche. Mais Dee Anthony ne veut pas lâcher la vache à lait Humble Pie et exige que le groupe reparte en tournée. Pire encore, il parvient à ‘confisquer’ les enregistrements sur lesquels Stevie et Greg travaillent et demande à Andrew Loog Oldham de mixer les cuts pour un album. C’est la raison pour laquelle on retrouve des cuts que chante Greg Ridley sur Street Rats. Stevie Marriott est écœuré par les méthodes du ‘management’. Il dit qu’on a volé ses enregistrements. Clem ajoute que tout a été bricolé dans leur dos et quand l’album est sorti, ils étaient horrifiés.
Street Rats paraît en 1975. On y trouve une fantastique reprise du «Rain» des Beatles. La perle rare, la reprise transfigurative absolue. Stevie Marriott en fait une version heavylyment belle avec des chœurs de gospel et des guitares psychédéliques. On se croirait à l’âge d’or des Small Faces. Stevie Marriott a du génie pour dix. Il fait une autre cover des Beatles qui ne marche pas avec «We Can Work It Out». Le morceau titre sonne comme de la bonne Pie, d’autant que Marriott descend dans son petit guttural de cockney. Belle ambiance délétère en osmose avec la photo du dos de pochette, où pérore une Pie des bas fonds avec au premier plan un Marriott en forme de petite frappe sicilienne. Ils tapent en B «There ‘Tis» au heavy boogie insidieux et nous servent une merveilleuse tranche de Pie, avec du Marriott bien tartiné en surface et bien cuivré aux entournures. S’ensuit le «Let Me Be Your Lovemaker» de Betty Wright que chante au guttural Greg Ridley, avec une magnifique montée de power surge mélodique. D’ailleurs, Greg Ridley chante pas mal de cuts sur cet album, c’est aussi lui qui prend le lead sur «Drive My Car» des Beatles et «Countryman Stomp». Stevie Marriott referme la marche avec un «Queens & Nuns» digne de «Natural Born Boogie».
Les chiffonniers de Cleopatra n’ont même pas été foutus de mettre la bonne photo d’Humble Pie sur la pochette de Joint Effort. On y voit Frampton ! Cet album miraculé est un document intéressant car Stevie Marriott et Greg Ridley s’amusent tous les deux à reprendre le «Think» de James Brown. Greg Ridley chante «Midnight Of My Life» et «Let Me Be Your Lovemaker» au meilleur feeling qui soit. Comme le son est très dépouillé, la basse monte au devant du mix. On retrouve aussi la version de «Rain» qui figure sur Street Rats, avec une voix un peu plus noyée dans le son. Toute la heavyness miraculeuse de la Pie est là. Ils chantent à deux «Snakes & Ladders». Stevie gratte sa gratte et Greg shoote son drive. Ils sont effarants de persistance. Dans son lancé de syllabes, Greg Ridley rivalise de feeling avec son poto Stevie. Encore un fantastique shoot de Marriott dans «Charlene». Ça reste de la Pie de haut vol, bourrée de feeling. Il craque la peau du feel au chat perçant et joue tout à la revoyure.
Tout fan d’Humble Pie se doit de rapatrier la mini-box Life & Times Of Steve Marriott + 1973 Complete Winterland Show parue en 2019. Please welcome the world’s finest, Humbe Pie et on tombe directement dans le melting pot avec «Up Your Sleves» et un Marriott demented qui chante son ass off. Ces mecs sont des fous extrémistes, il ne faut jamais l’oublier. Hallucinant de power ! Jamais aucun chanteur n’a shouté la Soul de rock comme Steve Marriott, JAMAIS. Il est le plus extrême et le plus pur. Leur «4-Day Creep» dégouline de jus, c’est du heavy rock de rêve. Marriott prêche et la foule lui répond, il s’élève au dessus de toutes les cocotes, the one and only Steve Marriott. Ils font un «Honky Tonk Woman» de 25 minutes et le terminent en beauté, en mode full tilt boogie et chœurs de gospel batch. Ça prend même une tournure extravagante qui va bien au-delà du gospel. Steve Marriott embrase le firmament et les filles tentent de le rejoindre au sommet de sa folie. C’est la plus grosse cover de Stonesy jamais enregistrée. Puis il présente les Blackberries, «one of my heroes, Miss Venetta Fields, one killer Clydie King and Sherlie Matthews !». Sans doute avons-nous là l’un des enregistrements live les plus excitants de l’histoire du rock. Dans «Believe To My Soul», ce démon de Marriott ne peut pas être mieux suivi. Les filles pulsent l’All you need, elles ont fait ça toute leur vie, Venetta et Clydie font la grandeur de la clameur. On a le meilleur heavy rock d’Angleterre et des folles en contrepoint. Que demander de plus ? Nous voilà de retour dans Smokin’ avec «Thirty Days In The Hole», ça tisonne dans la fournaise, avec un Marriott au sommet de son art, il allume à n’en plus finir. Il est brillant et punchy à la fois. Power & guts. C’mon let’s get funky et pouf, ils attaquent un «(I’m A) Roadrunner» de douze minutes. Rien de plus heavy sur cette terre que cette version. Venetta monte ensuite au paradis avec Steve Marriott pour «Hallelujah (I Love Her So)». Les filles font le show, pas de problème. La Pie monte encore au sommet de la heavyness avec «Don’t Need No Doctor» et l’impression d’entendre le live de dream come true persiste et signe.
Le docu Life & Times Of Steve Marriott vaut son pesant d’or, car tout ce qui touche à Stevie vaut son pesant d’or. Le réalisateur s’appelle Gary Katz et il nous régale de vieux plans des Small Faces en noir et blanc : wow la classe de Stevie et de Plonk Lane dans «Itchycoo Park» et dans «Lazy Sunday», et cette façon qu’ils ont tous les deux de se balancer d’un pied sur l’autre, guitare et basse assez basses sur les cuisses et Plonk qui envoie des chœurs de rêve ! Simon Kirke, Chris Farlowe et d’autres ténors du barreau viennent témoigner de la grandeur des Small Faces. On voit aussi Greg Ridley chanter le premier couplet de «Natural Born Boogie», Frampton prend le deuxième et Stevie le troisième. Pur jus d’Humble Pie. Jerry Shirley rappelle comme il le fait dans son book qu’en 69, c’était compliqué pour un groupe anglais de débarquer aux États-Unis - When everything was you rock or you drop (ça passe ou ça casse) - Quand Immediate coule, Andrew Loog Oldham donne à Stevie le numéro de Jerry Moss, le boss d’A&M qu’on voit aussi témoigner et qui va lancer la carrière US d’Humble Pie. Moss rappelle qu’it was a big investment. C’est Moss qui leur flanque un manager de choc, Dee Anthony, qu’on voit aussi dans le film, spécialisé dans les groupes anglais qui voulaient ‘percer’ aux États-Unis (break the USA). Et puis Frampton explique qu’il a quitté la Pie parce qu’il était frustrated. Pauvre choupinette. C’est comme l’histoire de Noel Redding qui décide de quitter l’Experience : quand on a la chance de partager la scène avec un génie, on reste. Il faut être complètement con pour partir. De toute façon, l’histoire d’Humble Pie est une histoire tragique. Le bon côté du départ de la choupinette, c’est le sang neuf qu’amenait Clem Clemson. Un bien pour un mal, comme on dit.
Humble Pie donne son dernier concert à Houston, en mars 1975. Dans le groupe, tout le monde est soulagé que ça s’arrête. Ils ne supportaient plus de voir Steve Marriott tout démolir, à commencer par lui.
Retournez la pochette d’On To Victory et vous verrez Stevie prêt à en découdre, la clope au bec, le cheveu taillé court, le jean remonté aux bretelles comme chez les skins de l’East End. Ne reste de la Pie que Jerry Shirley. Bobby Tench et Anthony Jones remplacent Clem et Greg Ridley. Ça démarre avec un «Fool For A Pretty Face» qui continue de faire toute la différence. Stevie vire de plus en plus cockney, comme si Dickens avait inventé de boogie rock. Stevie rayonne dans son personnage d’Artful Dodger. On reste dans le big heavy sound avec «Infatuation». Stevie scande bien son besoin de love et un beau solo de sax vient envenimer les choses. La fête continue avec «Take It From Here» encore plus heavy et même assez mystérieux. L’album se révèle admirable de heavyness. On croit même entendre les accords que gratte Rundgren dans «Number One Common Lowest Denominator». En B, Stevie propose l’un des hot takes de Soul blanche dont il a le secret avec «Baby Don’t You Do It». On se régale du bassmatic d’Anthony Jones, c’est joué dans les règles de l’art suprême. En fait, Humble Pie ne faiblit pas. La voix, le son, les cuts sont là. C’est un album qu’il faut ranger précieusement sur l’étagère. Encore une merveille de Marriott swagger avec «Further Down The Road». Il faut le voir scander son gimme love gimme love. Les dynamiques internes de la Pie montrent clairement l’exemple à suivre.
Il ne faut pas prendre un album comme Go For The Throat à la légère, même si la pochette est complètement foireuse. Stevie Marriott s’entoure encore de Bobby Tench, d’Anthony Jones et de Jerry Shirley pour reprendre des gros trucs comme «All Shook Up» ou «Tin Soldier». Avec l’All Shook Up, ils tentent de refaire le coup du Jeff Beck Group qui avait aussi tapé dans cette merveille. Gros coup de nostalgie avec «Tin Soldier». C’est imparable, bien noyé d’orgue comme au bon vieux temps. Impressionnant aussi ce «Driver» blasté à l’harmo. Ce diable de Stevie sait ménager ses effets au lookout ! On trouve en B un «Restless Blood» surchauffé. Stevie chante au sommet des barricades, il harangue le rock, il shoote tout ce qu’il peut. C’est un héros des temps modernes. Il nous sert aussi une version stupéfiante de «Lottie & The Charcoal Queen». Il y devient héroïque, il chante ça avec toute l’aménité d’un géant du rock anglais. Il chante tout simplement à pleine puissance. Voilà encore un hit énorme, un paradigme de la heavyness. Il est le roi de toutes les insistances. Et voilà pour terminer «Chip Away». Il fonce jusqu’au bout du bout, il ne relâche jamais son emprise sur le rumble, il n’en démord pas, c’est un jusqu’au-boutiste faramineux, il chante comme un seigneur des annales ruisselant de sueur au sommet des barricades. Stevie Marriott est un screamer victorieux, même si le business l’a réduit en bouillie. Il est l’un des derniers héros d’un rock anglais si richement peuplé.
Bobby Tench remplace Stevie Marriott sur Back On Track, enregistré en 2002, soit onze ans après la mort de Stevie. Du Pie d’origine ne restent que Jerry Shirley et Greg Ridley. C’est déjà pas mal. Big sound, c’est sûr, mais la gouaille a disparu. «Dignified» et «The Red Thing» sonnent pourtant comme des gros trucs. C’est Greg Ridley qui décroche la timbale en chantant «Still Got A Story To Tell». Il chante ça à la vieille arrache. On sent le vétéran d’Immediate, il a tout vu, tout vécu et fait encore ses lignes de coke avec un Bowie knife planqué dans sa botte. Il reste au lead pour «All I Ever Need», un heavy groove d’excellence. Ils savent encore jouer leur va-tout. Zoot Money vient chanter «This Time». Zoot fout son nez dans les affaires du shuffle, il a bien raison. Magnifique association de légendes. Zoot can beat it ! Il en devient extravagant. Bobby revient chanter les vertus de la planche à pain avec «Flatbusted» et l’expédie en enfer. Ce mec chante comme un dieu, on le sait depuis longtemps, mais un album d’Humble Pie sans Stevie, c’est extrêmement bizarre. Greg Ridley reprend le lead sur «Ain’t No Big Thing». On laisse le mot de la fin à l’excellent Bobby Tench qui fait un carton avec «Stay On More Night». Il est parfaitement apte à faire sa Pie.
Signé : Cazengler, Pie bavarde
Humble Pie. As Safe As Yesterday Is. Immediate 1969
Humble Pie. Town And Country. Immediate 1969
Humble Pie. Humble Pie. A&M 1970
Humble Pie. Rock On. A&M 1971
Humble Pie. Performance. Rockin’ The Fillmore. A&M 1971
Humble Pie. Smokin’. A&M 1972
Humble Pie. Eat It. A&M 1973
Humble Pie. Thunderbox. A&M 1974
Humble Pie. Street Rats. A&M 1975
Humble Pie. On To Victory. A&M 1980
Humble Pie. Go For The Throat. A&M 1981
Humble Pie. Back On Track. A&M 2002
Humble Pie. Joint Effort. Cleopatra Records 2019
Humbe Pie. Life & Times Of Steve Marriott + 1973 Complete Winterland Show. Cleopatra Records 2019
Rob Hughes : Natural born boogie. Uncut # 263 - April 2019
Jerry Shirley. Best Seat In The House. Drummin’ In The 70s With Marriott Frampton And Humble Pie. Rebeats 2011
Just like Honey Cone
Honey Cone ? Franchement, avec un nom pareil, ces trois Soul Sisters n’avaient aucune chance en France. Les anglo-saxons y verront un cône au miel mais dans nos contrées, on y verra quelque chose de nettement moins glorieux. Ça, c’est la première chose. Deuxième chose : comment cet obscur trio de Soul datant des early seventies pourrait encore intéresser les gens ? C’est d’ailleurs le problème que posent tous ces groupes de Soul tombés dans l’oubli : ils pullulent et ils sont tous passionnants, mais par les temps qui courent, il semble que la qualité artistique soit déchue de son rôle d’arbitre des élégances. Troisième chose : la récente disparition d’Edna Wright nous servira de prétexte à saluer ce trio de Soul Sisters qui dès les early seventies tenta en vain de s’aménager une place au soleil. Ces trois fabuleuses petites blackettes eurent le temps d’enregistrer quatre albums qui font ici l’objet d’un chouchoutage intensif. Gageons qu’Edna Wright verra d’un bon œil qu’on prenne le prétexte de sa disparition pour rendre un ultime hommage à l’existence éphémère d’Honey Cone.
Leur histoire date de l’époque du rebondissement des frères Holland. Après avoir quitté Motown pour cause de «désaccord financier», Brian & Eddie Holland montent leur propre label, Hot Wax/Invictus, avec leur compère Lamont Dozier. Ils n’ont qu’un objectif : faire leur propre Motown. Comme ils n’ont pas les Supremes, ils proposent un succédané avec Honey Cone, un trio de Soul Sisters prêtes à en découdre. Carolyn Willis est la plus sexy des trois, avec sa belle afro (à droite sur l’illusse). Edna Wright (au centre) est la sœur de Darlene Love et comme Etta James, elle se teint les cheveux en blond, ce qui lui donne l’air d’une reine des lupanars de Kansas City. Comme sa frangine, elle est passée par les Blossoms et les Raelettes. Et comme Carolyn Willis, par des grands groupes de gospel dans les early sixties. Ces filles sont des Californiennes nées dans les années 40 et en arrivant sur Hot Wax, elles avaient déjà quelques albums au compteur (Brothers & Sisters, Cogics, Sweethearts, Girlfriends). La troisième s’appelle Shelly Clark, une native de Brooklyn qui a pour mari Verdine White d’Earth Wind & Fire. C’est aussi une ex-Ikette, comme P.P. Arnold et Venetta Fields. Donc on voit d’ici le pedrigree des trois cocottes.
Elles ne vont enregistrer que quatre albums sur Hot Wax entre 1970 et 1972, mais ce sont d’excellent albums de Detroit Soul. Le premier s’appelle Take Me With You. Elles s’y montrent plus féroces que les Supremes sur au moins un cut : «My Mind’s On Leaving But My Heart Won’t Let Go». Elles explosent le power des Supremes, ça chante dans tous les coins, elles sont invincibles, bien plus vitupérantes que les Supremes. Au fond ça n’a rien d’extraordinaire, puisque les frères Holland et Lamont Dozier composaient les hits des Supremes. Elles refont les Supremes avec «Girls It Ain’t Easy». Ah quel régal, même son, même sens du gros popotin, c’est un beat destiné à conquérir le monde. On note dès «Sunday Morning People» la présence d’une fantastique énergie. Voilà un hit digne de ceux d’Aretha et une guitare fuzz rôde par endroits comme un loup dans la bergerie. Avec «Son Of A Preacher Man», les voilà de nouveau sur les traces d’Aretha, mais aussi de Dusty chérie. Honey Cone, c’est la réponse directe à Motown. Et puis voilà un «You Made Me So Very Happy», une pure merveille, c’est aussi beau que du Burt. En B, elles visent plus la tête des charts avec des trucs comme «Aquarius» ou «Take My Love». Elles restent dans l’esthétique Tamla/Supremes avec «While You’re Out Looking For Sugar». Les voilà lancées dans leur élan suprême. Sacrées Cone, elles y croient dur comme fer.
Sweet Replies fait un peu doublon avec l’album précédent, car on y retrouve «Sunday Morning People», «My Mind’s On Leaving But My Heart Won’t Let Go» et cet «Are You Man Enough Are You Strong Enough» qui sonne exactement comme l’«I Know I’m Losing You» des Tempts. Leur gros hit s’appelle «Want Ads» : même attaque que les Supremes, même sens du sweet dans la Soul et mêmes guitares flashy. On se régale aussi de «You Made Me Come To You», cette belle Soul tenace montée au long d’un gimmick de guitare. Wow, l’incroyable qualité de la giclée - You made me come - Ça sent bon le sexe. Encore un énorme rumble de r’n’b avec «When Will It End», c’mon Honey ! Elles redéveloppent tout le power des Tempts. Et comme si tout cela ne suffisait pas, elles injectent le power d’Aretha dans «Deaf Blind Paralyzed», c’mon Honey, elles surfent sur la crête d’une vague de Soul géante. Fabuleuses poulettes ! Ces Cone sont plus fortes que le roquefort.
Comme l’indique le titre, la pochette de Soulful Tapestry est brodée. Enfin presque. C’est un effet photographique qui devait exister avant les filtres Photoshop. Elles commencent par faire du Twist & Shout motownisé avec «One Monkey Don’t Stop The Show Part 1 & 2» et passent à la Soul des jours heureux avec «Don’t Count Your Children (Before They Hatch)». Elles resplendissent de classe. On pense à Stevie Wonder, bien sûr - You’d better treat me with respect - Et elle ajoute cette phrase : «You’d better treat me like a lady !». Elle a raison. Tous les cuts de l’album sont très beaux, très Motown. La B est la face lente et dans «VIP», les violons épousent les chœurs. S’ensuit «The Day I Found Myself», un balladif enchanté qui est un peu la huitième merveille du monde. Les voilà de nouveau sur les traces d’Aretha avec une mouture somptueuse d’«All The King’s Horses (All The King’s Men)». Mais c’est un cut difficile, trop chargé de pathos.
On leur a découpé une fenêtre en forme de cœur dans la pochette de Love Peace & Soul et elles y arborent de beaux sourires. Cet album d’aspect romantique est leur chant du cygne et pour faire honneur à leur pot de miel, elles démarrent avec l’un des trucs les plus torrides de l’histoire de la Soul, l’«O O-O Baby Baby» de Smokey Robinson, dont Todd Wizard/A True Star Rundgren avait fait une version sidérale. Ooh-ooh la la la et elles y vont, I’m cryin’, ooh-ooh baby baby, c’est la Soul du firmament, le sommet d’un Anapurna de satin jaune. Elles continuent de se prélasser dans le satin jaune pour «Stay In My Corner». Ce sont les grooves érotiques du dimanche matin, ceux des prélassements interminables et des érections douloureuses. Nouveau hit de Smokey avec «Who’s Loving You». Les filles tarpouillent bien leur tambouille de heavy beat orchestré. C’est un régal pour les oreilles. Production soignée et arrangements vocaux sublimes. Le «Sittin’ On A Time Bomb» qui ouvre le bal de la B est une énormité de Soul rampante à la Aretha. Real power, les Cone chantent au gros popotin, la Detroit Soul reste la meilleure Soul du monde, Honey. «Innocent Til Proven Guilty» se veut plus pop, mais elles chantent ça pied à pied. Elles ne lâchent pas l’affaire. Encore un fabuleux shoot de primal r’n’b avec «Ace In The Hole», un r’n’b bon enfant avec du swagger plein les bottes. Ces Cone sont des bonnes, elles excellent dans la volée de bois vert. Encore une hit avec «Woman Can’t Live By Bread Alone», pur jus de Motown, mêmes ingrédients, grosses compos taillées sur-mesure pour Soul Sisters impavides.
Signé : Cazengler, Honey comme un con
Edna Wright. Disparue le 12 septembre 2020
Honey Cone. Take Me With You. Hot Wax 1970
Honey Cone. Sweet Replies. Hot Wax 1971
Honey Cone. Soulful Tapestry. Hot Wax 1971
Honey Cone. Love Peace & Soul. Hot Wax 1972
ROCKABILLY GENERATION n° 16
janvier / Février / Mars 2021
Wooah, la sale bête, elle a failli me mordre, certes de ma faute, on ne met pas stupidement ses doigts n'importe où, n'empêche que Sergio et son équipe auraient pu prévenir par un sticker sur l'enveloppe, genre ouvrir avec précaution, car c'est une espèce de tigre blanc rugissant qui surgit à l'improviste, les crocs prêts à vous déchirer, ouf, on reconnaît au dernier moment, Hervé Loison sur la couve, n'est pas spécialement méchant, quoique l'inscription en lettres rouges '' Ange ou Démon'' oblige à reconsidérer le problème avec prudence.
Z'ont dû se rendre compte qu'il ne fallait pas jouer avec le cœur de abonnés, z'ont préparé un petit réconfortant dès le premier article signé par Greg Cattez, les trois grâces – normal elles ont du sang grec dans les veines - LaVerne, Maxene, Patty, les trois sœurs Andrews, les trois reines du swing – avant les pionniers du rock le monde de la musique existait aussi – 119 titres classés au hit-parade en vingt-quatre années – toute une tranche de vie de l'Amérique notamment celles de la deuxième guerre mondiale – un art du chant entremêlé au micron près – sur les photos elles ont air un peu trop proprettes mais elles étaient douées. C'était avant que le rock'n'roll ne vienne avec ses gros godillots de daim bleu piétiner les plate-bandes d'une certaine idée de la grande Amérique...
Justement sur la page suivante un troublion du genre nous invite à entrer chez lui, plus qu'un interview, un entretien géant. Sa carrière certes, mais surtout l'homme, celui qui se cache sous des identités multiples et souvent collectives, Teddy Best, Hot Chickens, Jake Calypso, Nut Jumpers and others... mais surtout celui qui se dévoile sans fard, se raconte tel qu'en lui-même le rock'n'roll l'a changé, ni pire ni meilleur que ses fans, mais qui a dû gérer cet aérolithe monstrueux qui est entré dans sa vie et qui a tout changé...
Pauvre Hervé, lui est arrivé une terrible aventure, le rock'n'roll lui est tombé sur le coin du museau sans prévenir, l'a pu identifier le coupable, un certain Elvis Presley, sa vie en a été changée, celle d'Hervé parce que celle d'Elvis en 1977 elle faisait l'expérience de l'after-monde, l'a pris une direction non prévue au programme, passion Elvis, passion rock, passion musicien, une ligne droite toute tracée. Pas un conte de fées, car sur les routes, il y a aussi des bas-côtés, une femme, des enfants et le rock'n'roll ne font toujours pas bon ménage, chérie tu t'occupes des gosses et moi de ma musique, vous imaginez les dégâts, Hervé ne cache rien, ne nous fait pas le coup du remord, de l'auto-flagellation, de la résilience – le dernier terme inventé par les psychologues à la noix médiatique pour vous sentir mieux - non il parle simplement, met les mots, endosse ses responsabilités et la passion qui le pousse. Quand on était petit à l'école l'on nous citait l'exemple de Bernard Palissy qui désargenté brûla jusqu'aux meubles de sa maison pour alimenter son four de cuisson et retrouver le procédé de l'émail blanc mythique, le problème c'est que dans le monde il y a peu de Palissy par contre beaucoup de pâles ici, qui ont bien une passion dans leur vie qu'ils abdiquent une fois la jeunesse passée ou pire à la première difficulté rencontrée, Hervé Loison n'est pas un volatile de ce genre, l'a le rock chevillé au corps et n'a jamais abandonné son but, un rêve sans trêve, son bilan parle pour lui, reportez-vous à la page 17, explique tout, son amour du rock, du blues, ses échecs, les coups durs, mais au final une courbe ascendante, une vie non pas réussie mais surmontée, a walk on the wild side, ses coups d'éclats, ses réussites et surtout cette fidélité infaillible au rock'n'roll qui a motivé son existence et lui a permis de dormir dans le drapeau troué du bonheur et du contentement humain de ce que l'on appelle l'estime de soi. Pour quitter l'introspection loisienne et jeter un regard froidement objectif sur son œuvre, nous résumerons en quelques mots : un des engagements les plus créatifs du monde du rock actuel, y compris en comptant les anglais et les américains.
N'étant pas du tout très adroit de mes deux mains et n'ayant aucune envie d'engendrer un monstre horrifique ou une laideur sans nom de plus dans le monde qui en compte tant, je m'abstiendrai de suivre les conseils des deux pages Tuto Bricolage...
Parfois l'on a l'impression que la vie se répète, que l'on relit deux fois le même livre, c'est que toutes les vies de rockers se ressemblent, au début vous avez la déflagration d'une bombe atomique dans votre existence de la manière la plus innocente qui soit, ici il faut dresser procès à l'imprévoyance de la grand-mère de Jacky Chalard, comme quoi tout peut arriver, bref voici Jacky Chalard piqué par un infâme virus à têtes multiples, vous en connaissez quelques unes, Elvis Presley, Gene Vincent, Eddie Cochran, Jerry Lee Lewis – à croire qu'il m'a copié - oui mais lui il s'est mis à la guitare et s'est retrouvé derrière Chuck Berry et Vince Taylor – j'aurais dû l'imiter mais ma maladresse digitale me l'interdisait – et puis s'est retrouvé de fil en aiguille à monter le légendaire label Big Beat Records... faut l'écouter raconter les belles heures du rock'n'roll français, l'épopée du Gol-Drouot et son admiration pour Johnny Hallyday. Un gars heureux, l'a vécu de sa guitare, l'a rencontré ses idoles, l'a servi le rock'n'roll, et cela lui suffit... Une vie de passion... un optimiste qui attend et le retour de flamme du rock'n'roll en notre pays.
Une belle gueule de pirates page 28, encore un qui a tiré quelques bordées rock'n'roll, s'appelle Bruno Grandsire, lui c'est pas sa grand-mère c'est son cousin – un mec bien qui lui fait écouter Gene Vincent – qui lui refile la grande vérole du rock'n'roll à quinze ans – aux âmes bien nées la valeur n'attend pas le nombre des années – bref l'est près pour affronter la grande vague du rockabilly des années 80, tant pis si Rouen est plus punk que rockab, fonde le trio des Morning After, une odyssée qui durera dix-sept ans, et plounck les voici que le hasard les met sur la route de Gilles Vignal... il n'y a pas de hasard, seulement des rencontres - dès que vous batifolez dans les fondations du rock en France vous trouvez le nom de Gilles Vignal - des jusqu'auboutistes, refusent de signer avec les gros labels, fignolent leurs propres cassettes... sont allés jusqu'au bout de leurs forces, Bruno a continué, notamment avec les Camping Cats, et travaille sur un nouveau projet....
Les interviews sont décorées de documents d'époque et de superbes photographies de Sergio Kazh, my favorite la double page centrale des Hot Chickens, Thierry Sellier impérial aux drums style homme tranquille qui déclenche une avalanche et Christophe Gillet les yeux rivés sur Hervé car il faut toujours se méfier des cordons de dynamite qui se consument à deux mètres de vous...
Bien sûr pas de comte-rendus de concerts, mais ce numéro 16, est comme ces galions espagnols qui quittaient les rivages sud-américains les cales remplies à ras-bord d'or. Servez-vous à volonté !
Damie Chad.
Editée par l'Association Rockabilly Generation News ( 1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois), 4,70 Euros + 3,88 de frais de port soit 9,20 E pour 1 numéro. Abonnement 4 numéros : 36, 08 Euros ( Port Compris ), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal ( cochez : Envoyer de l'argent à des proches ) maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de toutes les revues... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les précédents.
STEPPENWOLF
Je crois que c'est le premier disque du Loup Steppique que j'ai acheté, ce dont je suis sûr c'est que ce fut la grande claque. A mon humble avis, un des albums les plus fondamentaux pour la naissance du Heavy-metal, qui porte déjà en germe avec des années d'avance la gestation du Noise. Il est sorti en 1969, numérologiquement parlant c'est le troisième album du groupe, de fait c'est le premier, un enregistrement public réalisé en 1967. Ce n'est pas un hasard si je vous le présente avant le second.
J'ai d'abord flashé sur la pochette avant de lire le nom du groupe. Surprenante, attirante, elle est de Gary Burden, qui a aussi signé celle de Steppenwolf, le premier album. Mais il a réalisé près de cent cinquante couvertures de 33 tour à l'époque bénie de la rock-music. L'était designer lorsqu'il est contacté par Cass Elliot – la voix de rêve des Mama's and Papa's – pour relooker sa maison. Enchantée de son travail Cass lui affirme qu'il serait doué pour des pochettes de disque, l'engrenage se met en route. La liste est longue, The Mamas & The Papas, Dream a little dream de Mama Cass, bien sûr, quelques couvrantes de Steppenwolf ( même maison de disques que Cass ), peu de dames, mais les plus belles avec leur voix qui se rapportent à leur ramage, Ricky Lee Jones, le Blue de Joni Mitchell, côté messieurs il doit avoir signé un amical contrat d'exclusivité avec Neil Young ( une cinquantaine d'artworks à lui tout seul ) et à sa suite toute une flopée de groupes ou de musiciens de la constellation american- folk-country-rock, David Crosby, Graham Nash, Stephen Stills, les Byrds, Poco, Buffalo Sprinfield, une faute de goût avec les Monkees, vite rattrapée avec Tony Joe White, plus tard Pearl Jam, et les dernières parutions de Jerry Lou, Live, Mean Old Man, The Last Man Standing, Rock'n'roll Time ( sur lequel la lecture de la chronique du Cat Zengler de notre livraison 220 du 29 / 07 / 2015 devrait être rendue obligatoire pour tout apprenti rocker ), et comme par hasard la pochette dont je vous entretenais la semaine dernière, celle du Morrison Hotel... Beaucoup d'autres aussi et pas des moindres... Les amateurs ne manqueront de faire un long tour sur son site. Né en 1933, mort en 2017. S'imposera un de ces jours, une chro sur son style.
Normalement sur la première de couve de tout disque qui se respecte vous trouvez la gueule plus ou moins sympathiquement reproduite du groupe et au dos un maximum ou un minimum de blabla. Les Loups n'ont pas mégoté sur le laïus de derrière, un véritable roman... Mais devant, ce n'est pas comme d'habitude. Sur cinq, trois absents, les deux présents n'ont pas droit à la belle photo de communion, les images sont trafiquées réduites à des dessins silhouettés, juste les contours qui ne se détachent pas tant que cela du fond blanc. Pour un disque de Steppenwolf on aurait parié sur du noir – mangeurs de grenouilles, taisons-nous avec notre cartésienne logique, n'avons-nous pas eu un de nos groupes qui se prénommait Etron Fou Leloublan, et puisque l'on est ici entre nous remémorons-nous la pochette de l'album Tears, Toil, Sweat & Blood de Walter's Carabine ( 2018 ) avec ses bandes blanches et noires verticales sur laquelle surgit une tête de loup au crocs menaçants – car ce qui est troublant ce sont les lignes rectilignes qui parcourent la pochette, pas des bandes zébriques, non des espèces de fines stries, qui semblent souligner le fait que ce disque n'est pas comme tous les autres. Au cas où vous n'auriez pas compris, des notes de John Kay vous avertissent des conditions dans lesquelles le disque a été enregistré.
EARLY STEPPENWOLF
Recorded live at The Matrix in san francisco, may 14, 1967
( ABC Dunhill / 1969 )
John Kay : chant, guitare, harmonica / Jerry Edmonton : batterie / Mars Bonfire : guitare / Goldy McJohn : claviers / Rushton Moreve : basse.
Avant d'écouter ce disque il faut se rappeler que le Kick Out The Jam de MC 5 est sorti en 1969, Fun House des Stooges en 1970, White Heat, White Light du Velvet Underground en 1968... Dès la pochette Kay annonce la couleur : '' … improvising, jamming, squeezing and shaping a musical thing which lasted for 20 minutes and broke finally into The Puscher... '
Power play : plongée dans le chaudron à la première seconde, le Loup ramassé comme un paquet de croquettes pour chien enragé, la guitare de Bonfire sous perfusion psyké, tout le reste du groupe enserre la voix de Kay de près, martèle les paroles de ce blues libératif, dont on pourrait résumer les lyrics en quelques mots, occupe-toi de tes oignons et laisse-moi vivre comme je veux, avec en arrière-plan, cette idée que les donneurs de leçon n'ont réussi à mettre sur pied qu'une organisation sociale, bien défaillante, attaque frontale, le Loup fait face, quand il mord il ne desserre pas les crocs, même pas trois minutes mais smashées de toute force. Howlin' for my baby : l'on a ressorti le vieil appel de l'ancêtre de la meute, un des morceaux phare d'Howlin' Wolf le mâle alpha, une intro de basse qui fait semblant de jouer du jazz, la batterie qui prend le relais, la voix de Kay qui feule mais ne hurle pas – la voix du maître est inimitable - et l'on sent le piétinement de la harde qui galope en bloc sous la lumière blafarde de la lune, une menace qui court, un blues bifide qui n'est déjà plus un blues, qui cherche à sortir de lui-même. Mars Bonfire aplatit les notes, les allonge, leur enlève cette ronde jovialité de l'enregistrement original, les temps ont changé... Goin' upstairs : décidément blues, après Howlin' Wolf, voici John Lee Hooker, pas de panique les trois premières minutes restent dans la plus stricte orthodoxie du piétinement si particulier de la zique à Hooker, sur les quatre dernières le rythme s'emballe, la guitare devient folle et se prend pour une vrille géante montée sur trépan, des éclats d'harmonica, ce coup-ci l'on est parti pour le voyage au bout de la nuit. Corina, Corina : un vieux traditionnel repris par tout le monde, Le Loup nous la transforme en jolie chanson de Noël pour tous les petits chaperons rouges sages qui se méfient des grosses bêtes vicieuses, le clavier de Gordy M'c John vous prend des teintes d'harmonium surréelles, Bonfire sonne creux comme s'il essayait d'imiter un orgue de barbarie, hélas il n'y réussit pas, résonne plutôt comme ogre barbare qui fait sa douce et hypocrite voix, ce morceau détonne dans le disque, le Loup court après les limites du blues, rebondit de tous côtés, une bille de billard qui ne trouve pas son trou pour s'échapper. Tighten up your wig : reprise hommagiale à Junior Wells – c'est lui que choisit Muddy Waters pour remplacer Little Walter parti voler de ses propres ailes – l'on a donc droit à un festival d'harmonica qui nous entraîne dans un tourbillon frénétique rehaussé par le clavier de Gordy, cette face A semble retourner à l'orthodoxie du blues. The pusher : le groupe se met en place, tapotements de batterie, l'on ne sait trop où l'on va, un vrombissement de moto dans la nuit, un clavier qui pépie comme une nichée d'oiseaux, Kay marmonne dans le micro, coup de tambour précipité, c'est là que l'on se rend compte que l'on entre dans une autre dimension, sur l'autre face, nous étions encore sur les rivages bleutés du blues, ici l'on ne sait plus, un éléphant barrit, serait-ce le retour en Afrique, larsens nous sommes à l'heure électrique, bruit divers, nous sommes en train d'entrer dans une ère moderne, l'impression que le vieux monde sonore craque de partout, plus près de l'orgue à ondes Martenot que l'on ne s'y attendrait, et cette voix qui semble mixer à l'envers, ces sifflements de soucoupes volantes qui décollent, le grand saut du blues au noise, un truc inécoutable, ces brouillaminis que l'on obtenait dans les radios d'avant le transistor lorsque l'on faisait coulisser la curseur entre les stations, dieu merci l'orgue vient nous sauver, serait-on accueilli par Dieu en personne tout de blanc vêtu devant la porte de l'Eglise, non la musique de messe se termine en ritournelle et les cordes de guitares chantent un de profundis, qui enterre-ton au juste, serait-ce une aubade au vieux blues, l'on n'y comprend goutte, que faire si ce n'est suivre cette marche que l'on pressent tumultueuse parsemée d'éclats clownesques, maintenant ça miaule de tous les côtés, et l'on revient à quelque chose de plus reposant, une chanson, une vraie avec un chanteur et un véritable accompagnement, en prime des dégradés et des pressurages, les flots sonores nous emportent, Kay est à la tribune, il cause, il accuse, la musique appuie plus fort, nous voici dans un blues sur-multiplié, sur-dimensionné, Kay cartonne et détonne, et tout s'arrête brutalement. This is the end.
Un disque de rupture prophétiques, les deux pieds dans l'eau boueuse du blues, la tête dans le bruit volatile qui tombe des étoiles, car même l'Univers possède une bande-son.
Damie Chad.
FUNKY MULE
SOUL TIME
Y a des mecs pas sympas, je vous refile leurs prénoms pour les barrer de votre liste d'amis, François, Julien, Laurent, Mathieu, Richard, Torz, Thierry et Claire, eh oui une fille parmi eux, comme quoi l'on est souvent trahies par les siennes. Vous les avez reconnus, font partie de l'équipage de Soul Time, l'on a parlé d'eux dans les deux livraisons précédentes, comme l'on avait dit du bien des chanteuses Carla et Lucie, ce coup-ci, ils les ont bâillonnées, ah vous chantiez très bien, maintenant vous vous tairez, ou alors allez danser, leur ont fait le coup de l'instrumental, les filles allez pointer au chômage, aujourd'hui c'est du sérieux, faut des gars solides !
C'est qu'ils ne s'attaquent pas à un château de sable, ont décidé de taquiner un gros donjon, Ike Turner, l'était dans les Studios Sun avant Elvis Presley, et a enregistré Rocket 88 – Jackie Brenston est au vocal - que certains considèrent comme le premier morceau de rock mis en boîte sur notre planète... puis est devenu un des monuments incontournables du rhythm 'n' blues... C'est avec Tina Turner sous la houlette de Phil Spector qu'il créée cette symphonie du nouveau monde de la pop qu'est Deep River, Mountain High, un prodige si puissant qu'il désarçonna critiques, radios et public...
Funky mule ouvre la face B de l'album a Black Man's Soul, publié en 1969 en ces années de fierté noire, une composition de Marvin Holmes qui l'enregistra aussi à la tête de ses Uptights, selon mes immodeste a-priori, c'est la meilleure version avec un groove tout bruiteux et cuivreux qui rappelle la marche des éléphants d'Hannibal escaladant les Alpes pour marcher sur Rome, pas bête le Marvin, l'a partagé le morceau en deux, la partie 1 pour ceux qui aiment les grosses cavalcades, la numéro 2 pour ceux qui préfèrent les moutonnements moins escarpées, mais comme il n'arrête de scater et d'interjectionner dessus cela s'entend moins. Lorsque Ike la reprend, il refuse de jacter dessus, un instrumental c'est seulement la musique affirme-t-il, puis en grand seigneur il offre le fromage et le dessert en un plat unique, ce qui explique pourquoi les mal-appris comme moi s'ennuient un tantinet sur la deuxième partie du morceau qui se perd un peu dans les sables brûlants des rives du Nid sur lesquels les crocodiles aiment à piquer leur roupillon post-méridien...
Conclusion Soul Time n'a pas peur de s'aventurer dans les pâturages des vaches sacrées du groove. Partent de la structuration du morceau opérée par Ike Turner. Rien de plus têtu qu'une mule. S'engage à toute allure dans une direction, pour on ne sait pourquoi au bout de quelques centaines de mètres en prendre une autre. Les gars de Soul Time ils aiment bien les bêtes, mais pas question que la bestiole n'en fasse qu'à sa tête, vous la tiennent serrée et resserrée, tu veux aller à droite, t'iras à droite, tu veux aller à gauche t'iras à gauche, mais pas question de lambiner en chemin, z'ont sorti le chrono, celle de Ike a besoin de plus de trois minutes pour réaliser le parcours, toi t'as intérêt à allonger le pas, pas même deux quarante on t'accorde. On ne peut que louer leur fermeté. Ne laissent pas au boa le temps de dérouler cruellement ses anneaux paresseux autour de votre gorge, faut qu'il vous strangule l'auditeur, vite fait, bien fait, soul time is money, vous prennent ce ricain de Ike Turner à la propre philosophie de son pays.
Prêtez bien l'oreille, vous expédient la marchandise à toute allure, méfiez-vous de la batterie de Torz Rovers au tout début, le morceau n'a pas commencé que déjà il opère une diversion, le Torz joue au poisson rouge, deux tours du bocal bien emballés comme s'il avait toute l'éternité devant lui pour démarrer un solo épique, ben non, ce sont les cuivres venteux qui déboulent, une longue rafale qui se transforme en cavalcade, regardez comme l'on est beau, et comme l'on sonne bien, et évidemment vous les suivez des yeux pour ne pas en perdre une miette, des poneys de cirque à la crinière tressée et Claire Fanjeau qui joue à la ballerine avec son saxo-salto, Laurent Ponce appuie méthodiquement sur sa trompette ( doit avoir un mort à réveiller ) Mathieu Thierry et Richard Mazza saxoïsent comme s'ils étaient les rois de la piste, et évidemment vous n'avez rien vu, vous vendent des vents à en veux-tu, en voilà, alors que tout se passe par en-dessous, plutôt au-dessus dans les cintres sur les trapèzes volants, Thierry Lesage détient entre ses doigt la clef – the key of the enigm - du morceau, marne comme un fou, l'est soutenu dans son effort par la basse de Julien Macias qui souligne son action au stabilo bien gras, et la guitare de François qui ramène sa Fraysse de ses hachures coupantes, bref vous avez un regroupement autour du clavier, la basse s'emballe, la batterie s'ébat, la fanfare éclate, à chacun ses dix secondes de gloire, et puis l'on revient à l'andante al dente de la pulsation, et c'est-là qu'ils se démarquent d'Ike, chez celui-ci, le peloton reste groupé jusqu'à la ligne d'arrivée et c'est aussi long et pénible que la retraite de Russie, ici chez Soul Time, ça fuse de tous les côtés, chacun caracole sur sa bicyclette, debout sur le guidon ou assis sur la roue arrière, et croyez-moi ça ne pédale pas dans la choucroute, vous terminent le travail en beauté, aussi limpide qu'une lampée de Sylvaner, tout de suite vous vous resservez, cela vous fait un bien fou.
S'en sont bien sortis, on leur serre la pogne mais en partant on n'omet pas de faire la bise à Carla et à Lucie, car on ne les oublie pas. Sur scène elles auront le temps de reprendre leur souffle sans inquiétude, pendant que dans la soute la chiourme sera à la manœuvre.
Damie Chad.
XII
ROCKAMBOLESQUES
LES DOSSIERS SECRETS DU SSR
( Services secrets du rock 'n' rOll )
L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS
Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.
Lecteurs, ne posez pas de questions,
Voici quelques précisions
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Je me réveillais. J'avais le nez dans le pipi que Molossito venait de faire sur l'oreiller. Mais non, ce n'était pas ce qui m'avait tiré du sommeil. Je ne voulais pas le croire, mais je dus me rendre à l'évidence, la grosse grenouille de mon rêve aquatique, c'était le téléphone qui coassait sur la table de nuit :
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Agent Chad, enfin vous décrochez, il est plus que tard, déjà trois heures trente-cinq du matin, sautez dans la première voiture volée et vite, je vous veux dans cinq minutes, au service, n'oubliez jamais que la chance appartient à ceux qui se lèvent tôt !
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Le Chef paraissait en grande forme, manches de chemise retroussées, le Coronado planté entre les dents, il discutait au téléphone, il appuya sur la touche adéquate pour que je puisse entendre la fin de la conversation en son entier :
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Vince, tu le connaissais bien, le père adoptif de Jean-Pierre ?
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Pas vraiment, dans le temps il passait régulièrement sur mon stand de brocante pour voir si je n'avais pas de disques de rock'n'roll, ou alors il me filait un coup de fil au cas où j'aurais rentré une nouveauté, c'est comme cela que Jean-Pierre m'a contacté, j'ignorais son existence, dès qu'il a débité son histoire, je l'ai aiguillé vers la villa dont tu m'avais parlé
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En tout cas Vince, l'idée d'une action publicitaire pour redorer le blason du SSR était excellente, très bonne initiative de ta part de demander à la Maffia de remplacer les huit tonnes Coronados pour fumeurs avertis par des cigarillos pour amateurs de vingt-cinquième zone, bon je te quitte, nous avons du boulot urgent par ici ! Je te rappelle au plus vite.
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Même Molossito avait compris. Nous dévalâmes les escaliers quatre à quatre. Le Chef esquissa un sourire de contentement quand il vit l'objet de collection que j'avais dégoté, une vieille Panhard, une PL 17, couleur pistache fanée, '' Magnifique, s'exclama le Chef, j'adore ces voitures, elles ont la coupe d'une boîte de sardines écrasée ! ''
La veille au soir, en rentrant au service, nous avions laissé Alfred devant la grille de la villa, nous voulions en avoir le cœur net. La villa avait encore changé d'aspect, ouverte aux quatre vents, elle ressemblait à un squat désertée par ses occupants. Quelques paillasses traînaient sur le sol couvert de poussière. Les murs intérieurs et extérieurs avaient été tagués. Les inscriptions à haute teneur pornographique étaient majoritaires. Molossa fit le tour des lieux lentement, les sens aux aguets elle s'arrêta obstinément devant l'évier de la cuisine. Son manège m'intrigua, je me baissai , et ne vis rien, je me relevai et m'éloignai mais Molossa la chienne fidèle et féroce grogna, je revins sur mes pas, et m'accroupis, c'était écrit au crayon gris, pratiquement invisible '' faites gaffe'' au dessous le A symbolique de l'anarchie, auquel était accroché un minuscule zigouigoui illisible. Nous repartîmes aussitôt après cette découverte, le dernier cadeau d'Alfred.
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Revenus au service, le Chef alluma un Coronado, et décréta que le temps de la réflexion était revenu :
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Agent Chad, cette satanée affaire part dans tous les sens, que savons-nous au juste, procédons avec ordre et méthode :
1 ° ) Le Président ne nous aime pas, il nous a envoyé ses tueurs, nous lui avons joué un tour de notre façon, pour un certain temps nous sommes après notre succès d'hier politiquement intouchables, mais l'Elysée n'abandonne jamais sa proie.
2 ° ) L'affaire Eddie Crescendo est en partie résolue, nous avons les notes secrètes de Crescendo retrouvée dans la fameuse boîte à sucres
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Oui Chef, nous avons même un exemplaire du livre qu'il n'a pas écrit, ce qui est tout de même assez bizarre
3 ° ) Deux mystères vraisemblablement liés, celui de la villa qui change de configuration aussi facilement que moi de Coronado, et bien sûr ces mystérieux réplicants qui ont tenté de nous envoyé ad patres, alors que l'un d'eux le dénommé Alfred nous a donné en plusieurs occasions de sérieux coups de mains
4 ° ) Pour couronner le tout nous mettons la main sur cet homme à deux mains qui se révèle être un pauvre gamin de rien du tout et qui n'a aucun rapport avec cette affaire qu'il a déclenchée !
5 ° ) Tout cela, ce n'est rien, ce qui est terrible c'est la difficulté que nous avons à créer un lien possible entre ces quatre éléments !
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J'avoue Chef que je n'y comprends rien, je donne ma langue au chat, euh, aux chiens, excuse-moi Molossa, pour me faire pardonner je descends chercher des croissants pour tout le monde.
Mais je n'en eus pas le temps. Mon portable tremblota dans ma poche. Je décrochai.
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Allo Damie !
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Tiens le Cat Zengler !
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Damie, j'ai reçu un paquet des Etats-Unis, des disques rares que j'avais commandés, figure-toi que la boite dans laquelle ils étaient empaquetés était légèrement trop grande, alors le gars a bourré le vide avec du papier journal.
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Vachement intéressant, my cat, ton truc, je suis enchanté d'apprendre que quand les colis sont un peu trop larges, les ricains rembourrent les vides avec du papier journal, tu me déranges à six heures quarante-sept du matin alors que nous sommes confrontés à une énigme aussi importante que le mystère des pyramides, mais tu es totalement cinglé my cat !
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Calme-toi Damie, j'allais jeter les feuilles de journaux froissés lorsque je me suis aperçu qu'ils étaient écrit en français, un exemplaire de La Normandie Libre de mars 1964, le journal du coin d'ici, je parcours des yeux et je tombe sur tout un petit article, presque un entrefilet, écoute ça, je lis : '' Accident sur la Route Nationale 45, à l'entrée de Grandville. Une panhard vert-pistache s'est écrasée pour une raison inconnue sur un des platanes du village. Sans doute le chauffeur s'est-il endormi au volant. Christophe Dupoix a en effet trouvé la mort alors qu'il revenait de la fête locale du hameau voisin où il était parti pour assister à la première prestation d'un groupe de rock'n'roll nommé L'homme à deux mains monté par ses amis. ''
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Ah, le Cat, je savais bien que si quelqu'un était capable de trouver un groupe de rock nommé L'Homme à Deux Mains'' c'était toi !
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Attends Damie, ce n'est pas tout, le colis est arrivé hier matin, je me suis mis en chasse, coups de téléphones divers, papotages dans les villages autour de Granville, résultat des courses : ils étaient cinq dans le groupe : chanteur, guitare rythmique, guitare solo, basse, batterie
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Formation classique, my cat !
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Si tu veux Damie, formation maudite à mon avis, dans les mois qui suivirent, ils sont tous morts, une noyade, un empoisonnement aux champignons, un suicide par chagrin d'amour, un accident de moto, et un cancer foudroyant, le plus étonnant c'est qu'à l'époque personne n'a trouvé cela anormal, une mauvaise série de morts naturelles...
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Oh le Cat, ça pue grave ton truc, fais attention à toi, ne sors pas de chez toi, on arrive en renfort.
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Derrière moi, c'était la grande excitation, les chiens couraient un peu partout en aboyant sauvagement, et le Chef allumait un Coronado tout en chantant à pleine voix, '' Je veux revoir ma Normandie''...
( A suivre...)
09:01 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : humble pie, honey cone, rockbilly generation, soul time, steppenwolf, rockambolesques 12