15/03/2017
KR'TNT ! ¤ 320 : GALILEO 7 / WASTELAND / NAKHT / ACROSS THE DIVIDE / GUITAR-ROCK + TONY MARLOW / PIONNIERS DU ROCK + MICHEL ROSE
KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME
LIVRAISON 320
A ROCKLIT PRODUCTION
16 / 03 / 2017
GALILEO 7
WASTELAND / NAKHT / ACROSS THE DIVIDE
/ GUITAR ROCK + TONY MARLOW /
PIONNIERS DU ROCK + MICHEL ROSE
AMIS ROCKERS !
Nous sommes arrivés au bout de l'espace contingenté par notre hébergeur hautetfort.
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qui nous héberge en attendant notre nouveau site en construction.
Et pourtant elle tourne
En dépit des apparences, Galileo 7 ne doit rien à Galilée. Comme le précisait Allan Crockford après le concert, le Galileo 7 est un vaisseau spatial qui sort d’un film de science fiction bien connu, le fameux Star Treck. Par contre, Allan Crockford ne sort pas d’un film de science fiction mais de la légende du rock anglais des années quatre-vingt et plus précisément des Prisoners. Ces derniers temps, on le vit en France avec les Primes Movers à la Boule Noire, puis avec Graham Day & the Forefathers au Cosmic. Il jouait chaque fois en trio avec Graham Day et Wolf derrière au beurre.
Galileo 7 est donc ce qu’on appelle dans le jargon des Argonautes un side-project. Et quel project ! On ne se méfie pas et pouf, on tombe sur le pot-aux-roses. On savait Allan Crockford extrêmement doué, mais pas à ce point. Comme son vieux complice Graham Day, Allan Crockford travaille sa Mod pop au corps, dans un jaillissement continu d’effluves de freakout sixties et d’early Floyd. C’est d’autant plus spectaculaire que le petit batteur (Mole) fait son Keith Moon, c’est-à-dire qu’il dynamite le son, même lorsqu’on ne lui demande rien. Et donc, quand on voit jouer ce quatuor, on a parfois l’impression d’entendre les Who qui accompagneraient Syd Barrett. Ces noms-là n’arrivent pas non plus par hasard, Balthazar, puisque questionné sur ses influences, Allan répond : «Oh, the ‘Hooooo and Syd Barrett !» C’est vrai qu’en matière de pop psyché anglaise, on n’a jamais fait mieux. Allan rappelle aussi que les Prisoners furent les seuls dans les années quatre-vingt à défendre l’idée d’une vraie pop anglaise héritée des sixties. Tant et si bien que ce groupe est devenu culte, et c’est bien là le problème. Le culte ne nourrit pas son homme, tout le monde le sait, à commencer par les premiers concernés. Et on se retrouve une fois de plus confronté à un phénomène paranormal : voilà un groupe de très gros calibre qui joue dans un bar pour environ trente personnes. Et quel set ! Explosif de bout en bout, dynamique en diable, poppy comme un étalon sauvage psychédélique et petite cerise sur le gâteau, ils sont d’une prestance indécente. Allan gratte rageusement sa Rickenbacker et comme Graham, il travaille ses compos au corps, il pousse tout dans les retranchements du Chocolate Soup For Diabetics, il rue dans le rumble de Rubble, on assiste à un festin de freakbeat et derrière, le Moon du jour n’en finit plus de saccager le beat à tours de bras, il pétarade à bras raccourcis, il télescope ses relances et badaboume le beat dans les orties, ce dingue joue sec et donne le vertige, on ne sait plus s’il tient du psychopathe ou du drummer de rêve, mais il fait exactement ce que Keith Moon fit au temps béni des early ‘Hooooo : il joue quasiment en solo. Depuis Toru, le batteur fou de Guitar Wolf, on n’avait pas revu un tel phénomène de foire. Comme Allan apprécie l’ambiance, il fait plusieurs cuts en rappel dont une version admirable de «Him Or Me» de Paul Revere & the Raiders, jadis magnifiée par les Groovies, mais aussi par le Wedding Present.
Allan est un personnage d’une extrême gentillesse. Quand on évoque le concert du Cosmic avec les Forefathers, il se souvient que le son était catastrophique et donc il préfère les endroits plus petits. On sent en lui le vétéran de toutes les guerres, mais pas la moindre trace d’amertume. Le son de ses albums est à son image : tourné vers l’avenir et lumineux. Commencez par écouter Staring At The Sound, et vous serez surpris par la qualité des cuts et l’ampleur du son. Dès «Anna Hedonna», on se croit sur The Piper At The Gates Of Town, on retrouve les mêmes dynamiques et les mêmes effets psychédéliques. Et pour corser l’affaire, Allan charge son chant d’accents qui frisent le cockney. Bienvenue au royaume enchanté de la pop anglaise ! Avec «The Man Who Wasn’t There», on passe au pur freakout barrettien et Mole bat ça si sec ! Quant à Viv Bonsels, eh bien elle joue des nappes d’orgue si belles qu’elles semblent encore enrichir l’ampleur de cette fantastique ardeur. Et quand on tombe sur «Paradise», on croit vraiment entendre Syd Barrett. Ils démarrent la B avec le morceau titre, un chef-d’œuvre de psychedelia à la sauce Crockford, il emmène ça au la-la, la-la-la et ça atteint vite l’effervescence de la fascinance. Ils sonnent beaucoup plus américains sur «Not Gonna Miss You» et ça tourne à la mad psychedelia grâce à de faux accents des Byrds et une bassline prolifique en filigrane. Encore plus éclatant, voilà «Don’t Fly Too High», gorgé de véracité psychédélique. Allan Crockford passe un solo de foogy motion indécent de qualité. Voilà encore un classique digne de l’âge d’or. Ils bouclent avec l’excellent «Ella», bouquet d’échos de Bowie et d’Easybeats. Flamboyant !
Un cosmonaute se balade sur la pochette de False Memory Lane. Si on commence par la fin, on tombe sur une belle énormité intitulée «Little By Little», un groove furieux solidement harnaché, baveux de son, une véritable révélation. Allan chante ça sous le boisseau, la basse éclate les cartilages et ça avance dans la nuit noire comme une menace. Voilà encore un album bourré de belle pop noueuse. Rien ne vaut les vétérans de toutes les guerres. Ils savent donner de la voix et du son. On se régalera de «My Cover Is Blown», belle pièce de pop déliée et surchargée de chœurs, bien enracinée dans les sixties, avec des accents chantants à la Dave Dee Dozy Bicky Mitch and Titch. Allez, tiens, encore une merveille mirobolante avec le morceau titre qu’Allan chante au sucré des sixties pour mieux nous enchanter, et il enchaîne avec une pièce de psyché délicat intitulée «Nobody Told You». Il recourt aux pah pah pah d’antan et nous voilà tous en chemises à fleurs en train de jerker dans les stroboscopes du Palladium. Il finit l’A en colère avec «Don’t Know What I’m Waiting For». Ça sonne comme une charge de cavalerie qui enfonce les lignes ennemies. Les Popsters sont de retour, back to the sugar lump, baby, la pop sous speed. On s’en doute, le festin se poursuit en B avec l’effarant «I’m Still Here», pop de rêve bien déployée. Allan Crockford chante à la lumière du Swingin’ London, c’est riche et même beaucoup trop riche. C’était d’ailleurs le seul reproche qu’on pouvait adresser aux Prisoners : trop de son, trop de d’exaltation, trop d’harmonies vocales. Puis Allan prend «Tide’s Rising» aux accords revanchards. C’est un coup à tomber dans l’addiction. Allan tire parfois sur sa voix comme le faisait John Lennon en 1966. De toute évidence, Allan a beaucoup écouté Revolver.
Leur dernier album s’appelle Live-O-Graphic. Il s’agit d’une sorte de Best Of avec quelques inédits. On y retrouve par exemple le fameux «Not Gonna Miss You» qui se niche sur Staring. Deux cuts tirés du premier album sold-out valent le déplacement : «Never Go Back» et surtout «Orangery Lane», qui sonne encore une fois comme du early Floyd, qui se situe exactement dans la même veine qu’«Arnold Lane». On a là une extraordinaire réminiscence cathartique. Quant à «Never Go Back», c’est tout simplement digne des early ‘Hoooo. Voilà une parfaite apologie du Mod sound. La grosse surprise de cet album est un cut intitulé «Cruel Bird». On renoue avec l’excellence de la partance des Prisoners, ça bouillonne de son et d’énergie. Allan passe ses solos sur de fantastiques nappes d’orgue et on assiste une fois encore au spectacle d’extraordinaires dynamiques internes. Tout est bon sur ce disque, l’amateur de pop psyché y retrouvera tous ses petits. Ils attaquent la B avec l’«Anna Hedonna» tiré de Staring et on s’effare une fois encore de l’indéniable pureté de la mélodie chant. Avec «Nowhere People», on est à la fois dans les ‘Hoooo et les Creation, dans l’exemplarité du son et dans un véritable bouquet de jaillissements énergétiques. Le «Don’t Follow Me» qui suit sort aussi de l’album au cosmonaute. Voilà encore un cut échevelé, nappé d’orgue et secoué de prodigieux coups de Jarnac. On retrouve l’esprit pop des Prisoners dans «Modern Love Affair» : même jus, même énergie, parfaitement digne des early ‘Hoooo et la fête s’achève sur l’excellent «Don’t Fly Too High», avec ses cœurs d’artiche de rêve. C’est tout simplement un hit des temps modernes.
Signé : Cazengler, galeux 7
Galileo 7. Le Trois Pièces. Rouen (76). 17 février 2017
Galileo 7. Staring At The Sound. State Records 2012
Galileo 7. False Memory Lane. Fools Paradise Records 2014
Galileo 7. Live-O-Graphic. Fools Paradise Records 2016
11 – 03 – 2017 / VILLENOY ( 77 )
BRUTAL METAL NIGHT
WASTELAND / NAKHT / ACROSS THE DIVIDE
Logique imparable. Pour aller à Villenoy, surtout ne pas rentrer dans Villenoy, rester sur Meaux, passer devant la gare et continuer tout droit. Ne pas s'affoler si la route s'étroitise, et si la zone s'industrialise, vous êtes sur le bon chemin désertique. Personne, si ! deux jeunes gens qui marchent paisiblement, devinent tout seuls que je cherche le concert, continuer tout droit, m'arrêter quand je verrai les voitures stationnées.
EightBall Society Studio de loin présente tous les aspects d'un hangar, de fait c'est une espèce de fourmilière musicale, deux studios de répétition, un atelier de lutherie, trois salles de cours dans lesquelles vous pouvez vous initier à de multiples instruments, guitare, basse, batterie, piano... et une salle de concert pas bien grande, relativement basse de plafond mais l'on s'y sent bien. Ce soir l'association Wild Pig Music qui œuvre à la diffusion des groupes metal du département ( voir Kr'tnt ! 296 du 29 / 09 / 2016 ) organise selon de saines habitudes une nuit sonore un tantinet brutale. Le temps de saluer Mlle Lazurite que nous remercions pour les photos qui ont illustré de précédentes chroniques.
WASTELAND
Les lumières s'éteignent et nous plongent dans l'obscurité. A peine si l'on distingue les trois musiciens. Sample apocalyptique, entre Clément Simanio engoncé dans un parka vaguement militaire, à la main une lampe de mineur qu'il tient haut levée, les joues barbouillées de noir, le visage noyé dans ses cheveux, une expression inquiétante, évoque Silfax le héros vernien des Indes Noires à la recherche de son harfang blanc, mais nous sommes après la grande catastrophe, les hommes survivent sous terre et se battent entre eux pour essayer de s'adapter à ce nouvel environnement peu écologique.
Clément se saisit du micro et entonne le cri suprême de la désolation. Derrière lui, Simon Tiercelin à la guitare, Thomas Beauquier à la basse, et Kevin Gasparetto à la batterie, fracturent l'épaisseur des ténèbres, nous laissant entrevoir des noirceurs encore plus profondes. Musique, épaisse, dure, sans pitié, un magma fossilisé d'anthracite désespéré aux aspérités astringentes. Sons sans pitié, qui vous glacent l'âme et rompent les dernières attaches avec votre ancienne condition d'hominidé à peu près évolué. Stade post-natal de régression vers une sauvagerie dévastatrice. Ce n'est pas qu'il n'y a plus de futur, c'est qu'il n'y a plus de présent.
Clément dédaigne la scène, arpente le no man's land qui le sépare des spectateurs et dans lequel personne n'ose s'aventurer, parfois il s'avance, menaçant, et vous jette brutalement, le micro en pleine figure comme s'il tenait une hache d'abordage, mouvement de recul des spectateurs, il chante comme le tigre feule sur les éteules de la cruauté, un infini grognement rauque et bestial qui ne vous incline guère à un optimisme débordant. Wasteland vous tend le miroir de votre avenir. Ne reflète que la noirceur du monde. L'on a l'impression que le groupe est parvenu à coaguler sous forme d'ondes sonores malfaisantes la matière noire de l'univers qu'ils déversent sur vous, elle s'agglutine à vos pieds, monte inexorablement le long de votre corps et vous fige dans une gangue qui vous transforme en statue de suie. Alchimie régressive qui métamorphose la poudre écarlate de vos rêves en ces terres noires détritiques qu'exhument les archéologues lorsqu'ils fouillent les fondements de nos civilisations détruites.
Mais c'est déjà la fin. Les musiciens quittent la scène, Clément éteint sa lampe tempête et disparaît dans les coulisses. Très belle performance, un peu courte, mais d'une parfaite netteté. Un iceberg de glace noire qui s'en vient percuter la coque titanique de votre existence douillette. Mauvaise promesse et sombre prophétie. Wasteland nous a démontré combien nous sommes fragiles. Une performance assénée comme la matérialisation d'une image poétique de mauvais aloi qui vous enserrerait dans ses mots diffractés pour mieux vous briser. Grosse impression. Très fort.
INTERLUDE
Très court. En de rapides minutes Nakht est fin prêt. L'assistance fait un saut quantitatif, beaucoup de monde s'est visiblement déplacé pour voir le groupe. Les forgerons qui trempaient les lames des glaives et des épées nous l'ont appris, il faut battre le métal tant qu'il est chaud.
NAKHT
Elytres de scarabées. Force intrusive et domination. Danny debout déploie sa grande taille vindicative sur le caisson placé devant la scène. Appelle le peuple à se rapprocher car l'on n'édifie pas des pyramides sans main-d'œuvre exaltée. Et docile la foule s'avance pour participer au rituel des pharaons du Métal. Tout le long du set il commandera à ses troupes subjuguées de tourbillonner tel un essaim de guêpes folles acharnées à se rentrer dedans, une espèce de rituel orgiaque selon lequel la fusion érotique s'altère en confusion entrechoquante.
La musique de Nakht opère comme ces fournaises de vents brûlants qui parcourent les étendues désertiques. Nakht est une torchère, un affleurement de naphte enflammé qui brûle dans la nuit comme la colère de Seth le dieu des désolations trisomiques. Nakht saque et saccage tel le ressac des sables du désert qui dévore la végétation de la vie rampante.
Clément agite sa crête blonde de guerrier hyksôs en transe, galope sur place comme un cheval fou, il est l'énergie non contenue qui n'obéit qu'à elle-même, élément de cavalerie légère que l'on lance d'abord pour disloquer les rangs ennemis, alors qu'Alexis et Christopher aux guitares érigent des remparts de monolithes qui découragent tout assaut. Damien drume sans faillir, dessine les contours des temples inviolés et les anfractuosités des tombeaux secrets.
Lyrique de la désespérance entrevue au bout du chemin de la vie. Vous aurez beau faire, vous tomberez toujours dans la chausse-trappe de votre cerveau. Arpentez tant que vous voulez les confins les plus lointains, escaladez les dunes les plus hautes, vous n'irez jamais plus loin que vous même. La musique de Nakht est solipsiste. Vous offre les fastes des plus belles légendes. Attendez The Messenger, ou croyez en un New Breath, les images les plus chatoyantes défileront à l'intérieur de vous. Elles ont la beauté des peaux de cobras tétanisés mais elles ne sont que des serpents imaginaires qui disparaissent et dont vous ne vous restent dans les mains que les mues vides dans lesquelles vous glissez vos doigts et puis votre bras pour ne saisir en fin de compte que le néant des songes évanouis. Fallen Life et vie foutue. La puissance de Nakht n'est que l'autre face de votre impuissance humaine. L'est un groupe sangsue qui suce votre sang et vampirise votre énergie pour se nourrir d'elle. Nakht a cette troublante particularité de vous prendre plus qu'il ne vous donne. Et cette exfusion de lymphe êtrale palpitante vous rend heureux. Danny hurle dans son micro et l'aboiement d'Anubis résonne délicieusement dans vos oreilles. Vous n'éprouvez plus que l'envie de suivre la sente interdite de l'oasis perdu de Siwa. Celle qui mène dans les catacombes de votre esprit fatigué et maladif.
Musique sombre mais brillant des mille feux d'un soleil implacable. Métal noir mais rubescent. Nakht dégage des ondes qui ne sont ni maléfiques, ni bénéfiques, une puissance neutre qui s'impose par sa seule existence, un artefact d'un style inconnu dont vous ne savez s'il procède d'un passé oublié ou d'un avenir mystérieux. Méfiez-vous toutefois des radiations sonores qu'émet cet étrange artefact. Peut-être sont-elles en train de vous coloniser. L'accueil enthousiaste réservé au groupe semble confirmer cette hypothèse.
ACROSS THE DIVIDE
Longue introduction samplique. Dans le noir. Immobiles. Encore un groupe qui se plaît dans les explorations fractales. Qui s'engage dans les failles spatio-temporelles pour en explorer les abords déchiquetés. Mais se retire très vite. Vocal, musique. Musique, vocal. Jamais très longtemps. Chacun jette sa gourme et se retire cinq sec. Les morceaux eux-mêmes se terminent abruptement. Vous surprennent à chaque fois. Vous semblent interrompus comme partagés en deux à la hache d'une manière quasi-aléatoire. Across The Divide privilégie les cassures. Cassent les briques en plein milieu et breakent sans arrêt. Esthétique tranchée. En ce cas l'on préfère le couteau aiguisé au rond de mortadelle. Par ces atermoiements répétés entre les morceaux le groupe réfrène son impact. A rupture franche devraient succéder des démarrages fulgurants. Mais non, ça traîne un peu. Pas longtemps mais assez pour déséquilibrer et parer le choc attendu.
Alexandre Lhéritier, visière de casquette en arrière est au micro. Tantôt se déplaçant de tous côtés, tantôt juché sur le piédestal. Eructe gravement. Phrasé, net, impeccable, irréprochable mais il ne pourra jamais vraiment formaliser cet ascendant sur le public à cause de ces temps morts entre les titres qui fragmentent le rythme. C'est dommage car la musique souple et violente se prêterait bien à quelques entremêlements festifs de longue haleine de l'assistance.
Dur travail pour Maxime Weber derrière sa batterie, c'est lui qui marque les brisures et trace les angles saillants de ces morceaux hérissés d'un incessant glacis d'escarpes et contrescarpes. Lance aussi la mécanique et Régis Sainte Rose à la basse, Jonathan Lefeuvre et Axel Biodore aux guitares ne sont jamais plus spectaculaires quand tous trois, jambes écartées, bustes baissés dodelinent de la tête en cadence accélérée. L'éruption du son jaillit droite et violente comme un jet de cendre et de pierres recrachées par un volcan. Les deux guitaristes changeront deux fois en même temps de guitare, l'amplitude sonore de la formation est alors dévolue à un court intermède samplé destiné à ne pas atténuer la puissance du groupe, solution qui paraît tout de même un peu artificielle.
Les titres se succèdent, XXI, Still the Same, Never Enough, The Lake of Sins, the Escape, propulsés par Alexandre qui bénéficie souvent de la seconde voix d'un de ses guitaristes. Soit le vocal est doublé et le résultat est saisissant soit le chant continue alors que qu'Alexandre ne se sert plus de son micro, ce qui produit un effet visuel étonnant pas du tout désagréable.
Across the Divide n'a pas démérité. Les deux derniers morceaux Nowhere I belong et Back Again furent les meilleurs un peu comme si le groupe parvenait à sa vitesse de croisière. Mais il leur a manqué ce petit quelque chose qui transforme une bonne prestation en instant magique. Peut-être les trois groupes étaient-ils adeptes de genres musicaux explorant un peu trop le même style de métal hardcore quoique je ne pense point que cela ait pu désarçonné le public manifestement friand de cette musique. J'incriminerai plutôt la rapidité avec laquelle les combos se sont succédé. A onze heures trente, les trois concerts étaient terminés. Engloutir des friandises à la va-vite ne vous laisse point le temps de déguster.
Damie Chad.
ROCK'N'ROLL GUITARE HEROS
TONY MARLOW
JUKEBOX
( H. S. Trimestriel N° 37 )
Longtemps qu'on l'attendait. C'est une spécialité de la revue Jukebox. La reprise en un Spécial Hors Série de toute une série d'articles regroupés autour d'une thématique commune. Et ce mois-ci, agréable surprise, ce sont les longs topos que Tony Marlow a consacrés depuis plusieurs années aux grands guitaristes du rock'n'roll. Entendons-nous sur ce mot magique de rock'n'roll, car il y a rock'n'roll et rock'n'roll. Mais pour les amoureux de cette musique, il n'en n'existe qu'un, le rock'n'roll des pionniers. Ce n'est pas que toutes les autres sortes de rock'n'roll soient mauvaises. Il en est d'excellentes, mais les pionniers sont arrivés les premiers et ils ont défriché le style. Bien sûr avant eux, il y avait eu d'autres sorciers de la six-cordes, dans le blues, dans le jazz, dans le country, d'extraordinaires figures aux doigts d'or, des personnalités attachantes et des destins exceptionnels, qui ont préparé le terrain, et permis l'éclosion des années cinquante. Et tout compte fait les pionniers ont-ils vraiment mérité la vénération extatique dont on les entoure ? Ont eu la chance d'être là au bon moment, et comme ils étaient les premiers ils se sont servis en abondance. A part qu'ils ont davantage donné que pris.
Nous les avons déjà tous lus ces articles de Tony Marlow, certains ont même déjà été recensés dans nos chroniques, mais présentés les uns à la suite des autres, ils acquièrent une importance et une force surprenante. Les quatre-vingt-quatre pages de la revue ne forment pas une simple compilation d'artistes disparates. Tony Marlow nous offre une véritable histoire de la naissance du rock'n'roll, d'autant plus précieuse que si les américains possèdent une incroyable somme de volumes plus pointus les uns que les autres, hélas rédigés en leur monstrueux sabir incompréhensible pour beaucoup, la bibliographie de langue française, ce doux babillage divin universel, qui traite du même sujet est des plus maigres. Photos couleurs pratiquement à toutes les pages, et longues colonnes de textes d'une richesse exceptionnelle. Les faits et les dates, mais aussi une analyse technique de chaque musicien et au travers de cet amoncellement d'éléments biographiques, de descriptions, d'anecdotes, d'interviews, de réflexions, c'est à la lecture séminale d'un véritable roman que nous convie Tony Marlow. Un récit passionnant, qui vous tient en haleine de bout en bout. Une merveilleuse histoire dont aucun épisode n'a été inventé. Joyeuse car elle nous met en contact avec toute une génération animée d'un insatiable appétit de vivre qui se réveille, qui prend conscience que le vieux monde dont elle est issue craque de tous côtés, et triste aussi car soixante-dix années plus tard elle commence à encombrer quelque peu les cimetières, et chose pire, les fruits espérés et cueillis, aussi beaux, juteux, et goûteux furent-ils, n'ont pas tenu leur promesse. Une amère constatation, sur les huit noms en couvertures, tous sont décédés. Si le rock'n'roll a la vie dure, comme le chantait Eddy Mitchell en 1966 dans L'Epopée du Rock, il semble que les rockers ne font pas de vieux os...
Elvis et puis Bill Haley. Chronologiquement il aurait fallu inverser. La pendule du rock'n'roll sonne l'heure avant que le train mystérieux n'entre en gare. Oui mais l'origine d'un phénomène ne se situe pas obligatoirement au début de son déploiement. Toutefois c'est chez Elvis que la racine noire du rock'n'roll pousse davantage ses ramilles souterraines. Et puis surtout chez Bill Haley le problème ne se pose pas de la même manière. L'orchestre emmené par son rythme endiablé fait naturellement du bruit serait-on tenté de dire. Chez Elvis et ses deux compagnons, si l'on ne s'aperçoit de rien dans le studio où tout commence, c'est grâce à Sam Phillips qui possède son arme secrète pour combler les vides, sa fameuse réverbe, cette espèce de tremblé sonore qui occupe tous les interstices. Mais en public, c'est une autre affaire, ne sont que trois, une guitare qui pousse les estocades chaque fois qu'il faut tuer le taureau, mais après faut se la mettre en sourdine en attente du deuxième solo, le moment crucial que survienne le temps de la mise à mort du prochain fauve sauvage, pour la voix d'Elvis idem, l'a besoin de respirer de temps en temps le chat des collines qui miaule si bizarrement, d'où ces instants de silence obligatoire, c'est donc à Bill Black le contrebassiste de remplir les blancs, doit étaler la sonorité dans les trous, comme si elle était un chewing-gum, rallonge le son en faisant résonner la corde en la frappant. Fait aussi un peu le pitre et Presley détourne les oreilles du public en s'agitant comme Valentin le Désossé au bon temps du french can-can. Plus tard Buddy Holly et ses Crickets auront le même problème, peut-être pour cela que Buddy adoucira son rock, le rendra plus coulant, trichera en étirant la mélodie. Le Hillbilly Cat et ses deux congénères inventent le rockabilly, la pulsation incoercible, tout cracher et tout de suite. Mais entre deux crachats il faut parvenir à boucher la fente. Dans les studios RCA, l'on intensifiera l'impédence électrique. Le rockabilly électrifié donnera naissance au rock'n'roll. Pas tout-à-fait le boogie de Bill Haley. Plus besoin de Bill Black. Congédié. S'en remettra, deviendra le bassiste le plus demandé de son temps. Qui fut court, un gros méchant fibrome se développera dans son cerveau. 1965, end of the road. Triste histoire. Tony Marlow déroge à son programme. Il n'y a pas que des guitaristes dans le rock.
Nous nous contenterons de parcourir hâtivement la revue. Nous ne voudrions pas déflorer les présentations de Tony. Cet article juste pour vous donner envie de lire. Bill Haley, Chuck Berry, Gene Vincent, Eddie Cochran, Buddy Holly, et plus tard Brian Setzer, nous vous laissons découvrir par vous-mêmes. Nous nous sommes penchés sur ces articles lors de leurs premières parutions. Bo Diddley de tous les pionniers le plus méconnu par chez nous. A tort. L'inventeur du jungle beat était aussi un superbe crieur de blues. Plus près de Muddy Waters que Chuck Berry. Tony Marlow s'attarde sur sa discographie qui ne se réduit pas à deux trente-trois tours. Nous parle aussi longuement Lady Bo, la première guitariste rock, que l'on retrouvera plus tard avec Eric Burdon. Car ce qui se ressemble s'assemble.
Passons rapidement sur Ricky Nelson et James Burton qui rejoindra Presley et restera avec le King jusqu'à la fin. Très belle évocation de Carl Perkins, le véritable roi du rockabilly, Tony s'attarde sur Roland Janes que l'on retrouve sur tous les morceaux d'anthologie du studio Sun dont il devint le musicien attitré. Nous fournit l'occasion d'apercevoir Jerry Lou... Très belle analyse de Luther Perkins, le gars peu doué – regardez ses yeux affolés sur les vidéos lorsqu'il accompagne Johnny Cash - qui surmonte son handicap de départ en se créant un style minimaliste d'une efficacité redoutable.
Link Wray et Mickey Baker deux guitars héros dont les cotes sont réévaluées à la hausse ces dernières années. Joe Moretti ( Brand New Cadillac, Shakin All Over ) et Big Jim Sullivan qui préféra tourner avec Tom Jones que de rejoindre Led Zeppelin... Et enfin Danny Gaton, l'on sent Tony ému. Guitariste virtuose qui surpasse tous les autres et qui finit par se tirer une balle dans la tête à quarante-neuf ans, à croire que le rock'n'roll ne fait pas le bonheur de tout le monde.
Un numéro à se procurer sans faute. Indispensable aux amateurs comme aux néophytes. Certes Tony Marlow parle en passionné de rock, mais il est aussi un de nos meilleurs guitaristes, connaît parfaitement ce dont il parle. A l'écouter détailler le jeu de ces héros de la guitare, il vous donne l'illusion que techniquement vous en connaissez autant que les plus grands maestrocks du manche.
En lisant cet ouvrage si bien écrit et à la démarche pétrie d'intelligence nous est venu à l'esprit qu'un similaire opus sur les principaux batteurs serait le bienvenu. Justement Monsieur Marlow, vous n'auriez pas débuté en tant que batteur chez les Rockin' Rebels ?
Damie Chad.
PIONNIERS DU ROCK'N'ROLL
MICHEL ROSE
( Albin Michel - Rock & Folk / 1981 )
Je l'ai retrouvé. Pas l'éternité chère à Arthur Rimbaud, quelque chose de beaucoup mieux. Je signalais au mois d'avril 2015 son enfouissement improbable au fond d'une montagne de cartons, lors du kroniquage de Rockabilly Fever de Michel Rose réédité chez Camion Blanc ( voir KR'TNT ! 232, du même coup filez à la livraison 40 jeter un coup d'oeil à L'Encyclopédie de la Country et du Rockabilly toujours de Michel Rose ), mais le voilà sur mon bureau, comme neuf, tout beau dans son petit format élégant, un des rares livres français consacrés aux Pionniers du Rock. La faute à Tony Marlow qui m'a incité à une sérieuse recherche archéologique dans mon garage. C'est que par chez nous, à part L'âge d'Or du Rock'n'roll de Jacques Barsamian et de François Jouffa ( in KR'TNT ! 42 du 02 / 02 / 2011 ) n'y a pas res comme disent les occitanistes. Bref, j'éprouvais comme un manquement du côté de la recension.
M'y replonge plus de trente ans après, je ne suis pas déçu, s'est amélioré avec l'âge. Ce petit ouvrage de près de deux cents pages offrait à l'époque ce qu'aucun autre n'était en mesure de fournir mais en plus il détaillait une synthèse de l'éclosion du rock'n'roll dont toutes les données ont été depuis confirmées par bien des articles en des revues spécialisées. L'est sûr qu'en 1980 Michel Rose a pu bénéficier des nombreuses rééditions qui ont déboulé en masse chez les disquaires français à partir de 1975. Ne se prive pas d'en faire cas en complément de toutes les éditions pirates entrées en sa possession sans doutes via les fans-clubs et les petits groupes d'amateurs en pleine ébullition. Mais sa connaissance et son intérêt pour le rock'n'roll remonte à bien plus tôt.
Aux années soixante. Comme tout un tas de petits français de sa génération, il accède au rock'n'roll par des intercesseurs nationaux. Pour lui ce sera en premier Johnny Hallyday, suivi des Chaussettes Noires d'Eddy Mitchell et des Chats Sauvages de Dick Rivers. Il est de bon ton de nos jours de brocarder nos trois pionniers, mais grâce aux pochettes de leurs disques ils ont permis aux esprits curieux de soulever le coin du voile. Fournissaient de maigres indices qui permettaient de remonter la piste américaine, chaque titre français était agrémenté de sa titulature originale et du patronyme de ses compositeurs. Au début ces noms restaient bien mystérieux, apparemment savoir qu'il existait quelque part de l'autre côté de l'Atlantique des gars qui s'appelaient par exemple Leiber et Stoller n'éclairait guère votre lanterne. Mais on les gardait religieusement dans l'endroit le plus secret de notre mémoire et nous nous les répétions comme des talismans sacrés. Remarquons que Marcel Proust n'a pas agi autrement que nous dans La Recherche du Temps Perdu, l'a chéri Venise et le Nom du Pays avant de pouvoir enfin visiter le Pays du Nom. Nous c'était pas les gondoles qui nous fascinaient, c'était le rock'n'roll un truc qui balance beaucoup plus grave que le Grand Canal j'ai couvé durant longtemps le nom de Billy Lee Riley avant d'avoir l'occasion d'entendre un de ses morceaux.
J'en profite pour tirer à mon grand plaisir une bordée de canons sur Boris Vian – amuseur public de troisième zone, ceci est un jugement personnel – qui en bon jazzman obtus du front s'est répandu en grossières injures sur le Rock et Presley et commis en compagnie d'Henri Salvador et Michel Legrand ce qu'une majorité d'imbéciles s'obstinent à appeler le premier disque de rock français. A cette époque le rock était une chose trop sérieuse pour être compris par les adultes. Surtout ceux à prétentions intellectuelles. C'est dans les fêtes foraines dans les baffles à plein volume des manèges d'autos-tampons et des toubillonnantes chenilles que le rock est parvenue dans les oreilles – rentrait dans l'une et ne ressortait pas par l'autre - d'une jeunesse populaire en attente d'émotions fortes...
Ne faut pas mythifier, pour la majorité ce ne fut qu'une mode, ont par la suite entonné l'air vicié et la mesure tempérée du tempo médiatique, extrêmement réticent à cette musique subversive... Mais une minorité active – de celles qui font l'Histoire – ont voulu en savoir davantage.
Tout sujet doit ériger ses frontières. Pour les mieux conquérir. Celle du Nord représentée par Bill Haley. Un tiers de swing jazzy, un tiers de rythm'n'blues, un tiers de danse, c'est ce mélange que Michel Rose définit comme rock'n'roll. Celle du Sud cornaquée par Elvis Presley, un tiers de blues, un tiers de country, un tiers de rebel-attitude, cette potion magique mise au point avec l'aide du bon docteur Sam, Michel Rose la nomme Rockabilly. Aujourd'hui cette appellation est une évidence, et le livre de Michel Rose doit y être de par chez nous pour beaucoup, durant des années je ne l'ai rencontrée que de très rares fois et toujours orthographiée Rock-A-Billy systématiquement référencée comme une variante d'ajustement à Hillbilly.
Les deux chapitres suivants sont successivement consacrés aux précurseurs noirs et blancs. Ségrégation oblige, aux USA l'on ne mélangeait pas les torchons avec les serviettes. Mais à la mid-fifty les noirs avaient une longueur d'avance. Blues, blues shouters, rythmn'n'blues, en moins de trente ans ils ont mis au point le rock'n'roll. Pas poteau, pas photo. Les blancs sont arrivés après la bataille. Chansons traditionnelles de cow-boys, hillbilly, western bop, honky-tonk, country, les visages pâles ont perdu du temps mais enfin sont arrivés eux aussi à isoler le boson et le boxon du rock'n'roll.
Deux barils au choix. Lequel choisissez-vous. Si vous n'êtes pas un imbécile vous prenez les deux, même pour le prix de trois, car la marchandise dans les deux cas est des meilleures. Michel Rose nous fait part de ces réflexions, lui qui tressera des couronnes de laurier à Bo Diddley, couvrira de fleurs Little Richard, s'incline avec respect devant Chuck Berry, n'hésite pas à dire que son coeur penche pour le rock'n'roll blanc.. Sans exclusive, et surtout sans arrière relent désagréable de racisme primaire ou inconscient. Question de prononciation, les noirs chantent les notes, les modulent, les allongent, les blancs au contraire s'en défont aussitôt en bouche, les jettent sans regret et s'empressent d'éjecter la suivante tout aussi rapidement. Voix mouillée ou voix rêche. Alchimie du verbe selon la voie humide pour les blacks et selon la voix sèche for the whites. Cette vision vaut ce qu'elle vaut. Nous remarquons toutefois que dans son extrême majorité le rockabilly restera une chasse gardée des petits blancs. Des déclassés qui à l'origine ont subi l'exode rural et une fois dans les centres urbains une deuxième relégation sociale à base de chômage et de petits boulots. La colère des noirs prendra une autre forme, celle de la revendication rap.
Hommage à Alan Freed, disc-jockey à qui le système ne pardonnera pas d'avoir osé l'impossible mixture. Des spectacles mêlant dans le même programme chanteurs noirs et blancs... Deux chapitres consacrés aux rockers blancs d'abord et noirs ensuite. Je bois du petit lait, Michel Rose préfère Gene Vincent à Elvis Presley, tous deux à leur manières démolis par leur succès, le premier pour avoir refusé de trop pactiser avec le système et le second pour s'être laissé dévorer à force de compromissions. Eddie Cochran mort trop jeune tout comme Buddy Holly, Eddie plein de promesses, Holly semblant se diriger vers un adoucissement de sa musique. Trajectoire empruntée aussi par Johnny Burnette qui passera du rock le plus sauvage à la chansonnette douce. Peut-être la palme de l'intégrité devrait-elle revenir à Carl Perkins. Sans conteste le grain de folie forte échoira à Jerry Lee Lewis.
Nous ne reviendrons pas sur la manière dont la phalange des grands pionniers fut décimée : prison, accidents, scandales, crises de foi intempestives... De fait le rockabilly deviendra une musique de niche. Un public d'inconditionnels mais peu nombreux. Les petits pionniers – c'est comme nos petits romantiques, sont parfois plus exaltés et bien moins empesés que les grands - Buddy Knox, Dale Hawkins, Conway Twwitty, Charlie Feathers, et bien d'autres connurent grâce à Elvis Presley une seconde carrière. Souvent européenne. Le NBC Show d'Elvis en 1968 ralluma l'intérêt pour le vieux rock, Le festival de Toronto en 1969, la réunion de Wembley en Angleterre enflammèrent les esprits en faveur de ce bon vieux rock'n'roll. Les rééditions s'empilent, in the old England de Whirlwind à Crazy Cavan un nouveau public générationnel prend fait et cause pour le rockabilly. Les lecteurs de KR'TNT ! ont régulièrement l'insigne honneur de lire des compte-rendus de groupes de french rockabilly issus de cette mouvance aussi initiée par les Stray Cats. Desquels Michel Rose ne pipe mot. Notons qu'il a terminé de rédiger so ouvrage en mai 1980 mais que le premier album des chats de gouttière est paru en 1981 ! Décrochage temporel significatif !
Le renouvellement des générations, chacune essayant de se démarquer quelque peu de la précédente n'est pas étrangère à la désaffection et à l'oubli relatif dans lequel sont tombés dans les seventies le rock'n'roll. La concurrence a été rude, les Beatles et l'invincible armada des groupes anglais qui les ont suivis, plus les nouvelles têtes qui ont surgi en masse dans tout le territoire américain ont filé un sacré coup de vieux aux pionniers. Pas tant musicalement, mais l'on a jeté le bébé avec l'eau du bain. Dans les années soixante la musique rock se transforme en culture rock. Toute une jeunesse ne se contente plus d'écouter de la musique, la rebel-attitude ne suffit plus, l'on cherche un nouvel art de vivre. Le rock aborde des problématiques plus sociales, davantage politiques.
Michel Rose n'en parle point. Accepte du bout de l'oreille les premiers disques des Beatles et des Rolling Stones, mais se hérisse à l'évocation des Who. Pour lui ce n'est plus du rock'n'roll. Un peu comme ces gens qui vénèrent la République Romaine mais qui détestent l'Empire, alors que le second n'est que la conduite d'une même politique mais sous une autre forme. Cette constation tant soit peu divergente ne remet nullement en cause l'extraordinaire richesse de ce livre. Ne vous énervez pas si je n'ai pas cité Chuck Willis, Johnny Horton ou Charlie Gracie, Michel Rose les présente – en compagnie de bien d'autres - et toujours à bon escient ne se contente pas d'ajouter un matricule à sa liste, il sait les mettre en scène de telle manière que l'on comprenne comment leur apparition individuelle s'articule avec le déploiement historial du rock'n'roll. D'ailleurs le seul défaut de ce livre réside en le manque d'un index.
Petite satisfaction kr'tntique, le dernier groupe présenté par Michel Rose s'avère être Jezebel-Rock que nous évoquions dans notre livraison 215 du 08 / 02 / 2017 lors du concert des Ennuis Commencent. Comme quoi les choses se terminent parfois très bien.
Damie Chad.
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