Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/04/2013

KR'TNT ! ¤ 142. / VINCE TAYLOR / BILLY POORE /

 

KR'TNT ! ¤ 142

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

02 / 05 / 2013

 

 

ATTENTION !

Cette livraison 142 arrive avec deux jours d'avance, la 143 risque d'avoir un ou deux jours de retard ( n'en profitez pas pour oublier d'apprendre par coeur la 141 ) nous sommes en effet en mission ultra-secrète pour le compte du SRR.

Keep Rockin' Till Next Time !

 

 

 

VINCE TAYLOR / BILLY POORE

 

 

JET BLACK MACHINE ( ii )

 

 

LE DERNIER COME-BACK

 

DE

 

VINCE TAYLOR

 

 

JEAN-MICHEL ESPERET

 

a211livre.jpg

 

Apparemment, je dis apparemment car je ne l'ai pas eu entre les mains, il s'agit d'une réédition d'un livre paru en auto-édition chez Praelego ( sorti le 28 / 08 / 2012 ) intitulé Come-back, Roman Biographique sur Vince Taylor et repris sous le titre monozigotique Le Dernier Come-back de Vince Taylor, tout de suite suivi de la mention roman. Ce qui a son importance. Et publié en avril 2013 chez L'Ecarlate.

 

 

L'Ecarlate est une maison d'Editions liée aux Editions de L'Harmattan. Ce qui est un peu ironique puisque Guillaume Chassang fondateur de Praelego avait fondé son propre espace littéraire après avoir clashé avec L'Harmattan dont il réprouvait les méthodes éditoriales. Penserais plutôt que ce sont des dissensions d'ordre politique qui auront précipité cette incapacité de collaboration. Jacques Chassang s'inscrivant dans la mouvance très droitiste de Philippe de Villiers et L'Harmattan très engagé dans la défense d'une Afrique en proie aux tourments du néo-colonialisme...

 

a210comeback.jpg

 

Roman donc. S'agit ni plus ni moins d'une biographie. Mais roman, car au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture les personnages secondaires disparaissent peu à peu. Un lecteur peu au fait de l'histoire de notre rocker n'y prendra peut-être pas garde puisque le projecteur se resserre sur la figure centrale de Vince Taylor et il ne lui viendra peut-être pas à l'idée de se demander pourquoi les témoins les plus immédiats de sa vie ne sont plus que des ombres invisibles et anonymes.

 

 

C'est que Vince Taylor reste la mauvaise conscience du rock français, je ne parle pas du show-biz, dans ces milieux d'affaires et de gros sous tous les coups sont permis et si l'on étend le tapis rouge sous les pieds des gagnants, l'on n'éprouve aucune pitié pour les perdants. Mais des fans. Qui se sont comportés d'une manière exemplaires. Je ne dis pas qu'il n'y eut pas chez certains quelques arrières pensées de profit immédiat mais la majeure partie de la carrière et même de l'existence de Vince Taylor fut portée à bout de bras par de petits groupes de fans de la première heure qui tentèrent de le remettre en piste. Mais à l'impossible nul n'est tenu, ils ne possédèrent jamais la puissance financière et le carnet d'adresses nécessaires à leur rêve de come-back triomphant. Leurs échecs – car ils n'essayèrent pas qu'une seule fois – causa bien des colères. L'on s'accusa de tous les mots, les noms d'oiseaux volèrent à tire-d'ailes et aujourd'hui trente ans après la mort de Vince les plaies ne sont pas toujours refermées. Très précautionneusement Jean-Michel Esperet n'a pas voulu rouvrir les blessures et permettre aux querelles de rebondir. L'ombre de Vince n'a point besoin de ce genre de déballage. Les noms ont été effacés, délibérément omis. Dans quelques années peut-être sera-t-il possible de rendre à chacun la pleine et entière responsabilité de ses agissements en faveur de Vince.

 

a215photo.jpg

 

Mais le lecteur ne se plaindra pas de cet étrange parti-pris biographique. Imaginez tout de même que vous racontiez la vie d'un de nos présidents de la République en vous abstenant de mentionner le nom des ministres de son gouvernement ! Etrangement ce resserrement de l'écriture autour du héros a contribué à l'instiller d'une dose non négligeable de condensation poétique. Le personnage de Vince Taylor en devient encore plus exemplaire et héroïque.

 

 

IN THE BEGINING

 

 

Pourtant l'on ne peut pas dire que Jean-Michel Esperet soit en admiration béate devant Brian Maurice Holden. Ne lui passe rien. Je le taxerai même d'injustice, il s'en faudrait d'un chouïa qu'il ne l'accusât d'être venu au monde dans une famille prolétarienne ! Si en plus de leurs propres fautes les enfants doivent se charger des péchés de leur père, nous nageons en pleine théologie ultra-calviniste. Sont-ce les accointances de Jean-Michel Esperet avec la République Helvétique – il réside en Suisse depuis 1995 - qui l'auraient influencé ?

 

 

N'a pas eu une enfance heureuse le petit Brian. L'est né le quatorze juillet ( extraordinaire marque de prédestination française ! ) 1939, juste à temps pour connaître les joies du Blitz, sirènes, bombardements, fuites vers les abris... Mais cela n'est rien, lorsque la guerre s'arrêtera, il comprendra que l'amour familial n'est pas au rendez-vous. Il est le petit dernier d'une couvée de cinq, la bouche de plus à nourrir quand on considère le problème sous son aspect le plus pragmatique.

 

 

Emigration aux Etats-Unis, en 1946. Assez tôt pour entendre encore gamin Frankie Laine à la radio et être touché de plein fouet par le phénomène Elvis en pleine adolescence. Le père qui a trouvé du travail dans les mines préfèrera bientôt rester à la maison pour téter de la bouteille. Dans la famille alcoolo, passez-moi the father, mais n'anticipons pas. La mère se tue à faire les ménages. Le petit Brian se trouve très vite deux dérivatifs : l'école en laquelle il s'américanise à souhait, et la piscine, il y apprend si bien à nager qu'à dix-sept ans il devient maître-nageur. Beau garçon, chéri de ces demoiselles il perd aussi vite qu'il la leur hôte sa virginité.

 

 

LE DESTIN

 

 

L'est bien parti pour finir directeur de la piscine municipale. Mais l'ange du destin veille. Apparaît sous la forme du beauf bienveillant. L'a maqué sa blondinette de soeur en tout bien tout honneur. Pousse même la gentillesse jusqu'à verser une pension alimentaire au père et promet de s'occuper du l'ado monté en graine au devenir incertain. Le pire c'est qu'il tient ses promesses et emmène la famille à Hollywood.

 

 

Le futur roi des blousons noirs parisiens mènera une vie de blouson doré. Existence facile, n'a qu'à ouvrir la bouche pour avoir ce qu'il veut. Désire tout et n'importe quoi. Devient un assisté de luxe qui se fatigue très vite de ses foucades. Le goût méritoire de l'effort lui est inconnu. En bout de piste il décide de devenir aviateur comme son frère aîné, mais lors de son premier vol sans accompagnateur pour l'obtention de son premier brevet il n'arrive pas à arrêter son engin qui s'en vient percuter les coucous du club... Tombe de haut.

 

 

C'est alors qu'il se souvient de son succès au bal du lycée quand avec un groupe de copains il a repris quelques morceaux d'Elvis. Il sera donc chanteur de rock.

 

 

ENGLAND

 

 

Le beauf n'est pas idiot puisque Presley tient la première place aux States il serait illusoire de vouloir le détrôner en son pays, tandis que de l'autre côté de l'Atlantique, le jeune Brian atterrira avec une longueur d'avance. Retour au pays natal en 1958, avec le beau-frère qui tient le rôle du Colonel Parker.

 

a220parlo.jpg

 

Le projet peut paraître aventureux mais avec de l'oseille en poche, de l'audace et un peu de chance, pourquoi pas ? Il est vrai que lorsqu'il arrive on ne l'attend pas, Johnny Kidd, Billy Furyy, Marty Wilde, Cliff Richard sont déjà au boulot. Mais Brian Holden devenu Vince Taylor va coup sur coup réussir deux coups d'éclats. Parvient à recruter un peu au hasard un fameux quatuor de musicos qui prendra le nom de The Playboys. Donnera de ce fait quelques shows particulièrement sauvages qui attireront l'attention sur lui. La firme de disques Parlophone le contacte pour enregistrer... produira deux disques dont le second comporte un des plus beaux classiques du rock'n'roll Brand New Cadillac.

 

 

Nous sommes en avril 1959, mais la soupe ne prend pas. La carrière de Vince patauge déjà dans la semoule. La cadillac reste au garage, seuls les amateurs la connaissent. Mais Vince est sûr de lui, il rompt avec le beau-frère et la manne financière qu'il représentait : désormais il se débrouillera seul comme un chef. A part que c'est Cliff Richard qui s'affirme de plus en plus comme le Presley anglais...

 

a221jetblackleather.jpg

 

L'a beau emballer les minettes, l'a beau tirer des plans sur la comète, l'a beau enregistrer Jet Black Machine chez Palette un deuxième classique immortel les engagements se font rare et la situation plaît de moins en moins aux Playboys, elle devint si tendue que sur un coup de tête Vince repart aux USA. L'on imagine les sourires sarcastiques du beauf... Vince le vaincu repart au début de l'année 1961 faire patte blanche aux Playboys qui le reprennent comme chanteur d'appoint puisqu'ils en ont embauché un autre, Duffy Power, moins performant. Les sept et huit juillet la tournée fera un crochet vers Paris. Vince est en marche vers son destin.

 

 

FRANCE : ACTE I

 

a214barclay.jpg

 

La chance sourit-elle à ceux qui ne le méritent pas ? Eddie Barclay ne décolère pas. Les disques Philips viennent de décrocher le contrat de Johnny Hallyday qu'il voulait à tout prix. Ne sait pas comment il se vengera de cet affront mais il n'aura pas le temps de laisser refroidir le plat, le six juillet il est invité à la répétition des Playboys à l'Olympia. Il n'en croit ni ses oreilles, ni ses jeux. Voici des musiciens qui jouent mille fois mieux que tous les français réunis et cette espèce d'étalon fougueux, habillé de cuir noir, avec son gros médaillon autour de cou possède un jeu de jambe et de hanche au moins égal à celui d'Elvis. Petit Johnny a du souci à se faire. Dès la fin du set il les attend dans la loge, le stylo et le contrat à la main.

 

a213discorevue.jpg

 

Faut battre le fer quand il est chaud : en sept séances Vince et les Playboys enregistrent vingt-trois morceaux. Jean-Michel Esperet est bien sévère avec le résultat des premières sessions, ces titres dispatchés sur les premiers quarante-cinq tours français de Vince Taylor étaient de par leur qualité d'une valeur sans égale avec tout ce qui s'était enregistré en notre pays jusqu'à lors. L'on peut affirmer que les originaux de Chuck Berry, Buddy Holly, Little Richard, Eddie Cochran, sont inégalables mais ces versions furent pour toute une partie du french public le premier accès direct au rock'n'roll américain qui ne soit pas de seconde main. Il fut ressenti par tous les amateurs que Vince Taylor possédait une légitimité que nos rockers nationaux n'avait pas.

 

a233.jpg

 

Cette force naturelle de Vince Taylor fut aussi sa principale faiblesse. Pour une fois si Eddy Barclay ne manqua pas de flair il commit une erreur de stratégie notoire. Pour qui avait observé l'évolution du showbiz aux Etats-Unis et en Angleterre d'un oeil avisé, il était évident qu'en 1961, l'acte I du rock'n'roll sauvage s'achevait. L'industrie du disque s'acheminait vers une aseptisation pop. Déjà l'on avait limé les griffes de Presley et de Cliff Richard. Lâcher en liberté sur le territoire français la panthère noire du rock'n'roll n'était pas un bon calcul.

 

a230barckaly.jpg

 

Les premiers mois Vince Taylor fit illusion. Johnny eut du souci à se faire, même si c'était le profilage de sa carrière qui épousait le sens de l'histoire. Vince possédait un charme fou, toutes les jeunes femmes cédaient à ses sourires carnassiers et les blousons noirs en firent leur idole. Terrible caution qui attira le déchaînement de la presse et qui pesa très lourd ultérieurement pour ses futurs come-back car sa base de fans était prête à crier à la trahison au moindre relâchement rock...

 

 

PLUS DURE SERA LA CHUTE

 

a232mimi.jpg

 

Vince ne vit rien venir. Tout lui souriait, les filles, le whisky, l'alcool, les cigarettes, les joints, les amphés... tout était bon et contribuait à sa légende dorée. Mais en face l'on s'activait avec efficacité, Salut Les Copains, le magazine et l'émission d'Europe 1 choisirent leur camp : celui de Johnny, plus consensuel, qui dès 1964 partirait sagement au service militaire... Ce fut une conspiration du silence ( radio ) savamment orchestrée et d'une redoutable efficacité. Rien n'y fit pas même la pétition des fans adressés aux disques Barclay pour que Vince puisse enregistrer un nouveau disque. Eddie Barclay retirait ses billes. Il est humain de se tromper mais miser sur un cheval condamné est une pure folie...

 

a231vince!.jpg

 

La pente glissante de l'enfer toujours pavée de bonnes intentions commence dès 1963 avec déjà un come-back annoncé. Les Playboys ont été rachetés par Johnny et sa thunderbird noire par... Claude François. En 1965 avec Vince ! Taylor enregistre le plus beau trente-trois tours du rock'n'roll français... qui sortira dans l'indifférence générale. N'y a que les Rolling Stones qui s'aperçoivent lors de leurs trois shows à l'Olympia que passer après leur première partie est difficile. Entre chauffer le public et faire un tabac il existe une marge à ne pas franchir. Prendront soin de rayer le nom de Vince Taylor des étapes suivantes de la tournée. Play with fire, d'accord mais tant que le feu ne brûle pas.

 

a217photo.jpg

 

C'est la chute, Vince habite chez des copines, il boit de plus en plus, dépression, cachets, séjour en clinique, le LSD lui laissera des séquelles à vie, crise de mysticisme, tout se dérègle... n'est plus capable de tenir sur scène, même s'il trouvera épisodiquement jusqu'à sa fin des bars de dix-septième catégorie et des boites pourraves qui acceptent de prendre le risque de le faire passer car il déjà une légende...

 

a218barclay.jpg

 

Vince n'est plus qu'un tourbillon dans sa tête, mais dans celle des autres il reste le grand, l'inimitable, the first Vince Taylor. L'on n'a pas su retenir Gene Vincent en France alors une chaîne de solidarité va se créer, fans et musiciens vont s'associer pour essayer de remettre la vieille locomotive essoufflée sur les rails. Sortiront quelques albums notamment chez Big Beat sous la houlette de Jackie Chalard qui contiennent quelques merveilles. Le seul à ne pas à croire à sa résurrection reste Vince lui-même. N'est pas christique, serait plutôt du côté de Sader Masoch. N'en rate pas une pour tout faire capoter. L'alcool aidant l'on dirait qu'il le fait exprès. Fatigue les plus dévoués.

 

a219disq.jpg

 

SUISSE

 

a222olympia.jpg

 

Un silence complice s'était établi sur les quatre dernières années de Vince Taylor en Suisse. Lui-même n'avait-il pas déclaré à un journaliste que c'était là les plus belles années de sa vie ? La légende disait qu'il était devenu mécanicien d'avion. Qui aurait été fou pour monter dans un avion réparé par Vince Taylor ! Mais non, ce ne fut pas une ère de paix.

 

a224luv.jpg

 

Recueilli in-extremis par une ancienne fan il mena une double vie de poivrot et de coq en pâte. Chouchoutée par une jeune femme qui l'aima au point de lui sacrifier sa vie et sa fortune il continua à boire et à rouler dans sa tête brumeuse les phantasmes d'un impossible retour... Il s'éteignit le 27 août 1991, les os rongés par le cancer. Je vous laisse lire la superbe épitaphe que lui dresse Jean-Michel Esperet à la dernière ligne de son bouquin. Rien que pour elle il vous faut acheter le bouquin. Elle a la concision et la force des meilleures sentences relevées sur les tombeaux grecs antiques.

 

a234jukebox.jpg

 

FRANCE

 

a225disque.jpg

 

C'est notre plus grand rock'n'roller. Merci à Jean-Michel Esperet de lui avoir consacré ce livre. Sans concession. Soulève un à un les langes de la légende et elle n'en est que plus noire. Que davantage rock'n'roll.

 

Damie Chad

 

 

( PS : ce Jet Black Machine II n'est pas la chronique que je vous avais promis à la suite de du J.B.M. I - voir livraison 52 du 12 / 05 / 11 - elle paraîtra plus tard intitulée J.B. M. III. Simple logique aristoto-euclidienne )

 

 

ROCK-A-BILLY / BILLY POORE

 

A Forty-year Journey

 

( Hal Leonard Corporation / 1998 )

 

a235poore.jpg

 

Le Rock à Billy

 

a227caz2.jpg

 

Pendant que la teuf-teuf mobile fonçait vers la capitale et qu'une mémé acariâtre remplissait un seau d'eau de javel pour arroser Damie Chad venu voir les No Hit Makers aux Combustible on se prélassait confortablement dans un canapé avec un bon livre. Comme dirait Bourdieu, jouer les grosses feignasses, oui, mais avec un objectif ! Et quel objectif ! Traverser les quarante ans de souvenirs de Billy Poore, rassemblés dans un gros ouvrage format 21 x 27, paru en 1998. L'ouvrage s'intitule Rockabilly, A forty-Year Journey. Trois cents pages d'une rare densité, qui tiennent bien le lecteur en haleine, un livre qu'on voudrait sans fin, tellement qu'il sent bon le fan. Billy Poore commence à rédiger ses mémoires en 1954, à l'âge de dix ans. Comme d'autres gosses de sa génération, il va prendre Elvis en pleine poire, d'où ce penchant fatal. Il fera comme Bob Luman voyant Elvis sur scène pour la première fois : il décidera de consacrer sa vie au rockabilly. Bob Luman deviendra le rockab légendaire que l'on sait et Billy, lui, organisera à partir de la fin des années soixante concerts avec tous les géants du genre en activité, de Charlie Feathers à Conway Twitty, en passant par Jack Scott, Narvel Felts et Janis Martin. Billy Poore est l'un des témoins clés de cette aventure. Il redit l'importance viscérale du rockabilly à maintes reprises, au fil des pages, et au moins aussi bien que le fait Max Décharné dans son Hipster's Guide To Rockabilly Music, A Rocket in My Pocket ( fraîchement traduit en français et chroniqué par Damie Chad – qui doit bien être le seul à s'être penché sur la chose ).

 

a237sun.jpg

 

Billy Poore vous fera sauter d'émotion en émotion, tel le cabri de rocher en rocher. Ses grandes pages bien remplies fourmillent d'images justes et rondes comme des notes de slap. Justement, il attaque avec Elvis et une double révérence : le fameux son de Sam jamais reproduit ailleurs et le jeu de jambes d'Elvis jamais égalé. C'est exactement là que toute la folie du rockab prend sa source. Pour Billy, le second disque d'Elvis, Good Rockin' Tonight, est le plus grand rockab de tous les temps. Le ton est donné. A partir de là, Billy tient son lecteur par les couilles. Et il ne le lâchera pas. Billy rend ensuite hommage à Carl Perkins qu'il hisse sur un piédestal : l'un des plus grands guitaristes de l'histoire de la musique, pas moins. Et il n'exagère pas tant que ça. Il suffit d'écouter le solo sublime que Carl joue en picking dans Movie Magg.

 

a238meteor.jpg

 

Furtive évocation de Meteor Records, l'antre du rockab primitif : Narvel Felts nous fait baver en affirmant qu'on trouvait ses disques dans tous les juke-boxes du Sud des Etats-Unis. Meteor toujours, avec cette anecdote croustillante : Sam veut que Charlie Feathers devienne aussi célèbre que George Jones dans la Country et pour Charlie, c'est hors de question. Il ne vit que pour le rockabilly. Alors, il claque la porte de Sun Records et file enregistrer Long Tied Jill et Bottle To The Baby chez Meteor. Quand Sam l'apprend, il pique une crise de rage et va chez Charlie pour l'abreuver d'injures. Hélas, Billy refuse de nous dévoiler le détail de la harangue.

 

a239charlie.jpg

 

Justement, Charlie Feathers s'octroie la part du lion dans ce livre. Le chapitre Charlie en est même le coeur palpitant. Billy Poore lui rend le plus grand des hommages. Magistrale évocation de carrière, mais aussi des souvenirs qui valent leur pesant d'or. Charlie et son fils Bubba se retrouvent enfermés dans la cave de Billy Hancock lors d'un déplacement à Washington DC. Ils parviennent à s'évader. Episode hilarant. Billy raconte aussi dans le détail l'enregistrement d'un album de Charlie pour Elektra, avec Ben Vaughn, en 1990. Par trois fois, Charlie menace de rentrer chez lui, à Memphis. Chaque fois, Billy réussit à le ramener au studio. Pour les fans de Charlie, ces pages sont un pur régal. Une véritable bénédiction. Là il faut faire une pause pour écouter One Hand Loose.

 

a240charlie.jpg

 

Gros chapitre consacré à Gene Vincent. Votre petit coeur battra la chamade avec cette tournée au Japon, quand 10 000 fans àccueillent Gene à l'aéroport. Billy va loin, ici encore. Il compare Gene et Elvis. Pour lui, Elvis a la tête du mec qui va séduire votre fille aînée. Gene la tête du mec qui va la violer.

 

a241gene.jpg

 

Sam Phillips réapparaît sans cesse, comme l'Arlésienne : dans le gros chapitre consacré aux frères Burnette qu'il trouvait trop country, comme dans celui consacré à Warren Smith, qu'il considère comme le chanteur de country le plus pur, aussi capable de sortir le meilleur rockab.

 

a242colins.jpg

 

Les personnages de légende se succèdent à un rythme hallucinant : le petit Larry Collins, onze ans, boule de feu, capable de décocher les gimmicks de guitare les plus rapides de son époque, pendant que sa soeur, Lorrie Collins tissait en secret une relation sentimentale avec Ricky Nelson. Lequel Ricky piquait l'orchestre de Bob Luman ( James Burton et James Kirland ) pour enregistrer ses hits rockab de 1957 ( dont certains composés par les frères Burnette ). En 1985, pris d'une soudaine envie de revenir au rockab, il va récidiver en piquant l'orchestre de James Intveld. Mais cela ne lui portera pas chance parce que son avion s'écrase dans les montagnes. Il avait racheté cet avion à Jerry Lee Lewis qui n'en voulait plus. L'avion avait sacrément besoin de réparations et Jerry Lee en avait une peur bleue. Comme le dit si bien Billy Poore, c'est la seule chose dont Jerry Lee ait eu peur dans sa vie...

 

a244matt.jpg

 

On vous a prévenu, c'est un festival incessant. On voit rôder Matt Lucas, batteur et chanteur, voyou et amateur de drogues, et comme Chuck Berry, envoyé au placard à l'âge de treize ans. Hommage appuyé à Alan Freed, inventeur du rock'n'roll, personnage clé de l'histoire du rock et accusé de corruption en 1960. Un type de la commission d'enquête lui demande : « Si on vous propose une Cadillac, vous la refusez ? » Alan Freed rétorque : «  Ca dépend de sa couleur ». On s'en doute, l'humour d'Alan a tapé dans le mille. Il meurt quatre ans plus tard, sans un rond, malade et abandonné de tous ses amis. Billy en fait évidemment un héros. Bon, bref, ils sont des centaines dans ce gros pavé. Tout le monde aura sa dose. Les admirateurs de Buddy Holly, de Big O ou d'Eddie Cochran sont eux aussi très bien servis. Indigestion garantie.

 

a245freed.jpg

 

Billy raconte sa période biker et comment il a osé quitter son poste de secrétaire des Pagans, au péril de sa vie. Comme il est américain, il s'intéresse aussi à des choses qui nous échappent comme le Creedence Clearwater Revival et Linda Ronstadt. Il consacre un gros chapitre aux revivalists, comme Robert Gordon et les Stay Cats dont il aime bien la moitié du premier album. Et il rend un hommage appuyé à Dave Edmunds dont l'album Git It reste au rock ce que Stendhal est à la langue française : un symbole de la perfection.

 

 

Le pompeux Cazengler

 

 

( P.S. : a aussi signé deux dessins mais l'ordi n'a laissé passer que l''en-tête Rock-A-Billy Poore : information secrète du SRR – Services du Renseignement Rock )

 

 

 

 

 

Commentaires

Merci pour ce commentaire sur "Le dernier come-back..."


La première version, chez Praelego, outre le fait qu'elle était terriblement abrégée et bâclée, n'aurait JAMAIS dû paraître du fait de la liquidation judiciaire de cette maison, contemporaine de la sortie annoncée du livre à deux jours près! Mais Praelego avait à mon insu mis quelques copies en prévente sur 2 ou 3 sites commerciaux...

Cordialement

Écrit par : Jean-Michel Esperet | 02/05/2013

Les commentaires sont fermés.