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11/01/2018

KR'TNT ! 356 : SEX PISTOLS / NO HIT MAKERS ( + BRAIN EATERS + WASHINGTON DEAD CATS + MEXICALI SWINGERS ) / BOBBIE CLARCKE

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

LIVRAISON 356

A ROCKLIT PRODUCTION

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

11 / 01 / 2018

 

SEX PISTOLS / NO HIT MAKERS ( + Brain Eaters

+ Washington Dead Cats + Mexicaly swingers )

BOBBIE CLARKE

TEXTE + PHOTOS SUR :

http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/

Sex pactole - Part two

 

Johan Kugelberg édite un gros bâton de dynamite consacré aux Sex Pistols - God Save Sex Pistols - et il allume la mèche dès la préface en affirmant que the Sex Pistols were the greatest rock and roll situation that the twentielth century brought about (Il y va fort, puisqu’il affirme que les Pistols sont le plus gros coup de rock’n’roll du XXe siècle). Il affirme encore autre chose : rien que pour avoir écrit «Holidays In The Sun», John Lydon would still remain a major British man of letters, oui, l’un des principaux hommes de lettres britanniques, un Lydon qui dans ses early twenties avait déjà l’aura d’un grand agitateur, in the vein of Max Wall, Daniel Cohn-Bendit or hey, Byron for that matter. Et il enfonce encore son clou - paf ! - en affirmant que les Pistols were arguably the greatest rock and roll stalwarts of their generation, bridging mod, glam, and the proto-punk ‘themness’ code to the masses. Et pour étayer tout ça visuellement, Kugelberg propose plus de 300 pages grand format, c’est-à-dire entre cinq et douze kilos de papier. L’éditeur se trouve à New York, mais le livre est imprimé en Chine. On profite de l’occasion pour constater que les Chinois ont appris à rivaliser de qualité avec les grands imprimeurs italiens.

De deux choses l’une : soit on reste un inconditionnel des Pistols et on se jette sur ce livre, soit on ne l’est plus et on se pose la question suivante : à quoi rime un nouvel ouvrage consacré à cette vieille histoire ?

De toute évidence, le fan des Pistols va se régaler, il va pouvoir se goinfrer d’images et d’infos qu’il connaît déjà, mais comme il ramène chez lui ce que les libraires appellent un «beau livre», il aura l’impression de redécouvrir cet épisode fascinant de l’histoire du rock anglais. Kugelberg a choisi d’alterner des séquences de pages illustrées et des séquences de contenu éditorial présentées sous la forme day by day et uniquement constituées de témoignages. On se retrouve dans l’ambiance de l’excellent Please Kill Me jadis édité par Legs McNeil et Gillian McCain et qui en la matière fait toujours office d’ouvrage de référence. Tous les principaux témoins de la courte saga des Pistols évoquent chaque concert et chaque événement. Tout ça pour dire qu’au fond, il est bien difficile de se lasser d’une histoire aussi génialement météorique que celle des Pistols. Il s’agit en effet d’une histoire parfaite : départ de triple zéro, quatre branleurs passionnés de rock, un buzz de deux ans, un album parfait, un scandale et le chaos technique final. L’essence même du rock, le cum. Ou le scum du cum. La cime du come. L’origine de toute vie. Sex Pistols & drugs & rock’n’roll. L’album est tellement parfait qu’on le réécoute quarante ans plus tard avec le même bonheur. De la même façon qu’on réécoute l’album des Heartbreakers ou le premier album des Damned. Ces disques n’ont pas pris une seule ride.

Maintenant, l’autre point de vue. Imaginons qu’on ait déjà fait le tour depuis belle lurette, qu’on ait pris le temps d’avaler l’England’s Dreaming de Jon Savage, et même les 700 pages de l’England’s Dreaming Tapes paru un peu plus tard, les bouquins de Noel Monk (Twelve Days On The Road With The Sex Pistols - récit marrant de la tournée américaine qui permet de mesurer le haut niveau d’incontrôlabilité de Sidney Vish), de Brian Southall (Ninety Days At EMI, qui n’apporte pas grand chose), de Fred Vermorel (The Inside Story Of The Sex Pistols, le plus ancien, qui fut traduit aux Humanos, dans la prestigieuse collection Speed 17), bien sûr, les deux autobios de John Lydon (No Irish No Blacks No Dogs et Anger Is An Energy, plus récent) et pour finir l’indispensable autobio de Steves Jones, parue l’an passé et qui fonctionne comme la pièce manquante du puzzle, ou si vous préférez, comme la clé de voûte de la cathédrale. Sans oublier l’indispensable Destroy, le photo-book de Dennis Morris. Pour compléter ce panorama, on aura visionné quelques films, ceux de Julian Temple (The Filth & The Fury et There’ll Always Be An England. Live From The Brixton Academy), et le Never Mind The Bollocks, publié par Eagle Vision en 2002. À ce stade, on s’accorde le droit de conclure que le tour est fait, et donc à quoi bon remettre le nez dans une énième resucée de cette courte histoire ?

Eh bien, les Pistols, c’est un peu comme Dada. On croit bien connaître Dada quand on a lu Ribemont-Dessaignes, Tzara, Picabia, Duchamp et qu’on connaît sur le bout des doigts son Man Ray/Erik Satie ou son Schwitters, et puis le jour où on met les pieds dans la caverne d’Ali Dada (Dada Beaubourg), on reprend tout Dada en pleine poire, on erre dans les allées avec la langue qui pend, on puise du regard tout ce qu’on peut, jusqu’à l’overdose, on sort de là épuisé et en jurant de revenir le lendemain. Et c’est en feuilletant le catalogue qu’on comprend la raison de ce choc émotionnel : Dada resplendit dans toute la grandeur de sa parfaite ingénuité.

Comme les Pistols, Dada part de triple zéro : Picabia et Tzara passent un pacte Dada sur le marbre d’un imprimeur zurichois en 1919, en réaction contre la boucherie de la Première Guerre Mondiale. Tzara n’a que 23 ans et Picabia tout juste 40. Ils vont créer un monde à eux deux. Ils deviendront des virtuoses de la provocation et accessoirement, inventeront l’art moderne. Dada ne dure que quatre ans à Zurich, puis trois ans à Paris, où Dada va rejaillir sur le monde entier, avant d’être dévoré vivant par le mouvement surréaliste. Trois ans : on parle ici de fulgurance.

Le gros livre de Kugelberg fonctionne exactement de la même façon que le catalogue Dada Beaubourg : on y voit un monde se construire, page à page. C’est très visuel : triple zéro, des branleurs qui répètent dans un garage, toujours la même histoire, et un mec un peu lettré s’intéresse à eux : McLaren. Alors que le son du groupe prend forme, parce que Steve Jones apprend à jouer de la guitare en écoutant les Stooges et les Dolls, que Glen Matlock sait bricoler des séquences couplet/refrain, et que John Lydon cultive un goût pour l’anarchisme du coin de la rue, McLaren fait exactement ce que fit son idole Guy Debord avant lui : il réfléchit à une stratégie. Comme il grenouille depuis un certain temps dans l’underground culturel, il sait que la réputation d’un groupe repose sur deux choses : le son et l’image. L’un ne va pas sans l’autre. Il fait donc appel à un graphiste londonien, le fameux Jamie Reid et dans les pages de ce gros book, on voit l’image des Pistols se construire. C’est quasiment du step by step. Tous ceux qui s’intéressent au graphisme ou qui en ont fait leur métier savent que le parcours qui conduit à la mouture finale est souvent long et douloureux. Et à partir de rien, mais vraiment rien, Jamie Reid construit cette image des Pistols qui depuis est devenue universelle. Il y a d’abord le logo du groupe monté en lettres découpées dans des titres de presse, puis le fameux visuel de la reine pour «God Save The Queen». Et là, on se retrouve confronté à une sorte de summum culturel qu’on appelle l’art total : on voit l’image et on entend le son. On entend le son et on voit l’image. L’un de ne va pas sans l’autre. Le mythe des Sex Pistols repose très précisément sur cet amalgame : le texte colérique d’un kid à peine sorti de l’adolescence, deux couplets et deux refrains joués par un fan des Stooges, une image construite au cutter et au bâton de colle par un graphiste qu’obsède le non-respect des codes graphiques, et un marchand de fringues qui s’entiche des théories subversives de Guy Debord. Encore une fois, triple zéro, puis effet boule de neige. Qu’il s’agisse d’un flyer, d’un ticket de concert ou d’une affichette, le moindre petit doc devient œuvre d’art. Le moindre T-shirt et la moindre pochette de single deviennent eux aussi des œuvres d’art. Tout part de ce qu’il existe à l’époque de plus cheap pour devenir objet de convoitise et malheureusement de spéculation. Le gros book de Kugelberg montre les objets en l’état, comme des objets Dada devenus objets de musée et donc de valeur, alors qu’à l’origine, ils sont bricolé sur un mauvais photocopieur. Les photos de scène ne font que renforcer la force de cet anti-concept, car comme Dada, les Pistols retournent l’idée de concept comme une peau de lapin. John, Glen, Steve et Paul jouent leurs rôles de branleurs à merveille, mais on note quand même que Glen gâche un peu l’équilibre graphique des images, trop clean, trop normal, alors McLaren corrige le défaut en le virant. Avec Sid, l’équilibre graphique de la désaille devient parfait. Les photos des Pistols renouent alors avec une tradition très anglaise des grandes photos de groupes, une tradition qui remonte aux early Stones et aux early Who. C’est la clé du système, la crédibilité auprès du public anglais, c’est-à-dire du monde entier. À partir de là, c’est un boulevard qui s’ouvre aux Pistols et à leur entourage : il ne leur reste plus qu’à enregistrer de bonnes chansons pour entrer dans la postérité. Le pire, c’est qu’ils savent aussi le faire. Et ce ne sont pas seulement des bonnes chansons, mais des classiques chargés de toute leur énergie et de ce qu’il faut bien appeler leur génie délinquant, celui de Steve Jones en particulier. Jamie Reid refait mouche avec son Nowhere Bus qui devient une autre symbiose visuelle du phénomène pistolien, il dessine même un rough du bus, comme on le faisait auparavant pour visualiser une idée avant de la réaliser, une pratique qui hélas a disparu avec les ordis, oui, car les clients ne veulent plus voir de roughs, ils veulent du produit fini. Grâce à Jamie Reid, les pochettes de singles sont traitées comme des œuvres d’art. Parmi les groupes qui retiendront la leçon, il faut citer les Dogs d’Amour et les Drive-By Truckers : un graphiste (ou un illustrateur) pour toutes les pochettes, garantie d’une forte identité. Après les singles, voici l’album et on découvre la genèse d’une des pochettes d’albums les plus célèbres du monde, Never Mind The Bollocks qui devait s’appeler au départ God Save Sex Pistols : comme la maquette du visuel existe, Kugelberg la récupère pour la couverture du livre. Mais tout le monde est bien d’accord, surtout en Angleterre, Never Mind The Bollocks, ça sonne tout de même un peu mieux. C’est un peu comme si en France on écrivait sur la pochette d’un album ‘Je m’en bats les couilles’, ce qui ne manquerait pas de choquer les beaufs et les bobeaufs, but de l’opération. On voit aussi le montage coté de la pochette de l’album : c’est un document technique destiné au photograveur. Le graphiste montait son doc d’exé à tel et indiquait les couleurs à la main (ici, Jamie Reid a écrit dayglo yellow et dayglo red, c’est-à-dire jaune et rouge fluo), avec en plus un choix typo volontairement pauvre : un merveille d’anti-équilibre pour un anti-concept. Les groupes anglais qui à l’époque ont essayé d’imiter la démarche des Pistols (les Clash en l’occurence) se sont vautrés, car ils copiaient un anti-concept et il faut savoir qu’on ne copie pas un anti-concept. On ne copie pas la Fontaine de Duchamp ou la pyramide de Khéops. Et cette esthétique du chaos graphique va déclencher une véritable marée de fanzines tous plus moches les uns que les autres, c’est à qui fera le plus laid, sans comprendre qu’à l’origine, Jamie Reid est, comme Neville Brody, un graphiste britannique de stature internationale. Tous les apôtres du fameux DIY vont y aller de bon cœur, à coups de cutter, de bâtons de colle et de photocopieur du coin de la rue. McLaren devait être à la fois ravi de cette prolifération et effaré de voir à quel point tous ces gens ne comprenaient rien. Dans le cas de Dada comme dans celui des Pistols, on parle d’art provocateur. Un art certainement plus difficile que l’art classique et pour lequel il faut quelques dispositions.

Signé : Cazengler, Sex pustule.

Johan Kugelberg, Jon Savage, Glenn Terry. God Save The Sex Pistols. Rizzoli 2016

 

06 / 01 / 2018TROYES

3B

NO HIT MAKERS

 

La teuf-teuf cartonne. Elle a une mission dont dépend la survie de la planète. Huit cents kilomètres d'une traite, demain j'ai un rendez-vous important. Les No Hit Makers passent au 3 B, le cadeau de Noël de Béatrice Berlot, pas question de le rater, la fidèle rock-mobile avale le bitume sans amertume, le moteur à plein volume tel un presse-agrume de compétition. Nous voici déjà arrivés à destination. Les soiffards au bar sans retard, de doux petits bouts de choux qui courent partout, les rockers en manque de Makers, l'ambiance rockabilly des grands soirs.

NO HIT MAKERS

Pas mal pour un premier morceau, claironne Eric qui fait le modeste. C'est même plus que très bien, mais il est vrai que nous n'avons encore rien entendu comparé à ce qui nous attend. Les No Hit Makers c'est comme l'horloge de la mise feu de la bombe atomique. Une fois que vous l'avez enclenchée vous ne pouvez plus l'arrêter. Mais analysons quelque peu les rouages de cette mécanique infernale. Vincent est à la Gretsch – vous ne pouvez pas vous tromper, l'a le macaron de la marque en gros sur sa tunique noire. Une lead qui tranche d'orange. Sanguine. Et survitaminée. L'a un défaut, ne peut pas s'empêcher d'en jouer. Le morceau n'est pas terminé que déjà il tonitrue le suivant. Sur ce Jérôme lui emboîte le pas. Vous file la rythmique sur sa caisse claire. Douze secondes pas plus, car après c'est la catastrophe, un break à vous couler le Titanic plus monstrueux qu'un iceberg, et Lardi qui se précipite dans les chaloupes de secours et qui souque le souk comme un dément. Il se peut que vous rencontriez des innocents à la tête vide qui sont prêts à témoigner que le sieur Lardi joue de la contrebasse. C'est un mensonge. Ehonté. Totalement faux. Lardi, sa passion c'est le full contact. Sauvage et sans concession. Un fulleur fou. Ne se sert que de ses deux mains, pour la simple et bonne raison qu'elles rendent l'utilisation des pieds inutile. Vous refile de ses mourlanes qui valent des coups de tatanes. Elles font mal, et ça s'entend. Sera même obligé de faire signe à Fab à la table de le baisser d'un cran car il a l'impression de submerger le reste du combo. La frite mais pas la triche. Entre deux sets il nous montrera le cal de ses doigts arraché. Slappe sans filet. Vous imaginez le micmac. Ce n'est que le chapitre un et Eric n'est pas encore arrivé. Gretsch électro-acoustique – c'est que le rockab sans Gretsch c'est comme une salade sans feuilles ou un taureau de combat sans cornes - en bandoulière, use d'une technique simple, vous balance la rythmique au lance-flammes, impossible de le dépasser, une course-poursuite avec lui-même, les autres sont au raffut derrière lui, et lui il leur annonce qu'il n'a pas de temps à perdre et qu'ils ont intérêt à se magner s'ils veulent lire la suite de l'histoire. L'a les yeux qui pétillent de malice, alors il vous sort son arme secrète. La voix. Les autres cognent, et lui il amplifie. Il ouvre les espaces. Comme dans les westerns, quand la caméra élargit le champ et vous dévoile les infinies étendues de l'herbe bleue du Kentucky. Aussi impensable que cela puisse paraître, si vous tendez bien l'oreille vous ne tarderez pas à percevoir une fine pointe de country ( nuance wild ) dans la musique des No Hit Makers, une minuscule goutte aussi venimeuse que la morsure du crotale. Une dose chargée de vous immuniser contre les prochaines surprises.

Vous croyez avoir fait le tour du topo. O. K. je vois, les No Hit Makers, c'est l'oiseau-tempête qui plane dans dans l'ouragan, genre je dévaste tout et rien ne subsiste après moi. Erreur lamentable. Diagnostic outrecuidant. Non, ils ont un truc en plus. Les No Hit, ça gonfle, ça enfle, ça croît sans rémission... jusqu'à l'apparition d'un étrange phénomène, le goulot d'étranglement, la baudruche qui éclate, pire que tout cela, ce que les astronomes appellent l'apparition d'un trou noir, l'effondrement torsadé de l'espace-temps qui ouvre sa gueule béante et s'apprête à engloutir, la musique, l'orchestre, les spectateurs, le vide béant inéluctable, vous savez que vous allez être avalés par cette concrétion de matière noire dans laquelle vous vous sentez aspirés, le couac sinistre du silence s'abat sur vous, le croassement sourd des corbeaux autour de votre cadavre, plus un bruit, une éternité d'une seconde et brusquement alors que vous croyiez que l'ensevelissement de la destruction finale vous avait minéralisé, transformé en pierre d'achoppement, l'en est toujours un des quatre qui sauve la situation. Ce peut être tout ou n'importe quoi. Jérôme qui gratte la peau d'un tom, ou qui vous azimute d'une explosion de cymbales, Lardi qui vous larde sa big mama d'un atémi des plus vicieux dans le cordier, ou sa main gauche qui dérape sur le manche, dernier bras levé en vain d'un nageur que l'océan s'apprête à enrober de ses masses liquides, le simple sourire d'Eric, ou Vincent qui vous foudroie d'un riff sorti de nulle part ou de la caverne de Platon, vous croyiez que tout était fini, que les No Hit jouaient trop vite, qu'ils allaient se planter comme des gamins de quatorze ans en répétition, eh bien non, le Quetzalcoalt du rockabilly, le serpent à plumes du néo-rockab, reprend son vol majestueux comme si de rien n'était, et vous emporte comme fétus de pailles dans un immense tourbillon. L'est un ustensile qui ne chôme pas chez Vincent, vous use du bigsby comme d'un vol d'étourneaux, propulse le riff vers les hauteurs immodérés du ciel, et quand il le relâche il fait gronder l'orage et éclater le tonnerre. Eric vous lance des giboulées de guitare dans les traboules du désir, sa voix se fait douce et sarcastique, elle interprète le rockab comme les tragédiennes du grand siècle vous hululaient les vers de Racine les soirs de pleine lune, et parfois Lardi hurle dans le micro de ces rugissements dont le lion royal de la 20 Th Century-Fox régalait le pré-générique des grands-films de série-B. Trois sets, le premier : percutant, le deuxième somptueux, le troisième : splendide. Qu'ils reprennent des classiques de Carl Perkins, de Wayne Walker, Johnny Burnette, Hayden Thompson, ou leurs propres compos – finition du prochain CD au mois de février – les No Hit Makers impriment leurs griffes à tout ce qu'ils touchent. Néo-panthère, guépard enragé. Un des groupes les plus essentiels du rockabilly européen actuel. Un son qui n'appartient qu'à eux. N'y avait qu'à regarder les tronches heureuses de l'assistance pour en être persuadés.

Un grand merci à Béatrice Berlot qui nous réserve des surprises pour la suite, et à Fab pour la sonorisation et son programme de disques explosifs pour les inter-sets.

Damie Chad.

 

FOUR ON FUR

BRAIN EATERS / WHASHINGTON DEAD CATS

NO HIT MAKERS / MEXICALI SWINGERS

( FUCK U RECORDS / 2015 )

 

You can't judge a record just looking the color. Celui-ci, il est tout blanc, d'une blancheur nivéenne, l'innocence désincarnée. Aube de première communiante. Sillon de jeune vierge encore enclos sur lui-même, tel mignon bouton ronsardien. Hélas il n'en est rien ! Ne vous laissez pas séduire par l'artifesse. La couleur rose de la pochette devrait vous paraître suspecte, et le titre Four on Fur, quatre sur la fourrure ( Sainte Vénus de Sader Masoch, venez à notre secours ! ) duveteuse des trash pussies des cinq demoiselles en tenues légères et non équivoques. En plus il y a la recommandation, Adults Only, et la description : A sexy trashy sleazy dirty lusty juicy yummy smelly compilation, mais comme c'est écrit en anglais, faisons semblant de ne pas comprendre et continuons nos scrutatives et auditives investigations. Et puis il est bien connu que les amateurs de rock sont d'éternels adolescents un peu obnubilés par les affleurements charnels.

 

Brain Eaters : Jaybird Safary : z'avons déjà rencontré l'anthropophagique tribu des mangeurs de cervelle juste avant la Noël ( voir KR'TNT ! 353 du 21 / 12 / 2017 ), en avions réchappé par miracle, et ploum l'on retombe dessus alors que nous pensions en être débarrassés. Que voulez-vous les safaris réservent bien des surprises. Nous ne savions pas qu'ils étaient aussi mangeurs de sexe. Nous en prenons acte. En tout cas, ça dégouline sec, un harmonica d'enfer, une rythmique obsédante, des guitares qui crient et une voix rageuse emplie de hargne vicieuse. Le genre de rock'n'roll des banquettes arrières que l'on aime. En plus la fin est encore meilleure que le début. Des gars qui ne se contentent de promesses. Washington Dead Cats : Girl I want you : du chat mort à la chatte vivante le pas sera franchi allègrement. Ca fuzze à tous les étages. Terriblement anglais dans le son, eux aussi ont choisi de s'énerver sur la fin du morceau, de viande. Mettent les bouchées doubles, surtout le chanteur qui connaît le trémolo de l'aristotélienne extase finale. Mais pourquoi tant d'amour ! No Hit Makers : Blind and deaf : vaut mieux être sourd et aveugle que d'entendre ça, disait ma grand-mère. La vieille dame – malgré tout le respect que je lui dois – avait tort. Z'y vont à la sauvage, pratiquement du punkabilly, ça sonne comme du vieux garage, les pneus incandescents ont fait fondre le goudron et du carburateur jaillissent des gerbes d'étincelles. Genre greasers qui ont chaud entre les pattes, sifflent les filles et précipitent les présentations, laquelle oserait résister à tant d'aplomb et d'assurance, au cri primal du désir libéré ? Mexically Swingers : Pussy Charmer : pussy pas, il y en aura pour tout le monde. Coup du charme guitare sixty-surf. Des petits malins alors que les trois précédents y vont franco de port, fort de café avec double-remorque de moonshine, eux ils ont opté pour la perfide douceur, la traître indolence, faut attendre la fin du morceau pour que le gars fasse sa proposition malhonnête. Que la donzelle qui bronze et dore se méfie, l'a le rire démoniaque des serial-killers. Sang blague.

Damie Chad.

Attention, l'aspect d'un 45 Tours, la taille d'un 45 T, la pochette cartonnée d'un 45 T, un objet idéal pour les cotations de Jukebox Magazine tiré à trois cents exemplaires numérotés, mais après avoir déshabillé la baleine blanche de son rose bikini, n'oubliez pas que ça tourne en 33 T.

 

BOBBIE CLARKE

PLAYBOY & SHOWMAN

LES MEMOIRES DU BATTEUR

DE VINCE TAYLOR ET JOHNNY HALLYDAY

 

ROBERT WOODMAN ET ROMAIN DECORET

 

( Camion Blanc / Décembre 2017 )

 

Enorme ! Près de six cents pages. Les mémoires de Bobbie Clarcke, le batteur de Vince Taylor. Que voulez-vous de plus ! Evidemment les éditeurs ne se sont pas jetés dessus. Mais Camion Blanc a embrayé tout de suite. Z'ont même fait un effort pour la repro des photos. Ce n'est un secret pour personne, chez Camion Blanc, c'est souvent cinquante nuances de gris. Pas érotique, pisseux. Mais là ils ont fait attention au tramage, sont parvenus à exprimer les contrastes. Normal, les clichés sont sortis de la collection personnelle de Robert Woodman. Le véritable nom de Bobbie. Traduction de Romain Decoret, bassiste et ami de Bobbie. L'a aussi officié dans les Virginians d'Ervin Travis. Donne régulièrement des leçons de guitare aux lecteurs de Guitarist Magazine. Un incontournable du rock français. Remercions-le pour son travail de traduction qui a dû lui coûter des heures et des heures de travail. Un bouquin qui va rendre fou les inconditionnels du early english rock. Et français. Bobbie prenait des notes. N'est pas un amateur de lyrisme. Les noms, les dates, les faits, ne s'attarde guère. Vise à l'essentiel. N'écrit pas un roman. Ni un recueil de poèmes. C'est qu'il en a traversé des situations dans sa vie, passe vite à la suivante, pour les rêveries sentimentales vous repasserez, ajoutez-y toute la retenue légendaire des Britanniques et vous êtes embarqués en un délicieux maelstrom qui ne s'arrête jamais.

 

DU JAZZ AU ROCK'N'ROLL

Robert Woodman est né en 1940 à Coventry. Famille anglaise aimante. Tout petit il est attiré par les rares artistes qu'il a l'occasion, rarement, de voir sur scène. Il n'en faut pas plus pour forger un destin. Adolescent il devient un amateur de jazz. Mais dès 1956, il kiffe dur les premiers disques de Bill Haley. Mais ses deux idoles sont les orchestres de jazz notamment celui de Sid Phillips. Court les concerts, souvent à plusieurs dizaines de kilomètres de chez lui. Sympathise avec les musiciens, s'accroche, se rend utile, dort dans le car de la tournée, se fait embaucher, et mettre dehors par manque répété de sérieux. Ne lui jetez pas la première pierre, il est excusable, les filles lui tournent un peu la tête. Recherche un emploi à Londres et l'inespéré se produit : Eric Delaney, son batteur de jazz préféré recherche un boy pour s'occuper de sa batterie ! Lourde tâche, faut se trimballer les étuis dans de pénibles escaliers et d'étroits couloirs, en plus, Eric Delaney possède une particularité quasi exceptionnelle à l'époque en Angleterre, il joue avec une double grosse caisse ! Bobbie ne restera que trois semaines chez Delaney, mais il observe, engrange et apprend. Une histoire de fille motive son renvoi...

Le 10 février 1957 il assiste à Coventry à un concert de Bill Haley. L'ambiance rock l'éclate, mais il repart en tournée avec Sid Phillips, le batteur Michael Nicholson l'a à la bonne, le laisse jouer sur ses caisses et lui propose de tenir la batterie dans le prochain groupe de trad-jazz qu'il va créer : les Bobcats ! Il écoute Jerry Lee Lewis et voit Duke Ellington sur scène... L'est écarté des Bobcats, l'est renvoyé de l'orchestre de Johnny Dankworth ( la faute à une fille, mon dieu comme ces mammifères femelles sont insupportables ! ), regarde Marty Wilde, Cliff Richard et admire Dizzie Gillepsie... Est assez sûr de lui pour monter son groupe : le Bobby Woodman Band. Un bide, dès le premier spectacle.

Evolue, doucement mais sûrement, jazz, skiffle, rock, c'est au Pad que le pianiste Johnny Jonhson l'initie au boogie, c'est au Pad, fin décembre 1958, qu'apparaît pour la première fois un certain Vince Taylor...

 

ROCK ANGLAIS

Les deux cents pages suivantes nous plongent au coeur du rock anglais. Terry Dene, Vince Eager, Marty Wilde, Billy Fury, Dickie Pride, Duffy Powzers, Johnny Gentle... Bobbie les a tous connus, côtoyés et est parti en tournée avec eux. Des hauts et des bas, des galas et des galères. Les soirées prodigieuses et les retours en camionnettes pourraves. Se rend vite compte que les musiciens sont dépendants des tourneurs, Larry Parnes sans être un philanthrope n'est pas le pire. Sont payés à la tâche et au lance-pierre. Ne s'en plaint pas outre-mesure. Sont parfois obligés de s'ennuyer derrière des chanteurs de variétoche qui ont décroché un hit sirupeux qui plaît aux filles... Mais que seraient les chanteurs sans les musicos derrière. Clarcke joue dans les Vagabonds de Vince Eager avec le bassiste Tex Makins, puis dans les Wildcats de Marty Wilde avec Alain Le Claire, Tex Makins et Big Jim Sullivan, enfin dans les Beat Boys de Billy Fury avec Colin Green. Vince Taylor a décroché un passage en vedette à Oh Boy ! Il est accompagné par les Playboys : Tony Sheridan, Tony Harvey, Brian Licorice Locking, Brian Bennett. La crème de la première génération des musiciens anglais ! Permutations à l'infini selon les dispositions, les contrats, les affinités... Tout le monde se retrouve au 2i's entre deux contrats... c'est là que Vince Taylor essaie d'adjoindre sans succès, à ses Playboys le guitariste de Neil Christian & The Crusaders un certain Jimmy Page qui accepetera quelques semaines plus tard, mais qui se retirera trouvant que Vince n'avait pas assez de concerts.

Le 28 février 1960, Bobbie Clarcke assiste à Cardiff au concert de Gene Vincent et d'Eddie Cochran...

AVEC ET SANS VINCE TAYLOR

En septembre 59, Bobbie avait rejoint les Playboys avec Tex Makins et le guitariste Kenny Fillingham. Le groupe durera jusqu'en février 1960 mais en mai Bobbie, Tony Harvey, Johnny Vance et Alain Le Claire ( au piano) sont de nouveau derrière Vince. Une tournée fracassante. Les prestations sauvages de Vince écrasent celles de Billy Fury et de tous les autres. C'est en ces semaines que Vince et Bobbie se jurent une amotié éternelle, jusque par-delà la mort. Le combo enregistre I'll be your hero et Jet Black Machine. Tout semble au beau fixe, le rock anglais explose avec Screamin' Lord Sutch, Johnny Kidd and the Pirates, Cliff Richard and the Shadows... Vince se marrie avec Perrine et Bobbie avec Rosemary... les concerts s'enchaînent, Vince n'envoie pas toujours la monnaie... Les Playboys se séparent de lui, Vince retourne en Californie...

Selon Tony Harvey les Playboys sans chanteur doivent devenir les nouveaux Shadows, mais ce pari de laisser la proie pour s'adjuger l'ombre ne se révèlera pas gagnant... Le premier avril, Vince revient, Tony Harvey s'en va chez Nero and The Gladiators avec un certain Tomy Brown à la batterie... sans guitariste Vince retourne en Californie.

Duffy Power prend la place de Vince, et les Playboys deviennent The Bobby Woodman Noise avec Bob Steele à la guitare. Un bon plan s'annonce, une croisière en bateau vers la France, Rock Across The Channel, s'agit de remplacer Gene Vincent au pied levé, réussite totale, un show British Rock Invasion à l'Olympia est prévu les 7 et 8 juillet prochains. Vince est revenu, un soir il remplace Duffy Powers en retard, et fait un tabac, Duffy revenu entre temps le prend très mal, frappe Bobbie et s'en va... Bobbie demande à Vince s'il peut assurer les shows à l'Olympia, la mécanique est enclenchée !

 

VINCE TAYLOR EN FRANCE !

La suite est connue. A l'Olympia, Vince Taylor casse la baraque. Barclay se précipite. Contrat avantageux, les Playboys – Vince a tenu à imposer le nom – gagnent 600 francs par semaine qu'ils jouent ou qu'ils ne jouent pas. Vince impose des shows dévastateurs, les français entendent pour la première fois du vrai Rock'n'roll ! Bobbie Clarke – Barclay a imposé le nouveau nom un mix entre Pétula Clarck et Kenny Clarcke le batteur ! – n'est pas tendre avec les Chausettes noires et leur simple caisse claire... Vince Taylor est à la mode ! L'on peut parler d'une Taylormania dans les élites françaises. Les filles, l'argent, et bientôt l'herbe coulent à flot. Les anglais connaissaient le speed mais l'époque est en train de changer doucement sans que personne ne s'en aperçoive... Vince et ses Playboys remportent la Coupe du Monde du Rock'n'roll à Juan-Les-Pins le 23 août 1961, devant les Chaussettes Noires, de l'écurie Barclay. Le 18 novembre c'est l'émeute du Palais des Sports, Vince n'y est pour rien mais la presse l'accuse... Barclay y regarde à deux fois. Les concerts de Vince cartonnent toujours autant, en Espagne, comme en Belgique. Malgré les interdictions, malgré les débordements. Mais Barclay est avant tout un marchand de disques et les ventes des enregistrements de Vince ne montent pas bien haut... surtout si on les compare à celles des Chaussettes Noires... Mais il y a autre chose, le comportement erratique de Vince qui parfois sèche sans préavis les concerts, Bobbie s'en ouvre à Vince, déjà les départs précipités de Vince en Californie lui avaient paru étranges, Vince n'élude pas, il n'est pas dupe des producteurs, même de Barclay qui lui a apporté la gloire, parfois l'impression de n'être qu'une marionnette aux mains de gens qui le considèrent uniquement pour le fric qu'il peut leur emmener l'étreint, alors il s'enfuit pour tout oublier dans les bras d'une jolie fille... fin 1962, Barclay siffle la fin de la récréation...

 

JOHNNY HALLYDAY

Bobbie rejoint Coventry, Vince l'y retrouve et les Playboys se reforment et début février 1963 c'est le grand départ pour Hambourg. Succès dès leur première apparition, mais Vince triomphe dès le premier set mais il s'absente pour une soirée, tous sont renvoyés illico presto dans leurs foyers. Bobbie ne l'apprendra que plus tard, ils ont laissé des traces, un de leurs scopitones, Twenty Flight Rock, qu'un certain John Lennon ne cesse de regarder tous les soirs... Retour à Paris pour Bobbie désemparé, le téléphone sonne, c'est Johnny Stark le manager de Johnny Hallyday qui le contacte à la demande de sa vedette... Bobbie en profite pour faire embaucher Tex Makins.

Ce seront les deux meilleures années de Bobbie. La grande vie. Johnny se montre très respectueux et très généreux. Si le tournage du film d'Où Viens-tu Johnny ? Est un doux moment de farniente pour les musiciens, la vie trépidante des tournées qui suivent est épuisante. Johnny et Bobbie assistent à l'Olympia de Gene Vincent le 15 mai 1963, ce même mois de mai Johnny enregistre Elle est Terrible à Londres avec Big Jim Sullivan et une pléiade de musiciens que Bobbie connaît... il emmène Johnny au 2i's... En juin, Tex Mankins et Bobbie enregistrent avec Johnny Da Dou Ron Ron et Douces Filles de Seize Ans... Sont aussi à la Nuit de la Nation du 22 juin 1963... Johnny emmène Bobbie à Nashville où il enregistre sous la houlette de Shelby Singleton avec Chet Atkins et Jerry Kenedy... Les voici à New York à la recherche d'un guitariste rock. Ce sera Joey Greco.

Bobbie et Joey Greco sont en studio chez Barclay pour enregistrer le disque de la dernière chance avec Memphis Tennessee et A Shot Of Rythm & Blues qui sortit en février 1964. Les Beatles sont à Paris pour leur Olympia, Paul et Ringo répondent à l'invitation d'Hallyday et Bobbie est heureux d'apprendre que Paul possède un autographe d'un certain Bobby Woodman qu'il avait obtenu à la fin d'un concert de Billy Fury. En avril Johnny enregistre avec Joey et les Showmen Les Rocks les Plus Terribles. La première période de la vie artistique de Johnny est terminée. Il rejoint l'armée le huit mai, Joey et les Showmen donneront le 1er juin leur dernier concert avec Johnny sur la base militaire de 43 ième RBIM en Allemagne...

 

AVEC ET SANS VINCE TAYLOR

Retour de Vince Taylor en septembre 1964. Direction le Swingin'London ! Rencontre avec les Pretty Things, P. J. Proby et Tom Jones. Bobbie joue avec Ronnie Bird et la Mutualité et au Golf Drouot avec Vince, ces shows où Vince est au meilleur de sa forme incite en février 1965 Barclay à enregistrer l'album Vince … ! qui sera suivi d'une tournée en Espagne et en avril de trois shows devant les Rolling Stones. Le 16 avril leur prestation sans véritable sound check n'est pas impérissable. Celle du 17 est meilleure, mais reléguée en lever de rideau... Celle du 18 se révèlera terrifique, deux rappels et le public qui redemande Vince durant le show des Stones ! Jagger très vexé.

Vince et le Bobby Clarke Noise tiennent le bon bout. Un bonheur ne vient jamais seul, voici que le mari de Sheila la soeur de Vince, millionnaire producteur de dessins animés veut créer une compagnie de disques. Il vient à Paris constater de visu la qualité des shows de Vince. Une formalité, mais un malheur ne vient jamais seul, Vince part à Londres récupérer de l'argent qu'on lui doit. Vince revient en piteux état, mal prévenu l'a gobé des pilules d'acide coup sur coup comme des oeufs de Pâques en chocolat. Il ne sera plus jamais comme avant. Se présente sur scène, sale, dépenaillé en pleine crise mystique...

 

LA CALIFORNIE

Conseillé par son ami Stash – fils du peintre Balthus à la jeunesse oisive et friquée – Bobbie s'envole pour Hollywood, persuadé d'obtenir une carte de travail en quelques semaines... Vacances paradisiaques, filles faciles, drogues diverses à souhait, superbes concerts de James Brown, de Dylan, des Yardbirds, mais pas d'autorisation de travail...Seul le bluesman Taj Mahal accepte de l'embaucher... Phil Spector lui propose un mariage en blanc avec sa copine ce qui lui permettrait d'obtenir la Green Cart ! Qui tarde à venir, et ce qui devait arriver... se fait arrêter pour la deuxième fois avec un peu d'herbe... L'est réexpédié en Angleterre après quelques mois de prison...

Retour à la case départ. Reforme le Bobbie Clarcke Noise En France... Quelques essais peu concluants avec Vince totalement à la dérive...

LA LOOSE

Deux énormes possibilités se présentent à Bobbie Clarcke, coup sur coup. La première est de rejoindre le nouveau groupe de Ritchie Blackmore, Roundabout. Une affaire en or, deux riches messieurs qui veulent investir dans la musique polpulaire. La fortune colossale amassée par les Beatles est tentante... La deuxième proposition provient d'un autre guitariste, un certain Jeff Beck - l'est déjà tout comme Ritchie Blackmore passé en première partie de Vince Taylor - qui re qui recherche un batteur pour son groupe. Fait un set sans répétition avec Ron Wood à la base et Rod Stewart au chant. Le show se passe à merveille. Enthousiaste Beck lui propose la place. Mauvaise pioche, le porte-feuille bien garni des promoteurs de Roundabout lui semble un sérieux trampoline de lancement. Il refuse de rejoindre le Jeff Beck'Group. Peut-être aussi parce que les résultats sportifs suivis longuement et religieusement à la radio par Rod l'ont insupporté... Toujours est-il qu'un mois plus tard Roudabout a changé de batteur et de nom : désormais il s'appelle Deep Purple. Waterloo et Trafalgar en même temps c'est trop pour un anglais ! Jamais deux sans trois ! Bobbie reforme un groupe, Bodast, avec le guitariste Steve Howe ex-Tomorrow et futur Yes, ils trouvent un label et enregistrent un disque en février 1969, mais la compagnie MGM Records fait faillite...

Cela commence à sentir le sapin ! En juillet 1969, Reg Guest leur permet d'accompagner Chuck Berry en concert. Le dernier coup d'éclat. Bodast servira encore de backin' group à l'Olympia pour Chuck Berry. Bobbie a vu le Jefferson Airplane, les Doors et Jimmy Hendrix, Arthur Love, Marty Wilde et Tony Sheridan profitent des débuts du Rockn'roll Revival... Nouveau coup de fil de Vince Taylor le 26 avril 1970, un retour qui avortera très vite, Vince saborde les répétitions et s'enfuit le soir du concert...Assiste aux concerts de Pink Floyd et de Dereck and the Dominoes, Bobbie n'est plus un acteur du rock'n'roll, l'est sur le banc de touche, en spectateur...

En 1972, nouveau départ avec Vince Taylor, sets triomphants au Grand Echiquier, au Bataclan, une résidence dans le Sud de la France, enregistrement de quelques titres, mais la guigne ne quitte pas Vince et Bobbie rentre en Angleterre... En 1974, Bobbie prend une place de chauffeur-livreur... ensuite ce sera les coups de la rétro-nostalgie, une réunion avec Joey Greco et Johnny Hallyday, des retrouvailles annuelles au Petit Journal... en 2012, un hommage à Vince avec Johnny Ghee, Alexis Mazzoleni et Romain Decoret... Bobbie Clarcke décède le 29 août 2014... Une page du rock'n'roll se tourne...

 

Un beau livre. Très triste aussi. Bobbie a bien vécu, sex, drugs and rock'n'roll, mais passé les trente cinq ans, lui qui fut un précurseur n'est plus dans le mouvement... en s'associant au Jeff Beck Group il aurait pu rejoindre la deuxième et prestigieuse grande vague du rock anglais, mais l'on ne refait pas l'Histoire. A moins que l'on n'aille jamais plus loin que soi-même...

Damie Chad.

 

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