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11/05/2016

KR'TNT ! ¤ 281 : GIUDA / 1990s / ATOMICS / CRAMPS / JOHNNY CASH / O. HENRY

KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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LIVRAISON 281
A ROCKLIT PRODUCTION
LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM
12 / 05 / 2016

GIUDA / 1990s / ATOMICS / CRAMPS
JOHNNY CASH / O. HENRY

LE DERNIER COMBAT DES GLAMDIATORS

GIBUS / PARIS ( XI° ) / 15 - 04 – 2016
GIUDA

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Dieu a confié à cinq Italiens la périlleuse mission de ressusciter la scène glam. Ils s’appellent Giuda. Ils viennent de sortir un troisième album salué jusqu’à terre par la presse anglaise. Nos cinq Italiens commettaient une petite faute de goût en se déguisant en roller-ballers sur leur pochette de leur deuxième album, «Let’s Do It Again». Il ne viendrait jamais à l’idée d’un Anglais d’aller rechercher l’outrance du glam dans des vêtements de sport. C’est vrai qu’on trouve quelques belles glammeries sur ce disque. «Wild Tiger Woman» sonne comme un coup fourré à la menthe. Le chanteur Tenda et ses associés jouent la carte d’un glam énervé et énergétique. Il savent rouler des accords gras comme on le voit avec «Yellow Dash», mais il leur manque l’éclat des grands glamsters d’Angleterre. Leur glam est à la fois trop latin, trop plan-plan et tragiquement cousu de fil blanc. On retrouve l’inévitable drumbeat de Gary Glitter dans «Hold Me Tight» et là, on commence à comprendre qu’ils ne font rien d’autre que de singer les anciens. On retrouve le petit cling-a-long de Marc Bolan dans «Hey Hey» et de toute façon, ça ne peut pas marcher.

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«Racey Roller», leur premier album, proposait quelques petites friandises prometteuses. «Number 10» sonnait comme une belle lampée de glammy glamour dotée de chœurs idoines, ça frisait l’esprit pailleté, mais la voix du chanteur était trop mâle. La petite étincelle leur faisait défaut. Il pompaient goulûment T Rex pour «Get It Over» et en face B, on tombait sur un «Tartan Pants» bien foutu, pour ne pas dire bien monté. On les sentait volontaires. Puis ils allaient au cocotage avec un «Speak Louder» un brin mélodique sur les pourtours. Tout cela se voulait solide, bien bâti et dûment jointé de mortier, mais l’étincelle d’or brillait toujours par son absence. Leur principale erreur fut de ne pas savoir affecter le chant. Ils voulaient se rapprocher de la frange sportive du glam anglais, celle des supporters d’équipes de foot. Sans doute devaient-ils cette inclination à leur racines italiennes, au vieil appel des cirques de Rome et de la tragique virilité des combats de gladiateurs. Nos cinq amis affichent en effet de belles trognes de soudards.

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Ils reviennent à la charge cette année avec un nouvel album et un passage au Gibus. L’album s’appelle «Speaks Evil». Ils trimballent toujours des allures de skins anglais et n’ont de glam que les grosses godasses colorées à talonnettes. Ils démarrent avec un boogie glam intitulé «Roll The Ball» qui renvoie plus aux Status Quo qu’aux glamsters des mid-seventies. On note au passage le côté insipide du son de guitare. À l’opposé des Sirens, Giuda ne joue pas de reprises. Ils font une allusion aux Status Quo dans «Bad Days Are Back» (une fille qui met une pièce dans un juke-box) et ils tapent dans les pires clichés avec «Mama Got The Blues» (It’s all right Jack/ I run with the pack). Le «Watch Your Step» n’est pas celui de Bobby Parker que reprenaient les Move en fin de set, mais un pompage éhonté des accords de Norman Greenbaum. De l’autre côté, ils repartent en boogie motion avec un «Working Class Man» qui ne doit rien à John Lennon et qu’ils farcissent d’un son de guitare à la Henry Vestine, celui qu’on entend dans «On The Road Again». On pourrait céder à l’envie de trouver le mélange capiteux : Rossi, Vestine, Lennon et plus loin, ils jouent aussi avec Jools/Jook dans une chanson qui s’appelle «Joolz». On retrouve du Gary Glitter dans le cocotage de «You Can Do Everything» et du Mott pur dans «My Lu». Joli melting pot, mais pour tous ceux qui gardent un mauvais souvenir des Status Quo, les choses se compliquent.

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Et sur scène, ça ne pardonne pas, surtout si on se pointe au Gibus avec un gros coup de fatigue. On perd rapidement patience. C’est vrai, Giuda chauffe bien la salle, mais leur boogie musclé se radicalise et les dernières traces de glam disparaissent. On comprend clairement au bout de quatre morceaux que le glam n’est pas leur propos. Ça ressemble à un gros malentendu.

 

1990s

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Pour faire du glam, il vaut mieux commencer par être anglais, c’est plus prudent. Ou écossais, comme les fabuleux 1990s de Jackie McKeown.

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En 2007 et 2009 sont parus deux albums extraordinaires : «Cookies» et «Kicks». Rien qu’avec les titres de ces deux albums, on flairait quelque chose d’assez jooky. Jackie McKeown et ses deux amis se sont dit un beau matin :
— Hey les gars ! Réinventons le glam !
— Ouais ! Glammons le glam des temps modernes !
Et paf ! «You Make Me Like It» sonne comme le pur glam décadent de nos rêves les plus inavouables. Ils jouent avec du cran et Jamie McMorrow sort une ligne de basse absolument somptueuse. Ils claquent tous les trois le beignet du glam, pif paf dans la gueule du mythe. Ils jettent tout leur poids dans la balance.
Le festival continue avec l’ahurissant «See You At The Lights».
— Stompons dans la rivière Kwai !
— Stompons jusqu’à la mort du petit cheval !
Pour eux, c’est facile, car ils ont la classe. Ils hissent leur pavillon très haut dans le ciel d’Écosse. Ils savent donner de l’envergure à leurs harmoniques.
— Boogaloorisons le glam !
— Fabulons comme Zébulon !
— Frisons le scandale de Frison-Riche !
— Éclatons à la face du monde !
Avec «Cult Status», ils stompent de plus belle. Quelle horreur !
— Pétons le crâne du père fouettard !
— Éjaculons nos giclées de glam ! Kiss me alive !
— My cult status keepsss me alive !
— My cult status makesss me fucking my wife !
Avec «Arcade Precinct», ils se montrent carrément dignes du Lou Reed de «Transformer».
— Jouons des balades fabuleuses !
— Taillons des costards mélodiques et let’s be des dauphins just for one day !
— Ne jouons que des hits satellites of love !
— Transformons les transfos, les wild sides et les boots vernies, yeah !
Nouveau festival d’indécence avec «You’re Supposed To Be My Friend».
— Okeyons comme des cons !
— Boostons le drumbeat du stomp et laissons éclore les ah-ahh de la planète Mars !
— Laissons la basse rouler des pelles aux poules de groove !
— Jouons des solos d’antho à Toto !
— Descendons dans les enfers du jouissif et remontons dans les chœurs d’artichauts de la pire espèce !
— Montrons notre puissance incantatoire et incomparable !
Sur cet album épuisant, on trouvera encore une violente merveille, «Thinking Of Not Going» montée sur une basse éléphantesque. Si on apprécie la pulsion démente, on est bien servi avec ce morceau sans prétention.

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On trouvait aussi pas mal de friandises glam sur leur second album, «Kicks», comme ce «Tell Me When You’re Ready» qui semble suspendu dans le temps, ou encore «I Don’t Even Know What That Is» bien stompé au beurre par l’admirable Michael McGaughrin. «Kickstrasse» sonne comme un hit, avec son chant kické et sa ligne de basse mastodontique. C’est même magnifique de glam déviant et de très haut niveau. On pourrait presque parler de Graal du glam. Encore du glam de haut vol avec «The Box», un glam encore bien plus pur que celui de Marc Bolan, subtile combinaison de stomp et de chœurs d’artichauts, au croisement de Sweet et de Jook, et nappé d’apothéose sucrée. L’affaire se corse avec des chœurs ascensionnels et on se retrouve ébahi par l’excellence des petits arrangements qui créent l’illusion d’une féérie. Voilà bien un modèle absolu de pounding et de contrôle mélodique. «The Box» est un hit lancinant d’encorbellements, avec sa rondeur de son et le juvénile de ses intentions. C’est le cœur vivant, l’essence même du glam. On retrouve leur beau pouding écossais dans «Giddy Up». Encore un morceau qui craque bien sous la dent de l’amateur de glam. Pur régal, délectation garantie, car une fois de plus, tout y est : l’entrain, le regain, le bon grain, le bon fretin, le perlinpinpin, le stomp divin, l’enfantin et le sybillin.

Depuis quelques années, des experts en détritus vont fouiller dans les poubelles du rock anglais. Ce qu’ils remontent du fond des cloaques indescriptibles de puanteur ressemble souvent à des pépites d’or glam.

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«Glitter From The Litter Bin - 20 Junk Shop Glam Rarities From The 1970s» parut en 2003. On y trouvait quelques pépites du style «Do That» de Barry Ryan, glammy et softy, ou encore «My Revolution» par Renegade, une glammerie monstrueuse de puissance et bonne comme une femme aimante, animée par un solo licencieux passé dans la descente d’accords. Ces mecs étaient bons, ils sonnaient à la fois comme Slade et comme Gary Glitter. Ils avaient un sens aigu du stomp. On trouve aussi les imbattables «Alright With Me» et «King Capp» de Jook sur cette compile. Magnifique ambiance de rock anglais, avec les clap-hands, le gimmickage de Trevor White, les dynamiques internes et externes, et la profusion d’extra-polishing de shoes. C’est un jackpot de junk jive de joie givrante. On le sait désormais, les quatre Jook figurent parmi les héros oubliés du rock anglais. La bonne surprise vient de «The Flying Saucers They Landed» par Paul St John - une pièce énorme tant aux plans sonique qu’intentionnel - et de «Butch Things» de Billy Hamon, doté d’une belle attaque au chant et d’un climat étrange.

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L’année suivante sortait l’excellent «Glitterbest - 20 Pre Punk’n’Glam Terrace Stompers» sur RPM. Phil King lançait le manège avec «You Really Got Me» des Hammersmith Gorillas. Rien d’aussi ravageur que ce here we go ! Dans Streak, on retrouve Alan Merrill des Arrows, et donc «Bang Bang Bullet» sonne comme un classique de rock anglais. Jook toujours, avec l’énorme «Aggravation Place». Mickie Most est derrière ce hit interplanétaire. S’ensuit «Nothing To Do With Us» de Jet, premier surper-groupe glam, mais hélas, ça n’a pas marché pour eux. Même chose pour Milk’n’Cookies, quatre glamsters talentueux de Long Island contactés par John Hewlet, l’ex-John’s Children devenu manager de Jet. Leur «Good Friend» dégouline de bonne purée glam. À la fin de Jook, Trevor White tenta la carrière solo avec un single magique, «Crazy Kids». C’est un hit qui colle au palais, très axé sur le soin du son, doté d’un refrain fascinant, racé et très fin. On trouve aussi «I Need You» d’Helter Skelter, une antique mouture des Hammersmith Gorillas. Leur morceau créait l’événement avec un son dans le gras de la couenne. C’est poundé par Darryl Read avec une extrême détermination. Leur son s’inscrit dans la démesure. On retrouve la trace de Mickie Most derrière «Pogo Dancing» de Chris Spedding And The Vibrators, classique imparable et bien gratté par Knox le héros. C’est ramassé au vieux cocotage et ça reste du pur génie. Knox toujours dans «Sweet Sweet Heart» de Despair, son énorme et grésillé. Knox gratte sévèrement. On sent déjà la génie knoxien à l’œuvre, cette façon de composer un hit et de le jouer un peu à la manière de Lou Reed. Sur cette compile extraordinaire, on trouve aussi Crushed Butler - préhistoire des Gorillas - et England’s Glory - premier groupe de Peter Perrett. Et pour finir, une autre énormité : «Sick On You» des outstanding Hollywood Brats qui par sa classe hargneuse frise le pur génie.

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Deux autres compiles voient le jour sur RPM : «Boobs - The junkshop Glam Discothèque» et «Velvet Goldmine - 20 Junk Shop Glam Ravers». Pas mal de redécouvertes en perspectives pour l’amateur de glam, comme le fabuleux «Turtle Dove» des Rats qui sonne comme un hit de Marc Bolan. Le «Wired Up» d’Hector file à grande vitesse, mais rien de définitif à l’horizon du cut. Sous le nom de Motor Boat, Kim Fowley fait une petite prestation solide et bien sentie, «Jimmy Jukebox», et on revient aux Ryan Brothers. Cette fois, c’est Paul Ryan qui décroche la timbale avec «Natural Gas», un glam poundé au stomp et parfumé de sitar, un moment pulsatif assez ultime. C’est le glam anglais dans toute l’intensité de sa perfection, plein de tact et de raffinement, traité au doigté sur un beat fin et palpitant.

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Sur Velvet Goldmine, on trouve l’excellent «Rebels Rules» d’Iron Virgin et surtout «Toughen Up» des Arrows, un croisement fatidique entre le glam et Bo Diddley. Il fallait y penser. Avec les Arrows, on sent tout de suite une différence. Ils ont le son. Alan Merrill est bon. On comprend que Joan Jett l’ait pris comme modèle. Elle vient entièrement de là. N’oublions pas non plus que Nikki Sudden adorait les Arrows. La bonne surprise de cette compile, c’est Simon Turner avec «Baby I Gotta Go», un classique weirdy et dansant, joué aux Caraïbes. Rien de glam là-dedans, mais Simon Turner sonne sacrément bien. Le «Va Va Voum» de Brett Smiley vieillit admirablement bien. On entend aussi Ricky Wilde, le fis de Marty, avec «I Wanna Go To A Disco», mais le malheureux n’a pas de voix. L’autre bonne surprise de la compile, c’est l’extravagant «Bay City Rollers» de Tartan Horde, envoyé façon Beach Boys et assez inspiré. C’est une vraie bénédiction d’adoration. On entend un vrai stomp de glam dans «Shake A Tail Part 1» de Big Wheels, doté de la tension à la Glitter et de coups de guitare terribles. Puis, nouvelle révélation avec Fancy et une version technoïdo-pornographique de «Wild Thing» - c’mon hold me tight - d’une rare sensualité puisque la chanteuse finit par nous jouir dans l’oreille.

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«Killed By Glam» se présente sous une pochette prometteuse : quatre glamsters y exposent le débraillé de leurs poitrines et le clinquant de leur pailleté. La force des grands glamsters était de savoir allier le kitsch d’un look au sérieux d’un son. Leur botte secrète était le stomp qui allait si bien avec les semelles compensées. Des hits comme «Rock It In My Rocket» pétaient bien au nez. L’ami Andy Glenmark savait driver son beat et enfourcher une grosse ligne de basse. Seuls les Suédois le connaissaient car il fut une superstar scintillante au pays d’Abba. Tracey Dean chantait comme Feargal Sharkey, et il faisait avec son solide «Moonshine» du galloping proto-punk. Il vibrait son chant comme d’autres vibrent le béton. «Caterpillar» des Cold Fly fut une pure perle en pure perte. Dommage car ce pur jus de glam à la T Rex aurait pu swinguer les bourrelets des Anglaises, puisque Marty Wilde les produisait. Et puis on remonte le courant des petits ruisseaux underground qui font les grandes rivières underground avec les Soho Jets, et leur «Denim Goddess», l’occasion pour nous pauvres hères d’apprendre qu’après le split des Soho Jets, Grant Stevens monta Razar avec Jim Avery de Third World War. Du coup, on se redresse d’un bond. On trouve ensuite une autre perle power-pop, «Run Run Run» qui n’a rien à voir avec Jojo Gunne, mais les Methods n’en sont pas si éloignés, car la chose court un peu, grasse au chant, duveteuse, et bien tressautée. L’autre révélation de «Killed By Glam», c’est Norman Kenway dont le «Black Lady» glammy et plein d’allant prend la bouche comme le ferait une nympho pressée. C’est du boogie-rock à l’anglaise qui sent bon le rouge à lèvres, très seyant, et qui moule bien les organes génitaux. Et puis voilà Mustard, les rois du Junk Shop Glam, avec Hector (à ne pas confondre avec Jesse) et Iron Virgin, et c’est magnifiquement démolisseur comme doit l’être tout chef-d’œuvre glammy.

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Vient de paraître «Glamstains Across Europe», mystérieux LP orné d’une photo de Jesse Hector en noir et blanc. Apparemment, il n’y aurait rien de légal dans cette affaire. Le premier titre de cette compile est évidemment «Shame Shame Shame» des Hammersmith Gorillas, hit undergroundé à l’extrême, d’une éblouissante efficacité et cocoté judicieusement. Nous n’aurons hélas que deux perles sur cette compile ramenée en contrebande. La première s’appelle «Let’s Go Let’s Go Let’s Rock’n’Roll» et c’est ficelé par un groupe danois qui s’appelle les Walkers. Un nom à retenir, car ce single est une merveille extravagante. Pur jus de glam, avec un chant sucré de rêve et une rythmique serrée. C’est un raver cavaleur relancé par des hey ! hey !, battu sec, un chef-d’œuvre absolu. Un glam de voyous inspirés qui frise le pur génie. L’autre perle n’a rien de glam puisqu’il s’agit d’une monstrueuse version de «You Really Got Me» par des Canadiens qui s’appellent Thundermuck. L’imbécile qui a rédigé les notes de pochette insiste bien pour préciser que ce single est sorti deux ans avant celui des Hammersmith Gorillas et il va même jusqu’à insinuer que Jesse l’aurait peut-être entendu. C’est vrai que la version de Thundermuck est bien trash, mais deux choses ne vont pas : un, cette reprise n’a rien de glam, et deux, on ne touche pas à Jesse Hector. On trouve aussi sur ce disque une reprise d’«Andy Warhol» («Hunky Dory») par Dana Gillespie. Rien à voir non plus avec le glam. Un peu plus loin, on tombe sur un beau hit de Captain Lookheed & The Starfighters qui s’appelle «Ejection», aussi puissant et efficace que «The Right Stuff», mais encore une fois, aucune trace de glam dans cette lookheederie. Deux ou trois autres groupes frisent le bon glam, mais il leur manque l’étincelle : Gumbo («We Don’t Care» qu’on écoutera pour le côté teenage pussy, à condition de bien aimer les moules de bouchot), Bearded Lady («Rockstar», pas aussi bon que Jook, mais le batteur est redoutablement bon), et Hello («Revolution» qui frise le T Rex).
La charogne du glam bouge encore. On la découvre au détour d’un sentier. Les jambes en l’air, comme une femme lubrique, brûlante et suant les poisons, elle ouvre d’une façon nonchalante et cynique son ventre plein d’exhalaisons.


Signé : Cazengler, le glom.


Giuda. Le Gibus. Paris XIe. 15 avril 2016
Giuda. Racey Roller. Dead Beat Records 2010
Giuda. Let’s Do It Again. Fungo Records 2013
Giuda. Speaks Evil. Burning Heart Records 2015
1990s. Cookies. Rough Trade 2007
1990s. Kicks. Rough Trade 2009
Glitter From The Litter Bin. 20 Junk Shop Glam Rarities From The 1970s. Sanctuary 2003
Glitterbest. 20 Pre Punk’n’Glam Terrace Stompers. RPM 2004
Boobs. The Junkshop Glam Discothèque. RPM 2005
Velvet Goldmine. 20 Junk Shop Glam Ravers. RPM 2009
Killed By Glam. 14 UK Junkshop Glam Gems From the 1970s. Vol. 2. Moon Boot 2012
Glamstains Across Europe. Volume 1. Teenage Rampage 2013
Sur l’illustration : les 1990s, Jackie McKeown, Jamie McMorrow et Michael McGaughrin.

TROYES / 07 – 05 – 2016
LE 3B
THE ATOMICS

Retour à Troyes. La teuf-teuf ronronne de bonheur. C'est presque son deuxième garage. Deux mois que nous n'avions pas remis les pieds au 3 B, à l'accueil qui nous est réservé nous comprenons que personne ne nous a oublié. Tout chaud, tout doux à nos coeurs de rockers. Les Atomics se sustentent au fond de la salle. Z'ont raison, vont avoir besoin de forces. Leur dernier concert en ces hot lieux est resté dans toutes les mémoires. Quand on a une réputation atomique à tenir, faut assurer grave.

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Les voici sur scène. Disposés en triangle, pas celui des bermudas, mais chemises hawaïennes de rigueur, avec la devanture ouverte et la journée estivale qui a dardé des rayons de plomb, la température avoisine les quarante degrés au fond du bar. Ramages mauves sur fond blanc pour Renaud sur notre gauche, fleurs étoilées sur un fond de ciel noir pour Pascal, couleurs pète-feu pour Raphaël. Petit côté Blue Hawaï non déplaisant. Pour la petite histoire je rappellerai que le héros ce nanard preleysien se prénomme Chad. Un bien beau nom entre parenthèses.
Avant l'ouverture des festivités Raph tient à délivrer un message personnel spécialement adressé à l'abominable homme du rock qui sévit au 3 B depuis des temps immémoriaux, l'affreux Duduche est sommé de ne pas s'avancer à plus de trois mètres du micro. Menacé d'une balle de taser à l'oeil s'il ose un fatidique pas de trop. Eclats de rire général, même les happy few qui n'étaient pas là ce fameux soir comprennent que Duduche avait dû se surpasser. Pour les esprits avides de connaissance rock, nous renverrons à notre livraison 243 du 03 / 07 / 2015.

SET ONE

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Renaud ouvre le bal, swingue comme un dingue avec sa contrebasse qui semble avoir été piquée par le moustique de la dengue. Le jour où l'on parviendra à colorer les ondes sonores qui s'échappent d'un instrument de musique soyez sûrs que celles qui s'envoleront de la big mama de Renaud vous dessineront des grands-huit et des montagnes russes à n'en plus finir. Virtuosité diabolique. De quoi rendre un jazzman jaloux, et pourtant il reste toujours dans les clous, ne dépasse jamais les lignes blanches, impeccables sur les rythmes binaires et primaires du rockab. C'est en hauteur, en volume qu'il se rattrape, fait mousser la chantilly jusqu'au plafond. Les croches ricochent de partout, une seule grosse basse et vous avez l'impression d'une dizaine de violons qui staccatisent de tous les côtés. Une symphonie de slap qui vous ruisselle dessus.

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Vous avez raté votre soirée puisque vous n'avez ni vu ni entendu Pascal sur Stompin'. L'a adopté la technique du chasseur d'alligator qui se retrouve sans s'y attendre nez à nez avec un mâle de cette espèce prédatrice qui sort son marécage dans l'idée que vous lui serviez de pause sandwich. Froussard comme vous êtes vous vous barrez en courant. Pas Pascal. L'attend sa baguette à la main que Raph lui pousse un riff caïman meurtrier entre les jambes, et au moment où vous vous y attendiez le moins il vous lui refile trois coups rédhibitoires et sèchement appuyés sur le museau, la bestiole estomaquée reflue vers le milieu du bayou, mais elle repasse à l'attaque dans les six secondes qui suivent, et splamf ! Splamf ! Splamf ! Pascal lui re-stompe la gueule illico, autant de fois que ses deux acolytes vont lui renvoyer le bébé vorace. Pour terminer Renaud rajoute sa petite touche personnelle épand un nuage de gouttelettes ensorcelantes sur le tableau final.

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Pour ce premier set les Atomics nous ont soignés, tout en finesse, tout en vitesse, tout en sveltesse. Du pure fifty. Enfin presque, la voix de Raph qui nasille un vieil accent du Sud comme on n'en fait plus depuis le début du troisième millénaire et sa guitare magique qui se moque de nous. Comme dira Mister B dans la voiture du retour, t'as vu l'engin tout simple qu'il a, qu'on le veuille ou non, c'est le musicien qui imprime sa marque et qui fait la différence. Et Raph, il vous raffle le premier prix à chaque morceau. Vous passe les cadors en revue, Holly, Cochran, Perkins, Berry, juste pour vous montrer non pas ce qu'il sait faire, mais ce qu'il peut en faire. Des pièces de répertoire qu'il calibre à son style. Plus tard il rajoutera un Please Don't Touch des Pirates de Johnny Kidd et un Rockin' Gypsy de Joe Maphis juste pour taquiner le goujon de haute mer et la truite sauvage.
Et cette version de What You Gonna Do d'Hayden Thompson, un chef d'oeuvre, une merveille de précision, rien de trop, rien de moins, trois musiciens en totale osmose harmonique. Nous ont gâtés hors de toute commune mesure. Entracte.

SECOND SET ( I )

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On prend les mêmes et l'on ne recommence pas. Changement d'époque. Sur la marelle du rock and roll tous les chemins mènent au paradis. A l'enfer aussi, mais pas ce soir. Changement de décor. Nul besoin de repeindre les murs. Suffit de gratouiller une guitare un tout petit peu différemment pour faire un bon bond dans le temps. Epoque sixty. Mais les toutes premières années, plus vraiment rock an roll, déjà white rock, déjà surfin', déjà garage, mais point trop, juste ce qu'il faut pour s'apercevoir que l'on est sorti de l'éden primordial mais que le monde qui s'offre à nous rutile de merveilleuses promesses. Moins de swing primitif pour Renaud, une accroche différente, moins moelleuse davantage insinuante et reptatrice. Une mue de serpent. Idem pour Pascal dont le drum de dream balance maintenant entre caisse claire et cymbale. A égalité de tom serait-on tenté de dire, la frappe est davantage métallique, saillante et résonnante. Raph est à la fête. Faut voir sa sonorité, faut entendre son coloriage, faut humer les courbes de ses motifs, faut goûter les entrelacs cuivrées de ses notes éparpillées. Synesthésie d'esthète rock qui n'oublie jamais l'énergie hâtive et incendiaire qui reste le grand secret du rock and roll. L'ai déjà ouï jouer beaucoup plus électrique, mais ce soir il atteint une sorte d'équilibre miraculeux entre la beauté du son et le flashy d'une incandescence surprenante.


SECOND SET ( II )

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Trop beau, trop bon. Impossible de rester de marbre devant tant d'effulgence. L'ambiance dégénère. Comprenez que l'atmosphère s'électrise, les danseurs se la donnent à tout berzingue et Duduche joue les Saint Bernard, ravitaille en demis les artistes assoiffés, Raph finit allongé par terre quatre jolies blondes entassées sur lui en des positions équivoques sur lesquelles je ne ferai aucune déposition. Les Atomics ont tout donné, mais Béatrice la patronne déclare que le 3 B n'est pas une maison de retraite. De toutes les manières, l'est déjà demain depuis longtemps. Duduche sauve la situation : s'empare du micro et se lance dans une improvisation sur Blue Suede Shoes à vous couper le souffle. Un peu fatigués les Atomics commencent très doucement et Duduche nous donne en yaourt de canidé une des interprétations les plus lascives et érotiques du classique de Carl Perkins qui m'ait été donné à entendre. Ah ! Ces ouafs ! Ouafs ! Ouafs dubitatifs et mélancoliques dont il ponctue le couplet ! Les punks ont raison, tout le monde peut faire du rock, suffit de se laisser imprégner par le génie de cette musique phantasmagorique. Acclamations admiratives de l'assistance subjuguée.

 

TROISIEME SET

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Z'ont dû déjà nous régaler d'une soixantaine de morceaux, alors les Atomics font semblant de râcler les fonds de tiroirs, et découvrent quelques originaux à eux, genre It's Almost Tomorrow ou Tachychardia à vous demander pourquoi ils n'ont pas de disques à vous vendre. Je ne suis pas pour la société de consommation à outrance mais la préservation des petits trésors du rock and roll devrait être une priorité nationale. Sont à bout, Raph est en train de perdre sa voix, mais chaque revers a sa médaille, ne chante plus qu'un couplet ce qui permet de se régaler de ces instruments si parfaitement assujettis à l'orchestration commune. Quel savoir faire, quelle complicité !
Encore une de ces soirées festives de haute teneur rock dont le 3 B détient le secret. L'est vrai qu'avec une telle bombe Atomics, vous possédez l'arme absolue.


Damie Chad.

( Photos : FB  : Bar le 3B )

 

THE CRAMPS
UNE COURTE HISTOIRE
DES
PSYCHOTIQUES DU ROCK'N'ROLL

DICK PORTER

( Camion Blanc / Novembre 2010 )

 

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Elvis Presley et Gene Vincent sont nés eN 1935. Lux Interior en 1946. Tout est dit. Pourrais achever ma kronic maintenant. Je continue pour ceux qui sont fâchés avec les chiffres. Dix ans après, mais juste à temps pour atteindre la dizaine en 1956, assez de conscience donc pour repérer Be Bop A Lula et Heartbreak Hotel dans ses oreilles. Le genre d'ovnis à saborder une vie. En plus Lux se paie le luxe de la deuxième chance, au cas, où il serait passé à côté, les pavillons en berne. L'a un grand frère qui s'empresse de lui inculquer les mauvaises manières. Le frangin avait eu la révélation au cinéma, Marlon Brando et l'Equipée Sauvage. Avant de se ranger et de devenir soudeur chez Goodyear, s'habille en noir, s'acoquine avec une bande, vole des voitures... et se procure les disques de rockabilly et autres garage bands les plus anonymes. Bon prince, il refilera sa collect à son frérot.

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N'y a pas que le rock dans la vie. Pour un gamin de la fin des années cinquante l'existe encore deux mamelles de Tirésias : la radio et la télé. Alan Freed – l'on ne présente plus – et le disc-jockey Pete Myers surnommé Mad Daddy qui passe les rockabs les plus déjantés de la planète, envoie des Rhythm and Blues déglingués, mirlitone des vers en vitesse ultraspeed, et cause sans cesse de films d'horreur. Tout un programme qui marquera à jamais le petit Lux. Mais entre 1963 et 1966, on the TV, le présentateur fou Ghoulardi passa la deuxième couche : un look incroyable : lunettes noires + perruque collée à un chapeau, extraits de films d'horreurs, et aucune retenue verbale...

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Le petit Lux grandit. Adolescent plutôt sage, mais à l'intérieur de sa tête, les neurones bouillonnent un max. L'aiguillon du monde extérieur ne va pas tarder à se faire sentir. L'habite, Akron, Ohio, près de Cleveland, il file en Californie s'inscrire à l'Université ce qui le dispense d'un séjour tout frais payé au Viet-Nam. Programme d'études bien rempli : approfondit sa connaissance des films d'horreur, recherche de vieux disques de rockabilly, consommation accrue de mescaline et de LSD, festivités diverses en compagnie d'une jeunesse en ébullition. La vie n'est pas faite pour s'ennuyer.


CONJONCTION ASTRALE


Il ne le sait pas, mais la coupe n'est qu'à moitié pleine. Elle ne va pas tarder à déborder avec la trépidante arrivée de Poison Ivy. Une jeune auto-stoppeuse habillée très court, et l'histoire de Lux Interior monte d'un cran. Vient de Sacramento, elle aussi a eu un grand frère qui écoutait du rock and roll et qui lui apprend les rudiments de la guitare. Bo Diddley, Chuck Berry et Link Wray deviennent ses mentors. De Link Wray elle retient les deux leçons essentielles : faut que ça fuse et que ça fuzze. Encore une rebelle, à la crinière rousse flamboyante qui a du mal à s'intégrer, systématise un rideau protectif de défonce entre elle et ses contemporains. Nos deux tourtereaux se reconnaissent très vite, chacun est le miroir sexué de l'autre. Films d'épouvante, rock and roll, sapes, concerts... sont des personnalités à part, décalées, dans la bonne ville de Sacramento. Retour vers Akron. Léger détour vers Memphis, Sam Phillips brade ses disques : l'en offre six pour un modeste dollas. Repartent avec la collection complète. Je sais, vous êtes jaloux.
Nous sommes au début des années soixante-dix : plus personne dans leur entourage et dans l'ensemble des States ne s'intéresse au rockabilly. Surtout pas aux anonymes qui officièrent par exemple chez Starday, qui firent trois petits 45 tours et puis disparurent... N'en sont pas pour autant des passéistes, ont les yeux tournés vers l'actualité, assistent à deux concerts à Cleveland qui vont booster leur impatience : celui de T-Rex, guitares speed et maquillage fondant mais surtout celui des New York Dolls. Les poupées auront une influence considérable, leur rock violent et sans concession et leur accoutrement scénique agiront comme un immédiat catalyseur : leur décision est prise : partent pour la Mecque du Rock and Roll, New York City, dans le but évident de monter un groupe de rock. Pour ceux qui douteraient de l'importance des Dolls dans l'évolution du rock and roll...

NEW YORK


Les rêves correspondent rarement à la réalité. La grosse pomme est triste. Eux qui croyaient plonger dans une jeunesse dollisées à l'extrême tombent des nues. A New York, les Dolls sont des inconnus. Viennent même de splitter. Les croyaient au centre d'un maelstrom rock, mais leur impact ne fut qu'une tempête dans un verre d'eau, localisé dans quelques rares clubs borderline, CBGB's et Max' Kansas City... N'empêche que la timbale est en ébullition. Focalisent sur un groupe dantesque et délétère : les Ramones. Etrangement cette évocation, qui ne dépasse pas la trentaine de lignes, de la nuisance rock propagée par les groupe de Foresthill est bien plus forte que les quatre cents pages autobiographiques de Marky Ramones que nous avons chroniquées la semaine précédente...

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Pas d'argent, pas de boulot, esseulés, sans matos ni intruments, les conditions de base ne sont guère favorables... Mais la rage d'en découdre renforce les facteurs chances. Faut un peu de morale dans notre histoire : seront sauvés par le travail. Non ils ne se convertissent pas en jeunes cadres dynamiques : Ivy trouve un job de maîtresse femme dans un club un peu spécialement sado-masochiste et Lux se fait embaucher dans un magasin de disques grâce à ses connaissances en labels perdus et galettes disparues... Sexe et rock and roll, les composantes essentielles de cet espoir qu'Ivy a surnommé The Cramps. Torticolis, en français, cette épine dans votre chair qui se rappelle à vous au moindre mouvement. Rien de christique dans cette dénomination, simplement le rappel que vous avez intérêt à vous remuer salement si vous tenez à vivre pleinement.

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En 1976, le groupe prend forme : Lux sera au chant, d'autorité, Ivy à la guitare naturellement, Bryan Gregory – collègue de travail de Lux – sera le second guitariste puisqu'on ne lui avait pas précisé qu'il devait se munir d'une guitare basse et la soeur de ce dernier Pam Balan sera mise à contribution à la batterie. Petit problème : les deux nouveaux arrivants n'ont jamais touché ni à une guitare, ni à un tambour. L'idéologie dominante de philosophie punk étant le Do It Yourself, le groupe se met au travail illico. C'est en forgeant que... Peut-être cette inexpérience permit-elle à Lux et Ivy d'imposer leur matière d'entrevoir le rock an roll. Des musiciens plus expérimentés auraient vraisemblablement renâclé devant ce retour vers les bases du rockabilly oublié. Cela leur aurait semblé trop passéiste. Bryan résoudra son inexpérience en adoptant un jeu que l'on pourrait qualifier de bruitiste. Les néophytes dépourvus de base classique sont les plus enclins à sauter dans le futurisme le plus absolu. Ce sont les riffs de guitare d'Ivy qui apportent son ciment à l'ensemble. Lux se réfère à son modèle scénique préféré : le grand Iggy. C'est la voix qui recouvre tout qui emporte le morceau. Quant à Pamela, d'instinct dès les premières minutes, elle trouve le truc qui lui permet un drummin de soutien appréciable. Au bout d'un an elle se lasse et refile le job à sa locataire Myriam Linna qui la remplace sans faillir avec un beat serré et pressé qui ne laisse aucun repos à ses condisciples. Restera deux ans, les quittera pour monter le label Norton Records... Sera vite remplacé par Nick Knox durant l'été 77 qui apporte au groupe ce qui lui manquait, une assise rythmique quasi pro qui n'avait rien à voir avec les approximations expérimentales des deux précédentes.

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L'était temps, le groupe progressait : lentement mais sûrement. Le premier concert au CBGB's en première partie des Dead Boys de Stiv Bators sera raté, guitare non accordée, mais le groupe surprend et ils sont embauchés pour assurer huit premières parties durant un mois au Max's Kansas City. Rencontrent ainsi du beau monde : Suicide, Blondie, Mink DeVille... bientôt ils ouvrent pour les Ramones. Les Cramps surprennent, semblent sortir de la préhistoire du rock and roll, mais leur show finit toujours par séduire.

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On aura du mal à les étiqueter : ils déroutent, sont à côté du mainstream de l'underground. Difficile de les prendre au sérieux : sont totalement impliqués dans leur musique mais ne professent aucun message pédagogique particulier. Aucun sous-entendu politique. Sexe, comics et rock and roll, but just for fun, joyeux foutoir et gros bordel, théorie à courte vue, mais implication praxistique sans égal. Font un peu de studio : posent les moutures de leurs futurs hymnes comme Teenage Werwolf et Sunglasses after Dark mais n'en sont point satisfaits.

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Sont récupérés par Alex Chilton qui les emmène à Memphis, à Big Star. En profitent pour enregistrer en tant que backing band pour James Luther Dickinson au studio Sun. Un rêve qui se réalise... Pour leur premier album faudra attendre, Chilton perfectionniste fou qui mixe et remixe sans jamais rien sortir de définitif de ses tripatouillages.. En attendant ils éditent en auto-production leur single Surfin Bird dont ils écouleront très rapidement les six milles exemplaires.

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Se dépêcheront d'en fignoler un deuxième avant fin 78, le fameux Human Fly, la mouche humaine, pas tout à fait empreint du même pathos que La Bombe Humaine de Téléphone. Un tantinet plus destroy si nous nous accordons un léger commentaire.

 

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Tournent de plus en plus, parviennent à sortir chez Illegal Records un EP cinq titres, Gravest Hits issus des sessions Chilton, assez pour faire patienter les fans qui se pressent aux concerts. Sont impressionnés par l'accueil que leur réserveront les anglais. Nul n'est prophète en sa patrie... Retournent en studio chez Illegal Studio avec Chilton et enfin juillet 1980 paraît enfin leur premier album : Songs the Lord Taugh Us. Si vous voulez la suite de l'histoire procurez vous le bouquin. Un grand groupe de rock parvient à maturité. Dick Porter raconte la saga Cramps merveilleusement trop bien. A fréquenté le groupe, se sert des nombreux interviewes données par Lux et Ivy durant les trente années qui suivirent.

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CRAMPED

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Quitteront New York pour s'installer en Californie, changeront de musiciens, tourneront beaucoup, se ménageront de longues coupures sabbatiques... avant d'être une musique, le rock est un art de vivre. Pratiquent un hédrocknisme serein, autant leurs concerts sont chaotiques, autant ils savent prendre le temps de devenir davantage eux-mêmes. Refusent le statut de rock star, préfèrent empiler vinyls, livres, revues, cassettes et vidéos. Avant d'être une musique le rock est aussi une culture. Cestes l'est devenu avec le temps, mais il ne faut point confondre les débuts d'un phénomène avec son origine. L'attitude rock prédomine son historialité comme chez d'autres l'existence précède l'Être.

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L'on ne peut parler des Cramps sans évoquer Hasil Adkins, Charlie Feathers et toute la litanie des grands fêlés du rock. Je vous laisse cette tarte à la crème sans cesse rebattue. Les Cramps me font penser à Bowie. A priori tout sépare nos excités d'Akron du Thin White Duke le maître de l'illusion performative de toute maîtrise. Mais à y regarder de près, les Cramps ont toujours su faire preuve d'une grande lucidité envers leur art. Ne furent jamais dupes d'eux-mêmes. Fous et indociles sur scène, mais ne s'emballent jamais dans la vie. Sont habités d'une étrange sagesse. Sont étonnés de la folie des foules et des individus, analysent froidement la moindre déviance qui s'écarte de ce que l'on pourrait appeler la normalité constituvive mais n'oublient jamais d'user de la froideur de ce scalpel méthodique à leur propre encontre. N'excusent rien, expliquent tout. Usent d'une théorie analylitique que nous qualifierons de prospective des évidences, ou d'expérience raisonnée d'un dérèglement arraisonné et rimbaldien des sens. ( à suivre ).


Damie Chad.


JOHNNY CASH
I WALK THE LINE


SILVAIN VANOT

( LE MOT ET LE RESTE / Mars 2016 )

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Le Mot et le Reste possède un important rayon musique, près de cent trente titres, KR'TNT ! en a déjà chroniqué quelques uns ( Stones, Creedence Clearwater Revival... ), j'étais tout content lorsque j'ai appris qu'ils sortaient un book Cash. L'existe un dieu, non une déesse, pour les rockers, ne voilà-t-il pas qu'il me tombe sous la main en un mag d'occase, pour un prix minimaliste. Certes, mais il n'est pas bien gros et l'on n'a pas ménagé les pages blanches. Et guigne amère sur le gâteau, rédigé par Silvain Vanot. Vanot, c'est pas le top. Se range, dans la catégorie des chanteurs français, vous le placeriez ( remarquez le conditionnel, car une fois que vous aurez lu la fin de cette phrase, vous saurez que jamais vous n'achèterez un de ses disques ) sur votre étagère entre Dominique A et Jean-Louis Murat. Je serai franc, il existe un passage d'un morceau de Murat que j'adore, je ne sais pas le titre, c'est celui où vers la fin l'on entend un canidé aboyer. Cet aboiement de chien est à mon humble avis la seule chose écoutable que Murat ait jamais enregistré. Evidemment, avec le goût déplorable qui le caractérise, Murat l'a mixé en sourdine, faut tendre l'oreille pour l'entendre, mais tout de même ces quinze secondes canines sont le seul moment de sa discographie digne d'être retenu. Oui, mais c'était Cash, alors j'ai pris.

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Silvain Vanot a donc consacré son livre à la chanson I Walk the Line. Nous raconte sa conception, sa création et passe en revue les nombreuses reprises de ce morceau emblématique effectuées tout au long de sa carrière par Cash lui-même. Pourquoi pas ? Je vous livre toutefois le résultat des courses avant leur commentaire : la meilleure version reste celle diffusée ( la deuxième prise ) par Sam Phillips.
Vous ai résumé le projet de Vanot. L'en a un second qu'il n'assume pas. Adore ( à voir ) Johnny Cash. Déteste June Carter. Mais pas franc du collier. Lui décoche sans cesse des vacheries. L'on a même l'impression qu'il s'empresse de la citer uniquement pour le plaisir sadique de lui jeter un oeuf pourri tout de suite après. Pourrait nous expliquer, qu'il la trouve nunuche, qu'il n'aime pas sa voix, son physique, ses toilettes, sa personnalité, ses déclarations, mais non pas un mot. Je devine les lecteurs avides de psychanalyse, Vanot est fou de jalousie, aimerait phantasmatiquement garder Johnny pour lui seul, certains se lancent dans l'hypothèse lacanienne d'un désir honteux d'homosesxualité refoulée... Ne nous égarons pas.
En fait Vanot n'apprécie pas plus que cela Johnny Cash. Lisez avec attention et vous verrez que les compliments sont rares. Belle voix, mais pas très bon guitariste, idem pour Luther Perkins affligé d'une maladresse géniale, mais maladroit tout de même. A l'autre extrémité de la vie de Cash, il n'est pas tendre pour sa voix usée sur les enregistrements avec Rick Rubin. En règle générale il parle davantage des albums qui n'ont pas marché et évite de mentionner ceux qui furent des succès.

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Où est le hic ? Pas de mystère, Silvain Vanot ne supporte pas la religiosité de Cash. Nous non plus. Mais l'on fait avec. L'hystérie du gospel n'est-elle pas une composante essentielle de la musique populaire américaine blanche et du rock and roll ? Lui préfère son côté destroy, l'Homme en Noir, le pénitentier de Folsom et celui de San Quentin. Nous aussi. N'insiste pas trop sur ses addictions, son côté walk on the wild side de la folie. Lui reproche d'avoir été un jeune homme beaucoup coincé du cul, obnubilé par une certaine obsession de pureté intérieure, mais ne le suit point très loin sur les pentes vertigineuses diaboliquement pavées des meilleures intentions... L'aurait peut-être été plus intéressant de fouiller du côté du Man in White, si cher à Johnny Cash... Me semble aussi qu'une comparaison avec Jerry Lee Lewis, hanté par les mêmes démons, s'imposait.
Reste les différents enregistrements de I Walk The Line, celui-ci trop ceci et celui-là trop cela. Oui bien sûr. Et alors ? Que faut-il en déduire ? En conclure ? La pression des maisons de disques qui veulent du mainstream ? Le monde entier s'en doute. Ce qui nous intéresserait ce serait plutôt l'implication métaphysique de ces phénomènes. Un bon enregistrement est-il le résultat aléatoire d'une heureuse conjonction musicale ? Ou alors le signe d'une régression ou d'une avancée êtrale de son principal interprète ?
Si le Seigneur recrache les tièdes comme il est dit dans la Bible, Vanot a du souci à se faire pour sa survie future. Donne l'impression du gars qui trouve tous les défauts à la statue qu'il projette de déboulonner mais qui n'ose pas dévisser les derniers écrous. Pourrait lui tomber dessus. Toute la différence entre Johnny Cash et Silvain Vanot : Cash n'aurait pas hésiter à faire sauter les boulons. C'est uniquement pour cette raison que vous achèterez ce bouquin. Pouvez lui tailler le costard que vous voudrez, Cash est trop grand pour y rentrer dedans.


Damie Chad.


ATTAQUE DE TRAIN : MODE D'EMPLOI
ET AUTRES NOUVELLES DU FAR WEST


O. HENRY

( Mille et une nuits : 2009 )

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Connaissais pas, avant que ça ne me tombe sous la main. J'aurais bien voulu le voler pour me mettre au diapason du titre, pas de chance, c'était gratuit. Le Far West, l'autre pays du country, en plus attaque de train, un petit parfum Sex Pistols / Ronnie Biggs pas du tout désagréable. J'ai commencé par la fin, la bio de O. Henry. Personnage sympathique : naît en 1862 en Caroline du Nord, à vingt ans il fait les quatre cents coups au Texas avant d'émigrer à Austin pour travailler dans une banque. Vous allez croire que j'invente la suite, c'est pourtant la vérité vraie : puise dans la caisse ( jusque là, c'est normal ) pour renflouer sa revue qui porte un titre flamboyant : Rolling Stone ! Le genre de détail qui ne s'invente pas.
Est accusé de vol, bénéficie d'un non-lieu, file prudemment au Mexique, mais revient à New York en 1898, car sa femme se meurt. Ne soyez pas sentimental, cela pourrait vous nuire. La banque a gagné l'appel, se retrouve pour trois ans en prison. Lui reste une dizaine d'années à vivre qu'il emploie à écrire plus d'un demi-millier de nouvelles qui lui apporteront la gloire post-mortem. La tuberculose l'emporte en 1910.

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Quatre nouvelles qui nous dévoilent un monde dur et sans pitié. Pas de quoi pleurer. Préfère en rire. Tout dépend de quel côté du revolver vous vous trouvez. Le chômage transforme les cowboys en bandits. La vie n'a pas trop de prix, surtout si vous êtes mexicain. Mieux vaut être aimé par un crapaud que par une femme. Juste une question de fidélité. Ayez des principes, vous pourrez ainsi en changer. Les riches sont des pleutres et les pauvres trop frustres. Chacun se débrouille comme il ne peut pas dans ce monde cruel. Les rats des villes sont des dégénérés et les rats des champs de sombres brutes. Le Capitalisme est la loi de base, une seule alternative à son emprise : l'idéologie populiste qui enferme tout un chacun dans sa légitime fierté à être et à revendiquer stupidement le peu de ce qu'il est. Une analyse éparpillée en mille réflexions adjacentes qui aident à comprendre cette inquiétante montée des pensées et des attitudes profondément réactionnaire des sociétés européennes d'aujourd'hui de plus en plus soumises à la loi économique et à l'ordre policier initiés par le libéralisme financier qui étend de plus en plus son emprise sur les esprits, les gens et les rapports sociaux. Plus incisif qu'on ne pourrait le croire selon une stricte lecture récréative. Attention, un train peut en cacher un autre.

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Damie Chad.